• Une enquête du commissaire aux morts étranges, tome 6, Le moine et le singe-roi ; Olivier Barde-Cabuçon

    « Voyez-vous, dans la vie, personne n'est ce qu'il paraît être. Un enquête policière consiste moins à démasquer le coupable qu'à soulever les masques dont se pare l'espèce humaine en société pour y lire, derrière toute cette façade d'apparence, la réalité de l'âme humaine. »

    Couverture Le commissaire aux morts étranges, tome 6 : Le moine et le singe-roi

     

     

      Publié en 2019

      Éditions Babel (collection Noir)

      336 pages 

      Sixième tome de la saga Une enquête du commissaire    aux morts étranges

     

     

     

     

    Résumé :

    Dans les jardins si carrés de Versailles, tout va de travers. Au milieu du labyrinthe, un horrible meurtre est commis. Un précurseur de Jack l’Éventreur sévit-il sous les fenêtres de Louis XV, le Singe-roi ? Parmi les suspects, rien de moins que le premier chirurgien du roi, un peintre de la cour et la tenancière d'une maison d'un genre très particulier où les relations habituelles entre hommes et femmes sont inversées. Gangrené, Versailles semble devenu le royaume de la transgression des interdits. 
    Dans cette nouvelle enquête du commissaire aux morts étranges, jamais encore les rapports de force n'avaient été aussi exacerbés et l'autorité autant remise en question. Faut-il se soumettre, se démettre ou se révolter ? Le chevalier de Volnay sait qu'il n'a pas le droit à l'erreur, tandis que, tout excité, le moine semble considérer les jardins de Versailles comme un nouveau terrain de jeu. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Un mystérieux autant qu’inquiétant meurtrier sévirait-il dans les allées rectilignes de Versailles ? Quand le chevalier de Volnay et le moine hérétique sont appelés pour une nouvelle enquête, ils découvrent avec effroi dans le Labyrinthe des jardins de Versailles une toute jeune femme blessée à mort. Que faisait là Flore Vologne de Bénier, une jeune provinciale débarquée depuis peu de sa Provence natale et qui cherchait une vie meilleure ? Et surtout, qui pouvait lui vouloir du mal ?
    Remontant la piste, le commissaire aux morts étranges et le moine ne sont pas au bout de leurs surprises : un peintre fétichiste, vouant une passion aux pieds de ses modèles, un premier chirurgien du roi, une mère maquerelle d’un genre étrange œuvrant avec ses filles dans une maison close d’un genre nouveau, où la soumission n’est pas là où l’attend...cette enquête sous le nez du pouvoir va s’avérer périlleuse pour l’enquêteur et son intenable collaborateur, qui prend un plaisir non dissimulé à rire des grands pour mieux cacher leur haine. Ajoutons à cela une société de cour gangrenée et corrompue, sur laquelle règne un roi désabusé et mélancolique qui cherche une échappatoire introuvable dans le sexe et la consommation des femmes et vous aurez un tableau bien sombre, à l’image de cet univers créé par Olivier Barde-Cabuçon dans sa série du commissaire aux morts étranges.
    Comme dirait MacBeth, « il y a quelque chose de pourri au royaume du Bien-Aimé » pour que l’on se permette de tuer impunément sous les fenêtres d’un souverain tenaillé par ces vices, torturé par sa conscience et dont l’image froide et distante donnera lieu à une légende noire aussi tenace que violente. Que j’ai aimé cette sixième enquête ! Après avoir beaucoup aimé l’ambiance poisseuse et sombre du cinquième volume, presque un huis-clos dans un village isolé des montagnes savoyardes, j’avais un peu peur des volumes qui suivraient. Dans une série policière, il est difficile de garder une constante tout en parvenant à se renouveler...eh bien j’ai trouvé qu’Olivier Barde-Cabuçon y parvenait parfaitement bien dans Le moine et le singe-roi. Ce roman est encore une fois une satire violente de l’époque : ce XVIIIème siècle est ô combien paradoxal, quand on songe que le règne de Louis XV personnifie autant la grandeur triomphante d’une société, qui avait diffusé sa langue, ses arts, sa culture jusqu’en Russie où l’on parlait et écrivait le français aussi bien qu’à Paris et les débuts de sa déliquescence. Vu à travers le prisme du regard du moine, Versailles semble un repaire d’insignifiantes fourmis grouillant autour de la figure hiératique de leur roi indifférent, enfermé dans sa tour d’ivoire. Des rois dont l’orgueil démesuré a poussé à la domination des hommes, tout en les emprisonnant dans un protocole et une étiquette qui leur interdit toute vie privée ou presque et jusqu’à la domination de la nature, qui s’offre domptée, matée au cordeau dans l’immense parc de Versailles.
    Ce roman m’a baladée de bout en bout et j’ai beaucoup aimé la manière dont a été menée l’enquête. Elle était complexe sans être compliquée et j’ai aimé également, peut-être plus encore que dans les tomes précédents, les personnages introduits dans ce tome. Bien loin de l’ambiance plus policée de Nicolas Le Floch, dont je vous ai souvent parlé, une série que j’ai beaucoup aimée également, les enquêtes du commissaire aux morts étranges sont sa facette plus noire, si l’on peut dire. Là où Jean-François Parot restait dans une description prudente du siècle, Olivier Barde-Cabuçon verse dans la critique franche, notamment par le truchement de son personnage du moine hérétique, sur lequel nous apprenons quelques petites informations dans ce tome-ci. Mais, comme dans Nicolas Le Floch, on retrouve déjà, presque latente, menaçante, l’ombre de la Révolution française, qui n’éclatera que trente ans plus tard mais semble déjà en dormance, dans la haine que le peuple et les laissés-pour-compte d’une monarchie sélective commencent à entretenir envers ses rois. Peut-être parce que le roman se passe à Versailles, j’ai eu l’impression que le contexte y était plus présent, même si l’auteur en soi, ne donne pas beaucoup de détails, ni sur la politique du temps, ni même de repères chronologiques...on est probablement avant 1764 puisque Madame de Pompadour est encore en vie mais après 1757 puisque l’attentat de Damiens est mentionné.
    Mais à part cela, c’est surtout un portrait au vitriol d’une Cour essoufflée et vaine que l’auteur se plaît à nous brosser ici. En même temps, on sent toute la passion d’Olivier Barde-Cabuçon pour son sujet, passion aisément transmissible, d’autant plus quand on n’a pas besoin de l’être, comme moi qui adore le XVIIIème siècle. Bref, tout cela pour dire que, encore une fois, j’ai passé un excellent moment en compagnie du froid et mystérieux chevalier de Volnay – dont la carapace se fend un peu dans cette enquête – et du moine hérétique, qui se mesure dans un combat épique au « singe-roi », Louis XV et à son monde.

    En Bref :

    Les + : une enquête bien ficelée, une fin rocambolesque qui m'a laissée comme deux ronds de flan car je m'attendais tout sauf à ça, un chevalier de Volnay qui brise un peu l'armure (dois-je vraiment vous dire que j'ai un petit faible pour ce personnage ?) Vraiment, c'était chouette.
    Les - : mais aucun, bien sûr ! 


    Une enquête du commissaire aux morts étranges, tome 6, Le moine et le singe-roi ; Olivier Barde-Cabuçon

     

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

    • Envie de découvrir d'autres enquêtes de Volnay et du moine hérétique ? Retrouvez ici mes avis sur les quatre premiers tomes : 

     

    Casanova et la femme sans visage (tome 1)

    Messe noire (tome 2) 

    Tuez qui vous voulez (tome 3)

    Humeur noire à Venise (tome 4)

    Entretien avec le diable (tome 5)


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 15 Septembre 2023 à 20:32

    J'ai lu de nombreuses enquêtes de Nicolas Le Floch et cette série d'enquêtes du commissaire aux morts étranges me tente aussi après avoir aimé cette chronique intéressante.

      • Lundi 18 Septembre 2023 à 10:07

        Merci pour votre commentaire. Si vous avez aimé Nicolas Le Floch, je ne peux que vous conseiller les enquêtes du commissaire aux morts étranges même si ce sont deux univers assez différents l'un de l'autre malgré tout...ma peur en démarrant cette série était justement de comparer avec Nicolas Le Floch mais non : à l'exception de l'époque traitée, la ressemblance s'arrête là, mais c'est aussi très intéressant. sarcastic

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