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Charlotte et Thomas Pitt, tome 6, Le cadavre de Bluegate Fields ; Anne Perry
Par ALittleBit dans Romans Policiers /Cosy mystery/ Enquêtes Historiques / Thrillers le 26 Août 2023 à 17:33« L'amour de la vérité nous sert de prétexte à fourrer notre nez dans un labyrinthe de choses qui ne nous regardent pas. »
Publié en 1984 en Angleterre
En 2012 en France (pour la présente édition)
Titre original : Bluegate Fields
Éditions 10/18 (collection Grands détectives)
382 pages
Sixième tome de la saga Charlotte et Thomas Pitt
Résumé :
Fidèle à son instinct de fin limier, l'inspecteur Pitt ne tarde pas à trouver la noyade d'Arthur Waybourne suspecte : issu de la gentry londonienne et atteint de la syphilis à seize ans, le jeune homme semblait avoir plus d'un secret à cacher...Mais après avoir arrêté et fait condamner à mort le précepteur antipathique de la victime, Pitt commence à douter. N'aurait-il pas envoyé un innocent à la potence ? Derrière les murs des salons cossus et les discours de façade, la vérité devient plus que jamais urgente à débusquer !
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Un frais jour de septembre 1886, un égoutier du quartier londonien de Bluegate Fields fait une macabre découverte : le corps d'un jeune homme entièrement nu, qui semble avoir été jeté là. Comment est-il mort ? Très vite, l'inspecteur Pitt et son second Harcourt Gillivray, dépêchés sur les lieux, en arrivent à la conclusion que la mort de ce jeune homme est suspecte et qu'il a probablement été assassiné. Mais qui aurait pu en vouloir à un garçon de seize ans, par ailleurs issu de la meilleure société londonienne, fils de Sir Waybourne ? Le mystère s'épaissit quand les policiers constatent que le jeune défunt, Arthur Weybourne, était atteint de syphilis.
Sixième enquête de l'inspecteur Thomas Pitt mais aussi, de façon plus officieuse, de son épouse Charlotte, qui ne manque pas de ressources, Le cadavre de Bluegate Fields semble, comme son prédécesseur Rutland Place, prendre une autre tournure, en se concentrant sur des affaires de moeurs. Certes, le contexte historique difficile et paradoxal de l'époque victorienne est toujours présent en filigrane mais j'ai l'impression qu'Anne Perry, ici, s'intéresse un peu plus à la psychologie de ses personnages et ce qui peut arriver derrière les portes closes, au sein des cellules familiales.
Même si j'aime beaucoup cette saga, j'avoue que je commençais à trouver le schéma un peu répétitif, depuis L'étrangleur de Cater Street : certes, Anne Perry continue d'utiliser les ficelles habituelles et attendues du roman policier sur fond historique et c'est avec habileté que l'autrice s'empare d'une époque. L'époque victorienne, en Angleterre, si elle fait référence au long règne de la reine Victoria qui couvre toute la fin du XIXème siècle, coïncide aussi avec l'essor industriel de l'Europe, particulièrement représenté Outre-Manche, avec ses nombreuses usines, ses docks, ses magnats mais aussi ses pauvres, n'ayons pas peur de dire, même, ces miséreux, contraints de travailler dans des conditions inhumaines dans les terribles workhouses décrites par Dickens par exemple ou dans des usines où le froid, la chaleur ou les matières manipulées réduisent considérablement l'espérance de vie des travailleurs. Enfin, les quartiers de Londres, en cette fin des années 1880, sont gangrénés par l'alcoolisme, la misère, la crasse, le banditisme, la prostitution... et quand on a le ventre creux, il n'y a pas que les adultes qui se résolvent à vendre leur corps pour subsister.
Comme Ann Granger plus récemment, Anne Perry n'hésite pas à montrer une époque dans tous ses paradoxes et c'est vraiment cet aspect sociétal, presque sociologique de cette série, qui me plaît beaucoup. L'époque victorienne est corsetée dans une pudibonderie mâtinée de religiosité, qui confine à une grande hypocrisie, mais recèle aussi une grande ignorance. L'inspecteur Thomas Pitt, habitué à côtoyer la misère humaine la plus terrible, doit aussi se confronter à l'hostilité méprisante des classes plus aisées, qui vivent en privilégiés derrière les murs de leurs belles maisons de Parangon Walk, Cater Street ou encore, Rutland Place.
Enquêtant officieusement en parallèle de son époux, torturé par l'idée d'avoir peut-être envoyé à la potence un homme innocent, mais suspect tout trouvé et idéal, Charlotte, bien née mais qui n'a pas hésité à se délester du confort que lui promettait sa naissance pour se marier par amour, se heurte à la dure réalité de la prostitution des plus jeunes, que ce soit des garçons ou des filles et, pour s'assurer une couverture afin de continuer ses investigations sans éveiller les soupçons, décide de partir en croisade contre ce fléau, avec l'aide de sa soeur Emily, lady Ashworth.
J'ai beaucoup aimé ce sixième tome et j'ai passé un bon moment : je l'ai trouvé un peu plus dynamique que les précédents et l'impulsion qui semble avoir été amorcée dans la cinquième enquête, continue ici. Alors qu'on s'installait dans une sorte de redondance, on en sort un peu ici, même si le fond, en soi, ne change pas vraiment. J'ai par exemple aimé la réflexion sur l'erreur judiciaire et la conscience du policier intègre qui ne peut, en son âme et conscience, envoyer un homme qu'il sent innocent à la potence, pour autant que le suspect soit idéal et antipathique. Et, toujours, cette façon de décrire sans exagération mais avec force les limites d'une époque faste, où le plus grand progrès côtoie aussi les plus grandes déchéances, me séduit. Je trouve que tout se mêle bien chez Anne Perry, ce qui fait de sa série une véritable série de romans policiers historiques, où le contexte n'est pas un simple prétexte.En Bref :
Les + : avec ce tome, j'ai l'impression que les enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt prennent un nouveau tournant qui, je l'espère, va se confirmer dans les tomes suivants. J'avais jusque là, malgré mon intérêt pour cette série, une impression de redondance parfois et ici, je l'ai un peu moins ressentie. C'était un bon moment de lecture.
Les - : une fin un petit peu abrupte.
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Tags : Roman, Policier, XIXème siècle, Histoire, Littérature britannique, Angleterre
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