• « La première fois que vous vous apercevez à travers les yeux d’une personne comme celle-là, c’est un instant terrifiant. C’est comme vous entrevoir dans un miroir devant lequel vous passez chaque jour de votre vie, et soudain il vous renvoie autre chose, une image troublante et étrange. »

    Auprès de moi toujours ; Kazuo Ishiguro

    Publié en 2005 en Angleterre ; en 2011 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Never Let Me Go

    Editions Folio

    441 pages

     

    Résumé :

    Kath, Ruth et Tommy ont été élèves à Hailsham dans les années quatre-vingt-dix ; une école idyllique, nichée dans la campagne anglaise, où les enfants étaient protégés du monde extérieur et élevés dans l’idée qu’ils étaient des êtres à part, que leur bien-être personnel était essentiel, non seulement pour eux-mêmes, mais pour la société dans laquelle ils entreraient un jour. Mais pour quelles raisons les avait-on réunis là ? Bien des années plus tard, Kath s’autorise enfin à céder aux appels de la mémoire et tente de trouver un sens à leur passé commun. Avec Ruth et Tommy, elle prend peu à peu conscience que leur enfance apparemment heureuse n’a cessé de les hanter, au point de frelater leurs vies d’adultes.

    Kazuo Ishiguro traite de sujets qui nous touchent de près : la perte de l'innocence, l'importance de la mémoire, la valeur que chacun accorde à autrui. Ce chef-d'oeuvre d'anticipation raconte une histoire d'humanité et d'amour dans l'Angleterre contemporaine. Il est appelé à devenir le classique de nos vies fragiles. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Ce livre m'a été prêté par une amie qui me l'a présenté un peu de cette façon : « Je n'avais pas aimé le film, mais j'ai été emballée par le livre. Tu verras, c'est assez particulier...en fait, c'est l'histoire de jeunes pensionnaires, en Angleterre, ils vivent dans des conditions idylliques dans un bel endroit et puis...on finit par apprendre qu'ils ne sont peut-être pas là par hasard...enfin bref, je peux pas trop en dire, sinon je vais te dévoiler quelque chose que je ne devrais pas ! ! »
    Et je trouve, maintenant que je l'ai lu, qu'elle a très bien résumé Auprès de moi toujours. En effet, ce genre de livre, comme Le Confident, chroniqué sur ce même blog il y'a quelques jours, est un véritable casse-tête ! Comment écrire une chronique sans rien dévoiler qui puisse empêcher un lecteur de découvrir cette lecture ? Comment faire pour cependant le présenter au mieux et livrer tout de même mon avis profond sur ce roman.
    La première chose que je dirais, c'est que ce roman a été une grosse claque. Percutant, choc, dérangeant, Auprès de moi toujours m'a tourné dans la tête tout le temps de ma lecture. Et même ensuite, je dois dire que ce n'est pas le genre de lecture dont on se débarrasse comme ça. Vite lu, vite oublié n'est sûrement pas un dicton littéraire à appliquer à ce roman car ce n'est absolument pas le cas. Et je pense que cela arrive que l'on ait aimé le bouquin ou non. On ne peut pas en ressortir avec indifférence, quoi qu'on ait pensé ensuite du livre en lui-même.
    Nous sommes donc à la fin des années quatre-vingt-dix, quelque part en Angleterre -nous ne savons pas exactement où. Le pensionnat d'Hailsham, beau bâtiment de briques rouges est perdu dans un cocon de verdure, de prairies et de bois et offre ainsi aux élèves qui le peuplent un cadre de vie idéal. Les enfants qui y sont pensionnaires y font leur apprentissage de leur plus tendre enfance jusqu'à l'adolescence, où ils vont, après une période de deux années passée à se familiariser avec leur future existence, découvrir le vaste monde, ce qui ne se fera pas sans mal car ils ont été plus que protégés depuis leur enfance par les personnes en charge de leur éducation et qu'ils appelaient gardiens. Car on se rend vite compte, à la lecture de ce livre, que ces élèves ne sont pas comme tous les autres et qu'ils portent en eux une vérité extrêmement dérangeante et à laquelle, d'ailleurs, l'auteur nous prépare doucement. C'est à travers les yeux de Kathy H., trente-et-un ans, ancienne pensionnaire d'Hailsham que l'on comprend petit à petit ce que sont réellement les enfants d'Hailsham et quelle est aussi leur place réelle dans le monde. Un monde qui a besoin d'eux mais qui s'arrange aussi pour faire comme s'ils n'existaient pas.
    Auprès de moi toujours est un roman dérangeant. Très dérangeant, même et qui procure une drôle de sensation au lecture car il est finalement très plausible. Toute l'histoire, basée sur une description de l'Angleterre contemporaine, entre la fin des années quatre-vingt-dix et nos jours, serait somme toute assez banale sans cette particularité des enfants d'Hailsham qui constitue aussi toute la trame du roman. Ces enfants apprennent, jouent au foot, s'aiment et se détestent, se disputent et nouent des amitiés. Ils connaissent des hauts et des bas, des joies et des peines...comme tout le monde en fait.

    Ruth (Keira Knightley) , Kathy (Carrey Mulligan) et Tommy (Andrew Garfield) dans le film tiré du livre (2010)


    Et plus il est plausible, ce roman, plus il est dérangeant et ainsi de suite...c'est un engrenage vicieux qui s’amorce dès que l'on a compris de quoi il en retourne. Et on comprend aussi pourquoi ce roman d'Ishiguro est classé dans la catégorie Littérature de l'imaginaire ou est considéré comme un roman d'anticipation, au même titre que Le Meilleur des Mondes, d'Aldous Huxley ou encore 1984, de George Orwell, ce que le résumé, en lui-même, ne laisse pas transparaître, et pour cause. Ce roman nous questionne intimement sur notre condition d'être humain, sur l'éthique, la morale et donc, sur le malaise que cette conscience aiguë de notre humanité peut faire naître quand nous sommes soudain confrontés à des manipulations qui dépassent notre entendement.
    Pour ce qui est ensuite du roman dans son ensemble, je dois dire que j'ai été très agréablement surprise, tant par les personnages que par le style. Certains lecteurs n'ont pas aimé les personnages qui étaient trop creux à leur goût ou pas assez travaillés mais moi j'ai trouvé au contraire qu'ils étaient tous très aboutis, avec des caractères et des psychologies personnels et bien traités ; Ishiguro s'interroge avec beaucoup de justesse et de pudeur sur le sentiment amoureux, l'amitié, l'importance des autres dans notre vie, sur la solitude, notamment au travers de trois personnages qui se démarquent des autres : Kathy H, donc, la narratrice et ses deux amis d'enfance, Tommy et Ruth.
    Enfin, pour ce qui est du style, je dois dire que j'ai vraiment savouré les mots, et même si j'ai préféré la première partie, consacrée essentiellement aux souvenirs de Hailsham, j'ai été très vite séduite par le style de l'auteur, que je ne connaissais pas du tout. Alternant entre des passages plus oraux et d'autres écrits de façon un peu plus littéraire, le livre s'articule bien et se lit facilement, malgré les nombreux retours en arrière, les souvenirs qui, soudain, viennent émailler le récit de Kathy.
    Je dois dire que j'ai vraiment apprécié ce roman, même si j'ai été très effrayée quand j'ai compris de quoi il en retournait réellement. Mais je suis allée jusqu'au bout et je ne regrette pas car ce roman fait partie de ceux qui nous font aussi nous sentir incroyablement vivant et heureux aussi de notre condition, quand on y réfléchit. Car ce que nous raconte Ishiguro est plausible et si vraisemblable que l'on peut aisément imaginer que Auprès de moi toujours, bien qu'écrit dans le passé -un passé proche ceci dit-, pourrait être l'un des aspects de l'avenir du monde. Profitons alors de ce que l'on a. Une belle lecture qui choque, mais qui fait réfléchir et que je conseille.

    En Bref :

    Les + : une histoire à la teneur certaine malgré son côté choquant, des personnages bien traités, un style agréable à lire et à découvrir.
    Les - : Aucun !
     

     

     


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  • « Demain nous courrons plus vite, nos bras s’étendront plus loin... C’est ainsi que nous avançons, barques luttant contre un courant qui nous rejette sans cesse vers le passé. »

    Gatsby le Magnifique ; Francis Scott Fitzgerald

    Publié en 2008

    Date de publication originale aux Etats-Unis : 1925

    Date de publication originale en France : 1926

    Titre original : The Great Gatsby

    Editions Le Livre de Poche

    250 pages

    Résumé :

    Nous sommes au lendemain de la Grande Guerre, le mal du siècle envahit les âmes. C'est l'époque de la Prohibition et des fortunes rapides.                                                                                                       En 1922, Jay Gatz, désormais Gatsby, se retrouve fabuleusement riche. Mille légendes courent sur son compte, qui n'empêchent pas les gens chic -et moins chic- de venir en troupe boire ses cocktails et danser sur ses pelouses. Gatsby le Magnifique joue la carte des folles dépenses pour éblouir Daisy, mariée à Tom Buchanan, un héritier millionnaire.                                                           Le jour où l'espoir de conquérir sa bien-aimée s'évanouit, la fête prend fin brutalement...Gatsby le Magnifique est un des romans emblématiques de la littérature américaine du XXe siècle.   

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous sommes à New York dans les années 1920. La Grande Guerre est terminée depuis quelques années, et sur le Vieux Continent et aux Etats-Unis, on cherche à s'étourdir et à s'enivrer, après des années terribles. Sur la côte est, la jeunesse dorée passe de fêtes en fêtes et de garden party en garden party. Les maisons sont sublimes, les gens riches, les robes superbes et les filles qui sont dedans ne le sont pas moins.
    Nick Carraway, jeune homme d'une trentaine d'années, originaire du Middle West, débarque à New York où il devient agent de change. Il habite une petite maison qui ne paye pas de mine, dans le secteur de Long Island, mais il se trouve qu'il est le voisin d'un homme mystérieux au luxe voyant, vivant dans une maison opulente, toujours pleine d'invités. Cet homme, Jay Gatsby, personne ne sait réellement quoi que se soit sur lui. Mais Nick va vite devenir son ami, du moins l'une des rares personnes ne le fréquentant pas seulement pour son argent et ses fêtes et le jeune homme va vite se rendre compte qu'il serait peut-être bien plus lié à son voisin qu'il ne le pensait, notamment par le biais de sa cousine, Daisy Buchanan, qui vit de l'autre côté du détroit, juste en face de chez Gatsby...et si, justement, ce n'était pas un hasard ? Nick va alors être embarqué dans une histoire peu banale, un véritable tourbillon, dans lequel il va rencontrer une jeune femme qui lui plaît et avec qui il va nouer une fugace relation, mais il va aussi découvrir comment, dans ce monde où l'on est si pressé de vivre, on peut se brûler les ailes aussi rapidement pour ne plus jamais s'en relever.

    Gatsby le Magnifique version 1974 avec Robert Redford dans le rôle titre et Mia Farrow dans le rôle de Daisy (film réalisé par Jack Clayton)


    Roman dans lequel surnage un certain relent de déchéance, Gatsby le Magnifique est aussi un portrait gangrené de l'Amérique de l'après-guerre. Car dans l'étourdissement général, la soif de vivre, de faire la fête, d'aimer, l'ivresse n'est jamais loin et les choses les plus sordides non plus. C'est l'Amérique de la Prohibition, quand les nouvelles fortunes voisinent de plus en plus dangereusement avec celles, bien établies, remontant à des décennies. Un peu comme dans Le Guépard, de Lampedusa, où la famille ancestrale doit cohabiter avec l'insolente fortune des parvenus qui sont en train de devenir plus riches qu'eux et qu'elle ne comprend pas. Ici, c'est un peu la même chose. Et si Gatsby représente ces nouvelles fortunes un peu troubles, dont les origines se noient dans des limbes brumeuses qu'il ne ferait peut-être pas bon écarter, il se heurte à la condescendance et au mépris des fortunes installées, comme celle de Tom Buchanan, le mari de Daisy. Le roman va ainsi crescendo, de l'insouciance jusqu'au drame inextricable.
    Gatsby le Magnifique est un roman aux qualités littéraires indéniables mais je crois être passée totalement à côté de ma lecture. Je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire, le début m'a paru très long et laborieux et ce n'est finalement que sur les derniers chapitres que mon attention a été quelque peu retenue, quand l'histoire gagne en intensité dramatique et donc, en teneur -il en va d'ailleurs de même pour les personnages. D'ailleurs, parlons d'eux. J'ai plutôt apprécié Nick, le narrateur, même s'il reste relativement effacé, si on occulte bien sûr le fait qu'il est omniprésent en sa qualité de narrateur. Pour ce qui est ensuite de toutes les aventures qui arrivent aux personnages principaux, on a plutôt l'impression qu'il y est entraîné de force, jamais de son plein gré. Il est un spectateur un peu impuissant du drame qui se noue doucement entre Gatsby, Tom, la maîtresse de celui-ci...J'ai par contre apprécié Gatsby qui est l'un de ses seuls personnages qui paraisse humain dans cette histoire, avec des failles, un passé un peu trouble voire malheureux dont il a voulu s'émanciper en s'étourdissant dans le luxe et en côtoyant des gens qui, peut-être, le méprisent mais profitent aussi allègrement de ses largesses, lui donnant ainsi l'impression d'être incontournable et aimé. Peu importe ensuite la façon dont il a fait fortune, il y'a quelque chose chez lui de touchant. Il est aussi l'un des seuls personnages dont nous connaissons plus ou moins le passé ; même Nick, le narrateur, ne s'étend pas sur le sien, comme s'il était plutôt pressé de raconter ce qui s'est passé durant son séjour à New York et non pas ce qu'était sa vie à Chicago, avant sa rencontre avec Gatsby, qui est déterminante pour lui, on le comprend vite. Il n'y a donc que Jay Gatsby dont on sait plus ou moins ce qu'a été sa jeunesse et, peut-être pour cette raison il est plus proche du lecteur que les autres. Ses plaies et ses blessures anciennes le descendent aussi de son piédestal. Pour ce qui est ensuite des autres personnages, notamment Daisy et son époux, je ne m'y suis absolument pas attachée car ils m'ont semblé trop superficiels.
    Bref ce roman est bon, je ne peux pas le nier. C'est un classique de la littérature américaine, avec une identité propre, ça encore, on ne pas dire le contraire. Mais voilà, je crois qu'il ne m'a pas correspondu. Je ne peux pas dire qu'il ne m'ait pas plu car je ne l'ai pas trouvé déplaisant non plus, mais il ne m'a pas transcendée, il ne m'a pas captivée, il ne m'a pas entraînée. J'ai eu l'impression de lire ce livre de façon mécanique et détachée. Dommage.

    La version 2013 avec Leonardo DiCaprio dans le rôle titre et Carrey Mulligan dans le rôle de Daisy (film réalisé par Baz Luhrman)

     

    En Bref :

    Les + : des qualités littéraires certaines, notamment le style.
    Les - :
    une histoire un peu trop froide et distanciée, des personnages superficiels auxquels on ne s'attache pas. 

     

     

     

     


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  • Ne jamais s'approcher trop près du soleil...

    Versailles (série télévisée)

     

     

    Série historique créée par Simon Mirren et David Wolstencroft pour Canal + et Super Ecran

    Pays d'origine : France et Canada

    Première diffusion : 16 novembre 2015

    Distribution :

     

    George Blagden (Louis XIV) ; Alexander Vlahos (Philippe de France, duc d'Orléans, frère du roi) ; Elisa Lazowski (Marie-Thérèse, reine de France) ; Noémie Schmidt (Henriette-Anne d'Angleterre, duchesse d'Orléans, épouse de Philippe) ; Anna Brewster (Athénaïs de Montespan) ; Sarah Winter (Louise de la Vallière) ; Amira Casar (Béatrice de Lorraine) ; Maddison Jaizani (Sophie, la fille de Béatrice) ; Evan Williams (Philippe de Lorraine, amant du duc d'Orléans) ; Tygh Runyan (Fabien, chef de la police du roi) ; Stuart Bowman (Alexandre Bontemps, premier valet de chambre du roi) ; Joe Sheridan (Louvois) ; Thierry Le Nôtre (André Le Nôtre) ; Steve Cumyn (Colbert) ; Peter Hudson (Masson, médecin du roi) ; Lizzie Brocheré (Claudine Masson) ; Pip Torrens (le seigneur de Cassel) ; Anatole Taubman (Montcour) ; Dominique Blanc (Anne d'Autriche) ; David Stanley (Louis XIII) 

    Synopsis :

    Le Roi de France, Louis XIV, a 28 ans. Il souhaite soumettre la noblesse française à l'autorité du pouvoir royal. Pour s'éloigner de Paris et des événements de la Fronde qui le hantent encore à ce jour, il décide de déménager son gouvernement dans l'ancien pavillon de chasse de son père. Afin d’attirer les nobles à sa Cour et ainsi les garder sous contrôle, il lance la construction du plus somptueux des châteaux : Versailles. Cette entreprise démesurée et coûteuse va attiser mécontentements et discordes. Dans une Cour gangrenée par les complots, comment Louis XIV pourra-t-il imposer son pouvoir, vivre ses passions amoureuses et mériter son titre de Roi Soleil ?

    Bande-Annonce :

    Mon Avis :

    La série Versailles aurait pu être très bien, malheureusement, elle pèche par bien des aspects. Le règne de Louis XIV a de quoi inspirer, que ce soit la littérature ou le cinéma et l'idée était plutôt bonne de créer une série sur ce personnage emblématique de notre Histoire. Autre idée judicieuse, que la série soit diffusée à la fin de l'année 2015, histoire de clore plutôt bien l'année de tricentenaire de la mort du Roi-Soleil. Seulement la série est trop fantaisiste et peu crédible. En fait, elle est très visuelle, les acteurs sont bons, les décors naturels superbes, les costumes de même, quoique très sobres. Mais la chronologie historique ne suit pas et c'est dommage car le règne de Louis XIV est l'un des plus documentés, avec des chroniques d'époque comme de très bons travaux d'historiens contemporains, et il n'y avait donc que l'embarras du choix, pour les créateurs, dans les sources dans lesquelles ils auraient pu puiser pour créer une trame au moins solide, ce qui n'est pas le cas ici. Les auteurs se concentrent essentiellement sur un règne remanié, romanesque, et malheureusement pas sur la formidable création de Louis XIV qui a donné son nom à la série : Versailles. L'on aperçoit finalement qu'en toile de fond le formidable chantier que le jeune roi lance à la fin des années 1660...On s'attend, pourtant, à ce que le château soit mis un peu plus en avant, et malheureusement, ce n'est pas le cas, les épisodes tournant finalement autour d'une intrigue crapuleuse qui finit par devenir de moins en moins crédible.
    Cela dit, Versailles est aussi une série qui captive dans le sens où de très belles images se succèdent. Les acteurs, confirmés ou non, y étaient aussi pour beaucoup. On retrouve, en duo de frères ennemies, George Blagden, jeune acteur anglais connu dans Vikings et Alexander Vlahos, révélé plus jeune par la série Merlin. Les deux jeunes hommes sont de bons acteurs, habités et au jeu juste. La jeune actrice française Noémie Schmidt se révèle aussi dans le rôle touchant d'Henriette-Anne d'Angleterre, la jeune duchesse d'Orléans fauchée en pleine jeunesse à 26 ans...enfin, on a aussi la surprise de retrouver dans la série Lizzie Brocheré, une actrice française elle aussi et qui, pour la petite anecdote, avait incarné Louise de la Vallière dans un téléfilm sur Fouquet. On retrouve ensuite des acteurs plus connus et confirmés, tels Amira Casar, actrice cosmopolite et polyglotte, dans le rôle de l’intrigante. On peut regretter que la série n'ait pas été tournée intégralement en français dans la mesure où le sujet est éminemment français...en effet, quel monarque peut encore, à l'heure de la République, se targuer d'une telle image nationale et fédératrice que Louis XIV ?

     


    Enfin, un petit mot sur les décors naturels : la série a été tournée dans plusieurs châteaux contemporains de Louis XIV, en région parisienne. Ainsi, Maisons-Laffitte, Champs-sur-Marne, Vaux-le-Vicomte sont utilisés comme décors, intérieurs et extérieurs et voisinent avec des châteaux au style plus éclectique comme Pierrefonds, remanié au XIXème. Ces décors naturels et sublimes donnent à la série une authenticité qu'elle avait malheureusement perdu à cause de sa chronologie fantaisiste et de son intrigue un peu trop romanesque et aventureuse.
    J'ai eu un coup de cœur, enfin, pour la bande-originale qui est une chanson du groupe M-83, Outro. Le morceau avait déjà été utilisé sur le film Melancholia de Lars von Trier et est, sans conteste, abouti et superbe. Planant à souhait, il accompagne un générique technique et ciselé, comme les séries télévisées savent si bien le faire. Et surtout, cette chanson d'ouverture rattrape sans conteste le reste de la bande-son, un peu indigente et qui aurait mérité un peu plus de notes de clavecin, plutôt que des musiques électroniques et qui ne collent pas à l'ambiance.
    Bref, cette série aurait pu être très bien mais malheureusement, trop d'incohérences et d'anachronismes la rendent peu crédible historiquement parlant et c'est dommage dans la mesure où ce n'est pas le résultat d'un manque de documents et de sources. Un conseiller historique sur une série historique, franchement, ça ne peut pas faire de mal.
    Mais attention, pour autant, j'ai trouvé plaisant de regarder cette série, non seulement pour ses décors et ses tourbillons de costumes. On rentre vite dans l'ambiance, on se laisse quand même emporter, même si on s'aperçoit rapidement que les images ne collent pas réellement avec l'idée que l'on se fait, tant du roi que de son règne et de sa cour. Et même l'intrigue romanesque et policière, peu crédible à la longue, est distillée de façon assez savante pour éveiller le suspense et la curiosité.
    En bref, Versailles, c'est n'importe quoi question Histoire mais ça reste une série divertissante et agréable à voir quand même.

     

     


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  • « Le cœur d'un homme vaut tout l'or d'un pays. » Garin Le Lorrain (chanson de geste du XIIème siècle)

    Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour, tome 6, Rouen, 1203 ; Jean d'Aillon

    Publié en 2015

    Editions J'ai Lu

    512 pages

    Sixième tome de la saga Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour

    Résumé :

    Saint-Jean-d'Acre, 1203. Une nef génoise arrive à Marseille. Elle débarque un templier infidèle, une jeune veuve, un arbalétrier et un clerc en mission pour Aliénor d'Aquitaine. Cette dernière veut voir le saint linceul du Christ avant de mourir. Cette précieuse relique est très convoitée. Certains souhaitent la posséder pour son caractère sacré, d'autres veulent s'en servir pour asseoir leur pouvoir perdu. 

    Guilhem d'Ussel se retrouve, malgré lui et pour venger les siens, emporté dans ce combat. Les destins se croisent à Rouen, où Arthur, le jeune duc de Bretagne, est retenu prisonnier par son oncle Jean sans Terre. 

    Qui obtiendra la sainte relique ? Arthur sera-t-il délivré par ses fidèles ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous voici donc en 1203. Juste rentrés de Rome, où ils ont connu maintes aventures, Guilhem d'Ussel, Robert de Locksley, son épouse, Anna Maria et le frère de cette dernière, Bartolomeo, font étape à Marseille, avant de repartir vers leurs fiefs respectifs : Lamaguère, dans le Toulousain, pour Guilhem et ses gens et son château d'Ile-de-France, donné par le roi, pour Robert et Anna Maria.
    Marseille est alors un port important où accostent toutes sortes de bateaux et, alors que notre joyeuse troupe se trouve encore dans la cité phocéenne, voilà qu'une nef génoise, arrivant tout droit de Terre Sainte, débarque dans le port un contingent d'hommes d'armes mais aussi de personnages qui auront leur importance pour la suite du récit : un chevalier musulman se faisant passer pour un chrétien, un clerc au service d'Aliénor d'Aquitaine, une jeune veuve, un Templier qui semble cacher quelque chose...l'intrigue du roman se noue ici, sur les quais du port de Marseille, avant de se transporter vers la ville de Rouen, capitale du duc de Normandie -qui est aussi le roi d'Angleterre...et, en ce début de XIIIème siècle, le roi d'Angleterre est le triste sire Jean sans Terre, dernier fils d'Aliénor et d'Henri II Plantagênet, homme fourbe et violent qui n'a rien trouvé de mieux que d'emprisonner sévèrement son neveu qui s'est révolté, se mettant ainsi à dos une bonne partie de ses sujets continentaux, fidèles au jeune duc Arthur de Bretagne et revendiquant avec lui, et pour lui, la couronne anglaise qu'ils estiment injustement posée sur la tête du dernier frère du Cœur-de-Lion.
    Rien ne prédestinait Guilhem à se trouver ainsi mêlé à une querelle de famille ne le concernant pas. Mais voilà qu'à peine revenu à Lamaguère, accompagné de quelques hommes d'armes recrutés à Marseille et de cette jeune veuve dont il ne sait rien, il trouve meurtris, dans leur demeure, un de ses hommes, sa femme et leur bébé, ainsi que Thomas, le templier mystérieux, débarqué lui aussi à Marseille et qui a accepté de faire route avec Guilhem vers le Toulousain et, de là, vers le nord...que s'est-il passé ? Lancé à la poursuite de ceux dont il pense qu'ils sont coupables, Guilhem va finalement, en essayant de venger les siens, se trouver étroitement mêlé aux remous qui agitent les possessions anglaises en France...
    Ce sixième tome est un peu plus long à démarrer et nécessite un appui solide dès le début pour que le lecteur comprenne bien les tenants et aboutissants de toutes les histoires particulières qui se mêlent pour former ensuite l'intrigue aventureuse de Rouen, 1203. Ainsi le roman débute-t-il réellement en 1201, avec la présentation de plusieurs personnages qui auront un rôle à jouer dans la suite du récit : c'est ainsi le cas de Thomas, templier de Terre Sainte, embarqué à Acre vers le royaume de France et porteur d'un trésor inestimable -pense-t-il-, pour la Chrétienté entière ; Flore, jeune veuve d'un serf de l'abbaye de Tiron, parti en Terre Sainte dans l'espoir d'échapper définitivement à sa condition servile et qui n'y a trouvé que la mort, Flore, dont un homme d'armes de Guilhem va s'éprendre follement ; Marc de Saint-Jean, faux chevalier croisé qui répond en fait au nom de Ali-i Sabah et fait partie du courant musulman des ismaéliens et se trouve en mission pour son peuple en France ; Ferrière, un homme qui cache bien des secrets à l'instar de Gregorio, neveu du capitaine de la nef génoise et qui n'a débarqué à Marseille que pour des raisons bien occultes ; Le Maçon, enfin, clerc à Fontrevault mais qui aspire à une toute autre et bien plus violente destinée...
    Tous ces personnages vont être amenés à rencontrer Guilhem, en 1203, dans sa quête des assassins de son homme lige, Godefroi, de son épouse Jeanne et de leur nourrisson. Certains vont emporter une aide non négligeable au chevalier troubadour, d'autres, au contraire, vont s'employer à lui mettre des bâtons dans les roues, car, suite à ses retrouvailles fortuites avec l'un de ses amis, Thomas de Furnais, Guilhem se retrouve finalement enfoncé jusqu'au cou dans les querelles de succession qui opposent Jean sans Terre et son neveu, Arthur de Bretagne.
    Ainsi, malgré un début un peu plus long à démarrer que pour les autres tomes, nous entrons avec toutes les clés en main dans l'intrigue policière et d'aventures proprement dite. On comprend ainsi beaucoup mieux qui est tel ou tel personnage et ce qu'il fait là. L'intrigue se déroule ensuite de façon plutôt fluide, ce qui n'était pas forcément le cas dans les autres tomes, où j'avais parfois relevé quelques incohérences. Ici, la bonne préparation du lecteur lui permet ainsi de bien tout comprendre, sans forcément revenir en arrière en ayant la sensation d'avoir loupé un passage important. J'ai en tous cas été emballée par cette intrigue, un peu différente des précédentes, avec plus de personnages, plus d'histoires parallèles qui se mêlent, s'entremêlent et s'imbriquent parfaitement. Quelques lourdeurs de style encore, parfois, mais dans l'ensemble, le roman est bon, bien documenté...j'ai relevé une ou deux petites erreurs mais rien de catastrophique non plus. Le voyage en Terre Sainte donne également à la série -ce qu'elle n'avait pas jusque-là-, un côté exotique et oriental plutôt bienvenu.
    Le roman est dynamique, enlevé, mené tambour battant. Dommage qu'Anna Maria et son époux, Robert de Locksley, soient moins présents, depuis Londres, 1200 mais à part ça, ce sixième tome est à la hauteur des premiers ! La saga ne s'essouffle pas et c'est tant mieux.

    En Bref :

    Les + : une intrigue solide et enlevée, des personnages qu'on est toujours heureux de retrouver.
    Les - : deux trois petites erreurs, une ou deux incohérences, mais rien de grave.


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  • « Je ne pourrais pas vivre en repos si je quittais de vue un seul instant ma chère Providence. »

    Madame de Sévigné ; Stéphane Maltère

    Publié en 2013

    Editions Folio (collection Biographies)

    352 pages 

    Résumé :

    « Je suis une biche aux bois, éloignée de toute politesse. »

    Marie de Sévigné (1626-1696) est un écrivain sans le savoir : rien ne préparait le millier de lettres qu'elle a écrites à voir le jour sous le nom d'oeuvre. Mais l'épistolière la plus célèbre de France est une femme au destin particulier : orpheline de bonne heure, elle échappe au couvent pour recevoir une éducation dont elle tirera tout le profit dans la société du XVIIe siècle au sein de laquelle elle brille par son esprit et son naturel. Témoin privilégié de son temps, de la Fronde au règne de Louis XIV, elle est surtout, lettre après lettre, l'historienne de sa propre vie, partagée entre son devoir et sa passion maternelle. Roger de Bussy-Rabutin, auteur féroce, ne s'y est pas trompé, qui écrit au sujet de sa cousine : « Rien n'est plus beau que ses lettres ; l'agréable, le badin et le sérieux y sont admirables ; on dirait qu'elle est née pour chacun de ces caractères. »

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Madame de Sévigné fut, comme la Palatine un peu plus tard, une figure marquante du XVIIème siècle littéraire. Elle n'est pourtant pas écrivaine, au sens propre du terme, elle n'a pas écrit de roman comme son amie Madame de La Fayette ni même de mémoires, comme son cousin Bussy-Rabutin. Mais sa formidable correspondance est aujourd'hui admiré comme un véritable travail littéraire de qualité, tant par les historiens que par les amateurs de lettres. Madame de Sévigné, pour les premiers, fait en effet partie des sources historiques de premier plan puisqu'elle est contemporaine d'un siècle riche et dont elle voit, de ses propres yeux, tous les événements majeurs. Pour les seconds, elle ne peut être qu'une source d'une admiration non feinte car sa correspondance, bien que pas vraiment réfléchie en soi mais par conséquent éminemment sincère et percutante, servi par un style parfait et qui s'ignore peut-être, touche presque à la perfection.
    Née en 1626, sous le règne de Louis XIII, à Paris, la future madame de Sévigné, naît Marie de Rabutin-Chantal. Sa grand-mère paternelle n'est autre que la célèbre Jeanne de Chantal, qui sera canonisée au siècle suivant et qui a, de son vivant, a fondé l'Ordre de la Visitation de Sainte-Marie, conjointement avec François de Sales.
    La famille maternelle de la petite Marie sent plus la routure : sa mère, Marie de Coulanges, est issue d'une noblesse de robe récente mais qui a de l'argent. L'enfant la perd à l'âge de trois ans, elle perdra aussi son père dans l'enfance. Elle est fille unique, confiée à un conseil de famille qui s'occupe de son éducation, regardée de près notamment par sa grand-mère, Jeanne de Chantal, depuis son couvent. Elle sera élevée avec ses cousins dans la famille de son oncle Philippe de Coulanges qui veillera à ce que la petite fille, au même titre que ses propres enfants, reçoive la meilleure éducation possible.
    A dix-huit ans, Marie de Rabutin épouse Henri de Sévigné, de bonne noblesse bretonne. L'union, bien assortie au premier abord mais décevante pour la jeune marquise quand elle s'apercevra que son époux la trompe, est couronnée par deux naissances : celle de Françoise, d'abord, la future madame de Grignan, idole de sa mère vieillissante et Charles, qui reprendra le titre paternel à la mort d'Henri... Veuve de bonne heure, madame de Sévigné ne se remarie pas pour se consacrer d'abord à elle-même puis à ses enfants, dont elle prend grand soin.
    Le reste de la vie de madame de Sévigné se déroule entre les cercles mondains de la capitale, la Cour, où elle est reçue de temps en temps et où elle aura même le bonheur d'applaudir sa fille dans les ballets dansés par la toute jeune famille royale -le roi, son frère, Henriette d'Angleterre etc...-, et son château breton des Rochers, son havre de paix, où elle aime à se ressourcer. Plus tard, sa vie s'organisera aussi autour d'un lieu plus méridional, le château de Grignan, en Provence, où elle retrouvera sa fille, mariée à François Adhémar Castellane de Monteil de Grignan, de bonne noblesse provençale.

    Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (tableau de Claude Lefebvre, XVIIème siècle)


    Madame de Sévigné est aussi un formidable témoin du temps. Née en 1626 et morte en 1696 elle est un témoin de premier plan du règne de Louis XIV. Elle assiste ainsi à la Fronde, pendant laquelle ses proches se retrouvent parfois dans des camps antagonistes. Elle est aux premières loges quand Fouquet, un ami proche, est arrêté à la suite de sa somptueuse fête donnée à Vaux-le-Vicomte au mois d'août 1661. Elle assiste aussi à la naissance de Versailles, à la monarchie absolue et solaire de Louis XIV et, en même temps, aux bouleversements qui ébranlent le pays : les guerres extérieures, les révoltes intérieures, la révocation de l'Edit de Nantes en 1685. En parallèle, madame de Sévigné, qui vieillit, voit arriver de nouvelles générations, celle de ses petit-enfants et notamment les enfants de Françoise, sa fille adorée, objet presque unique de son amour maternel qui virerait à l'obsession. Toute sa correspondance, ou presque, est adressée à Françoise...quelques lettres le sont aussi à son cousin Bussy-Rabutin mais une grande partie de son travail d'épistolière est en effet destiné à la fille qui est loin d'elle et qu'elle aime à en mourir. Pour autant, malgré le caractère privé et intime de ces lettres, Marie de Sévigné reste un témoin d'un temps révolu au regard aigu et sans concession.
    Tout ceci transparaît parfaitement bien dans cette biographie inédite de la grande épistolière. Stéphane Maltère a su cerner le personnage et, en émaillant son propos d'un grand nombre d'extraits de lettres de la marquise, restituer ce qu'elle était, ce qu'elle avait de plus instinctif...la personnalité de cette femme morte depuis plusieurs siècles est presque palpable...on la sent près de nous, proche de nous, comme un témoin bienveillant de notre lecture. Elle est vive et devient rapidement captivante grâce à une certaine complexité qui exclut toute fadeur. Le style de l'auteur, sobre sans être trop simple, allant droit au but, se marie qui plus est parfaitement avec celui, plus pêchu, de la marquise
    On s'attache à madame de Sévigné, on s'attache à ses pas...qui pourrait dire ensuite que les figures historiques féminines ne sont pas intéressantes ?
    Lisez cette biographie, vous verrez que ce n'est pas le cas.

    Françoise de Sévigné, comtesse de Grignan, l'unique fille et adorée de la marquise 

     

    En Bref :

    Les + : une bonne biographie facile d'accès ; le sujet est inédit mais n'en est pas moins intéressant.
    Les - :
    Aucun.
     


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