• « Comment savoir quelle est la meilleure solution si nous ignorons la vérité ? Il vaut toujours mieux connaître la vérité, qu'on choisisse de l'occulter, de la cacher ou de l'oublier carrément. Si nous ne savons pas la vérité en premier lieu, nous risquons de commettre de regrettables erreurs. »

    Charlotte et Thomas Pitt, tome 2, Le Mystère de Callander Square ; Anne Perry

    Publié en 1980 en Angleterre ; en 2012 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Callander Square

    Editions 10/18 (collection Grands détectives)

    383 pages

    Deuxième tome de la série Charlotte et Thomas Pitt 

    Résumé :

    Cette enquête semblait élémentaire : quelle femme de chambre indélicate du très chic Callander Square a enterré ses nourrissons adultérins dans le parc ? Mais la vérité est loin d'être aussi simple, et le gentleman inspecteur Thomas Pitt n'est pas au bout de ses surprises, dans cette haute société victorienne où les faux-semblants sont rois. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Si vous vous souvenez, je me suis plongée dans la grande série d'Anne Perry, Charlotte et Thomas Pitt, en février dernier. Un peu après tout le monde, soit dit en passant mais... mieux vaut tard que jamais ! J'ai beaucoup aimé L’Étrangleur de Cater Street, son ambiance, la manière dont l'auteure a choisi de raconter son histoire et, par- dessus tout, les personnages de Charlotte et Thomas, que, je le savais, je retrouverai dans les autres tomes. Et me voilà donc embarquée, quelques mois plus tard, dans la lecture du Mystère de Callander Square. C'est avec plaisir et curiosité que je m'y suis plongée et le résumé en plus était prometteur, même si le sujet traité est assez sordide. En même temps -c'est malheureux mais c'est comme ça-, il est aussi un reflet de l'époque. Nous sommes dans les années 1880, Charlotte Ellison a épousé Thomas Pitt -je ne pense pas vous révéler un scoop en vous disant cela- et vivent modestement à Londres quand éclate l'affaire de Callander Square. Deux cadavres de bébés sont retrouvés dans le parc et Pitt est chargé de l'enquête. Serait - ce une des femmes de chambre des maisons entourant le square ? Une servante malencontreusement séduite qui a cherché à faire disparaître le fruit de ses égarements ? Les enfants étaient-ils morts-nés ? Ou, finalement, l'affaire est-elle bien plus compliquée qu'il n'y paraît ? Pitt va alors enquêter au sein même des demeures huppées de Callander Square et y découvrir parfois des choses effarantes et bien laides, cachées sous le vernis de la bienséance et des convenances.
    Dans cette deuxième enquête, j'ai retrouvé tout ce qui m'avait plu dans la première, L’Étrangleur de Cater Street : le charisme de l'enquêteur, Thomas Pitt, le caractère déterminé et volontaire de Charlotte, mais aussi l'époque -l'ère victorienne est définitivement passionnante- et la manière dont l'auteure aborde ses enquêtes. Anne Perry, plutôt que de se concentrer uniquement sur le point de vue de la police, privilégie d'abord ceux que le crime touche directement : ceux qui l'ont, éventuellement, découvert, les suspects, les témoins. Comme dans le premier tome, l'auteure décrit assez bien la psychose et la tension qui naissent dans un milieu, à la suite d'un découverte d'un crime, la peur instinctive de la police, la gêne que provoquent ses questions. Dans le cénacle assez fermé de Callander Square, Thomas Pitt se trouve confronté à une loi du silence presque machinale et à la condescendance des habitants, tant envers lui-même qu'envers les domestiques. La société est alors encore fortement fragmentée, les liens sociaux très codifiés et les préjugés ont la vie dure. Aidé par l'enquête subtile de Charlotte, Thomas va cependant réussir à lever le voile sur cette affaire qui semble avoir bien des ramifications et surtout, qui n'aura pas le résultat, un peu trop facile, qu'on attendait dès le départ. Et si les cadavres de ces deux bébés n'avaient pas été abandonné par une femme de chambre ou une servante séduite malgré elle ? Et si la vérité était plus complexe. Quand, à cela, s'ajoutent en plus quelques nouvelles grossesses étranges,
    des amours ancillaires et bien des secrets, difficile alors pour l'inspecteur, qu'on aide en plus de mauvaise grâce, de démêler le vrai du faux.
    Encore une fois, Anne Perry nous brosse un portrait cynique, sans concession mais qui semble étonnamment vraisemblable, de l'époque victorienne. Epoque paradoxale s'il en est, entre industrialisation bondissante et misère noire, violente à bien des égards. Désabusée, aussi : c'est bien pour cela que, malheureusement, si le crime commis sur deux nouveaux-nés est certes révoltant et choquant, il n'en surprend pas pour autant et Pitt est même le premier à reconnaître que si c'est une servante qui en est arrivée à cette extrémité, elle n'est pas la première et ne sera pas non plus la dernière. L'époque est cruelle, tant pour les plus petits que pour les femmes, réduites à la portion congrue. Les réflexions des personnages sont parfois extrêmement surprenantes voire assez révulsants pour nous, lecteurs du XXIème siècle, dont la société est moins codifiée, dans laquelle les femmes sont intégrées. Certes, notre propre époque n'est pas dénuée de ses aspects les plus sales et les plus indignes mais il est vrai que l'époque victorienne cache bien son jeu, sous un vernis de bienséance, de codes fortement respectés et de conventions derrière lesquelles on s'abrite frileusement.
    Le Mystère de Callander Square est encore une fois une bonne enquête, qui me donne envie de poursuivre ma découverte de cette série très importante, comptant à ce jour pas moins de trente-deux tomes ! J'ai retrouvé avec plaisir Charlotte et Thomas, jeunes mariés, qui m'ont rappelé les deux personnages d'Ann Granger -qu'ils ont sans aucun doute inspirés-, Lizzie et Ben Ross. Si j'ai parfois ressenti quelques longueurs, l'envie de savoir enfin le dénouement a été cependant la plus forte. Dénouement qui arrive peut-être un peu rapidement mais qui m'a surprise. Pas complètement, mais suffisamment pour que je ressorte de cette lecture satisfaite : non, je n'avais pas pensé à tout et j'aime beaucoup quand un roman policier arrive à me surprendre réellement, quand le dénouement démonte totalement mes suppositions premières ! J'ai parfois eu la sensation, pas forcément très agréable quoique pas extraordinairement dérangeante non plus, que les chapitres se ressemblaient beaucoup, que l'enquête n'était finalement rien de plus qu'une succession de chapitres sans de véritables liens entre eux : les personnages se reçoivent mutuellement, se font part de leurs doutes, de leurs soupçons à mots couverts, de leurs peurs. Peut- être certains sont-ils superflus. J'ai aussi regretté de ne pas avoir vu autant Charlotte que dans le premier tome et j'espère la retrouver un peu plus dans les tomes suivants.
    A part ça, j'ai pris un grand plaisir à lire cette enquête. Malgré les quelques petits défauts soulevés précédemment, j'ai aimé cette lecture, je m'y suis plongée avec curiosité et je ne peux vraiment pas dire que j'ai été déçue. J'aime beaucoup Anne Perry et mon intérêt pour son oeuvre se confirme avec la lecture de ce deuxième opus de son incontournable saga victorienne. A conseiller à tous les amateurs de romans policiers historiques.

    En Bref :

    Les + : incontestablement, les personnages, l'époque, l'ambiance et la manière dont l'auteure oriente ses enquêtes, en ne se focalisant pas uniquement sur le point de vue de la police. 
    Les - : 
    quelques répétitions, des chapitres qui parfois se ressemblent sensiblement dans leur forme, peut-être un petit manque de dynamisme.

     


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  • « Il n'avait pas payé le prix du sang, de son sang, et n'attendait plus ni repos ni pardon. »

    La Couleur de l'Archange ; Viviane Moore

    Publié en 2002

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    286 pages

    Premier tome de la saga Galeran de Lesneven

    Résumé :

    « Ils étaient quatre compagnons. Ils n'éprouvaient aucune appréhension, nul mauvais pressentiment et ils auraient sans doute beaucoup ri, si on leur avait annoncé que trois d'entre eux allaient mourir ! »
    Ainsi commence, en cette année 1133, une sanglante chasse à l'homme qui mènera Galeran de Lesneven de l'Aber Wrac'h, en pays d'Armor, jusqu'à la Normandie. Et c'est au coeur de l'abbaye fameuse du Mont-Saint-Michel, dans les sables de la baie, que se poursuivra son parcours initiatique et que, devenu chevalier, sa quête lui apparaîtra dans le sang et la passion des hommes. 

    Premier volet des aventures du chevalier Galeran de Lesneven, un des héros les plus attachants de Viviane Moore qui mêle ici évocation du monde médiéval et thriller avec un talent incontesté. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Avec ce premier tome d'une longue série, Viviane Moore -qui est une auteure française, comme son nom ne l'indique pas- nous entraîne sur les traces d'un héros pas comme les autres, Galeran de Lesneven, cadet d'une famille noble bretonne et enquêteur à ses heures.
    Nous sommes donc en 1133, quelque part en Bretagne, en pays de Léon, très exactement, une contrée sauvage, encore peuplée par des légendes immémoriales et des coutumes ancestrales. Galeran est un jeune garçon de seize ou dix-sept ans, à peine... toujours est-il que, s'il a fait ses classes, il n'a pas encore été adoubé.
    Le point de départ de l'intrigue est une lutte qui dégénère entre les Lesneven et les Lochrist, un clan voisin et ennemi. Plusieurs jeunes hommes appartenant à la mesnie des Lesneven vont subitement mourir et ces morts brutales réveiller la haine latente entre les deux familles. Commence alors pour Galeran une véritable quête identitaire, comme un rite d'initiation, qui va l'emmener jusqu'entre les murs de l'imposante abbaye du Mont-Saint-Michel, perché dans la mer, entre Bretagne et Normandie. Entraîné là-bas par un mystérieux chevalier après qu'il ait cru avoir tout perdu, Galeran, avant de devenir chevalier, va enquêter aux côtés de son mystérieux tuteur, sur des morts répétées, qui surviennent en l'abbaye sans que personne ne puisse les expliquer.
    Ça ne vous rappelle rien ? Je n'ai pas pu m'empêcher de penser au Nom de la Rose, bien sûr ! Une enquête en plein cœur d'une abbaye médiévale, un érudit flanqué de son aide : le chevalier, mystérieux bienfaiteur de Galeran et dont le nom ne sera révélé qu'à la fin, m'a aussitôt fait penser, par son érudition et sa logique, à Guillaume de Baskerville tandis que Galeran lui, est en quelque sorte son Adso de Melk, le jeune homme qui, à ses côtés, apprend à démêler une enquête mais aussi grandit en apprenant sur la vie. Près de cet homme bienveillant mais qui ne se révèle pas, Galeran va plus apprendre sur lui, les hommes et leurs travers, en quelques mois qu'en plusieurs années de formation.
    Le début du roman est un peu long, j'avoue ne pas avoir compris d'emblée où l'auteure voulait nous emmener.
    Dès le résumé, qui, à l'aide d'une citation tirée du roman, nous apprend la mort des compagnons de Galeran -cela aurait pu être sympa de garder le suspense soit dit en passant- on comprend que l'intrigue ne va pas être de tout repos, sans savoir réellement où elle va nous emmener.
    J'ai eu du mal à comprendre le lien entre les morts successives des compagnons de Galeran et l'enquête menée au Mont-Saint-Michel, avant de saisir que... eh bien il n'y en a pas vraiment, en fait ! Disons que c'est l'élément déclencheur, uniquement, ce que je n'avais pas vraiment compris à la lecture du résumé ! Parce que Galeran se trouve confronté à ces deuils, parce qu'il doit quitter un temps les terres des Lesneven, le voilà donc tout disponible pour aller mener une enquête, flanqué d'un maître aussi mystérieux qu'érudit. Mais, au final, cela se tient : qui y'a-t-il bien à chercher autour d'une mort accidentelle et de deux autres, perpétrées par un clan ennemi ? Rien là que de très banal. Mais parce qu'avec la mort de ses compagnons, Galeran devient en quelque sorte un homme, parce qu'avec eux disparaissent les souvenirs de l'enfance, elles sont un moment fondamental dans la vie du jeune homme. 
    Peut-être que cette enquête, justement, aurait pu être plus étoffée, peut-être l'auteure aurait-elle pu la développer plus... toujours est-il que j'ai aimé ce roman, je suis vite entrée dans l'intrigue et j'ai vraiment eu envie d'en savoir le fin mot ! Ces intrigues policières qui naviguent dans le mystère me plaisent beaucoup en général. La Couleur de l'Archange est un huis-clos étouffant, entre les murs d'une abbaye perdue dans une baie, cernée par les eaux qui, pour les hommes du Moyen Âge, devait sembler au bout du monde.
    Le roman est court, le dénouement vient vite mais on a tout de même le temps d'apprécier le climat de peur et de suspicion qui s'installe progressivement, entre terreur bien réelle et superstitions ancestrales et bien ancrées dans la croyance populaire.
    J'ai vraiment découvert l'univers de Viviane Moore avec ce roman. C'est une auteure que je ne connaissais vraiment pas mais qui a su me convaincre. La courte notice biographique en début d'ouvrage dit qu'elle nourrit une vraie fascination pour le Moyen Âge et cela se sent : je pense que l'auteure s'est aussi beaucoup inspirée des textes d'époques, peut-être des récits des exploits des Chevaliers de la Table Ronde... la quête initiatique de Galeran m'a un peu rappelé celle de Perceval par exemple, tandis que le chevalier, lui, évoque ces personnages mystérieux, ces chevaliers errants qui prennent un temps une place considérable dans la vie du héros, l'aident, avant de disparaître, comme ils sont arrivés. Quant à l'éveil à l'amour de Galeran, difficile de ne pas évoquer l'amour courtois, qui se développe justement au XIIème siècle...
    Quant à la présence d'un glossaire en fin de volume, elle est la très bienvenue et nous aide à comprendre certains termes de vocabulaire typiquement médiéval.
    J'ai commencé cette lecture sans attentes particulières mais j'ai finalement réussi à me prendre au jeu. Certes, il ne se passe pas grand chose au départ mais La Couleur de l'Archange est le première tome d'une saga importante, il est donc bien aussi de poser les bases d'un univers. Le personnage de Galeran est attachant et j'ai envie de lire ses autres aventures maintenant. Découvrir cette Bretagne médiévale à l'identité si fortement marquée au travers d'une enquête policière qui mêle meurtres de religieux et hérésies anciennes m'a plu !
    La Couleur de l'Archange est un bon roman historique qui ne plaira peut-être pas à tous mais saura, clairement, trouver son public.

    En Bref :

    Les + : une intrigue très intégrée dans son contexte, qui fait aussi la part belle à la littérature médiévale par certains de ses aspects et un héros attachant. 
    Les - : un début difficile parce qu'un peu longuet, durant lequel je me suis demandé où l'auteure voulait nous emmener. 

     

    Thème d'août, « Empreintes », 8/12

     


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  • « Il arrive qu'on croie connaître les hommes, mais en vérité on ne sait jamais tout sur eux. »

    Les Aventures d'Olivier Hauteville, tome 5, Dans les Griffes de la Ligue ; Jean d'Aillon

     

    Publié en 2014

    Editions J'ai Lu

    632 pages

    Cinquième tome de la saga Les Aventures d'Olivier Hauteville

    Résumé : 

    2 août 1589. Henri III, roi de France, est assassiné. Le meurtrier, atrocement mutilé par les gardes du roi, est méconnaissable. Il s'agirait de Jacques Clément, le moine qui a exigé un entretien en tête à tête avec le roi pour lui remettre d'importantes missives. 

    Mais le chevalier Olivier Hauteville, chargé par Henri de Navarre, beau-frère d'Henri III, d'enquêter sur l'affaire, a déjà rencontré Clément par le passé. Et il est formel : le cadavre n'est pas celui du Jacobin que l'on accuse...Est-ce bien Clément qui a été reçu par le roi ? Ou bien a-t-il été remplacé ? Si oui, dans quel but ? La tâche d'Olivier Hauteville s'annonce périlleuse, d'autant que, dans l'ombre, la redoutable Ligue complote contre Henri de Navarre, nouveau roi de France. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    À l'été 1589, les armées royales et celles du roi de Navarre s'apprêtent à opérer une jonction, afin de se coaliser contre la Ligue. Mais le 1er août, alors qu'il se trouve à Saint-Cloud, Henri III, reçoit un jacobin qui prétend avoir des informations de la plus haute importance à transmettre à Sa Majesté. Jacques Clément, fanatique endoctriné, porte alors un coup de couteau meurtrier au roi. Dans la nuit du 2 août, le dernier des Valois meurt, laissant son royaume entre les mains de son héritier, son plus proche parent, Henri de Navarre qui, comme chacun sait, est huguenot. Commence alors une période extrêmement troublée, pendant laquelle Henri IV, soutenu par ses propres troupes mais aussi par des catholiques fidèles quoi qu'il arrive à la Couronne, va tenter, grâce à des sièges et des pillages en règle, de conquérir son royaume et d'arracher les place-fortes aux mains des catholiques intransigeants, c'est-à-dire, la Ligue. Mais celle-ci, bien que divisée, est coriace et à cela s'ajoute des doutes quant à l'identité de l'assassin du roi. Une jeune fille présente à Saint-Cloud le jour de la mort du roi, Gabrielle d'Estrées, la maîtresse du Grand Écuyer, Roger de Bellegarde, a fait part de ses réserves, réserves qu'elle ne semble pas être la seule à émettre...
    Voilà dans quel contexte démarre le cinquième tome des Aventures d'Olivier Hauteville, le héros Renaissance de Jean d'Aillon et, une fois n'est pas coutume, l'auteur s'appuie sur une assertion totalement fantaisiste pour monter ensuite de toutes pièces une intrigue policière et aventureuse comme il en a le secret. Guère de doutes demeurent quant à l'identité de l'assassin d'Henri III : il s'agit bien de Jacques Clément, moine jacobin de Paris fanatisé par ses supérieurs. L'homme qui a poignardé le roi et le corps, bien que mutilé, retrouvé en bas de la fenêtre royale, sont une seule et même personne. Mais, dès le XVIIème siècle, on va commencer par remettre sa culpabilité en question, notamment les Jacobins, désireux de laver leur ordre de la tâche qu'un régicide y avait imprimée. Ainsi, en 1647, le père Guyard, reprenant les rumeurs qui ont couru dès 1589, démontrait que le véritable Clément avait été assassiné dans la maison où il passait sa dernière nuit avant d'aller rencontrer le roi et avait été remplacé par un soldat protestant.
    Enfin, plus proche de nous, en 1829, l'auteur des Mémoires apocryphes de la belle Gabrielle, la fameuse favorite d'Henri IV, qui faillit devenir reine de France, imagine que la jeune adolescente, présente à Saint-Cloud au moment du meurtre du roi, ne reconnaît pas Clément une fois mort.
    Pour autant, grâce à un contexte toujours bien restitué, des recherches précises et rigoureuses, Jean d'Aillon brode un récit plausible et qui a toutes les apparences de l'authenticité.
    Bien que lente à se mettre en place, l'intrigue est assez prenante et le contexte des Guerres de Religion compliqué mais intéressant. Jean d'Aillon a bien su capter toute la complexité et la subtilité d'une époque et des différents partis qui s'opposent alors : si l'on est tenté parfois de réduire les Guerres de Religion à un simple conflit religieux, ce qu'elles sont, bien sûr, mais pas que, il apparaît vite qu'une multitude de partis, alors, s'opposent, pour leurs propres intérêts et font donc aussi de ces guerres des conflits politiques. Ainsi, la Ligue n'est pas le parti unifié que l'on croit, tandis que le roi de France, sensé être catholique, n'hésite pas à s'allier aux armées protestantes de son cousin Navarre -et par ailleurs hériter-, afin de combattre la Ligue, parti des Guise et mouvement religieux autant que politique.

    Gravure sur bois allemande représentant l'assassinat d'Henri III par Jacques Clément puis la mise à mort de ce dernier par les quarante-cinq (1589)


    On croise aussi dans ce roman un grand nombre de personnages hauts en couleur mais véridiques ! Quand on dit que souvent la réalité dépasse la fiction ! Ainsi se croisent Henri IV, Mayenne, frère de feu le duc de Guise et lieutenant du royaume, sa sœur, la fanatique duchesse de Montpensier, la belle Gabrielle d'Estrées, encore adolescente et promise à l'avenir glorieux mais aussi tragique que l'on connaît. À ces protagonistes authentiques s'ajoutent aussi des personnages issus de la très fertile imagination de l'auteur et c'est avec plaisir que l'on retrouve Olivier Hauteville et sa jeune épouse, Constance de Mornay, fille adoptive d'un des capitaines d'Henri de Navarre.
    Les Aventures d'Olivier Hauteville sont les premières que j'ai lues. J'ai découvert Jean d'Aillon avec La Guerre des Trois Henri, trilogie qui démarre la série mais peut aussi être lue indépendamment. Le côté policier, au départ, m'avait un peu fait peur mais l'aspect historique des livres, lui, avait su me séduire bien au-delà de mes espérances ! Et j'ai retrouvé dans ça dans Récits cruels et sanglants pendant la Guerre des Trois-Henri et dans cet opus là également. La fin du XVIeme siècle français, si elle plonge dans la sauvagerie et le chaos, n'en reste pas moins une époque passionnante !
    J'ai trouvé que l'intrigue de Dans les griffes de la Ligue mettait un moment à se mettre en place mais ceci est compréhensible, quand on voit dans quel contexte elle prend corps. Ce serait stupide d'occulter ce dernier, voire complètement impossible. Sans contexte, impossible de comprendre tous les tenants et aboutissants du roman. Certains lecteurs se sont plaints de cette lenteur, de cette omniprésence de l'Histoire. C'est en même temps un peu la patte de l'auteur, ce qui fait toute la force de l'oeuvre de Jean d'Aillon, qui est l'un des auteurs de romans historiques les plus précis. Ses romans sont tous appuyés par de très solides recherches et assis sur des bases tout aussi solides parce que bien maîtrisées. L'Histoire est très présente, certes, mais on sait à quoi s'attendre avant de lire ses livres. Difficile donc d'aller le lui reprocher par la suite.
    J'ai relevé une petite erreur au début du volume : la veuve d'Henri III, Louise de Lorraine-Vaudémont n'est pas une petite-fille de Catherine de Médicis. Hormis ca, à part quelques coquilles, rien à signaler.
    Dans les griffes de la Ligue est un roman qui a su me convaincre. J'y ai passé du temps parce que cela était nécessaire pour moi, j'ai eu le sentiment au cours de ma lecture qu'il fallait que je prenne bien tout mon temps au risque d'omettre quelque chose et de ne plus comprendre. Très dense, ce cinquième volume des Aventures d'Olivier Hauteville est un roman historique très bien mené, dans lequel je n'ai pas retrouvé les petites inégalités qui me gênent chez Jean d'Aillon. Le style est fluide, incisif et précis, totalement au service de l'histoire qu'il raconte. Les personnages, fictifs comme historiques, sont tous bien décrits, ils prennent vraiment corps sous nos yeux et sont un point fort indéniable.

    La bataille d'Ivry en 1590 : épisode du fameux « Ralliez-vous à mon panache blanc ! »


    J'ai trouvé ce cinquième tome très abouti. Et passionnant... parce que je suis une amoureuse de l'Histoire et que j'ai eu vraiment eu l'impression, avec ce roman, de saisir toutes les subtilités d'une époque très riche, que l'on réduit parfois au seul affrontement du parti ligueur et du parti protestant alors que c'est beaucoup plus compliqué que ça au final ! Tout un tas de partis se mêlent et s'entremêlent tout en poursuivant des buts différents et profitant des événements pour servir leurs propres intérêts. J'ai trouvé que Jean d'Aillon prenait vraiment bien toute la mesure de l'époque dans laquelle il situe son histoire, ce que, j'avoue, j'attendais de lui. C'est bien le moins qu'il pouvait faire, si je puis dire !
    Tous les événements incontournables sont aussi très bien décrits : la mort d'Henri III, la bataille d'Ivry durant laquelle Henri IV prononça son fameux Ralliez-vous à mon panache blanc, le terrible siège de Paris qui suivit et la famine qu'il entraîna.
    En parallèle, Olivier Hauteville enquête tant sur le mystère qui entoure l'identité du meurtrier d'Henri III que sur une étrange et effrayante confrérie secrète, catholique, mais qui poursuit apparemment des buts qui lui sont personnels et dont les membres, portant des masques, se cachent derrière des noms d'archanges et se sont donnés comme titre : les Gardiens de la Foi.
    Dans les Griffes de la Ligue est une bonne fiction historique qui mêle adroitement faits authentiques et événements fictifs pour donner finalement un propos cohérent et vraisemblable qui a su me séduire. Peut-on dire que Jean d'Aillon est en quelque sorte le Dumas du XXIème siècle ? Il est certainement plus rigoureux que l'auteur des Trois-Mousquetaires mais on peut rapprocher leurs univers, notamment en ce qui concerne le côté aventureux et enlevé de leurs intrigues où les péripéties succèdent aux rebondissements. Mâtinés parfois d'un peu de légendaire -comme c'est le cas dans ce roman avec le surgissement, dans les derniers chapitres du fameux trésor du Temple-, les romans de Jean d'Aillon n'en sont pas moins toujours intéressants et ne manqueront certainement pas de séduire les amoureux d'Histoire, comme moi. Je regrette parfois que l'auteur ne soit pas plus connu. Il est prolixe et son oeuvre est suffisamment vaste, tant en époques qu'en personnages, que chacun, à mon avis, peut y trouver son bonheur. J'ai parfois été moins emballée, mais jamais déçue ! Et je crois qu'à l'issue de la lecture de ce tome, Olivier Hauteville est définitivement mon second héros préféré, après Louis Fronsac

    En Bref :

    Les + : un roman dense, enlevé, foisonnant, riche d'informations et de personnages intéressants. 
    Les - : quelques coquilles et une erreur historique au détour d'un chapitre, qui aurait pu être évitée. 

     


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  • « La main de Dieu peut être vue dans chaque événement si l'on est déterminé à l'y trouver, tout comme celle du diable. »

     

    Publié en 2010 en Angleterre ; en 2011 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Company of Liars

    Editions Pocket

    665 pages

    Résumé : 

    1348. La peste s'abat sur l'Angleterre. Rites païens, sacrifices rituels et religieux : tous les moyens sont bons pour tenter de conjurer le sort. Dans le pays en proie à la panique et à l'anarchie, un petit groupe de neuf personnes réunies par le plus grand des hasards essaie de gagner le nord, afin d'échapper à la contagion. Bientôt, l'un d'eux est retrouvé perdu...
    Alors que la mort rôde, les survivants vont devoir résoudre l'énigme de ce décès avant qu'il ne soit trop tard...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Encore une fois, ce fut un plaisir de retrouver Karen Maitland et son univers très personnel !! Si je devais établir un parallèle avec une auteure française, je comparerais Maitland à Andrea H. Japp. Leur manière d'aborder le Moyen Âge n'est pas la même mais on retrouve chez les deux une certaine tension, beaucoup de noirceur et des atmosphères très poisseuses... chez Japp, l'aspect policier est très présent, il est nettement plus effacé chez Maitland mais, aimant l'univers de l'une, dont je prends toujours un grand plaisir à découvrir les romans, je me doutais que j'aimerais aussi ceux de Karen Maitland.
    Beaucoup de gens l'ont découverte justement avec La Compagnie des Menteurs, peut-être son roman le plus connu en France. Pour ma part, c'est avec Les Âges Sombres, l'été dernier, que je me suis plongée pour la première fois dans l'ambiance sale et angoissante d'un roman de cette très talentueuse auteure britannique que je ne connaissais pas, jusqu'alors.
    Et, pour la première session de mon Club Lecture, j'ai tout de suite pensé à l'orienter autour de l'oeuvre de Karen Maitland... La Compagnie des Menteurs a été choisi par les autres participantes et j'en ai été ravie parce que je voulais aussi le lire. C'est chose faite...
    Alors, alors... j'ai aimé bien sûr... difficile de ne pas aimer un tel roman !! Mais je crois que j'ai préféré Les Âges Sombres, même si on retrouve pas mal de points communs entre les deux romans.
    La Compagnie des Menteurs est cependant un excellent thriller, servi par un contexte historique attrayant et plutôt bien restitué, si tant est qu'on puisse parler de contexte parce que ce n'est finalement pas le plus important.
    Ce que j'aime, avec Karen Maitland, c'est que ses personnages, très souvent, sont des déshérités : paysans pauvres, vagabonds, infirmes et non pas des personnages plus importants et du coup le contexte historique passe en second plan, derrière un portrait sans concession de l'époque médiévale et surtout, de sa société, marquée par de nombreux clivages. Ses romans sont souvent d'une grande trivialité, mais attention, il n'y a rien là de critique ou de péjoratif. C'est juste que son univers, très marqué, a quelque chose de trivial, de grossier parfois, mais ça fonctionne bien, parce que l'auteure sait l'emmener. Sa perception du Moyen Âge n'est pas policée comme on pourrait avoir tendance à visualiser l'époque aujourd'hui, mâtinée d'un vernis un peu trop conventionnel, consensuel et...contemporain ! Le Moyen Âge n'est plus l'époque obscure et obscurantiste qu'on se plaisait à décrire il n'y a encore pas si longtemps, pour autant, la vie des plus défavorisés n'était pas simple et je trouve que l'auteure a vraiment su capter ça et le restituer à merveille. Du coup, son portrait du Moyen Âge des pauvres a quelque chose d'effroyable dans toute son horreur, à plus forte raison si s'ajoute à cela une grande pandémie, peut-être la plus grande et la plus meurtrière que l'Europe ait jamais connu : l'épidémie de peste de 1348. Si, encore à cela on rajoute en plus une guerre de succession avec la voisine et ennemie irréductible -la France-, on comprend que la vie ne soit pas simple en ce milieu de XIVème siècle, d'autant plus que le temps n'est pas au beau fixe et qu' il ne cesse de pleuvoir... tant qu'à faire ! Ce qui, au final, n'est pas complètement faux puisque il apparaît qu'un véritable changement climatique s'est opéré en Angleterre entre la fin du XIIIeme et le milieu du XIVème siècles, entraînant notamment pluies diluviennes, inondations et pertes des récoltes.
    La compagnie des menteurs c'est en fait une petite troupe hétéroclite, jetée sur les routes par la maladie, la disette, la pauvreté, des vagabonds jeunes ou vieux, aux passés différents et aux aspirations différentes aussi mais qui se voient alors unis dans une même quête : celle d'un abri plus au nord là où, du moins l’espèrent-ils, la maladie ne les rattrapera pas. On fait donc connaissance avec des personnages tous à l'opposé des uns des autres : un marchand de reliques -le narrateur que l'on ne connaît que sous le nom de Camelot et qui prête sa voix au récit-, deux ménestrels vénitiens, un magicien, un jeune couple, une gamine étrange qui lit l'avenir dans les runes, un garçon qui fuit une accusation... Tous ces gens, déchirés par les antagonismes, rongés parfois par des secrets, se retrouvent unis dans un même voyage, avec l'envie commune et désespérante de survivre alors que, déjà, la maladie progresse et, après commencé à tuer dans les ports de l'Angleterre remonte dans les terres.

    Une représentation médiévale de la Peste Noire à Londres (vers 1370, milieu du XIVème siècle)


    Quel contexte plus effrayant, plus torturant que celui de la Grande Peste Noire ? Je trouve pour ma part cette période extrêmement fascinante mais en même temps absolument horrible et terrifiante, parce que lorsque l'on se met à la place des Hommes du Moyen Âge, on se rend compte que, ignorant tout de la maladie et de la contagion ils se retrouvaient soudain cernés par un mal rapide et violent contre lequel rien n'était efficace et surtout qui pouvait frapper et décimer un village entier en quelques heures seulement ... et j'ai trouvé que l'auteure parvenait bien à saisir ce qu'a dû être la terreur des contemporains, démunis devant une épidémie d'une telle ampleur n’épargnant personne pas même les troupeaux et les animaux de compagnie, rayant parfois de la carte des villages entiers, réduisant de près de moitié les populations des grandes villes. On assiste alors à des flambées de haine nées du désespoir et notamment une recrudescence de l'antisémitisme et des meurtres de Juifs, qu'on accuse d'empoisonner les puits et de transmettre la maladie ; on assiste à un exode précipité, comme celui de nos héros, pour tenter, souvent en vain, de se mettre à l'abri d'un fléau qui frappe partout, tout le temps et de manière imprévisible ; enfin l'Église profite aussi des troubles ambiants pour assurer sa mainmise sur les consciences, la seule prière à Dieu et à Ses Saints étant considérée comme l'unique remède à une maladie que l'on ne comprend pas et qui est, forcément, un châtiment de Dieu et une colère divine ( « Les hommes s'accrochent à la moindre lueur d'espoir pour échapper à leur mort. » ). Paradoxalement, on voit aussi apparaître des comportements d'hostilité face à Dieu, des doutes concernant sa miséricorde ou l'intercession des saints : la vision de la statue d'un saint dépouillée de ses oripeaux et flottant dans un champ inondé est assez révélatrice ( « Il faut bien qu'il y'ait un remède, car toutes les prières que les prêtres et les moines adressent au ciel ne servent absolument à rien. » ; « De nombreux villageois n'imploraient plus la miséricorde de Dieu, ils étaient en colère après Lui. Ils se sentaient trahis, et avaient de bonnes raisons. ») . Habilement, Karen Maitland se sert de ses personnages et de son intrigue pour pointer du doigt la toute-puissance d'une Église corrompue qui cependant ne guérit plus et commence à ne plus convaincre et à vaciller aussi sous les coups répétés d'un fléau plus fort que son pouvoir de persuasion.
    Le siècle est en pleins bouleversements, la société change, sous l'impulsion des guerres et de la maladie... et je trouve qu' elle est particulièrement adaptée pour servir de cadre spatio-temporel à un récit comme celui-ci, tendu et terrifiant à souhait. Le fait que la Peste soit accompagnée d'un déluge continu et qui rappelle justement celui de la Bible et préfigure en quelque sorte la fin des temps rajoute une terreur latente bien travaillée, que les personnages ressentent, de plus en plus, au point parfois, de frôler la folie. Et cette terreur est aussi communiquée tout doucement au lecteur...qui ne peut cependant pas pour autant lâcher le livre ! Parce qu'on sent dès le départ que les vérités des divers protagonistes vont finalement se dévoiler lentement et qu'on veut savoir. 
    La Compagnie des Menteurs est un roman assez angoissant, qu'il est cependant difficile de lâcher une fois qu'on a mis le nez dedans et malgré quelques petites retombées du récit en cours de lecture. Si celui-ci s'essouffle un peu parfois, c'est pour mieux repartir et je dois dire que j'arrivais vite à me replonger dans l'intrigue après avoir décroché un petit peu -et surtout, jamais bien longtemps.
    Si vous aimez le Moyen Âge, si vous aimez les intrigues environnées de brumes angoissantes sans pour autant avoir une prédilection pour l'horreur parce que Karen Maitland sait toujours nous faire peur sans tomber dans le gore, alors son univers qui flirte parfois avec le fantastique, vous plaira. On se laisse vite emporter par des intrigues comme celle-là, efficace et bien maîtrisée. J'ai pris plaisir à retrouver le style de l'auteur et à découvrir petit à petit les secrets des différents protagonistes, qui se dévoilent au fur et à mesure du récit.
    Quelques éléments un peu trop contemporains m'ont gênée mais dans l'ensemble, ils se font rares.
    Je n'ai donc pas grand chose à reprocher à ce roman et ne peut que vous conseiller de vous lancer.

    En Bref : 

    Les + : un récit lent, certes, mais qui prend son temps pour distiller venin et angoisse. Au final, l'histoire est terrifiante mais terriblement...captivante ! 
    Les - : quelques anachronismes, mais rien de grave. 

     

    Bingo littéraire du printemps

     

     


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  • « Le Malin n'apparaissait jamais, il préférait s'introduire sournoisement dans l'esprit et le coeur de ses victimes pour les manipuler et les pousser au crime. »

    Les Enquêtes de Louis Fronsac, tome 7, L'Enigme du Clos Mazarin ; Jean d'Aillon

    Publié en 2007

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    445 pages

    Septième tome de la saga Les Enquêtes de Louis Fronsac 

    Résumé :

    Magistrats et truands au coeur d'une terrible affaire criminelle visant à renverser le premier ministre.


    En 1646, Jules Mazarin, président du conseil royal, signe des lettres de patentes qui permettent à son frère Michel d'augmenter la surface de la ville d'Aix. Au même moment, le comte d'Alais, gouverneur de Provence, avertit le ministre que de fausses lettres de provision, toutes signées par le cardinal et permettant d'accéder à des charges de conseiller au parlement, sont mises en vente. Qui peut bien chercher à céder de tels documents et à semer le trouble dans la ville ? Mazarin charge le marquis de Vivonne de mener l'enquête. Aidés de Gaston de Tilly, procureur du roi et du perspicace Louis Fronsac, les trois hommes finiront par découvrir la vérité après avoir frôlé la mort plus d'une fois, dans une ville d'Aix sale, obscure et encore enserrée dans ses remparts moyenâgeux.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Et c'est parti pour la chronique du déjà septième tome des aventures de Louis Fronsac, le notaire enquêteur du XVIIeme siècle, imaginé par Jean d'Aillon !
    Si vous me suivez depuis un moment, vous savez que j'aime particulièrement l'univers de cet auteur, très historique. À ce jour, à part sa saga Trois-Sueurs, j'ai découvert chacune des séries qui ont fait son succès, à commencer par Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour et Les Enquêtes de Louis Fronsac.
    Je dois dire que ma préférence va à cette dernière, pour le moment. Peut-être parce que, même si le Moyen Âge me passionne, je lis beaucoup de romans se passant à notre époque. Nettement moins au temps de la régence d'Anne d'Autriche, qui est pourtant une période riche et intéressante !
    Nous sommes donc en 1646. Louis XIV est un jeune roi de huit ans et le pays est alors administré par la reine-mère, Anne d'Autriche, régente du royaume et secondée par son tout puissant ministre, Mazarin. Celui-ci, au mois de janvier 1646 a autorisé son frère, Michel, archevêque d'Aix, à enclore dans la ville le faubourg Saint-Jean. Michel Mazarin se voit en plus, par lettres patentes royales, donner les vieilles murailles de la ville, tours, places, lices intérieures et extérieures. La ville d'Aix, sale et encombrée, pourrait alors être reconfigurée de fond en comble. En décembre, l'archevêque se défait pourtant de ses droits sur ce que l'on appelle désormais le Clos Mazarin.
    Au printemps de l'année suivante, Louis Fronsac se voit confier une mission de la plus haute importance par le principal ministre : le gouverneur de Provence vient de l'avertir que de fausses lettres de provision, signées de sa main, circulent à Aix ce qui, bien sûr, pourrait mettre le ministre dans l'embarras, d'autant plus qu'on ne peut pas dire qu'il jouisse d'une grande popularité. En effet, si la ville s'agrandit, son Parlement va s'étoffer de même et de nouvelles charges vont être créées... la possession de ces fausses lettres soit-disant signées du principal ministre, pourraient alors être la porte ouverte à tous les trafics, ce qui, bien sûr, n'est pas pour rassurer Mazarin dont la position n'est pas sûre.
    Louis Fronsac, ex-notaire parisien, présentement marquis de Vivonne et chevalier de Mercy, doit donc aller discrètement enquêter au cœur même de la capitale provençale et c'est flanqué de ses compagnons habituels, Gaston de Tilly, procureur du roi, des reîtres Bauer et Gaufredi, qu'il se dirige vers le midi, pour une enquête qui ne sera pas de tout repos.
    Ce septième tome des Enquêtes de Louis Fronsac nous fait sortir du cadre habituel de la saga, à savoir Paris et ses environs proches et nous emmène à la rencontre d'une ville que Jean d'Aillon connaît bien puisqu'il y vit : Aix-en-Provence. Déjà abordée dans le précédent tome, là, la cité se trouve au centre même du récit puisque toute l'enquête de nos héros va s'y dérouler. Et celle-ci ne sera pas de tout repos car, s'il y'a bien une province à l'époque, qui est peu encline à se plier au pouvoir royal c'est bien la Provence, forte de son passé indépendant dont elle s'enorgueillit. Louis et Gaston ne manqueront pas de trouver sur leur passage des hostilités fortes voire haineuses et de voir souvent leurs vies menacées. En parallèle, ce tome va nous permettre d'en apprendre un peu plus sur les origines et le passé de Gaufredi, ancien soldat de la Guerre de Trente Ans et garde du corps de Louis Fronsac.
    L'Énigme du Clos Mazarin est un bon roman historique, auquel sa trop grande précision a parfois été reprochée. Il est vrai que, sans connaître Aix, la ville nous apparaît parfois de façon un peu abstraite mais la précision et la technicité sont des caractéristiques de l'oeuvre de Jean d'Aillon. Il faut s'y habituer et, pour ma part, cela ne me gêne absolument pas, au contraire. Un roman historique assis sur des bases solides est forcément crédible. Et c'est le cas ici.
    L'Énigme du Clos Mazarin ne sera pas mon préféré de la saga. Pour autant, j'ai aimé cette parenthèse aixoise, même si les lieux et personnages abordés ne me parlaient pas. Disons que le contexte et les différents protagonistes sont moins familiers que ceux des tomes précédents mais c'est bien aussi de changer ses habitudes et cela permet aussi à la saga de se renouveler, loin de Paris. Avec ce tome, Jean d'Aillon commence aussi à aborder la Fronde, grave crise qui va secouer la France, Paris comme les provinces, dès l'année 1648.
    L' enquête est encore une fois intéressante, bien menée et on va retrouver, tirant les ficelles, un personnage déjà croisé dans les tomes précédents et qui se pose systématiquement en ennemi tant de Mazarin que de Louis, qui parvient toujours à déjouer ses intrigues ! J'avoue que l'enquête, des plus embrouillées, n'a pour moi livré ses secrets que dans les ultimes chapitres ! J'ai fini par me laisser porter par cette intrigue qui, par certains aspects, m'a rappelé les énigmes quasi inextricables que Jean-François Parot fait résoudre à son héros, Nicolas Le Floch !
    C'est toujours un plaisir aussi de retrouver les personnages que nous connaissons pour certains, depuis l'enfance : c'est le cas de Louis et Gaston, rencontrés en 1624 dans Les Ferrets de la Reine, alors qu'ils sont de jeunes garçons pensionnaires du collège de Clermont à Paris. J'ai trouvé intéressant aussi que l'auteur lève quelque peu le voile sur le passé de Gaufredi, qui est devenu un personnage clé depuis son apparition dans la saga et, s'il nous apparaît peut-être moins mystérieux, du moins est-il moins romanesque et plus humain.
    Vous l'aurez compris, cette septième aventure de Louis Fronsac est un bon cru ! J'ai eu quelques soucis de chronologie au départ parce que L'Homme aux Rubans Noirs, cinquième opus de la série, était en fait un recueil de plusieurs nouvelles qui se passaient entre 1645 et 1647 et l'une d'entre elles se déroulait après L'Énigme du Clos Mazarin. Mais une fois ce problème résolu, ça ne m'a pas gênée plus que ça. L'enquête est de qualité, le style un peu inégal peut-être, mais relativement direct et dynamique ; en somme, l'auteur met sa plume totalement au service de son roman et ça fonctionne. Pas besoin d'un style hautement soutenu, ça n'est pas ce que l'on demande à un roman policier. Il faut qu'il soit efficace et si, en plus, il a un contexte historique sur lequel il s'appuie, il faut que celui-ci soit bien restitué et basé sur de solides recherches et connaissances et Jean d'Aillon est aujourd'hui un des romanciers contemporains dont l'oeuvre est la plus précise et certainement l'un des auteurs les plus rigoureux dans ses recherches et restitutions des différents faits et éléments. Pour un auteur qui à la base n'est pas historien, cela force assurément le respect !
    Bref, vous l'aurez compris : je ne peux que vous encourager à découvrir cette saga et, plus généralement, l'univers assez diversifié, de l'auteur. Si vous aimez l'historique et l'Histoire en général, comme moi, je suis sûre que vous serez séduits.

    En Bref :

    Les + : une enquête intéressante qui nous fait découvrir autre chose que le Paris historique, vu et revu ; et c'est toujours un plaisir de retrouver nos personnages, qui plus est au sein d'une enquête des plus complexes ! 
    Les - : peut-être deux ou trois petites longueurs, mais rien de grave. 

     

    Les Enquêtes de Louis Fronsac, tome 7, L'Enigme du Clos Mazarin ; Jean d'Aillon

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