• « Il n'y a pas de progrès en art, seulement des innovations techniques, des changements de point de vue, de si légères variations... »

    L'Obsession Vinci ; Sophie Chauveau

     

    Publié en 2009

    Editions Folio

    528 pages

    Troisième tome de la saga Le Siècle de Florence

    Résumé :

    Qui était vraiment Léonard de Vinci ? 
    On connaît l'inventeur virtuose, le scientifique précurseur...mais qu'en est-il de l'homme, des ressorts de sa créativité ? Des bas-fonds de Florence à la forteresse de Ludovic le More, des campagnes guerrières de Borgia à la cour de François Ier, Léonard veut tout connaître, tout essayer, tout explorer. 
    Sa ville, Florence, le boude. Rome le rejette. Venise se méfie de lui...Pourquoi ? Quelles relations eut-il avec ses pairs, Michel-Ange et Botticelli ? 
    Sophie Chauveau nous raconte la vie de Léonard de Vinci avec la rigueur et la puissance narrative qui ont fait le succès de La Passion Lippi et du Rêve Botticelli. Elle rend ainsi hommage aux artistes qui ont, il y'a cinq siècles, conquis leur liberté. « Le siècle de Florence » s'éteint avec le plus mystérieux d'entre eux. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    L'Obsession Vinci clôture la saga florentine de Sophie Chauveau, Le Siècle de Florence -tout simplement-, commencée avec La Passion Lippi, continuée avec Le Rêve Botticelli et terminé, donc, avec le personnage le plus riche, peut-être, le plus complet : Leonardo di ser Piero da Vinci, plus connu sous le nom de Léonard de Vinci, le plus génial des artistes florentins, le plus scientifique et surtout, le plus français -même s'il ne passe finalement que les trois dernières années de sa vie à Amboise. 
    Léonard de Vinci est un personnage particulièrement fascinant et qui avait bien sûr toute sa place dans ce triptyque sur le Quattrocento florentin. Après m'être émerveillée de la perfection des anges et des madones de Lippi, dont le modèle était une nonne qu'il enlèvera et qui sera la mère de ses enfants, Lucrezia Buti, avoir vibré avec Botticelli, le plus torturé, le plus à fleur de peau, le formidable auteur du Printemps et de La Naissance de Vénus, c'est donc avec de Vinci que Sophie Chauveau nous donne rendez-vous.
    Né en 1452, le futur grand Léonard est de petite naissance. Il est le fils d'un notaire, Piero da Vinci et d'une servante, Catarina. En un mot, c'est un bâtard. Tout jeune, il est vite remarqué par Verrocchio, sculpteur, peintre et orfèvre, qui en fait son élève. Homosexuel invétéré, le très beau Léonard se perd dans une vie dissolue avec ses compagnons. S'il y'a bien d'une chose dont on peu taxer les artistes florentins de l'époque, c'est bien d'anticonformisme. Que ce soient Lippi, moine lui-même qui se défroque pour épouser une religieuse ou bien les autres artistes qui s'adonnent à la sodomie, considérée comme un péché, parfois même puni de mort, une chose est sûre, c'est que la morale est le cadet de leurs soucis et que flotte sur la Florence de la fin du XVème siècle un parfum de licence et de corruption. Mais c'est aussi l'époque qui va nous donner le plus de talentueux artistes et des tableaux devenus emblématiques. Déçu par les Médicis, Léonoard décide de quitter leur cité. Il va s'installer à Milan, où il travaillera plusieurs années au service de Ludovico Sforza, surnommé le More. Ce sont ensuite Rome, Bologne, Venise qui l'accueillent, mais jamais tout à fait. Puis la France, qui sera sa dernière demeure, car à l'époque de Léonard, les rois français caressent le doux rêve d'établir leur puissance de l'autre côté des Alpes. L'utopie commence avec Charles VIII puis se poursuit avec Louis XII, fort de sa filiation avec les Visconti, supplantés à Milan par les Sforza et qui se verrait bien mettre la main sur le duché qui a autrefois vu naître sa grand-mère, Valentine Visconti. Son successeur, François Ier, marche dans ses pas, pour son malheur pourrait-on dire puisque la terrible défaite de Pavie sonne le glas des espérances françaises dans la péninsule. Mais, de ses voyages, le roi a ramené le goût de l'Italie, des influences qui se traduiront tout au long du XVIème siècle en France. Et surtout, il a proposé à Léonard de se mettre à son service. C'est donc en France, au bord de la Loire, à Amboise, que Léonard de Vinci passe ses dernières années, meurt -en 1519- et est inhumé. Il connaît alors une notoriété qui ne s'éteindra pas et perdure encore aujourd'hui. Pour nous, très souvent, le nom de Vinci est synonyme de génie.
    Et pourtant, de son vivant, comme pour beaucoup d'autres artistes dont il est le contemporain, rien n'est simple. Homosexuel invétéré, jouisseur, grandiloquent, gaucher -donc inverti, sur tous les plans-, Léonard est différent, trop peut-être pour être facilement compris. Sa carrière démarre doucement, il scandalise, il choque, se voit refuser les oeuvres qui avaient été commandées parce que non conventionnelles. Nomade, il ne connaît pas vraiment le succès jusqu'à devenir le protégé du roi de France, qui l'accueille et le loge, au château du Clos-Lucé, où Léonard va pouvoir, au cours des dernières années de sa vie, s'adonner pleinement à toutes ses passions.
    Car elles étaient nombreuses, ces passions. Autodidacte, Léonard va pousser la curiosité jusqu'au génie. Artiste, mais pas que, il se passionne pour la médecine -les dissections auxquelles il s'adonne lui permettent non seulement de bien connaître le corps humain et son fonctionnement mais aussi de le rendre, en peinture, le plus précisément possible-, pour les sciences en tous genres. Amateur de musique, il est aussi compositeur et poète. Philosophe. Mathématicien et j'en passe. Curieux de tout et jusqu'au bout, Léonard, en avance sur son temps -mais peut-être pas aussi visionnaire qu'on a pu cependant le penser à une époque-, est un grand homme, un grand scientifique, un grand artiste, un grand intellectuel qui essaie par tous les moyens de comprendre le monde dans lequel il vit, retranscrivant le théorique en pratique, sans cesse, tout le temps. Mais rien n'a été évident pour lui, comme pour la plupart des artistes du temps, dépendants des Grands ou de l'Eglise, parfois contraints à la misère faute de commandes ou condamnés pour leurs mœurs.

    L'Annonciation par Léonard de Vinci (1475-1480)

    Le roman de Sophie Chauveau nous emmène des années 1470 jusqu'en 1519, des rives de l'Arno, jusqu'à celles de la Loire -plus tard chantées par Joachim du Bellay. Léonard a alors une vingtaine d'années. Il peint déjà, il est entouré de toute une clique d'accolytes plus ou moins talentueux -parmi eux, même s'il arrive sur le tard, on citera le fameux Salaï, petit voyou milanais mais au visage d'ange qui le prêtera à plusieurs tableaux de Léonard et notamment son Jean-Baptiste. La plupart sont ses amants, ce qui révulse son père, qui peine à admettre sa bâtardise -même s'il en est responsable- et surtout, sa sexualité scandaleuse, qui ternit le nom de Vinci. Léonard est un beau jeune homme, courtisé, ayant du succès, aimant se perdre dans les lieux de plaisir. Les années se déroulent, la jeunesse, puis l'âge mûr et enfin, la vieillesse, passée loin de son pays natal. C'est elle la plus connue de nous, finalement. Lorsqu'on évoque aujourd'hui Léonard de Vinci, c'est l'image d'un sage vieillard, les cheveux blancs et la barbe longue, telle que représentée sur l'un de ses autoportraits, daté d'entre 1512 et 1515. Mais on oublie qu'il a été jeune, comme tout un chacun et que Léonard a été un homme beau, sensuel, dans la fleur de l'âge, désiré et désirable. Une force de la nature, qui plaît aux hommes comme aux femmes mais qui n'aime que ceux de son sexe.
    L'Obsession Vinci est d'ailleurs un roman extrêmement érotique et sensuel, dans lequel transparaît le désir, affleurant sur les pages. Sophie Chaveau dépeint son personnage comme un très bel homme, grand, les cheveux longs, les yeux sombres. Beau, en un mot, jeune et plein de vie. On en deviendrait presque un peu amoureux de lui, comme si le désir que sème Léonard sur son passage se communiquait au lecteur. Oublié, le vieillard aux allures de philosophe, Léonard est un être qui jouit, qui donne du plaisir et qui se perd dans son art. Car cette dimension très sexuelle de sa vie -le sexe, qu'il considère comme une nécessité, un vrai besoin vital- se communique vite à son art et à la manière dont il le perçoit. La passion qu'il peut éprouver pour un bel homme, il va la ressentir aussi pour un projet, une sculpture, une toile, une fresque, une nouvelle toquade. Léonard aime, beaucoup et très fort. Et il aime tout, il est curieux de tout. C'est un être extrêmement riche et complexe que l'auteure parvient à nous décrire avec le plus de précision possible.
    Au-delà de ce destin exceptionnel, ce que j'aime dans les romans de Sophie Chaveau, ce que j'aime infiniment pourrais-je même dire, c'est son style. Il est puissant et racé et s'il s'adaptait déjà parfaitement à la relation des destins de Lippi et Botticelli, il épouse totalement la grandiose destinée de Léonard, le fils de notaire devenu le génie universel. J'ai vraiment l'impression que l'auteure s'adapte totalement à son sujet, le vit, le ressent, le porte. C'est ce qui transparaît dans l'écriture, très vivante, en tous cas. Les phrases sont courtes, le récit est au présent : cela pourrait lui donner un rythme monocorde, un peu saccadé mais il n'en est rien, au contraire. J'ai pris énormément de plaisir à la lire, encore une fois. Son style, unique et vraiment plaisant fait beaucoup pour le roman, je crois.
    Petit bémol, note discordante dans ce concert de louanges : quelques approximations historiques, c'est dommage et cela a fait s'éloigner le coup de cœur, pour moi. Par exemple, lorsque Léonard arrive, au début des années 1480, à Milan, pour se mettre au service de Ludovico Sforza, le pape n'est pas encore Alexandre VI Borgia ; Charles VIII n'est pas mort en jouant à la paume mais en s'y rendant ; enfin Louis XII est mort le 1er janvier 1515 et non pas le neuf -c'est sa première épouse, Anne de Bretagne, qui est morte un 9 janvier.

    La Cène, peinte à fresque pour le réfectoire du couvent Santa Maria delle Grazie à Milan (1495-1498) : jusqu'au XIXème siècle, cette oeuvre, qui a depuis nécessité d'importants travaux de restauration, était considérée comme le chef-d'oeuvre de Léonard

    A part ça, je n'ai pas vraiment grand chose à reprocher au roman. Quelle est la part d'imaginaire, de vérité ? Je n'ai pas envie d'entrer dans ce jeu-là et de chercher. J'ai aimé ce que Sophie Chauveau a fait de Léonard et ça suffit, je crois. Le roman, très intime, faisant la part belle aux sentiments, est bien évidemment mâtiné d'imaginaire, sans que cela vienne pour autant entacher l'aspect plus historique du récit -car Léonard vit à une époque très riche où se croisent beaucoup de grandes figures : Laurent le Magnifique, Savonarole, des grands artistes, des papes...
    Le côté très psychologique de l'oeuvre m'a plu, comme il m'avait déjà plu dans La Passion Lippi et Le Rêve Botticelli. Si l'auteure s'était contentée de faire une banale relation du destin d'artiste de son sujet, sans creuser l'intime, le personnel, cela serait devenu une accumulation d’œuvres, d'événements, sans aucune saveur. Aborder le caractère un peu plus personnel du personnage principal, c'est lui rendre un peu de vie. Qui, aujourd'hui, même le meilleur des historiens, peut prétendre connaître à la perfection l'intellect et le moi intérieur de Léonard ou de tout autre personnage historique ? Peut-on considérer alors que Sophie Chauveau extrapole ? Je ne crois pas. Je me plais à penser que, même si l'époque ne connaissait pas aussi bien que nous les sentiments humains et leurs mécanismes, ils ont toujours été sensiblement les mêmes. Peut-être pas abordés de la même façon, mais les mêmes. Pour moi, l'homme du XXIème siècle raisonne et s'articule, intimement, de la même façon que l'homme de la Renaissance. Prêter à ce caractère universel à ces grands peintres, c'est les faire descendre un peu du piédestal que l'Histoire leur a créé. C'est les remettre à notre portée et les faire redevenir, le temps d'un livre, des humains, qui sont peut-être morts depuis longtemps mais ont vécu, mus par des désirs, des passions, des peines, des désillusions, des joies. Plus haut, j'ai évoqué la sensualité du roman et c'est vrai qu'elle est très présente, très perceptible. Sensualité et désir. Mais j'ai omis de parler aussi de l'émotion. Le roman est extrême en tout, comme Léonard et, notamment, dans les impressions qu'il suscite en nous, lecteurs. On en vient à désirer Léonard ou à pleurer pour lui. Personnellement, je suis passée par tout un panel d'émotions et de ressentis à la lecture de ce roman qui a le mérite d'être tout sauf linéaire.
    L'Obsession Vinci est un bon cru, un bon roman historique -ne perdons pas de vue cependant qu'il s'agit avant tout d'une fiction. Mon intérêt pour la saga n'a cessé de grandir à mesure que je la découvrais. J'ai même un réel coup de coeur pour Le Rêve Botticelli, lors de ma lecture en 2015. Un roman qui reste encore très présent à mon esprit, comme le restera L'Obsession Vinci. Le bouquet final est vraiment grandiose et ce roman clôture merveilleusement bien cette trilogie très artistique et masculine, où trois portraits d'hommes sont magnifiquement racontés par une plume de femme qui a su se mettre à leur place, mieux, leur redonner une voix, cinq cents plus tard.
    Je n'ai été déçue par aucune de ces biographies romancées consacrées aux grands artistes que j'aie pu lire depuis plusieurs années... Et ils sont nombreux les auteurs à s'être sentis inspirés par ces grandes destinées : Mathias Enard et Léonor de Récondo par Michel Ange, Dominique Fernandez par Le Caravage et enfin, Sophie Chauveau par la Renaissance florentine, entre ombres et lumières, toute en contraste et en clair-obscur dont Léonard, en perfecteur du fameux sfumato, est certainement le meilleur et le plus formidable des symboles.

    La fameuse Joconde, peinte entre 1503 et 1506, l'un des tableaux les plus mondialement connus

     

    En Bref :

    Les + : le style de l'auteure qui s'adapte très facilement à son sujet et l'épouse parfaitement ; le sujet en lui-même, pour son génie et sa richesse. 
    Les - : quelques approximations historiques, c'est dommage. 


    2 commentaires
  • Colis reçu le : 5 février 2018

    Aujourd'hui, je vous présente un colis un peu atypique qui n'est pas vraiment un swap mais qui, dans le principe, peut s'en rapprocher un peu. La seule différence, c'est qu'il n'y a pas vraiment d'échange...mais on reçoit un colis chaque mois et c'est toujours la surprise à chaque fois, un peu comme pour les swaps ! ! Donc j'ai décidé que je vous présenterai mes Thé Box dans la catégorie des Swaps puisqu'il faut bien les classer quelque part !

    Après une Box mexicaine et colorée en janvier, voici celle de février, qui allie Hiver et Saint-Valentin et surtout, nous amène...à la montagne ! Hâte de découvrir cette Box qui sent bon les épices, le génépi et la poudreuse bien fraîche. Chaussez vos skis, c'est parti...tout schuss... ! 

    La Thé Box, Février 2018 : Two Schuss !

    La Thé Box, Février 2018 : Two Schuss !

    La Thé Box de février nous emmène donc dans les alpages enneigés...

    La Thé Box, Février 2018 : Two Schuss !

    La marque Teatower, que je connais déjà grâce à La Thé Box nous propose I love you, un mélange de thés chinois vert et blanc aux saveurs fruitées : mangue et ananas, avec un soupçon de pétales de roses. Belle romance nous est proposé par Collection T. une maison de thé française ; il s'agit d'un thé noir à la poire. Etant donné que c'est l'un de mes fruits préférés, j'ai hâte d'y goûter, en espérant retrouver la saveur si particulière de la poire. Mont-Blanc, proposé par Tea Tap, nouvelle découverte de La Thé Box, est un breuvage où s'entremêlent les saveurs du thé noir et du cacao. Original ! 

    La Thé Box, Février 2018 : Two Schuss !

    Yogi Tea est une marque que je connais et pratique depuis l'an dernier et que j'apprécie, malgré les saveurs particulières de ses thés et boissons ayurvédiques. Comme nous sommes en plein hiver, un petit coup de fouet pour les défenses immunitaires n'est pas de trop. Avec cette infusion à l'échinacée, à l'acérola et à l'orange, on est paré ! 

    La Thé Box, Février 2018 : Two Schuss !

    Quelques douceurs montagnardes : les fameux bonbons Ricola au caramel et un gâteau sec avec de jolis motifs, idéal pour accompagner un bon thé bien chaud. 

    La Thé Box, Février 2018 : Two Schuss !

    Le cache-mug (j'adore !) accompagne Organic Roobis Honeybush, un mélange de ces deux fameuses plantes qui ne poussent qu'en Afrique du Sud et nous proposent les mêmes vertus que le thé mais sans théine. Le honeybush tire son nom de ses petites fleurs jaunes utilisées en infusion et qui sentent le miel.

    La Thé Box, Février 2018 : Two Schuss !

    La maison française Les 2 marmottes (j'adore le design un peu rétro et qui nous emmène tout de suite à la montagne) nous propose quatre de ses créations. Tout schuss (le premier en haut, à gauche) est une infusion qui mêle le serpolet à la menthe poivrée, le genévrier et l'origan, pour une boisson hivernale réconfortante. A côté, cette préparation pour vin chaud qui allie écorces d'orange amère, cannelle, poivre et girofle peut être infusée dans un grand verre de vin rouge ou bien dans une tasse d'eau bien chaude. J'opterai pour la deuxième alternative mais je suis curieuse et j'ai hâte d'y goûter. Yéti Y es-tu ? est une infusion qui ressemble un peu à Tout schuss, avec des saveurs de menthe poivrée mais aussi de bleuet et de serpolet. Enfin, le thé Génépi reprend les saveurs de cette fameuse liqueur : un thé noir aux saveurs d'agrumes (écorces d'orange, bergamote et citron) sur lequel vient se poser une saveur de génépi. Original, il pique ma curiosité ! 


    votre commentaire
  • « Quoi qu’il ait enduré, il demeurait un être humain et, pour la première fois depuis de longues semaines, il éprouva de la joie mêlée de tristesse. »

    Les Rohan Montauban, tome 1, L'Héritier des Pagans ; Anne-Laure Morata

    Publié en 2009

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    285 pages

    Premier tome de la saga Les Rohan Montauban

    Résumé : 

    Automne 1629 : l’orage et la tempête se déchaînent sur les côtes bretonnes du pays Léon. Un splendide trois-mâts vient s'abîmer sur les rochers, attiré par les feux des pagans, ces naufrageurs de navires tant redoutés des marins. Les pilleurs d'épaves ont tôt fait d'emporter leur butin, laissant derrière eux un unique témoin d'à peine trois ans, recueilli par la femme de l'un d'entre eux. Quelques années plus tard, élevé en petit paysan breton, Gilles Le Bars, jeune homme insouciant, retrouve à la fête du village Gaël, son ami d'enfance. Au petit matin, au bord du lavoir, Gilles se réveille couvert de sang et, à son côté, gît le corps sans vie de Gaël. Qui veut éliminer Gilles Le Bars, jeune paysan sans histoire, au point de commettre un meurtre pour l'envoyer aux galères ? L'adversaire tapi au sein de la cour du jeune Louis XIV s'annonce redoutable... 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    C'est une trilogie que Anne-Laure Morata ouvre avec L'héritier des Pagans, trois livres qui peuvent cependant se lire indépendamment les uns des autres.
    Pour ma part, j'aime faire les choses dans l'ordre et je vais donc lire la trilogie dans son ordre chronologique. Entre la Fronde et les débuts du règne personnel de Louis XIV, l'auteure nous emmène donc en plein cœur du XVIIème siècle français, pour une saga pleine de rebondissements et d'aventures, qui porte le nom de l'une des plus grandes familles de la noblesse française : les Rohan. En effet, la trilogie est sobrement intitulée Les Rohan Montauban.
    De l'aventure, du rythme, de l'Histoire, une époque qui me plaît et m'a rappelé aussi Les Enquêtes de Louis Fronsac, par Jean d'Aillon... Sur le papier, ce premier tome des Rohan Montauban avait tout pour me plaire : outre Jean d'Aillon, c'était aussi Juliette Benzoni que ce roman me rappelait. Assurément, j'allais passer un bon moment. 
    Oui mais voilà... Voilà quoi ? C'est justement ça, le problème. C'est que c'est resté sur le papier et ne s'est pas concrétisé.
    L'Héritier des Pagans est donc ma première déception de l'année 2018, d'autant plus importante que j'avais repéré cette saga depuis un moment et que j'en attendais pas mal de choses.
    Mais je n'ai pas du tout été emballée par cette histoire d'enfant escamoté lors d'un naufrage et qui réapparaît vingt ans plus tard pour se venger.
    Justement, l'histoire, qu'en est-il ? Le roman s'ouvre en 1629 alors qu'une terrible tempête fait rage au large de la Bretagne. Sur la plage, un groupe de naufrageurs a attiré un bateau pour le piller et les rares rescapés sont tués, sauf un petit garçon qu'une paysanne prend en pitié et persuade son mari d'épargner. Vingt ans plus tard, le garçon, prénommé Gilles et élevé en Bretagne près de Yann et Marie, ses parents adoptifs, est accusé du meurtre de son meilleur ami Gaël. Commence alors pour Gilles une véritable quête qui l'amènera des chemins de France vers le bagne de Marseille, en passant par Lyon puis par Paris où il n'aura de cesse de découvrir qui il est et surtout pourquoi on lui en veut.
    Bon... Vous voyez, dis comme ça, c'est plutôt sympa -même si assez lambda, comme histoire finalement- et franchement c'est vrai que le résumé est vendeur et alléchant. Seulement le reste ne suit pas et j'ai été vraiment déçue par ce que l'auteure en a fait. Des dialogues qui sonnent faux, des personnages un peu caricaturaux que se soient dans leur description ou dans leurs comportements, des anglicismes qui m'ont fait me hérisser : le terme de zombie pour qualifier les bagnards ou le leadership du prince de Condé m'ont fait bondir de ma chaise ! Sérieusement ? ! Soyons clair, je ne suis pas réac et je n'ai rien contre certains anglicismes. On en utilise tous sans nous en rendre compte mais là, leur emploi m'a vraiment gênée d'autant plus que des termes en bon français étaient à fait utilisables. Le propos est, de toute façon dans sa globalité, trop moderne à mon goût. Qu'on écrive dans une langue du XXIème siècle, d'accord. Les auteurs ne vont pas s'amuser à écrire leurs livres dans la langue de l'époque : n'est pas Françoise Chandernagor qui veut. Mais un minimum est requis quand même, à commencer par le bannissement de termes trop modernes, qui ne collent pas au propos... 
    Quand à l'intrigue mi-aventureuse mi-policière qui emmène Gilles sur les traces de sa famille et du secret de sa naissance, je l'ai trouvée intéressante même si j'ai parfois levé les yeux au ciel devant la succession très rapprochée des péripéties et mésaventures qui arrivent au héros -un vrai poissard ce Gilles, ca ne peut pas être autrement quand on se rend compte qu'il lui arrive un pépin à peu près tous les deux mois !
    Dire que l'intrigue est sans intérêt est peut-être un peu fort...et ce n'est pas forcément vrai non plus, dans la mesure où elle a quand même des points positifs, à commencer par le contexte historique, plutôt bien raconté par l'auteure. J'ai peut-être été un peu gênée par la description légèrement négative de la Cour et notamment de Mazarin et Anne d'Autriche, dans la mesure où c'est une époque qui me plaît beaucoup et que j'ai appris à nuancer à force de lectures : non, Anne d'Autriche n'était pas qu'une pauvre malheureuse écervelée séduite par son ministre tandis que celui-ci ne cherchait qu'à s'enrichir avant la majorité de son filleul, Louis XIV. Mais dans l'ensemble, Anne-Laure Morata nous raconte la Fronde de façon simple et claire et c'est ce qui faut, pour comprendre un tel contexte, très complexe, avec des multitudes d'alliances, de retournements, de personnages. 

    Mais voilà, il y'a cette intrigue romanesque qui vient s'y greffer et qui m'a tout, sauf convaincue. Je n'ai pas du tout réussi à y entrer, je suis passée à côté et, à quelques exceptions près, je ne me suis jamais sentie ni surprise, ni captivée. Parfois, l'auteure a réussi à me faire m'étonner, mais c'était malheureusement trop peu fréquent ou trop tard. Le roman fait moins de trois cents pages, un avis mitigé dès le départ est donc peu facilement rattrapable. C'est dommage. J'aurais voulu m'attacher au personnage principal Gilles -qui prend un autre nom par la suite-, j'aurais voulu me sentir concernée par son histoire, j'aurais voulu m'y sentir intégrée mais ça n'a pas été le cas. 
    Je vais maintenant essayer de conjurer le mauvais sort avec les deux prochains tomes, en espérant que ceux-ci me plaisent bien plus

    En Bref :

    Les + : le contexte historique choisi et bien raconté par l'auteure.
    Les - : une intrigue trop faible, des personnages caricaturaux auxquels on ne parvient pas à s'attacher, des termes trop modernes qui n'ont rien à faire dans une intrigue historique et lui font perdre en crédibilité. Ce premier tome est bien trop bancal, à mon goût, pour que j'aie pu me sentir captivée de bout en bout. Dommage.

     

    Brooklyn ; Colm Tóibín

    Thème de février, « Jeune premier », 2/12


    4 commentaires
  • « Il n'existe pas de fatalité, mon frère, uniquement la folie des hommes. »

    Les Rohan Montauban, tome 2, Le Jeu de Dupes ; Anne-Laure Morata

    Publié en 2010

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    267 pages

    Deuxième tome de la saga Les Rohan Montauban

    Résumé : 

    Hiver 1651. Le domaine de Mont Menat, en Auvergne, où François de Rohan Montauban s'est établi avec son épouse Nolwenn, est attaqué en son absence. Il retrouve sa propriété saccagée, Violette de Goyon, la cousine de sa femme, assassinée et aucune trace de Nolwenn, vraisemblablement enlevée. 
    François, sur les traces des ravisseurs, rejoint Paris, alors en proie à l'agitation de la Fronde, pour tenter de libérer Nolwenn avec l'aide de son clan. Il va découvrir que Violette de Goyon, courtisane audacieuse, avait dérobé des lettres codées compromettant les plus hauts dignitaires du royaume. L'une d'elle révèle même un secret d'Etat susceptible de faire vaciller le trône du jeune Louis XIV...
    François n'a plus q'une issue pour sauver son épouse : récupérer les fameux courriers. Sa quête semée d'embûches l'entraînera au cœur des intrigues du Palais Royal. Mais on ne s'attaque pas impunément aux secrets des puissants... 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En 1651, Gilles Le Bars, reconnu comme héritier de la famille des Rohan Montauban, a recouvré son heritage. Propriétaire du domaine de Mont Menat en Auvergne, il partage sa vie avec Nolwenn, la jolie fille d'un hobereau breton, son premier amour qui est devenue sa femme.
    La vie pourrait être calme si le domaine de Mont Menat n'était soudainement mis à sac... Gilles, devenu François, retrouve un jour son château sens dessus dessous, certains de ses serviteurs assassinés ainsi que la cousine de sa femme, la mystérieuse Violette de Goyon. Quant à Nolwenn, elle a été enlevée et reste introuvable. Commence alors pour François une traque qui l'amènera jusqu'à Brühl, en Allemagne, auprès de Mazarin et dans les bas-fonds de Paris à la recherche de son épouse disparue. Sur fond de Fronde des Princes, ce second volet des aventures de François de Rohan Montauban augurait et bien et dès le départ.
    Et contre toute attente, j'ai aimé ce deuxième tome. Pourquoi contre toute attente ? Tout simplement parce que si vous avez lu ma chronique précédente, consacrée au premier tome de la saga, L'héritier des Pagans, vous avez pu constater que je ne l'ai pas aimé et que j'ai été très déçue par ce roman bien trop inégal pour être convaincant.
    Alors évidemment, en commençant Le Jeu de Dupes, deuxième volet des aventures de François de Rohan Montauban, j'avais une petite appréhension. Allais-je aimer ce roman ou bien être déçue une seconde fois ? En 2014 cela m'est arrivé avec une trilogie : Le Temps des Femmes, par Emmanuelle de Boysson. Je l'ai lue entièrement avec toujours le vague souhait de me sentir plus emballée or il s'est avéré que les trois tomes ont été une vraie déception. J'espérais donc qu'il n'en serait pas de même avec cette saga et je suis donc heureuse d'avoir trouvé des points positifs à ce roman !
    Soyons clair, ce ne sera pas un coup de cœur ! Il y'a quand même des choses qui m'ont gênée, mais après la grande déception du premier volume, je suis vraiment ravie d'avoir aimé ce deuxième tome, malgré ses quelques petits défauts, à commencer par un style parfois un peu trop moderne et qui ne colle pas vraiment à l'époque : sans écrire dans la langue du XVIIème siècle, que l'auteur fasse au moins attention de ne pas utiliser des termes trop modernes voire anachroniques : le mot match à mon sens est à bannir, à plus forte raison quand on le met dans la bouche d'un héros des années 1650...quant au personnage lisant son journal en fumant la pipe...c'est bien plus XIXème que XVIIème siècle, à mon sens ! 
    Mais pour ce qui est du fond, j'avoue que j'ai été bien plus convaincue par cette intrigue que par la première. Des secrets d'état en pleine Fronde, un enlèvement, de mystérieux personnages et enfin, un dénouement que je n'avais pas vu venir... Ce livre m'a tenue en haleine, oui je dois bien le dire ! Quant aux personnages, je les ai trouvés bien plus aboutis dans Le Jeu de Dupes que dans L'héritier des Pagans, à commencer par François. J'ai aimé aussi que les personnages historiques, authentiques soient plus présents et s'il y'a bien une chose qu'on peut porter au crédit de l'auteure c'est d'avoir fait beaucoup de recherches pour écrire sa saga et elle n'a en plus pas choisi une période des plus faciles. Mais elle s'en sort bien ! Peut-être d'ailleurs la vision de la Fronde dans ce tome-ci est bien plus nuancée que dans le premier.
    Bref, cette lecture m'a réconciliée avec l'univers d'Anne-Laure Morata et, même si j'ai parfois eu un peu de mal avec le style, notamment des dialogues, je dois avouer que Le jeu de dupes est un bon roman. Il y'a du Juliette Benzoni dans ce roman enlevé et assez rythmé où se croisent pêle-mêle personnages fictifs et historiques et où les aventures se déroulent sur fond de contexte historique intéressant ! La Fronde est une période relativement peu connue de notre Histoire ou du moins pas vraiment facile à comprendre. Il m'a fallu du temps pour bien la comprendre et saisir les motivations de chacune des parties. Ici, l'auteure parvient à la rendre claire, tout en y insérant une intrigue totalement fictive, ce qui n'est pas des plus simple.
    Non vraiment, je ne regrette pas d'avoir donné une chance à cette saga. A l'issue de la lecture de L'héritier des Pagans, si je n'avais pas possédé les deux autres livres, je crois honnêtement que j'en serais restée là ce qui aurait été dommage dans la mesure où, n'ayant pas ressenti de déception avec ce deuxième volet, j'espère qu'il en sera de même avec Meurtres à Versailles, l'ultime tome de la saga

    En Bref :

    Les + : une intrigue d'aventures plutôt aboutie, bien menée et surprenante, des personnages maîtrisés...le  roman est rythmé et dynamique. 
    Les - : encore une fois, des tournures un peu trop modernes à mon goût. 

     


    votre commentaire
  • « Il est des vérités qu'il vaut mieux taire. »

    Les Rohan Montauban, tome 3, Meurtres à Versailles ; Anne-Laure Morata

    Publié en 2012

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    253 pages

    Troisième tome de la saga Les Rohan Montauban

    Résumé : 

    Henriette-Anne, fille du roi Charles Ier décapité sur ordre des parlementaires, a fui l'Angleterre avec sa mère, au moment de la guerre civile. Réfugiée au Louvre, la petite exilée se lie d'amitié avec un mystérieux garçon, Providence, qui devient son confident secret avant de disparaître. Vingt ans plus tard, elle épouse Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV, avec lequel elle est en conflit permanent. Par bravade, Henriette-Anne met un point d'honneur à briller à la Cour où elle s'impose face à la reine et aux favorites, enhardie par le retour de Providence dans son existence. Mais bientôt un vent d'effroi souffle sur Versailles : des cadavres mutilés marqués d'un chiffre à l'épaule sont retrouvés dans les jardins. Le roi s'efforce d'étouffer l'affaire cependant les crimes continuent... La Reynie, lieutenant général de police, charge alors Malo de Rohan Montauban, son jeune commissaire, de confondre le coupable.

    Entre complots politiques, mensonges et trahison, Malo devra, pour démasquer le meurtrier, affronter les fantômes du passé d'Henriette-Anne mais également les siens.

    Après L'Héritier des pagans et Le Jeu de dupes, on retrouve le clan des Rohan Montauban au cœur d'une vengeance implacable menée contre Louis XIV.

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    C'est parti pour le troisième tome de la saga Les Rohan Montauban !
    Nous avons quitté nos héros en 1651, en pleine Fronde et nous les retrouvons en 1668, alors que Louis XIV règne sans partage sur la France depuis sept ans. Le château de Versailles est en plein travaux et la Cour le fréquente de loin en loin, notamment pour les réjouissances que le monarque se plaît à donner à ses courtisans. Seulement les débuts du futur flamboyant palais sont ensanglantés par des meurtres atroces et rituels : des cadavres sont retrouvés dans les jardins ou dans les couloirs inoccupés du château, affreusement mutilés et marqués à l'épaule d'un chiffre romain. Que se passe-t-il ? Et qui en veut ainsi au grand rêve de Louis XIV ?
    Malo de Rohan Montauban, déjà découvert dans les deux premiers tomes, passe ici sur le devant de la scène. A trente cinq ans, l'ancien petit paysan breton, que son cousin François a pris sous son aile, a étudié à Paris avant d'intégrer l'armée royale puis la police parisienne sous les ordres du fameux Gabriel Nicolas de La Reynie. François et son épouse Nolwenn habitent toujours leur domaine auvergnat en compagnie de leurs deux enfants, les jumeaux Charlotte et Philippe. Mais voilà que pour se soustraire à une union qu'elle ne veut pas, la jeune Charlotte fugue et disparaît... Malo va donc devoir, de front, enquêter sur les meurtres de Versailles tout en recherchant sa jeune cousine.
    S'il y'avait un seul tome à retenir dans cette saga, c'est bien celui-ci ! Après l'intrigue plus que moyenne du premier et la deuxième, déjà nettement meilleure, Meurtres à Versailles est certainement la plus captivante et la plus enlevée ! J'ai passé un réel bon moment de lecture avec cet ultime volume qui nous emmène au cœur des premières années de Versailles, avant que le château ne devienne résidence permanente de la Cour. Louis XIV est un jeune monarque tout-puissant, entouré d'une femme terne et effacée, d'une ancienne maîtresse, Louise de la Vallière, qui sert de paravent à ses nouvelles amours avec la charismatique marquise de Montespan. Et il y'a aussi la jeune et jolie -mais fragile- duchesse d'Orléans, la petite cousine Henriette-Anne d'Angleterre, née en 1644 et exilée de son pays natal avant l'exécution de son père le roi Charles Ier. Henriette-Anne, harcelée par la jalousie constante et mesquine d'un mari homosexuel et par les avanies du mignon de ce dernier, le chevalier de Lorraine et qui a noué une amitié quelque peu compromettante voire dangereuse...
    Anne-Laure Morata utilise habilement un contexte intéressant et riche -et s'il y'a bien, en dehors du XVIIIème siècle, une période qui me passionne, c'est celle-là-, pour servir son intrigue entièrement fictive et ça fonctionne vraiment très bien. Si je pense qu'une vision un peu plus nuancée de Louis XIV n'aurait pas été de trop, je trouve malgré tout que l'auteure s'en sort bien, comme dans les deux précédents tomes, d'ailleurs. Car une chose est sûre : on ne peut pas lui reprocher d'avoir écrit au hasard. Ses recherches sont solides, il n'y a aucune erreur de dates, les faits sont très bien relatés.
    Même le style, dans ce dernier volume, s'est affiné. J'ai été moins gênée par ces dialogues un peu lourds par exemple qui m'avaient dérangée dans le premier... Meurtres à Versailles est un bon roman historique dans lequel sont mélangés efficacement faits historiques et intrigue totalement imaginaire mais la première sert la seconde de manière tout à fait cohérente.

    Portrait d'Henriette-Anne d'Angleterre par Pierre Mignard : la présence de ce personnage historique sert de colonne vertébrale au récit


    Le rythme du roman est dynamique, enlevé. Il est mené tambour battant et on a du mal à lâcher le livre. Si L'héritier des Pagans m'est souvent tombé des mains, une chose est sûre, ça n'a pas été le cas avec ce roman-là qui a réussi à m tenir en haleine. L'intrigue policière est intéressante et, pour l'aspect aventureux du récit, j'ai retrouvé du Juliette Benzoni ou du Jean d'Aillon, sans aucun doute !
    L'auteure nous emmène où elle veut, en brouillant les pistes, nous emmène souvent sur des fausses, en nous livrant le fin mot de l'histoire au moment où on s'y attend le moins, insinuant le doute dans notre esprit de lecteur. Il faut dire que, si j'adore les romans policiers, en général, je suis vraiment une bille pour découvrir le coupable avant la fin. Je n'ai pas un esprit spécialement logique et je pense que c'est pour ça... je ne suis pas un fin limier mais j'apprécie de me faire balader d'une hypothèse à une autre, à plus forte raison quand l'intrigue est maîtrisée et bien menée et c'est le cas de celle qui sert de fil conducteur à Meurtres à Versailles. Je ne m'attendais pas du tout à cela, je dois bien l'avouer, surtout après la grande déception ressentie à la lecture de L'Héritier des Pagans. Qui aurait pu pressentir que j'aimerais autant ce troisième et ultime volume ? Sûrement pas moi, en tous cas.
    J'ai aimé aussi que le récit se recentre sur Malo, découvert gamin dans L'Héritier des Pagans, puis mis en retrait. Âgé maintenant de trente-cinq ans et commissaire au service de l'un des plus fameux lieutenants de police de l'Ancien Régime, c'est un jeune homme attachant et touchant, par certains aspects. J'ai apprécié qu'il soit le véritable héros de Meurtres à Versailles, plus que François, au final, qu'on a suivi dans les deux tomes précédents et qui est, certes, un personnage assez intéressant mais qui m'a laissée bien plus de marbre que Malo, que j'ai senti plus complexe, un peu moins lisse peut-être, quoique lisse ne soit pas vraiment le terme approprié...Enfin bref, je l'ai préféré à son cousin et j'ai trouvé que c'était un bon policier, au raisonnement sûr, qui n'est pas sans rappeler le fameux commissaire en tricorne de Jean-François Parot, mon cher Nicolas que, vous le savez si vous me suivez depuis longtemps, j'aime d'amour.
    Mais revenons-en à Meurtres à Versailles. A part ça, j'aimerais aussi parler de l'autre personnage qui est au centre du récit, dès le début d'ailleurs et qui est un personnage authentique : Henriette-Anne d'Angleterre, la fille infortunée d'Henriette-Marie de France et de Charles Ier d'Angleterre. Née en 1644, cinq ans à peine avant l'exécution de son père, la petite princesse, réfugiée en France avec sa mère, sera longtemps traitée comme la parente pauvre, avant qu'elle n'épouse le frère du roi, Philippe d'Orléans. Union fragile gangrenée par la jalousie paranoïaque de Monsieur, qui ne cesse d'épier son épouse tout en s'affichant sans vergogne avec ses mignons et notamment le premier d'entre eux, le chevalier de Lorraine. La vie de la princesse, relativement courte puisqu'elle meurt à vingt-six ans, fin juin 1670, ne fut qu'une longue suite de déconvenues et de souffrances. Fut-elle la maîtresse de Louis XIV ? On n'en sait rien, mais elle eut au moins l'affection de son beau-frère. La personnalité de Madame est particulière, cette princesse est assez ambivalente et toujours traitée différemment par les romanciers. Pendant longtemps, j'ai gardé d'elle l'imagine d'une flamboyante rousse très sûre d'elle, tirée je crois bien d'un roman de Juliette Benzoni, assez éloignée de la vérité, je suppose. Mon avis s'est affiné, nuancé et la vision, pas bien reluisante mais malheureusement assez vraisemblable, livrée ici par Anne-Laure Morata me paraît la plus proche de ce que l'on sait de cette jeune princesse. Henriette-Anne est touchante, jolie et fragile. Elle ne fut pas heureuse mais s'employa à faire croire le contraire et, en cela, elle est donc infiniment courageuse et mérite que l'on parle d'elle. J'ai aimé la retrouver, parfois en retrait mais toujours omniprésente, dans ce récit où elle a toute sa place.
    Pour conclure, si je devais donner un avis global sur cette saga, je dirais : étonnant. Surprenant. Oui, la saga des Rohan Montauban est étonnante. On démarre avec un premier tome plus que moyen à mon goût et puis la saga s'améliore significativement jusqu'à devenir très bonne. Mieux vaut cela que l'inverse, me direz-vous et vous avez raison. Je suis ravie d'avoir persévéré et surtout, de ne pas avoir laissé dormir les deuxième et troisième volumes dans ma PAL de longs mois encore, parce que je crois que je n'aurais plus ressenti l'envie de les en sortir et c'aurait été dommage parce que j'ai finalement été agréablement surprise et notamment par Meurtres à Versailles, qui est un très bon roman et duquel mes exigences de lectrices ressortent parfaitement satisfaites.
    Une saga que je ne déconseille pas du tout ! Si jamais, comme moi, vous étiez déçu par le premier tome, ne vous arrêtez pas à cet avis mitigé et continuez, vous verrez, ça vaut le coup ! Vraiment. Parole de lectrice.

    En Bref :

    Les + : une enquête policière vraiment aboutie et bien menée, qui nous balade complètement et parvient à nous captiver de bout en bout avant de nous surprendre.
    Les - :
    encore quelques termes un peu modernes, mais nettement moins présents que dans les deux autres tomes ; un contexte historique bien relaté mais qui mériterait peut-être, notamment au niveau de la description des personnages authentiques, d'être nuancé, sinon minoré.


    6 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires