• Le Viking qui voulait épouser la Fille de Soie ; Katarina Mazetti

    «  Pour Milka, qui avait vécu presque toute sa vie derrière les grilles sculptées des fenêtre de la maison de Chernek, le Blecinga devint un pays enchanté où elle était entourée d'êtres dont elle n'avait jamais pu imaginer l'existence. »

    Le Viking qui voulait épouser la Fille de Soie ; Katarina Mazetti

     

    Publié en 2008 en Suède ; en 2015 en France (pour la présente édition) 

    Titre original : Blandat Blod 

    Editions Babel 

    304 pages 

    Résumé :

    Sur une île du Sud de la Suède au Xe siècle, un homme vit seul à la ferme avec ses deux fils. Le chemin de ceux-ci est tout tracé : naviguer au loin, pour guerroyer au-delà des mers à l'Ouest ou pour faire commerce sur les voies fluviales de l'Est. 
    De l'autre côté de la Baltique, à Kiev, vivent un marchand de soie et sa famille. Radoslav rêve de devenir soldat, sa sœur Milka est une jeune fille raffinée qui joue avec ses deux esclaves : Petite Marmite à la peau sombre et Poisson d'Or aux yeux bridés. Quand la belle ville d'Orient tombe aux mains des pillards, Milka et Radoslav trouvent refuge auprès de rustres navigateurs venus du Nord. Dès lors le destin des deux familles est à jamais mêlé. 
    Pour écrire ce roman historique plein de suspense, Katarina Mazetti s'est appuyée sur une documentation solide. Mêlant l'humour franc qu'on lui connaît à un goût pour la poésie et la légende qu'on lui découvre, elle réussit une enthousiasmante variation sur le choc des cultures. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au Xème siècle, quelque part sur une petite île de Scandinavie, Säbjörn est un modeste fermier et constructeur de bateaux. Il a deux fils, Svarte et Kåre qui, une fois adolescents, quittent la ferme paternelle pour parcourir le vaste monde. Svarte, le fils aîné, qui a hérité de la beauté de sa mère, devient commerçant tandis que son cadet s'embarque un peu par hasard et connaîtra bien des revers avant de pouvoir revenir au bercail.
    De l'autre côté de la Baltique, il y'a quelques comptoirs boueux avec lesquels les Vikings font des échanges. En descendant plus dans les terres, au sud, on découvre le territoire de la Rus et la richissime ville de Kiev, sur les bords du Dniepr. C'est là que Svarte va rencontrer la fille d'un marchand de soieries, Milka, une petite brune au teint pâle qui le séduit immédiatement et qui a donné son nom au roman : la fille de soie.
    Très superficiellement, ce qui m'a d'abord attirée dans ce roman, c'est son titre et sa très jolie couverture qui évoque un vitrail. Ensuite, le résumé a fini de m'intriguer et a emporté mes dernières hésitations : ce voyage dans la Scandinavie du Xème siècle et sur la route des Varègues, qui s'enfonce alors dans les territoires d'Europe de l'est, ne pouvait que me plaire. Pensant que l'auteure, Katarina Mazetti, écrivait surtout des romans contemporains -j'avais en tête Le Mec de la Tombe d'à côté, par exemple-, j'ai été surprise de voir que Le Viking qui voulait épouser la Fille de Soie était un roman historique mais cela n'était pas pour me déplaire, au contraire.
    Je m'y suis plongée avec, sinon beaucoup d'attentes, du moins beaucoup de curiosité. Je sais que certains lecteurs ont été déçus et j'ai l'impression que ce livre suscite des avis assez tranchés. On aime, ou pas. En ce qui me concerne, j'ai vraiment beaucoup aimé ce roman qui n'est pas, pour moi, un roman historique comme les autres. Très onirique et dépaysant, ce roman est pour moi, un mélange entre une saga nordique et un conte oriental. Je me suis plongée dedans comme on s'immerge dans une histoire merveilleuse et, en même temps, Katarina Mazetti apporte un éclairage bienvenu sur la société de l'époque, ce qui est finalement typique du roman historique. Vous l'aurez compris, Le Viking qui voulait épouser la Fille de Soie est un livre hors normes et assez inclassable, à bien des égards. Pour autant, j'ai été absolument séduite par cette forme qui n'appartient finalement à aucun genre défini et qui nous fait naviguer un peu dans le flou. Et cela, finalement, correspond bien à une époque dont on ne sait que peu de choses et qui reste assez mystérieuse.
    Cela dit, c'est une société viking débarrassée de ses clichés que Katarina Mazetti nous présente, une société du début du Moyen Âge qui ne va pas tarder à se structurer et à se christianiser, notamment du fait des contacts nourris avec les peuples d'Europe de l'est, qui le sont déjà. Nous sommes dans les années 960-970 et à ce moment-là, en Occident, une dynastie d'origine scandinave règne sur la Normandie depuis 911. Les conquêtes s'arrêtent progressivement, les échanges commerciaux deviennent de plus en plus importants. En Scandinavie, les habitants ne sont pas tous d'imposants géants qui ne pensent qu'à se battre sur leurs drakkars, une hache à la main. On rencontre de modestes fermiers, qui cultivent leurs lopins de terre, des artisans, des marchands, des religieux (devins, prêtresses comme la mystérieuse Arnlög etc). La société viking n'est pas bien différente de celles des autres pays à l'époque, elle est en train de se développer doucement autour des mêmes couches sociales qu'ailleurs.
    Mais dans ce roman, fortement imprégné d'une culture et d'une époque, Katarina Mazetti aborde aussi des sujets bien plus universaux et qui ne concernent pas forcément les hommes du Xème siècle uniquement. Säbjörn le pauvre fermier doit faire face à l'absence de ses proches, parfois incomprise. Svarte et Kåre sont deux frères que la disparité d'affection des parents a fini par opposer, l'aîné cherchant à égaler le cadet qu'il sent plus choyé et plus écouté. Enfin, à travers les personnages de Milka et de ses deux petites esclaves, Petite Marmite et Poisson d'Or (qui sont respectivement originaires d'Afrique du Nord et d'Asie), le roman est l'occasion d'aborder l'arrachement à la terre natale et le manque que cela peut occasionner, le deuil pourrait-on dire, de ce qui a fait toute une vie et disparaît soudainement.
    Le Viking qui voulait épouser la Fille de Soie est un roman très vivant où tout un tas de cultures se rencontrent et se côtoient, loin de cet enclavement et de cette autarcie que l'on prête souvent au Moyen Âge. C'est aussi un roman bien plus universel qu'on ne pourrait le croire et qui peut trouver une certaine résonance chez nous, plus de mille ans plus tard, preuve que les préoccupations et les sentiments humains n'ont pas beaucoup changé depuis des siècles. C'est cela aussi qui m'a évoqué le conte, dans ce livre, l'impression qu'il a été écrit pour chacun d'entre nous tout en restant, aussi, un hommage à une civilisation qui a fini par se diluer progressivement dans une autre.
    Je peux comprendre que sa forme surprenne beaucoup et que le roman suscite des avis tranchés. On aime, ou pas mais l'essentiel est de le lire. Le Viking qui voulait épouser la Fille de Soie fera sortir chacun d'entre nous de notre zone de confort pour nous emporter dans un monde révolu mais que Katarina Mazetti, grâce à de longues et solides recherches, fait revivre dans ce roman. Pour moi, il est justement dosé, il n'en fallait pas plus, il n'en fallait pas moins et ce fut une bonne surprise, un point de départ, aussi : après cette lecture, j'ai très envie de découvrir les vraies sagas nordiques qui semblent avoir beaucoup inspiré l'auteure.
    Je peux donc dire que cette lecture a été une véritable réussite et ce n'est qu'à regret que j'ai quitté ses personnages et les paysages de cette Scandinavie très sauvage du début du Moyen Âge.

    En Bref :

    Les + : une histoire inclassable, pleine de magie mais en même temps appuyée sur des recherches historiques solides. 
    Les - : Aucun. 


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 3 Janvier 2020 à 11:35

    Je dois bien avouer que je n'ai JAMAIS rien lu qui s'apparente aux Vikings. Ni vu de séries ou de films sur cette population. Et comme je suis toujours à la recherche de découvertes surprenantes, il va sans dire que je vais me laisser tenter par cette lecture, dont tu as visiblement raffolée. Merci pour cette découverte ! ;-)

      • Vendredi 3 Janvier 2020 à 14:15

        En ce qui me concerne, ça me trottait dans la tête depuis quelques temps. Et puis sur Instagram, j'avais vu une publication sur un livre traitant de la civilisation viking, que je n'ai toujours pas lu mais que j'ai très envie de découvrir parce qu'au final, on sait peu de choses sur eux. Ou alors, on a en tête beaucoup de clichés qui ne sont pas forcément le reflet de la réalité. 

        Dans Le Viking qui voulait épouser la fille de soie, il n'y a pas de Vikings à casques à cornes, brandissant des haches en descendant de leurs drakkars. On découvre la vie en Scandinavie au début du Moyen Âge, la vie d'artisans et fermiers modestes comme il pouvait y en avoir partout en Europe au même moment. 

        Mais ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman c'est sa forme très particulière qui m'a plus évoqué un conte, une histoire merveilleuse, qu'un véritable roman historique. ^^

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