• Pressentiments ; Katherine Webb

    « Il n'y a pas de beauté dans le mensonge. »

    Pressentiments ; Katherine Webb

    Publié en 2011 en Angleterre ; en 2014 en France (pour la présente édition) 

    Titre original : The Unseen 

    Editions Pocket

    500 pages


    Résumé :

    En 2011, en Belgique, le cadavre parfaitement conservé d'un soldat de la Grande Guerre est découvert, avec, dans ses poches, deux lettres signées H. Canning. Chargée de l'identifier, Leah, journaliste, va remonter le fil d'une histoire initiée un siècle plus tôt, dans une bourgade tranquille du Berkshire, lors d'un été caniculaire. L'été où le révérend Canning et sa naïve épouse Hester voient leur vie bouleversée par l'arrivée de la nouvelle bonne, Cat, ainsi que d'un troublant jeune homme versé dans les sciences occultes. L'été où s'est noué un drame si terrible que, cent ans plus tard, les conséquences s'en font encore sentir...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 2011, Leah, jeune journaliste free-lance, originaire de Londres, est appelée en Belgique pour travailler sur un cas des plus particuliers. Contactée par Ryan, un homme avec lequel les relations sont complexes, qui travaille pour la CSM -la Comission des Sépultures Militaires-, elle doit enquêter sur l'identité d'un homme qui vient d'être exhumé : celui-ci est en fait un ancien soldat britannique de la Grande Guerre, dont le cadavre a été retrouvé parfaitement conservé et portant deux lettres dans sa vareuse. Celle-ci sont signées et donc écrites par la même personne, vraisemblablement une femme, dont le prénom commence par un H et dont le nom de famille est Canning. A partir de ces lettres et des informations qu'elles contiennent, Leah va essayer, en Angleterre et plus particulièrement dans le Berkshire, de reconstituer le fil des événements qui ont conduit, un jour de l'été 1911, ce fameux soldat inconnu à rencontrer Mrs. Canning et elle espère ainsi, par la même occasion, en plus de trouver l'identité du cadavre anonyme, découvrir ce qui s'est passé cet été-là, où bien des vies semblent avoir été bouleversées et quels sont ces événements tragiques dont H. Canning fait mention dans les deux lettres retrouvées sur le soldat.
    En parallèle se dévoile alors l'histoire, qui cent ans plus tôt, intéresse notre journaliste : l'été 1911 est un été caniculaire sur le Berkshire et voit débarquer, dans la tranquille bourgade de Cold Ash Holt, deux personnages inattendus. La première, Cat Morley, est une jeune servante arrivée de Londres, au passé trouble et qui vient travailler au service d'Albert Canning, pasteur de son état et de sa jeune épouse, Hester. Il s'avère qu'au même moment, le pasteur se prend de passion pour une science étrange, nommée théosophie et qui va bouleverser sa vie mais aussi, par ricochets, celle de ses proches.
    Mais laissez-moi vous présenter, en quelques mots, ce qu'est la théosophie, car je ne le savais pas moi-même avant d'ouvrir ce livre ce qu'était ce courant de pensées. Aujourd'hui assimilée à une mouvance sectaire, la théosophie connut pourtant un grand succès en Angleterre entre la fin du XIXème siècle -la Société Théosophique a été créée en 1875- et le début du XXème siècle, mais remonte vraisemblablement à l'Antiquité, le terme faisant son apparition dès le IIIème siècle de notre ère. Formé de deux racines grecques (theos, divin et sophia, sagesse) c'est un système philosophique ésotérique par lequel l'être humain tente de connaître le Divin et d'être initié aux mystères de la Vérité.
    Albert, de plus en plus passionné par cette discipline, fait alors venir à Cold Ash Holt un personnage charismatique et qui se veut un maître théosophe, Robin Durrant, qui va bouleverser la vie tranquille au presbytère, accélérer la désunion du couple Canning, créer des tensions dans la maisonnée.
    Manipulateur, comme tout sectateur, il s'arrange pour éloigner et isoler de plus en plus chaque membre de la famille, qu'il peut ensuite modeler à sa guise. Mais bientôt, le pire se produit, un événement effroyable et qui va marquer à jamais des générations de Canning, au point que cette chose si grave qui survient à l'été 1911 devient pour eux un secret douloureux, connu mais tu comme un tabou. Et c'est celui-ci que Leah, aidée par le descendant d'Hester et d'Albert, Mark Canning, va essayer d'élucider pour comprendre enfin le lien entre Hester Canning et le mystérieux soldat mort en Belgique et essayer enfin, grâce à diverses hypothèses et conjectures, pouvoir retracer sa courte existence et essayer de lui donner un nom. Ce qu'elle va découvrir ne va pas manquer d'être surprenant, bien sûr.
    Avec Pressentiments, nous faisons vite connaissance de personnages ciselés et intéressants, que ce soient les contemporains ou ceux de 1911. De nos jours, c'est Leah, la jeune Londonienne attachante qui mène la danse : jeune femme d'aujourd'hui, journaliste free-lance qui en veut, c'est sa vie sentimentale qui lui pose problème, depuis une histoire mouvementée et une rupture récente qui l'a fragilisée ; elle se lance donc dans cette aventure comme dans une grande quête afin d'oublier ses démons. Ryan est lui aussi un jeune homme très actuel, un peu bobo, très cool mais avec des parents pleins aux as, ce qui ne fait pas de lui pour autant quelqu'un de bien sans être non plus un sale type. L'histoire tourne surtout autour du duo formé par Leah et son acolyte de choc, Mark Canning, franchement désagréable au début de l'histoire mais dont les failles se révèlent peu à peu et permettent alors au personnage de devenir plus humain et compréhensible aux yeux du lecteur.
    En 1911, un peu plus de personnages se croisent et s'entrecroisent au presbytère de Cold Ash Holt en cet été particulièrement torride : les maîtres des lieux sont Albert et Hester. Lui est pasteur, elle, amoureuse de son mari à plein temps mais, après un an de mariage et une absence d'enfants qui devient de plus en plus cruelle, la naïve et conventionnelle Hester se rend compte que quelque chose cloche chez son terne mari. L'arrivée de Robin Durrant, le théosophe, va bouleverser leur existence à tous deux, irrémédiablement, dans la mesure où ce personnage va exercer une véritable attirance, une véritable fascination sur les deux autres, bien que ce soient pour des motifs différents et que l'ascendant qu'il va prendre sur chacun deux passera par des chemins différents. Robin Durrant est un personnage vraiment complexe, que j'ai aimé découvrir en temps que lectrice parce qu'il a beaucoup de relief et que je l'ai trouvé vraiment abouti mais dans l'intrigue, il est absolument détestable ! Quoique...les moments où le manipulateur froid et calculateur ressort nous le font en effet totalement détester...mais il a aussi des moments plus humains qui nous font sans cesse balancer entre une certaine compréhension et une vraie aversion. Il est clair que ce personnage est absolument fascinant et on ressent donc, même à travers les pages, l'influence insidieuse et ondoyante qu'il a pu avoir sur des personnes fragiles et en détresse morale, comme Hester Canning.
    Enfin il y'a Cat, de son vrai nom Catherine Morley, l'autre personnage principal du moment. Ancienne servante londonienne au passé trouble, elle arrive à Cold Ash Holt, dans une maison respectable afin de se refaire une virginité en quelque sorte. Agée de vingt-deux ans, elle paraît pourtant plus vieille, écorchée par la vie. Cat fait partie de ces classes défavorisées et laborieuses que la fulgurante industrialisation de l'Angleterre a vu naître dans le sillage des grands progrès du XIXème siècle. Orpheline très jeune, sans trop de perspectives d'avenir hormis celle de domestique, voire pire, Cat, idéaliste, a épousé les causes de son temps, peut-être un peu trop, d'ailleurs...elle cache au fond d'elle beaucoup de failles et de fragilités qui nous la font vite aimer, bien qu'elle soit difficile à apprivoiser, tout comme Sophie Bell, d'ailleurs, autre servante du presbytère et qui devient soudainement plus humaine quand le secret qu'elle porte depuis longtemps nous est enfin dévoilé.
    Pressentiments est un bon roman à secrets, dans la veine de ceux de Kate Morton -maîtresse du genre- et de L'Héritage, le premier roman de Katherine Webb, que j'ai lu l'an dernier et qui m'avait fait forte impression. Je crois d'ailleurs que j'ai préféré celui-ci à Pressentiments, même si ce dernier m'a plu, n'exagérons rien ! Je l'ai seulement trouvé un peu plus longuet que L'Héritage, j'ai eu le sentiment que certains chapitres traînaient un peu en longueur et m'empêchaient ainsi de savoir où l'auteur voulait en venir, mais son style clair et fluide, facile à aborder, compense facilement cette petite lacune. Au contraire de L'Héritage, cependant, Pressentiments est moins prévisible ou alors, je me suis malgré tout plus laissée porter par l'histoire sans forcément essayer de résoudre l'énigme...pourtant, j'en ai échafaudé, des conjectures et des hypothèses. L'une s'est avérée juste, pas l'autre...j'ai d'ailleurs été extrêmement surprise par la fin car je ne m'attendais absolument pas à ça !
    Bien mené et porté par des personnages dignes d'intérêt et solides, le roman est efficace, malgré quelques longueurs. Je me suis d'ailleurs parfois demandé où l'auteure voulait en venir car j'avais l'impression que l'intrigue stagnait un peu...peut-être aurait-elle eu parfois plus de dynamisme si les chapitres alternent entre 2011 et 1911 s'étaient intercalés plus régulièrement...mais dans l'ensemble, j'ai été très satisfaite de cette lecture, j'ai trouvé l'intrigue vraiment aboutie : le secret y est pour beaucoup, il faut bien le dire, mais il faut que celui-ci soit suffisamment bien traité, avec de petites doses savamment distillées pour garder l'intérêt du lecteur intact. Katherine Webb y arrive plutôt pas mal, en fait ! ! Peut-être pas aussi bien que Kate Morton mais ses romans valent la peine, franchement ! !
    L'intrigue gagne également en teneur de part le sujet qui la supporte tout au long du roman, en forme de fil conducteur : la théosophie, science occulte que l'on pourrait rapprocher finalement d'une mouvance sectaire et qui effectivement en est une, dans la manière dont l'auteure la traite au travers de la figure de Robin Durrant, manipulateur hors pair et inquiétant.
    Pressentiments est une bonne lecture, un roman qui vaut le coup. Mon attention avait d'abord été attirée par la couverture, très jolie et je ne regrette pas d'avoir jeté un œil à ce qu'elle cachait ! Je vous le conseille.

    En Bref :

    Les + : un secret intéressant et une intrigue sympa servie par un style sans fausse note.
    Les - : quelques longueurs. 

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Lundi 20 Juin 2016 à 11:08

    J'entends beaucoup de bien de cette auteure, il faudrait que je tente.

      • Lundi 20 Juin 2016 à 11:52

        Je te le conseille, en tous cas. ^^ Tu devrais tenter L'Héritage aussi, qui est vraiment bien. C'est avec celui-ci que j'ai découvert Katherine Webb et j'avais beaucoup aimé. Bon, j'avais deviné plus ou moins le secret en cours de lecture mais ça ne m'avait pas gênée plus que ça... 

        Là, avec Pressentiments, je l'ai trouvé parfois plus longuet mais j'ai été déconcertée par le dénouemtn, parce que je ne m'attendais pas du tout à ça. cool

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