• « Vous restez maître ici. Tâchez de sauver mon pauvre Versailles. » Louis XVI à M. de La Tour du Pin, au matin du 6 octobre 1789

    Le Crépuscule des Rois, Chronique, 1757-1789 ; Evelyne Lever

    Publié en 2013

    Editions Fayard

    496 pages

    Résumé : 

    Cette chronique envoûtante commence le 5  janvier 1757, lorsque Louis XV échappe à un attentat. Elle s'achève le 6 octobre 1789, quand le peuple parisien marche sur Versailles et contraint Louis XVI et Marie-Antoinette à s'installer dans la capitale. Entre ces deux dates, le monde a changé. La Ville l'emporte sur la Cour qui l'a trop longtemps ignorée. Alors que Versailles, centre du pouvoir hostile aux Lumières, n'est plus que le sanctuaire de la monarchie, le conservatoire du bon ton et le foyer des intrigues, la société parisienne fermente jusqu'à l'implosion. Voltaire, Rousseau et Diderot achèvent leur oeuvre ; les salons se politisent ; Beaumarchais et Mirabeau dardent leurs flèches contre le régime. En même temps, Paris se modernise et s'amuse ; les artistes français sont demandés dans toute l'Europe et les premières montgolfières prennent leur envol. Les espérances suscitées par l'avènement du jeune Louis XVI se dissipent vite. Des scandales éclatent et la reine devient la cible des pamphlétaires....

    Dans ce livre foisonnant, Evelyne Lever entraîne son lecteur de la Cour à la Ville dans un tourbillon d'émotions. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Au début du mois de janvier 1757, Louis XV, au pouvoir depuis quarante-deux ans, échappe de peu à la mort après avoir reçu un coup de couteau d'un déséquilibré, Damiens, qui ne manque son coup que parce que le roi portait plusieurs couches de vêtement du fait de la température rigoureuse.
    Rapidement, la blessure s'avère bénigne mais celle qui a atteint Louis XV au cœur ne cicatrisera jamais. L'âme du souverain est blessée car il comprend rapidement que cet attentat a eu lieu dans un contexte de désamour total du peuple envers son souverain. Le Bien-Aimé est devenu le « Bien Haï » et le peuple parisien, qui se pressait sous ses fenêtres lorsque, sous la Régence, le petit roi vivait aux Tuileries, ne s'émeut pas outre mesure de ce régicide. Au contraire, les Parisiens sont outrés de voir les supplices que l'on réserve à Damiens -les mêmes que ceux appliqués à Ravaillac en 1610-, pour un attentat qui a manqué et surtout, à une époque que l'on pourrait qualifier d'éclairée...Et pourtant, l'histoire avait bien commencé. Le peuple avait si bien accueilli ce petit roi de cinq ans, orphelin et qui succédait au trop long et brillant règne de son aïeul, Louis XIV, en 1715. Fils du duc et de la duchesse de Bourgogne, petits-enfants préférés du Roi-Soleil, le petit prince a vu mourir, en quelques semaines, ses deux parents et son frère aîné, le petit Dauphin, emportés par la rougeole. Le petit duc d'Anjou, devenu Dauphin après la mort de son aîné, est sauvé grâce à la présence d'esprit de sa gouvernante, madame de Ventadour, qui le soustrait aux mauvais soins des médecins et le protège de la contagion en l'enfermant dans ses appartements. Trois années plus tard, épuisé, atteint de la gangrène, Louis XIV s'éteint, dans l'indifférence générale. Son règne interminable a lassé les Français et les guerres désastreuses de la fin du règne ont saigné la France. On acclame cet enfant roi, si beau, installé dans la capitale par Philippe d'Orléans, devenu Régent. 
    Quarante ans plus tard, Louis XV n'est plus cet enfant que les Parisiens aimaient tant. Roi mystérieux, complexe, aux tendances dépressives certaines, il choque la France en multipliant les conquêtes et surtout, en prenant pour favorite une femme issue de la bourgeoisie financière, si méprisée à la Cour, en la personne de Jeanne-Antoinette d'Etiolles, qu'il titrera marquise de Pompadour. Les pamphlets moqueurs inondent la Cour et n’épargnent ni la favorite ni le roi.
    En 1774, de nouveau, on espère. Au début de mai, Louis XV est mort, à soixante-quatre ans, de la petite vérole, qui l'emporte en quelques semaines. Madame du Barry, sa dernière et sulfureuse favorite, sortie du ruisseau par un voyou peu scrupuleux qui en fera une courtisane de haut vol, est enfermée à l'abbaye de Pont-aux-Dames tandis qu'à Versailles, les courtisans s'inclinent devant les nouveaux souverains : le Dauphin, âgé de vingt ans, est devenu Louis XVI. Il est le petit-fils de Louis XV, malheureux fils du Dauphin Louis-Ferdinand et de Marie-Josèphe de Saxe, qui n'ont pas su l'aimer. Quatre ans plus tôt, en vertu de l'alliance inédite qui unit l'Autriche à la France, il a épousé la dernière enfant des souverains autrichiens, Madame Antoine, que l'on appellera en France Marie-Antoinette. Belle fille de dix-neuf ans, blonde aux yeux bleus, un teint de lait, Marie-Antoinette est ravissante et a su, dès son arrivée dans son nouveau pays, séduire le peuple avec sa grâce et malgré sa tête folle et sa frivolité puérile, mais qu'on lui excuse encore. On espère que ce règne qui commence apportera de nouveau prospérité et bonheur à la France. Et pourtant, le peuple déchantera vite. Louis XVI s'avère un roi, non dénué d'intelligence mais de fermeté, qui doute et hésite trop. Marie-Antoinette se perd en jeux, bals et toilettes de toutes sortes, se livrant à des dépenses inconsidérées alors que les finances du pays n'ont jamais été aussi mal. Et, comble de malchance, le couple royal restera stérile pendant sept ans, ce qui leur vaut la méfiance du peuple qui attend avec impatience la naissance d'un Dauphin -leur premier enfant, une fille, ne verra le jour qu'en 1778, huit ans après leurs noces. 

    Le Crépuscule des Rois, Chronique, 1757-1789 ; Evelyne Lever   Le Crépuscule des Rois, Chronique, 1757-1789 ; Evelyne Lever

    La marquise de Pompadour par Jean-Marc Nattier (XVIIIème siècle) et Louis XV par Quentin de la Tour (XVIIIème siècle)


    Entre scandales, libelles et pamphlets orduriers qui prennent la reine pour cible, la fin de la monarchie approche sans que personne ne s'en rende compte. Le cérémonial continue, immuable et pourtant, le monde, tout autour, change, sans que le roi et les courtisans, représentants de cet ancien monde, ne semblent -ou ne veulent- en prendre conscience. La banqueroute, combinée à des années aux rigueurs climatiques effroyables et au désenchantement occasionné par le comportement du roi et de la reine -surtout celui de la reine-, aura vite raison de cette monarchie millénaire mais qui vacille dangereusement sur ses bases, secouée par les progrès de ce que l'on appellera plus tard le Siècle des Lumières. Dans cette chronique, qui fait suite aux Temps des Illusions, Evelyne Lever se propose de brosser le portrait des trente-deux années qui séparent l'attentat de Damiens contre Louis XV et les journées d'octobre 1789 qui verront les poissardes de la Halle ramener triomphalement « le boulanger, la boulangère et le petit mitron », dans la capitale. Versailles, centre du pouvoir depuis Louis XIV, se voit pris d'assaut par le peuple de Paris qui triomphe sur le peuple de la Cour, ce peuple de courtisans obséquieux mais qui n'hésitera pas à abandonner le navire quand le danger deviendra trop grand...Pour la première fois depuis longtemps, c'est la Ville qui en impose à la Cour et aura le dernier mot. Après ces journées d'octobre, plus aucun souverain ne résidera à Versailles...
    Truffé d'anecdotes, ce livre, sans se lire comme un roman, est particulièrement plaisant à découvrir. Foisonnant, il est tout à fait captivant et c'est toujours avec intérêt qu'on le découvre petit à petit, page après page. Evelyne Lever nous livre ici un ouvrage scientifique, aux informations solide mais accessible à tous. Pour ceux qui connaissent déjà le style de l'auteure, vous ne serez pas dépaysé. Pour les autres, je suis sûre que ce sera une agréable découverte car Evelyne Lever fait partie de ces historiens qui savent captiver les foules. Alternant entre chroniques de la Ville -où l'on croise des tenancières de bordel, des courtisanes, des femmes éclairées animant les salons, des philosophes, des scientifiques-, et de la Cour -où l'on voisine avec des courtisans mielleux, une famille royale plus ou moins unie, des princes du sang rebelles-, Le Crépuscule des Rois monte progressivement en pression et passe de la liesse aux revendications hurlées avec colère contre un couple qu'on avait porté aux nues dix-neuf ans plus tôt. 

    Un livre à conseiller et à découvrir.

    Le Crépuscule des Rois, Chronique, 1757-1789 ; Evelyne Lever

    Louis XVI (Jason Schwarzenberg) et Marie-Antoinette (Kristen Dunst) dans le film Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2006)

     

     

    En Bref : 

    Les + : un point de vue original ; un livre enlevé et captivant servi par des informations rigoureuses.
    Les - : 
    Aucun.

     


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  • « Il n'y a pas de pays au monde où la distance entre le sublime et le ridicule soit aussi courte qu'en France. »

    Eugénie, la dernière impératrice ; Jean des Cars

     

    Publié en 2011

    Editions Perrin (collection Tempus)

    615 pages

    Résumé :

    Le 11 juillet 1920, à 94 ans, disparaissait l'impératrice Eugénie, dernière souveraine des Français. Dans la mémoire nationale, cette fière et belle Andalouse n'a pas la meilleure réputation. On l'a soupçonnée de frivolité et taxée de frigidité au point que Napoléon III, son mari séducteur, avait dû chercher satisfaction auprès d'autres femmes ; on a moqué son autoritarisme maladroit après qu'elle eut été nommée régente ; surtout, on l'a accusée d'avoir poussé à la funeste guerre de 1870. On oublie ainsi qu'elle a aimé et défendu son pays d'adoption. Stendhal l'a initiée à l'histoire des Français, Mérimée lui a appris notre langue, elle s'est passionnée pour la défense de Flaubert, traîné en justice, et lui a obtenu la Légion d'honneur. A rebours des clichés caricaturant une Espagnole confite en dévotion et incapable de saisir l'esprit de son temps, Jean des Cars montre une impératrice appliquant les principes de la doctrine sociale chrétienne : elle crée les Fourneaux économiques, lointains cousins des Restaurants du cœur, elle encourage la formation scolaire et professionnelle des jeunes filles et soutient Pasteur dans sa croisade hygiéniste. Après la chute du régime, Eugénie, muette, accablée par la mort de son fils unique, et respectée, parcourt pendant quarante années l'Europe avec nostalgie. En 1914, elle est du côté de la France qui souffre. Jean des Cars dresse le portrait d'une grande dame d'hier qui, malgré ses erreurs, n'a jamais manqué de courage.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Eugénie de Montijo...avec Joséphine la Créole et Marie-Louise l'Autrichienne, Eugénie l'Espagnole fut l'une des trois impératrices des Français. La troisième. La dernière. Les deux premières furent les épouses successives de Napoléon Ier. Eugénie, née en 1826, devait devenir, en 1853, l'épouse de Napoléon III, nouvel Empereur des Français et éphémère prince-président de la non moins éphémère Seconde République. Fille d'un partisan de Napoléon Ier, don Cipriano de Guzman y Palafox, la jeune Eugénie, dont le sang chaud des Espagnoles bout dans les veines, sera élevée, avec sa soeur Francesca, affectueusement surnommée Paca, entre l'Espagne et la France, où elle découvre le monde parisien brillant ce début de XIXème siècle. La France bouge...depuis la Révolution, un Empereur et des rois se sont succédés à sa tête dans des spasmes politiques de plus en plus violents. Les derniers Bourbons sont tombés en 1830, à la suite des Trois-Glorieuses. En 1848, c'est la Monarchie de Juillet qui succombe à la fièvre révolutionnaire...Les Orléans quittent le navire, la République, la seconde -la première ayant été proclamée à la suite de la victoire de Valmy en 1792-, pointe le bout de son nez. Son président peut prêter à sourire : il est un neveu de Napoléon Ier par son père. Par sa mère, la flamboyante et peu fidèle reine Hortense, il est le petit-fils de la fameuse Joséphine...Louis-Napoléon, enfermé au fort de Ham en Picardie, exilé plusieurs fois, revient en triomphateur. Prince libéral, il ne va pourtant pas hésiter à renverser rapidement la Seconde République pour rétablir l'Empire, cet Empire voulu par son oncle et qui avait chuté avec lui sur le grand escalier du château de Fontainebleau en 1815. Louis-Napoléon deviendra Napoléon III.
    Pour le moment, il est amoureux d'une belle Anglaise qui a financé sa campagne électorale, Miss Howard...Mais le prince-président ne s'embarrasse pas de fidélité et, bien vite, il remarque cette jolie Espagnole, promenée de salons en salons par sa mère, Manuela. Eugénie est alors connue sous le nom de comtesse de Teba. Jolie, elle l'est. Cheveux plutôt clairs pour une Andalouse, grands yeux bleus, teint de porcelaine. Elle a tout pour séduire un homme comme Louis-Napoléon. Elle est née le 5 mai 1826...Cinq ans plus tôt, jour pour jour, mourrait à Sainte-Hélène, oublié de tous, Napoléon Ier, dont les cendres seront transferées aux Invalides sous Louis-Philippe. Une voyante avait prédit à Eugénie que sa seule date de naissance serait tout un programme et aurait une influence non négligeable sur sa vie future. Eugénie, encore enfant, éveillée à la culture par des hommes savants, comme Mérimée ou M. Beyle plus connu sous son nom de plume de Stendhal, ne sait pas encore qu'elle épousera le neveu du vainqueur d'Austerlitz.

    Eugénie, la dernière impératrice ; Jean des Cars

    Portrait officiel de l'impératrice Eugénie par Franz Xaver Winterhalter (XIXème siècle)


    Ce sera fait le 30 janvier 1853. Eugénie a vingt-sept ans. Un âge relativement avancé, pour l'époque, pour se marier. L'Espagnole, comme avant elle les Autrichiennes, ne sera pas épargnée. On se gaussera d'elle, on sera jaloux de sa beauté, on la critiquera parce qu'elle n'est pas française mais aussi parce qu'elle ne s'embarrasse pas d'hypocrisie et de faux-semblants...On ne l'aimera pas parce qu'elle est de si petite naissance, en oubliant que les Bonaparte ne sont finalement, eux aussi, que des parvenus...
    De fait, comme Marie-Louise, en son temps, qui fut si injustement critiquée, Eugénie va devoir essuyer les sarcasmes des courtisans mais aussi des journalistes qui, en ce milieu de siècle, n'hésitent plus à railler les grands dans leurs journaux...Et elle a presque disparu dans les limbes de l'Histoire alors que cette femme à la longévité exceptionnelle n'a disparu qu'en...1920, c'est-à-dire, il y'a à peine...94 ans !!
    Et pourtant, Eugénie fut une femme exceptionnelle, pas épargnée par la vie, mais qui sut tenir une cour flamboyante, érudite, dans la veine de cette cour de l'Ancien Régime que tous les souverains du XIXème siècle cherchèrent à singer. Eugénie était belle mais n'avait pas oublié d'être intelligente. Elle fut le joyau de la cour de son mari, elle aima Napoléon III malgré leur écart d'âge et malgré ses infidélités -souvenons-nous de la Castiglione-, lui donna un fils unique, le Prince Impérial, qui, comme l'Aiglon, le malheureux enfant de Napoléon Ier et Marie-Louise, fut foudroyé dans la fleur de l'âge -vingt-deux ans à peine...
    Après avoir connu les ors des Tuileries, de l'Elysée et de Compiègne, où elle organisa, avec son époux, les fameuses séries, Eugénie connaîtra, après la défaite de Sedan et la proclamation de la République, en 1870, l'amertume de l'exil en Angleterre, où elle put encore accompagner son époux vers la mort -Napoléon III meurt, en 1873, des suites d'une opération d'un calcul dans la vessie, à l'âge de 64 ans, à Chislehurst, en Angleterre, sans avoir revu la France.
    Eugénie devait lui survivre encore quarante-six ans, connaître l'horreur de la Première Guerre Mondiale, qui emporta tant de jeunes gens avant de s'éteindre, vieille dame respectable, à 94 ans. Elle avait perdu un époux, un enfant et ses illusions. Revenue en France, l'ex-impératrice déchue vivra dans le souvenir de cet Empire enfoui dont elle avait été la perle et visita, au début du XXème siècle, le château de Compiègne, qui avait été sa demeure, comme une simple particulière.

     

    « Château de Compiègne, 7 août 1910. Un groupe de visiteurs écoute les explications du guide. Les voici dans le salon des Fleurs, l'ancienne chambre du prince impérial. On y voit encore, sur une table, les traces d'inscriptions faites avec un couteau par l'enfant, une bêtise qui lui avait valu une punition. Dans le groupe, une très vieille dame chancelle et demande si elle peut s'asseoir. La chaleur ? Tout en noir malgré l'été, le visage complètement voilé, elle a le regard fixe. On s'affaire autour d'elle, on lui donne à boire et, soudain, on la reconnaît. L'Impératrice ! L'Impératrice à Compiègne ! On alerte les conservateurs. Eugénie est accompagnée d'une dame et de deux messieurs, Pietri et Primoli. Incroyable scène, les visiteurs, qui ne comprennent pas tous de qui il s'agit, reprennent la visite.
    Eugénie demande à une faveur :
    -Puis-je rester seule un moment dans la chambre de mon fils ?
    Tout le monde se retire, on referme les portes. L'Impératrice redevient l'Impératrice...
    Son dernier séjour, ses dernières séries remontent à... 1868 ! Un autre siècle, avant le Canal de Suez, la tour Eiffel, la Cinématographe, avant les drames...C'était il y'a...quarante-deux ans !
    La vieille dame reste seule dans l'ancienne chambre de Louis pendant dix minutes. Personne ne la dérange. Les murs ont-ils une âme ? Elle peut se le demander en songeant à cet enfant qui avait joué ici et qu'elle avait cru voir un jour régner sur son pays. La porte s'ouvre, la dame d'honneur aide l'Impératrice à faire bien retomber son long voile. Dans le secret de sa méditation, elle l'avait relevé. Pour mieux retrouver une ultime fois les images du temps heureux. »

    Eugénie, la dernière impératrice ; Jean des Cars

    Eugénie, à la fin de sa vie (début XXème siècle)

    C'est le passage le plus émouvant du livre, qui fait monter les larmes, quand on pense à tout ce que cette pauvre femme avait pu connaître dans sa vie privée... 
    On peut penser ce que l'on veut des Bonaparte et de l'Empire mais pas nier qu'Eugénie fut une femme exceptionnelle, avec beaucoup de qualités et injustement oubliée par l'Histoire. Avec la verve d'un romancier, Jean des Cars fait revivre l'impératrice sous nos yeux, comme il le fit dans sa très bonne biographie de Sissi. Sans se laisser aller à plaindre ces personnages qui sont pour lui des sujets d'étude, sans nier leurs fautes, parce que n'importe quel être humain en fait, de toute façon, c'est avec chaleur que l'auteur nous restitue le grand destin de cette demoiselle de Teba, appelée par erreur de Montijo en France, belle Andalouse au coeur pur mais exalté, qui sut se montrer à la hauteur de la tâche qu'un homme aimant les femmes et qui ne supportait pas de ne pouvoir la posséder, lui confia.

     

    Eugénie, la dernière impératrice ; Jean des Cars

     Chislehurst House, dans le Kent, où Napoléon III décéda en 1873

     

    En Bref :

    Les + : une bonne biographie, détaillée mais pas trop. Exhaustive et rigoureuse, servie par une plume rigoureuse. 
    Les - : 
    Aucun.   


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  • « Ces femmes de l'ombre, éclairées par la lumière de la puissance, ont toutes compté à travers cinq siècles de notre histoire. »

     

    La Saga des Favorites ; Jean des Cars

    Publié en 2013

    Editions Perrin

    451 pages

    Résumé : 

    Après le succès de La Saga des reines, Jean des Cars signe les étincelants portraits des favorites les plus célèbres. Proches du pouvoir, et l'exerçant parfois d'une manière clandestine, elles forment un galant cortège de femmes à qui de grands hommes doivent beaucoup.
    Qu’est-ce qu’une favorite ? Le mot, sans doute d’origine italienne, signifie qu’une femme « a les faveurs » d’une personne de haut rang. Elle ne se contente pas d’être une maîtresse, elle dispose de moyens, a une influence politique, économique ou artistique ; elle obtient des résultats, heureux ou calamiteux. Rien ne se fait ou se défait sans elle.

     

    Les égéries retenues par l'auteur ont toute joué un rôle en raison de leur emprise sur un monarque, prince-président, roi, empereur, qu'il soit marié, veuf ou célibataire : Agnès Sorel, Diane de Poitiers, Gabrielle d'Estrées, Louis de la Vallière, la marquise de Montespan, Mme de Maintenon, les soeurs de Nesle, la marquise de Pompadour, Mme du Barry, Zoé du Cayla, Lola Montez, Miss Howard, Katia Dolgorouki, Blanche Delacroix, Magda Lupescu et Wallis Simpson.

     

    Une quinzaine de portraits de femmes qui ont bousculé l'Histoire du monde. Pour le meilleur et pour le pire. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis : 

    Favorite...le mot, encore aujourd'hui, fleure les amours interdites et le scandale...Les favorites furent, depuis que Charles VII, au XVème siècle, distingua pour la première fois une très belle jeune femme du nom d'Agnès Sorel comme une maîtresse au-dessus des autres, hors normes, des femmes belles (ou pas), intelligentes (en majorité) et surtout, douées d'une sensualité qui leur firent s'attacher les plus grandes têtes couronnées du monde...Ainsi de Diane de Poitiers, la magnifique, qui fut l'amante d'un homme de vingt ans son cadet (le roi Henri II), de la superbe et pétillante Athénaïs de Montespan, grand amour de Louis XIV ou encore, la scandaleuse et sulfureuse Gabrielle d'Estrées qui fit tourner la tête du Vert-Galant...puis il y'eut également les toutes jeunettes, les naïves, qui s'attachèrent à leur royal amant, comme la jeune Louise de La Vallière, qui aima Louis XIV pour lui-même et non pas pour la couronne qu'il portait sur la tête. Il y'eut celles, comme cette dernière, qui furent aimées du peuple et celle, honnies, comme Wallis Simpson, en Angleterre ou encore, Magda Lupescu, la maîtresse du roi Carol II de Roumanie...celles, encore, qui parvinrent à s'accrocher contre vents et marées à leur position privilégiée, à force d'intelligence et d'esprit, comme la Pompadour qui, après avoir été la maîtresse de Louis XV fut, en quelque sorte, sa favorite spirituelle et l'amie dont il ne pouvait pas se passer...Et il y'en eut encore d'autres, englouties aujourd'hui dans un relatif oubli, comme Zoé du Cayla, favorite de Louis XVIII, Miss Howard, favorite du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte et qui, on l'oublie souvent, finança une partie de la campagne électorale de son amant ou encore, la jeune Blanche Delacroix, jeune fille de 17 ans qui prit dans ses filets le roi Léopold II de Belgique, qui avait presque cinquante ans ( ! ) de plus qu'elle...

     

    La Saga des Favorites ; Jean des Cars

    Agnès Sorel en Vierge à l'Enfant par Jehan Fouquet (XVème siècle)

    Toutes ces femmes eurent en commun de faire tourner la tête des grands de ce monde. Elles sont pourtant toutes différentes, issues de milieux, d'époques et de contextes disemblables. Mais elles ont toutes eu les faveurs d'une tête couronnée et cela, pour diverses raisons. Parce qu'elles étaient belles, intelligentes, sensuelles, aimantes...les raisons ne manquent pas à expliquer pourquoi plutôt celle-ci que celle-là. Parfois tragiques, parfois belles, leurs histoires nous font découvrir l'Histoire du monde sous une facette différente et, sous le vernis policé de la chronique officielle, les aventures des rois avec leurs favorites nous montrent, tout simplement, des hommes comme les autres, qui ont aimé, qui n'ont parfois pas eu le loisir d'épouser une femme qui leur convenait et dont il devait s’accommoder -la réciproque était vraie, ceci étant dit. Parfois, les favorites furent de véritables amantes, de cœur et de corps, parfois des femmes détestables seulement motivées par le luxe et les avantages dont elles pouvaient retirer d'une liaison, voire d'un mariage royal...Mais toutes, dans l'ensemble, furent des femmes aux destins complexes, à la vie flamboyante et parfois tragique, mais toujours intéressante. Il est intéressant de connaître l'intime de ces femmes de l'ombre, que l'Histoire aurait, très certainement voulu se débarrasser, mais en vain, parce que les favorites apportent avec elles ce parfum sulfureux de scandale qui plaît, qu'on le veuille ou non. Sans ses secrets d'alcôves et ses petites histoires croustillantes, l'Histoire ne serait pas l'Histoire.  Les favorites ont marqué plus de cinq siècles de notre histoire, avec plus ou moins d'engouement et de succès. Considérées comme des curiosités ou des sujets d'études intéressants, ces femmes n'en finiront certainement pas de nous faire parler et, grâce à des livres comme celui-ci, on pénètre dans l'intimité de grands destins et l'on en apprend beaucoup, tant sur les favorites que sur l'époque dans laquelle elles vivaient.
    Jean des Cars nous livre ici une sorte de livre-catalogue chronologique, facilement abordable et abondamment illustré, ce qui n'est pas mal du tout...quelques petites erreurs relevées de ci de là, mais ce serait vraiment le seul bémol que je soulèverais. Quant au style, rien à dire, il est on-ne-peut-plus claire et surtout, on retrouve cette plume chaleureuse et virevoltante qui caractérise en général les œuvres (je pense notamment à ses sagas sur les grandes familles européennes : Romanov, Windsor, Habsbourg) de des Cars. smile

     

    La Saga des Favorites ; Jean des Cars

    Blanche Delacroix, baronne de Vaughan et les deux enfants qu'elle eut de Léopold II de Belgique

     

    En Bref :

    Les + : livre intéressant, bien écrit et facile à aborder.
    Les - :
     quelques petites erreurs... (des coquilles ?) 


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  • «Qui aime le sait. Qui n'aime pas ne le sait pas. Celui-là, je le plains et n'ai rien à lui dire.» 

    Appelez la Sage-Femme ; Jennifer Worth

     

    Publié en 2008 en Angleterre ; en 2013 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Call the Midwife

    Editions Albin Michel

    464 pages 

    Résumé :

    Rien ne prédestinait Jennifer Worth à devenir sage-femme dans les quartiers miséreux des Docklands. Quand à vingt-deux ans elle rejoint les sœurs de Nonnatus House, une maternité qui vient en aide aux plus pauvres, elle s'apprête à vivre l'expérience de sa vie...

    A la fois bouleversant et bourré d'optimisme, aussi captivant qu'un roman, cet inoubliable témoignage a inspiré la série désormais culte, Call the Midwife

    Ma Note :  ★★★★★★★★★★ 

     Mon Avis :

    Beaucoup d'entre nous ont découvert le roman de Jennifer Worth par le biais de la série qui en a été adaptée en Angleterre, sous le titre Call the Midwife. Personnellement, j'ai découvert ce livre un peu par hasard mais le résumé m'a bien plu et je me suis dit « pourquoi pas » ? Le témoignage de cette femme qui fut sage-femme dans les quartiers pauvres de Londres après la guerre ne pouvait être qu'intéressant.
    Et, oui, en effet, ça l'est. Déjà, parce que le métier de sage-femme n'est finalement pas si connu que cela, même si on s'accorde à dire que c'est le plus beau du monde. Et ça l'est également de part l'époque qui est traitée...Jennifer Worth a vingt ans dans les années 1950 et la médecine et l'obstétrique ont encore de gros progrès à faire...la pilule contraceptive n'existe pas encore, les familles continuent d'être très nombreuses, surtout dans les couches défavorisées de la population qui n'ont pas accès aux moyens de contraception qui existaient à ce moment-là -on se rend compte d'ailleurs que les différences de conditions de vie et d'hygiène étaient encore très marquées à ce moment-là-, les antibiotiques n'en sont encore qu'à leurs débuts...l'auteure nous décrit également le cadre dans lequel elle exerce sa profession, l'East End de Londres, ces quartiers populaires et miséreux dans lesquels les conditions de vie des plus mal lotis n'ont certainement pas évolué depuis des lustres. Parfois, ce sont des réminiscences de Zola, de Dickens, de Gaskell, avec leurs romans populaires et industriels, que l'on retrouve dans la description des Docks par Jennifer Worth...et pourtant, cette femme, motivée et dévouée, n'exerçait pas il y'a cent-cinquante ans de ça mais à peine soixante...!

     

    Appelez la Sage-Femme ; Jennifer Worth

    La série Call the Midwife, adaptée du livre

     

    Plus que de simples Mémoires, Appelez la Sage-Femme est un véritable portrait d'une société très populaire et industrieuse mais chaleureuse et pleine de joie de vivre, dans laquelle l'arrivée d'un enfant est souvent un rayon de lumière...Jennifer Worth nous décrit également l'évolution de la profession, les conditions dans lesquelles les femmes, il n'y a pas encore si longtemps, étaient obligées de mettre au monde leurs enfants, faute de moyens médicaux et sanitaires suffisants. Il est parfois complètement aberrant de lire qu'au début du XXème siècle, la nécessité d'être encadrée, lors de la naissance, par du personnel qualifié, faisait débat...il est aberrant de voir comment, pendant des années, les médecins se sont ingéniés à mettre des bâtons dans les roues des sage-femmes parce qu'ils estimaient que la médecine était leur terrain de chasse gardée et qu'elles n'avaient absolument aucune légitimité...Mais, au-delà de ces considérations, Jennifer Worth nous livre aussi de beaux portraits, émouvants de par leur beauté, de par leur tragique, également, la pauvreté brisant des vies sans espoir de se voir réparées un jour...Poignant mais aussi plein d'optimisme, Appelez la Sage-Femme est un très beau livre, truffé d'humour mais aussi, quand il le faut, de gravité. On sent chez Jennifer Worth un profond attachement à ce métier qu'elle exerça dans sa jeunesse, auprès de gens qui n'avaient pas eu beaucoup de chance dans leur vie mais suffisamment d'ingéniosité pour en faire quelque chose. Un livre que je conseille.

     

    Appelez la Sage-Femme ; Jennifer Worth

    Les tenements de Londres, immeubles ouvriers encore habités dans les années 1950

     

    En Bref :

    Les + : un beau témoignage, émouvant et drôle, sur un beau métier.
    Les - : 
    Aucun.

     


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  • « Les louanges terminent le discours comme elles l'ont commencé ; c'est un adoucissement indispensable devant et après tout ce qu'il y'avait à dire. »

    « Cette pute me fera mourir », Mémoires du duc de Saint-Simon, Saint-Simon

    Publié en 2011

    Date de parution originale : 1829

    Editions Le Livre de Poche (collection La Lettre et la Plume)

    451 pages

    Résumé :

    « Cette pute me fera mourir... » soupirait Marie-Thérèse, reine de France, épouse de Louis XIV, en regardant le Roi s'afficher avec la belle Montespan. Le duc de Saint-Simon, qui a tout vu et tout entendu, raconte Versailles et ses brillants acteurs. Témoin de la grandeur du règne, il en explore aussi les coulisses : intrigues, scandales et anecdotes se mêlent aux récits des morts illustres. À la fois véridiques et visionnaires, ses Mémoires nous font entrer au Château et partager la vie de la cour et du Grand Roi avec un esprit, une verve, un génie inégalés. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Il n'est pas une biographie ou un essai historique traitant du Grand Siècle et de Louis XIV qui ne cite, au moins une fois, des extraits des fameux Mémoires du duc de Saint-Simon, courtisan aux yeux de lynx et à la plume acérée. Né en 1675, d'un ancien favori de Louis XIII, le mémorialiste, filleul du roi Louis XIV fera sa carrière, comme tous les grands de son époque, dans l'armée, sans pour autant nourrir beaucoup d'intérêt pour la chose militaire. Ce que Saint-Simon, fidèle du duc d'Orléans, futur Régent et du tout jeune duc de Bourgogne, petit-fils préféré de Louis XIV, aime par-dessus tout, c'est observer son siècle, disséquer les caractères et retranscrire ensuite le tout, avec une plume parfois acide et cancanière mais qui n'en reste pas moins juste et cruellement lucide. Formidable témoin d'un temps qui, lui-même devait l'estimer, marquerait l'Histoire, il décide de coucher sur ses papiers ses émotions et ses différents avis -car, bien sûr, il est difficile de juger objectivement une époque dont on est le contemporain- et reste, pour cela, un témoin privilégié d'une époque qui ne cessera d'intéresser les historiens...certes, ces Mémoires ne sont pas à prendre au premier degré et on ne peut s'empêcher de penser, en lisant certains portraits, que Saint-Simon s'est laissé aller à tels ou tels éloges ou telles ou telles critiques du fait d'opinions personnelles mais, lorsqu'on ouvre ce livre, c'est une restitution grandeur nature du règne du Roi-Soleil, du Château, de la Cour en général, qui prend vie sous nos yeux, comme une formidable remontée du temps. Nous sommes en présence de Sa Majesté, de la discrète et un peu bigote Madame de Maintenon, dans le particulier des petits-fils de France et particulièrement du duc de Bourgogne -le père de Louis XV-, le plus prometteur, celui dont la perte fit tant de mal à la France.

    « Cette pute me fera mourir », Mémoires du duc de Saint-Simon, Extraits ; Saint-Simon

    Louis XIV et sa famille (Nicolas de Largillière, XVIIIème siècle) 

    Parlons maintenant du style...qu'en dire ? Il y'a tellement de choses qui viennent à l'esprit quand on évoque cette langue truculente, imagée et tellement vivante des XVIIème et XVIIIème siècles. Alors, même si certains passages sont parfois un peu obtus voire carrément pas clairs pour des lecteurs contemporains, l'édition nous aide grâce à des notes bienvenues mais je trouve que c'est ça aussi qui donne tout son charme à un écrit ancien et nous permet, finalement, d'accomplir encore plus pleinement notre retour dans le temps, dans les salons de Marly et Trianon et dans les immenses et froides galeries de Versailles. On sent chez Saint-Simon une véritable volonté de laisser une trace, de raconter tout ce qu'il a vu et son style imagé -on a l'impression, par moments, de voir la plume courir sur le papier et, de fait, de lire par-dessus l'épaule du mémorialiste- permet d'adhérer très vite, la surprise de la langue passée.
    Bref, ce petit bouquin, qui ne contient que des extraits des fameux Mémoires, qui sont particulièrement conséquents et considérés encore, malgré leur manque d'objectivité, comme des références, tant littéraires qu'historiques, est une lecture passionnante pour tout ceux s'intéressant au règne de Louis XIV et la vie de Cour sous ce monarque. Anecdotes, portraits, traits de plumes rageurs, on se faufile comme une petite souris dans le monde venimeux des courtisans et dans celui, guindé et si particulier, mais pas dénué de tendresse pour autant, de la famille royale, entre bâtards et enfants légitimes, qui se groupent comme des étoiles autour de la figure tutélaire que Louis XIV représentera, malgré tout, jusqu'à la fin de sa vie, à l'aube d'un siècle nouveau. Ecrivant en 1739, sous le règne de Louis XV, le fils de ce duc de Bourgogne que l'auteur admira et estima tant, c'est avec une certaine mesure que le mémorialiste décrit les vices et travers de la Cour, sans pour autant rechigner à abîmer les grands d'un bon mot, s'il le juge bon et mérité.
    Une lecture à conseiller à tous les amoureux du Grand Siècle et à ceux de Louis XIV.

     

    « Cette pute me fera mourir », Mémoires du duc de Saint-Simon, Extraits ; Saint-Simon

    Louis XIV en costume de sacre (Hyacinthe Rigaud, XVIIIème siècle) 

    En Bref :

    Les + : une formidable peinture d'un des plus fabuleux règne...certes, Saint-Simon n'est pas toujours très objectif mais c'est un plaisir de lire ces portraits acérés et parfois, très lucides.
    Les - : quelques passages un peu ardus à comprendre pour des lecteurs du XXIème.

     


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