• Les deux premières enquêtes de Soeur Fidelma : Absolution par le meurtre suivi de Le Suaire de l'Archevêque ; Peter Tremayne

    « L'orgueil de sa fonction sans la compétence est autant un péché que la compétence sans la confiance en soi. »

    Les deux premières enquêtes de Soeur Fidelma : Absolution par le meurtre suivi de Le Suaire de l'Archevêque ; Peter Tremayne

    Publiés en 1994 et 1995 en Angleterre ; 2015 en France (pour la présente édition)

    Titres originaux : Absolution by Murder ; Shroud for the Archbishop 

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives)

    603 pages

    Comprend Absolution par le Meurtre et Le Suaire de l'Archevêque

     

    Résumé :

    En l'an 664, dans une Irlande où les Eglises romaines et celtique se déchirent, l'abbaye de Streoneshalh subit une série de meurtres. Mais soeur Fidelma n'est pas tout à fait une religieuse comme les autres...D'une obstination redoutable, elle est armée d'une rare intuition. Et quand une de ses amies est assassinée, ses talents d'enquêtrice éclatent au grand jour. Puis, en mission à Rome en compagnie de son ami, le moine Eadulf, Fidelma doit à nouveau élucider un sombre mystère : l'assassinat de l'archevêque de Cantorbéry. Un meurtre que l'intrépide duo est tenu de tirer au clair au plus vite. Car dans un contexte politique déjà tendu entre la nouvelle foi et les traditions irlandaises, cette sinistre affaire promet de mettre le feu aux poudres...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous sommes en 664, dans ce qui sera un jour l'Angleterre. Mais au VIIème siècle, le futur Royaume-Uni et ancienne Britannia des Romains n'est qu'une mosaïque de royaumes et de peuples qui cohabitent plus ou moins harmonieusement. L'Irlande et l'Ecosse sont alors des pays bien à part, fortement marqués par leur héritage celtique et qui échappe ainsi à la mainmise des Saxons, qui occupent l'équivalent de l'Angleterre et du Pays de Galles actuel. Plusieurs royaumes ont déjà émergé : la Mercie, la Northumbrie, le Wessex, le Kent... Mais la méfiance creuse un fossé entre ces souverains dont les possessions ne sont parfois séparées que par le cours d'un fleuve. Et, malgré des alliances matrimoniales stratégiques, les relations ne sont pas au beau fixe et tendent à se dégrader. Et si, à cela, s'ajoutent en plus des conflits religieux, la situation des royaumes saxons semblent de plus en plus précaire.
    C'est pourquoi un concile est réuni à Witebia (Whitby) en 664. Ce concile a pour but d'unifier -il le fera, mais temporairement, cependant- les deux Eglises qui s'opposent alors en Bretagne : l'église apostolique et romaine, donc les catholiques, s'oppose aux tenants d'une foi plus traditionnelle obéissant aux préceptes de l'Eglise celtique. Leur doctrine n'étant en effet pas tout à fait la même, cela entraînait opposition et incompréhension entre religieux et prélats. Ainsi, à cette époque, alors que Rome songe de plus en plus sérieusement à abolir une bonne foi pour toutes le mariage pour ses prêtres, les partisans de la foi celtique, eux, ne le comprennent pas. Une harmonisation est donc nécessaire et ce concile doit donc y mener, de préférence, dans le calme et la sérénité.
    Mais voilà que l'abbesse Etain de Kildare, par ailleurs amie de l'enquêtrice, dont nous allons parler dans un instant, qui devait prendre part aux débats dans le camp de l'Eglise celtique, est retrouvée assassinée dans sa petite cellule de l'abbaye de Streoneshalh, où doivent se réunir les religieux. La mort ne fait pas de doute : l'abbesse Etain a eu la gorge tranchée, elle a donc été assassinée. Dès lors, une question se pose : le meurtre a-t-il un rapport avec le concile et les idées de la victime ? Est-ce un fidèle de la foi romaine qui a décidé de faire taire une bonne fois pour toutes un défenseur du camp adverse ? Ou bien, au contraire, est-ce un Irlandais qui aurait perprétré l'assassinat, histoire justement de faire accuser le camp adverse et donc, de le discréditer ou parce qu'il se murmurait que l'abbesse Etain était prête à traiter avec Rome ?
    L'enquête s'annonce trouble et c'est pourquoi elle est confiée à une proche d'Etain, l'une de ses religieuses de Kildare, soeur Fidelma, dont l'intuition, la culture et l'intelligence sont légendaires. La jeune femme, qui n'a pas trente ans, a suivi une formation très complète dans son pays natal, l'Irlande, et elle est devenue, au contact d'érudits en droit celtique, une très bonne avocate, à même de résoudre une telle enquête. Enquête qu'on lui confie, ainsi qu'à un moine saxon, Eadulf, de religion catholique. Ce sera donc l'occasion, pour l'un comme pour l'autre, de se heurter mais aussi de s'intéresser à des coutumes et des traditions qui diffèrent fortement de ce qu'ils ont toujours connu.
    Leur enquête sera cependant menée avec assez de brio pour que, quelques mois plus tard, à Rome, leur duo se reforme pour enquêter cette fois sur l'assassinat, au cœur même du palais pontifical du Latran, à Rome, de l'archevêque de Canterbury, Wighard. Le nouvel archevêque, ayant succédé à Deusdedit, mort pendant le concile de Whitby, s'achemine vers l'ancienne capitale impériale pour présenter au pape les cadeaux rassemblés par les royaumes saxons, désireux de montrer au Saint-Père leur toute nouvelle bonne volonté mais aussi pour recevoir de ses mais son intronisation. Mais il est retrouvé un peu plus tard, étranglé dans sa chambre par sa corde de prières et si tout semble accuser un moine irlandais, Fidelma, secondée par Eadulf, va creuser jusqu'à trouver que le nouvel archevêque de Canterbury avait bien des secrets, qui pourraient expliquer sa mort violente...

    Abbaye de Whitby ou de Streoneshalh où se tint l'important concile de 664


    La réunion des deux premières enquêtes de la foisonnante saga de Peter Tremayne -elle compte à ce jour plus de vingt volumes-, permet de se familiariser longuement avec une enquêtrice pas comme les autres et un contexte histoire qui ne l'est pas moins et peut même parfois s'avérer un peu déroutant. On est loin des sagas victoriennes d'Anne Perry et Ann Granger par exemple ou encore, des aventures en tricorne de notre héros national, Nicolas Le Floch ! ! Peter Tremayne, lui, a choisi de se focaliser sur une époque de bouleversements tant sociétaux que religieux, dans un pays, l'Angleterre, qui n'en est encore qu'à un stade embryonnaire -comme beaucoup d'autres pays européens, d'ailleurs. Les luttes pour le pouvoir sont âpres et violentes, la vie du peuple n'est pas facile et s'est même considérablement assombrie depuis la chute de l'Empire romain, qui n'a eu lieu que quelques deux cents ans plus tôt...toute la société est obligée de se réorganiser doucement, de changer et, même si l'héritage romain est encore fort dans les régions anciennement romanisées, le poids des traditions, notamment celtiques, ne le sont pas moins et ce début du Moyen Âge, loin encore de la renaissance culturelle carolingienne ou, après, de la flamboyance du Moyen Âge central et du Bas Moyen-Âge, est agité et compliqué. On peut donc porter à l'honneur de l'auteur de s'être énormément renseigné et d'avoir basé son récit sur des recherches qui tiennent la route. Il doit pourtant être difficile de s'y retrouver, entre tous les peuples, les royaumes, les courants religieux qui font alors la société de la future Angleterre. Mais on sent que Peter Tremayne connaît son sujet, tant politique, que religieux ou même juridique, puisque son héroïne, Fidelma est avocate dans son pays, l'Irlande.
    Justement, parlons de ce personnage avec lequel nous faisons connaissance dans ces premiers tomes et que nous continuerons à fréquenter au fil de la saga. Fidelma est donc une sœur irlandaise, suivant l'obédience traditionnelle irlandaise -l'Eglise celtique de Saint-Colomba dont le centre névralgique se situe sur la sainte île d'Iona, au large des Highlands- qui arrive du couvent de Kildare pour assister, justement en tant qu'avocate, au concile de Witebia, où elle a été sollicitée pour, éventuellement, apporter ses lumières sur quelques points juridiques. Jeune femme érudite et cultivée de vingt-huit ans, elle a étudié pendant neuf ans le droit brehon, c'est-à-dire l'ancien droit celte, à l'école de Tara. Formée tant en droit civil (Leabhar Acaill) qu'en droit criminel (Senchus Mor), elle a atteint le grade d'anruth, le dernier avant la plus haute distinction juridique d'Irlande. Elle est issue d'une famille royale irlandaise, son frère étant le roi de Munster mais elle est avant tout une fille de Dieu, fervente partisane de la foi celtique et jalouse des prérogatives que le droit irlandais lui procure et qui ne manquera pas, d'ailleurs, de créer quelques frictions avec l'adjoint qu'on lui impose pour la résolution de l'enquête de la mort d'Etain et qu'elle retrouvera ensuite, à Rome, pour élucider le mystère de la mort de l'archevêque de Canterbury. Cet adjoint est aussi éloigné d'elle, par les croyances comme par l'éducation, qu'elle l'est de lui. Alors que Fidelma se considère comme l'égale des hommes et légitime parce qu'elle a étudié et travaillé dur -en cela, elle a donc une vision plutôt moderne de la femme et de ses droits-, les Saxons, eux, et comme beaucoup d'autres peuples à l'époque et bien après, n'accordent aux femmes qu'une place mineure dans leur société ce qui n'est pas sans créer une réelle surprise quand ils assistent à cette enquête menée par une femme. Eadulf a cependant une bonne connaissance des droits et de la religion irlandais et il a même étudié, dans ce pays, la médecine, en l'école réputée de Tuaim Breccain. La collaboration, bien que tendue, va donc se passer relativement bien entre Fidelma et Eadulf et même si l'incompréhension domine parfois, on peut dire que le duo fonctionne plutôt bien.

    Le pape Vitalien pour le compte duquel Fidelma et Eadulf vont tenter d'élucider le meurtre de Wighard de Canterbury dans Le Suaire de l'Archevêque


    Je dois dire que le personnage de frère Eadulf m'a d'ailleurs emballée bien plus rapidement que Fidelma. Ces personnages qui ne doutent de rien et dont l'assurance peut parfois frôler l'arrogance me dérangent en général et j'ai donc du mal à les apprécier. La chose s'était passée, par exemple, avec Lizzie Martin, l'héroïne victorienne d'Ann Granger, que j'ai eu du mal à apprécier dès le début -il m'a fallu trois tomes pour cela. Ici, c'est presque pareil : il aura fallu que j'arrive au bout du second tome pour commencer à sentir un certain attachement poindre envers Fidelma, notamment quand le personnage a suffisamment de sincérité envers lui-même pour se rendre compte et de certaines choses et se les avouer. Et même si Fidelma, d'emblée, m'a plu notamment de part sa défense fervente des droits des femmes, je n'ai pas forcément eu d'affection pour elle, ce qui est dommage et je dois même dire qu'elle m'a parfois sérieusement tapé sur les nerfs ! ! Ceci dit, c'est avec brio qu'elle résout des énigmes compliquées et son intuition toujours juste force le respect. Finalement, au fil de ma lecture, je me suis sentie de plus en plus investie, tenue en haleine...je me suis habituée au caractère un peu hautain voire carrément désagréable de Fidelma comprenant que, pour elle, qui occupe dans une société fortement misogyne une place de premier plan, son attitude était peut-être aussi une façon de se défendre.
    Pour ce qui est ensuite des enquêtes, je dois dire que leur côté fortement religieux ne m'a pas dérangée plus que ça, au contraire, car on est surtout dans l'histoire, la discussion des dogmes et des doctrines, ce qui s'avère plutôt intéressant. Je ne connaissais rien de l'église celtique, du moins à l'église celtique primitive qui précéda notamment le monachisme irlandais des VIIIème et IXème siècles, et j'ai donc appris ce qu'elle était avec plaisir. J'ai trouvé les sociétés saxonnes et romaines de cette époque-charnière bien décrites par l'auteur et suffisamment vivantes pour y immerger le lecteur.
    Bref, au final, ces deux premières enquêtes de sœur Fidelma m'ont vraiment plu et m'ont donné envie de poursuivre mon incursion dans cette saga prometteuse et originale ! ! Le style de l'auteur, simple mais efficace, y est aussi pour quelque chose.
    Une bonne lecture.

    En Bref :

    Les + : des enquêtes originales situées dans un contexte historique qui ne l'est pas moins mais s'avère aussi très intéressant !
    Les - : deux, trois longueurs, mais rien de grave ! ! 

     


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