• « Les mets que nous préparons sont des bijoux. Nous sommes les orfèvres du goût. »

    Les Soupers Assassins du Régent ; Michèle Barrière

     

    Publié en 2010

    Editions Le Livre de Poche (collection Policier)

    349 pages

    Résumé : 

    A la mort de Louis XIV, la Cour regagne Paris et renoue avec les plaisirs : le vin mousseux de Champagne, très en vogue, coule à flots au Palais-Royal. 
    Des marchands de vin parisiens, qui ne jurent que par le bourgogne, déclare la vin au vin « saute-bouchon ». Sont-ils responsables de l'empoisonnement d'une jeune comédienne ? A moins que le poison n'ait été destiné au Régent sur qui se concentrent des haines tenaces...Baptiste, fournisseur du Palais-Royal en vin de Champagne, et sa soeur Alixe, cuisinière attitrée du Régent, vont se trouver, bien malgré eux, mêlés à ces événements. 
    Avec ce cinquième tome des aventures de la famille Savoisy, le lecteur plonge au coeur de ces huit années de l'histoire de France annonciatrices des Lumières. Marivaux écrit ses premières pièces, Voltaire entre et sort de prison, John Law lance le papier-monnaie...Champagne ! 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Une fois n'est pas coutume, je découvre une saga dans le désordre.
    Il faut dire que ce n'est pas vraiment un choix de ma part mais plutôt les circonstances qui ont fait les choses comme cela. Reçus lors de deux swap différents, Meurtres au Potager du Roy et Les Soupers Assassins du Régent, respectivement quatrième et cinquième tome de la saga consacrée à la famille Savoisy, étaient en ma possession, alors que les autres, non. Ceci étant dit, après avoir lu ces deux tomes, j'ai bien envie de découvrir ceux qui se déroulent au Moyen Âge et à la Renaissance.
    Nous sommes donc en 1718. Louis XIV est mort depuis trois ans et Louis XV n'étant qu'un petit garçon de huit ans incapable de gouverner, c'est son cousin, Philippe d'Orléans, qui assume l'exercice réel du pouvoir. Cette période, qui court de 1715 à 1723, date de la majorité du jeune roi, qu'on appelle sobrement la Régence -avec un R majuscule pour la différencier de celles de Marie de Médicis ou Anne d'Autriche-, est relativement méconnue ou plutôt, devrions-nous dire, mal connue. L'image que nous avons de la Régence est bourrée de clichés et de jugements hâtifs et préconçus, qu'heureusement les historiens actuels tendent à minorer, car on se rend effectivement compte, grâce aux études actuelles, que la Régence de Philippe d'Orléans ne fut pas qu'une période orgiaque, durant laquelle on se vautrait sans vergogne dans la luxure, en jetant l'argent par les fenêtres. Philippe d'Orléans ne fut pas cet homme machiavélique empoisonnant à tour de bras les héritiers légitimes de son oncle le Roi-Soleil, pour se rapprocher du trône. Au contraire, on s'aperçoit aujourd'hui que la Régence est une période bien plus stable qu'il n'y paraît au premier abord et que le Régent, peut-être fêtard et amateur invétéré de jolies femmes, n'en était pas moins un bon administrateur, qui laissa entre les mains de son cousin et neveu, un royaume relativement stable et apaisé, après une fin de règne longue et éprouvante.
    J'ai beaucoup aimé cet aspect du roman. Peu nombreux sont les romanciers qui situent leurs intrigues à cette période charnière de notre Histoire, relativement courte et coincée entre deux grands règnes bien connus et très étudiés. Et j'ai trouvé que Michèle Barrière restituait bien l'ambiance licencieuse qui régnait alors sans tomber pour autant dans le vulgaire ou graveleux. Oui, la Régence est une période où on a beaucoup fait la fête, où les soupers se terminaient souvent en coucheries... mais entre ces fêtes qui dérapent et les orgies romaines, il y'a tout de même un grand pas et l'auteure évite de tomber dans le sensationnel et la surenchère pour faire plus vendeur. Sa vision de la Régence est vraisemblable et, je pense, plutôt conforme à celle de l'historiographie contemporaine. Certes, le Régent s'adonnait à la paillardise dans l'intimité mais fut aussi un bon administrateur, sensé et soucieux du pouvoir qu'il représentait et qu'on lui avait confié.
    L' autre aspect du roman qui m'a plu, c'est bien sûr l'aspect culinaire, qui est le fil conducteur voire la colonne vertébrale de la saga de Michèle Barrière. Se consacrer à l'alimentation dans l'Histoire n'est pas une mince affaire, ce n'est effectivement pas le sujet le plus traité mais l'auteure s'est astreinte à beaucoup de recherches et ses romans fonctionnent. Je crois d'ailleurs que le côté plus policier de ses livres est surtout là pour valoriser, servir, le côté plus gastronomique. Dans Meurtres au Potager du Roy, j'ai eu en effet l'impression que l'enquête était surtout un prétexte. Mon ressenti s'est confirmé avec Les Soupers Assassins du Régent sans que cela me gêne outre-mesure.
    Parlons maintenant des personnages, si vous le voulez bien. J'avais fait connaissance avec la famille Savoisy dans le tome précédent, avec Benjamin, rejeton d'une famille huguenote de Genève, d'origine française. Marié à Ninon, bouquetière fournissant en fleurs la belle-soeur du roi, la princesse Palatine, il avait abjuré sa foi pour épouser une catholique ce qui lui avait valu de se brouiller avec sa famille. De ce mariage sont nés deux enfants, Alixe, l'aînée, puis Baptiste. En 1718, les deux enfants rencontrés brièvement dans les ultimes pages de Meurtres au Potager du Roy, sont devenus des adultes. Leurs parents sont morts, Ninon en mettant au monde Baptiste et leur père, lors d'une expédition dans le Nouveau Monde. Baptiste est l'époux de la jolie Elise, fille de gantier-parfumeur et il fournit la Cour, notamment celle du Régent, en champagne, un vin mousseux de plus en plus apprécié. Ambitieux, il ne recule devant rien, quitte à se faire des ennemis. Alixe, elle, a trente-six ans et a repris le commerce de son parrain, où elle vend limonades et confiseries. Elle est veuve depuis près de dix ans et a aussi perdu ses deux enfants lors du terrible hiver 1709. Elle vit donc seule, des revenus de son commerce mais il lui arrive aussi de passer en cuisine pour préparer les fameux soupers du Régent, où il réunit sa clique de roués mais aussi ses maîtresses comme Madame de Parabère ou encore, Madame de Prie.

    Les petits soupers de la Régence vus par Bertrand Tavernier dans le film Que la fête commence (1975)


    En cette année 1718, alors que l’Écossais Law, grâce à son système de papier-monnaie, promet de rendre à la France toute sa richesse et que les Français découvrent la griserie mais aussi les cruelles désillusions de la spéculation financière, chez les fournisseurs de la Cour, l'on se déchire, surtout les marchands de vin, divisés en deux partis irrémédiablement ennemis. Les tenants des vins traditionnels s'opposent aux fournisseurs de champagne, ce vin pétillant qu'on commence à apprécier de plus en plus en France mais aussi en Hollande ou en Angleterre.
    Découvert -mais pas inventé- au siècle précédent par un moine de l'abbaye de Hautvillers, le fameux dom Pérignon, le principe -naturel et non pas artificiel- qui fait que certains vins champenois se chargent en gaz et deviennent donc pétillants est étudié et mieux compris. On commence à domestiquer ce vin, si l'on peut dire car, jusqu'ici, les bouteilles de champagne, sous l'effet de la pression des gaz, explosaient littéralement et des productions entières disparaissaient alors. Mieux maîtrisée, la production du champagne connaît un vrai développement en ce début de XVIIIeme siècle et ce vin apparaît sur les grandes tables, de plus en plus, au grand dam des autres producteurs, notamment les Bourguignons, qui voient leurs vins supplantés.
    Cette affaire se complique encore lorsqu'une jeune comédienne, invitée à un souper de Philippe d'Orléans meurt après avoir bu du champagne. Est-ce un empoisonnement ? Si tel est le cas, Baptiste Savoisy, fournisseur exclusif de la Cour en champagne pourrait bien se retrouver dans une situation délicate, être accusé du meurtre de la comédienne mais aussi de conspirer contre le Régent ce qui, en pleine conjuration de Cellamare, ne serait pas étonnant. Alixe va alors devoir mener une enquête pas dénuée de dangers, pour en apprendre un peu plus sur cette fameuse querelle autour du champagne et de l'implication réelle de son frère.
    En parallèle, le récit est émaillé de nombreuses recettes qu'on retrouve en fin d'ouvrage. Toutes, bien sûr n'y figurent pas, car elles ne sont plus forcément adaptées à nos palais du XXIème siècle.
    L'époque est à l'émulation culinaire, mais la grande cuisine française en est encore à ses balbutiements. Sous l'influence de la Cour et des grands nobles, à commencer par Louis XIV, amateur de bonne chère, se nourrir n'est plus seulement un besoin naturel mais aussi un plaisir. La lourde nourriture gothique des siècles passés est en train d'être supplantée par une cuisine, pas forcément plus saine, mais plus goûteuse, plus légère quoique très abondante, avec des sauces et des épices sont le but premier n'est plus de masquer le manque de fraîcheur des produits comme les viandes. Les sucreries sont de plus en plus appréciées même si on ne peut pas encore vraiment parler de pâtisserie : pour cela, il faudra attendre le génie d'Antonin Carême au XIXème siècle.
    Au XVIIIeme siècle, continuant dans leur lancée, les cuisiniers deviennent presque des artistes, apprêtant les mets de maintes manières, jouant sur la présentation et l'association des saveurs. À cette évolution des goûts culinaires, il faut bien sûr associer les vins. Si on change de manière de consommer les aliments, les boissons n'y échappent pas : les vins rouges par exemple, bien qu'encore consommés, tendent à être supplantés par le champagne dont la nouveauté et le goût atypique attirent. D'où l'intrigue au centre de ce volume, qui fonctionne plutôt bien. J'ai même trouvé l'enquête plus captivante que dans le tome précédent et les personnages plus ciselés même si l'auteur prend un malin plaisir à malmener les représentants masculins de la famille Savoisy ! Si, dans Meurtres au Potager du Roy, Benjamin était naïf au point de confiner parfois à la stupidité, son fils Baptiste, lui, est sans scrupules et calculateur, traits de caractère que je déteste ! Benjamin souvent m'a fait lever les yeux au ciel, Baptiste au contraire, m'a souverainement agacée. J'ai beaucoup aimé Alixe cependant, une jeune femme bien de son temps, à qui la vie n'a pas toujours souri mais qui tient le coup et fait vivre la boutique de son défunt parrain en même temps que sa mémoire. Le fait qu'elle vole au secours de son frère qui s'est mis tout seul dans les ennuis, à ses propres risques et péril, est d'autant plus admirable et en rend l'ingratitude de son frère que plus flagrante !
    Cette plongée en plein cœur de la Régence m'a énormément plu et, encore une fois, le mélange d'enquêtes policières et de cuisine marche bien ! Si l'aspect policier est du vu et revu pour ceux qui aiment le genre et finissent par en connaître les codes j'avoue que le côté plus culinaire est assez inédit et original et surtout a le mérite d'être bien traité par l'auteure.
    Quant aux personnages, j'ai fini par apprécier Baptiste à la fin et j'ai été un peu triste de quitter Alixe, qui m'a vraiment plu, parce que je l'ai trouvée touchante et courageuse
    Ce roman m'a convaincue, peut-être bien plus encore que son prédécesseur. Une jolie découverte, avec ce roman original, qui mêle habilement deux domaines qui semblent à l'opposé l'un de l'autre et cohabitent finalement très bien : je devrai même dire qu'ils se marient à la perfection

    En Bref :

    Les + : une association habile de deux sujets qui semblent pourtant opposé ; une intrigue captivante et un contexte historique bien restitué et intéressant. 
    Les - : Louis XV fête son dixième anniversaire en 1719 dans le roman... à part ça, rien de grave ! 

     

    Les Soupers Assassins du Régent ; Michèle Barrière

    Bingo littéraire du printemps

     


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  • « Louis songeait avec force inquiétude qu'il avait accepté une affaire plus considérable et plus dangereuse qu'il ne l'avait pensé de prime abord. Réussir, c'était s'assurer des ennemis implacables. Échouer, c'était perdre ses soutiens. »

    Les Enquêtes de Louis Fronsac, tome 6, L'Exécuteur de la Haute-Justice ; Jean d'Aillon

    Publié en 2006

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    465 pages

    Sixième tome de la saga Les Enquêtes de Louis Fronsac

     

    Résumé : 

    Nous sommes en 1645 après la Conjuration des Importants. La cour de France se déchire à nouveau et un jeune homme de quinze ans arrive inopinément des Pays-Bas. 
    Il serait le fils du duc de Rohan et pourrait devenir le chef de file des huguenots de France. Mais le duc d'Enghien laisse entendre qu'il est un imposteur...

    L'ancien notaire, Louis Fronsac, désormais chevalier, sera chargé de découvrir la vérité. Aidé de son ami de toujours, Gaston de Tilly, ils mèneront l'enquête autour de la Bastille et dans le rue de la Pute-y-Musse et recevront l'aide d'un certain Jean-Baptiste Poquelin qui vient d'installer sont Illustre Théâtre au jeu de paume de la Croix-Noire. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis : 

    En 1630, alors que la ville d'Aix-en-Provence est en pleine agitation politique, le pouvoir local tolérant mal l'ingérence que le roi et le cardinal voudraient instituer dans leur ville, une jeune femme accompagnée de sa fille, de sa demoiselle d'honneur et flanquée d'hommes d'armes qui ressemblent plus à des malandrins, arrive dans la ville où elle séjourne un peu avant de remonter vers Paris. Arrivant de Venise, la duchesse de Rohan, enceinte doit ensuite gagner Paris où elle va accoucher. L'enfant est-il l'héritier légitime des Rohan ou le rejeton naturel d'un des amants de la duchesse, réputée d'avoir la cuisse légère ? C'est la grande question.
    Marguerite de Rohan n'est pas n'importe qui : elle est l'épouse du duc de Rohan et porte peut-être son héritier. Petite famille bretonne, elle a connu une ascension fulgurante et, au début des années 1630, le duc est le chef de file des huguenots. Il s'est battu dans les Cévennes et dans le Languedoc contre le prince de Condé, tenant du parti royal et catholique.
    En 1645, à Paris, Louis Fronsac est approché par le duc d'Enghien. Vainqueur de Rocroi, le jeune prince est entouré d'une aura et d'une influence importante : à la mort de son père, il sera prince de Condé et deviendra l'un des plus importants prince du sang. Il informe l'ancien notaire du prochain mariage de la jeune Rohan, la fille du duc et de la duchesse nommés plus haut, avec son compagnon, Chabot. Le but avoué de cette union est que Chabot récupère, par sa femme, la fortune des Rohan et le titre de duc. Seulement, la duchesse ne cesse de clamer depuis peu de temps que le fils qu'elle a mis au monde en décembre 1630 à Paris et que l'on croyait mort depuis plusieurs années est en fait en vie, a quinze ans et a été élevé à Leyde en Hollande. Pour Chabot, la déconvenue est grande, lui qui se voyait déjà duc. Pour Enghien, fils du prince de Condé, la possible existence d'un héritier des Rohan pourrait rallumer les anciennes tensions entre Rohan et Condé, vieilles d'une quinzaine d'années.
    Louis, qui est connu pour son incroyable capacité à démêler les affaires les plus embrouillées va donc devoir enquêter sur ce possible héritier de la famille Rohan et décider s'il est un imposteur ou bien le fils de feu le duc de Rohan et de la duchesse, dont la réputation sulfureuse n'incline pas à la croire quand elle proclame que son fils n'est pas un bâtard.
    Commence alors une enquête difficile pendant laquelle Louis va marcher sur des oeufs et s'attirer maints ennuis... Qui est donc ce mystérieux seigneur protestant qui semble tout faire pour lui mettre des bâtons dans les roues, envoyant même, pour ce faire, des hommes de main le rosser en pleine rue ? Et cette femme, tout aussi mystérieuse, qui semble s'attacher tant aux pas de Louis qu'à ceux de ses ennemis implacables ?
    La sixième aventure de Louis Fronsac est encore une fois assez captivante, malgré quelques longueurs au départ : l'intrigue met du temps à se mettre en marche et on en retrouve aussi quelques-unes avant les derniers chapitres, de nouveau captivants. Je dirais que le roman est un peu inégal, un peu en dents de scie, pour cette raison, sans que ce ne soit très, très gênant pour autant. Au final, quand on connaît bien l'univers de Louis Fronsac, on fait vite abstraction de ces petites imperfections
    On s'éloigne un peu de l'enquête policière convenue pour s'orienter vers quelque chose de moins criminel mais de tout aussi intéressant puisqu'il s'agit de rétablir une vérité, de démasquer un imposteur ou, au contraire, de confirmer une personne de bonne foi dans ses droits. Le souci c'est que l'enquête de Louis se passe à une période d'agitation politique intense et l'affaire finirait presque par ressembler à une affaire d'État. Quoique Louis conclue, il se fera forcément des ennemis, de l'un ou l'autre parti et pourrait perdre le soutien important du duc d'Enghien, ce qui n'est pas rien.
    En parallèle, nous retrouvons son grand ami Gaston de Tilly, commissaire au Châtelet qui enquête sur la mort étrange de l'un de ses sergents du guet retrouve roué dans le charnier près de la rue Saint-Antoine qui sert de cimetière à la Bastille. Y'aurait-il un lien entre l'affaire qui occupe Louis et celle-ci, qui s’avérerait alors être autre chose qu'un simple crime sordide comme il y'en avait tant à Paris à l'époque ?
    Après L'Homme aux Rubans Noirs, cinquième opus des fameuses Enquêtes de Louis Fronsac qui nous faisait faire un bon dans le temps grâce à cinq nouvelles se passant sous la régence d'Anne d'Autriche, nous « rétropédalons » -je ne crois pas que ce mot existe, hein, mais je l'aime bien et puis vous avez compris, non ?- pour revenir en 1645 et je dois dire que j'ai parfois été un peu perdue me souvenant de faits ou de détails du précédent tome et que l'on ne retrouve que de façon superficielle dans ce tome, tel ou tel événement n'étant pas censé s’être encore passé. Pour autant, cette sensation a vite disparu parce que j'ai été très intéressée par l'intrigue tournant autour de Tancrède de Rohan ou du moins, autour du jeune homme prétendant être Tancrède de Rohan. Cela nous change des enquêtes criminelles lambda et plus ou moins toutes menées de la même manière ! Je ne dis pas que ce n'est pas intéressant mais c'est parfois bien aussi de changer la façon de faire. D'autant plus qu'on retrouve quand même une enquête criminelle menée en parallèle de celle de Louis, par son acolyte de toujours, le commissaire de Tilly. Cela dit, au final, le parallélisme et la distinction entre les deux enquêtes s'avèrent un peu moins évidents à mesure que l'on avance dans la lecture car Jean d'Aillon, avec son habileté notoire, a bien sûr réussi, grâce à force pirouettes et cabrioles, à faire en sorte que les deux affaires soient bien plus liées qu'il n'y paraît de prime abord ! Elles finissent même par se télescoper en fin de volume pour finalement n'en plus devenir qu'une seule, ce que j'avais commencé à soupçonner dès le milieu de l'ouvrage sans savoir comment l'auteur allait amener cette fusion.
    Ce sixième m'a bien plu, vous l'aurez compris, même si ce n'est peut-être pas mon préféré. Passons sur deux trois petites incohérences, rien de grave en soi : mais c'est vrai que, parfois, cela a gêné ma compréhension de quelques passages. A part ça, le Paris des années 1640 revit sous nos yeux et Jean d'Aillon nous fait même faire un crochet par l'Aix-en-Provence des années 1630, une ville en proie aux troubles et en révolte ouverte contre les prérogatives royales.
    J'ai été peut-être un peu moins captivée que d'habitude mais l'intrigue a le mérite d'être originale et bien menée. Parce que j'ai des éléments de comparaison avec les précédents tomes, j'ai trouvé celui-là peut-être un peu moins enlevé mais c'est quand même un bon cru : je dois dire que, même si j'ai ressenti quelques longueurs en milieu d'ouvrage, les derniers chapitres m'ont vraiment captivée et je suis restée vraiment surprise devant le dénouement des investigations de Louis mais aussi de Gaston.
    L'enquête autour de Tancrède de Rohan ou, du moins, le prétendu Tancrède de Rohan est intéressante pour les conséquences politiques qu'elle implique et illustre bien le contexte de l'époque, les hostilités et tiraillements entre castes ou religions.
    Jean d'Aillon s'est basé ici sur une histoire authentique, rapportée par Gédéon Tallemant des Réaux dans ses Historiettes et qui secoua la Cour de France dans la seconde moitié des années 1640 : il y'eut bien une affaire Tancrède de Rohan. Partant ensuite de ce fait plus ou moins avéré et authentique, Jean d'Aillon brode pour nous fournir, un peu à la Alexandre Dumas, un roman d'aventures dans lequel s'entremêlent Histoire et romanesque. Et ça marche. Il nous fait faire connaissance également avec le bourreau de Paris, que l'on qualifie d'un doux euphémisme, l'exécuteur des hautes œuvres ou de la haute justice, terme qui a d'ailleurs donné son nom au roman et sa mystérieuse fille, Mathurine... 

    Et, encore une fois, on ne peut que louer l'immense travail de Jean d'Aillon. Une bonne bibliographie complète l'ouvrage, ce qui lui confère une certaine crédibilité. L'auteur est très investi dans chacune de ses sagas et on sent tout l'attachement, sinon l'amour, qu'il porte à chacun de ses personnages et peut-être plus particulièrement à Louis Fronsac qui est un peu son personnage phare, comme Sherlock Holmes a pu être celui de Conan Doyle.
    Je continuerai cette saga, parce que moi aussi je me suis attachée aux personnages notamment à Julie et Louis. Et revenir voyager dans le Paris de la régence d'Anne d'Autriche et les débuts du règne de Louis XIV, en compagnie de Louis et de ses compagnons, est toujours un plaisir

    En Bref :

    Les + : une enquête intéressante, avec des conséquences politiques et religieuses importantes et bien cernées par l'auteur. 
    Les - : quelques longueurs et, peut-être, deux trois petites incohérences. 


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  • « Un jour ou l'autre, chacun était mis en face de ses faiblesses et devait vivre avec ses fautes. »

    Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, tome 13, L'Inconnu du Pont Notre-Dame ; Jean-François Parot 

    Publié en 2016

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives)

    408 pages

    Treizième tome de la saga Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet 

     

    Résumé :

    Nicolas Le Floch est saisi par Le Noir, nouveau directeur de la Bibliothèque du roi, de la disparition d'un conservateur au cabinet des médailles. Quelle est l'identité du cadavre décapité découvert dans une maison démolie du pont Notre-Dame ? Q'augurent les informations transmises par Lady Charwel, alias La Satin, concernant un complot anglais visant Louis XVI ? Existe-t-il un lien entre les deux affaires ? D'autres meurtres suivront au cours d'une minutieuse enquête qui conduira le policier breton dans le Paris des receleurs et des maisons de jeu et jusqu'à la rade de Cherbourg. 

    Au milieu des intrigues de cour et des dangers de la ville, Nicolas Le Floch finira par résoudre cette sombre énigme en usant d'une découverte étonnante des Lumières. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Cette treizième enquête de Nicolas Le Floch, notre fameux commissaire en tricorne, s'ouvre au printemps 1786, alors que, depuis l'été précédent, la sordide Affaire du Collier ne cesse de créer remous et scandales. La reine est au centre de l'affaire et, bien que victime, elle est considérée par beaucoup comme une coupable, tandis que le cardinal de Rohan est plaint et l'objet de bien des sollicitudes. Les coteries s'opposent violemment dans cette affaire et se divisent, chacune soutenant une partie.
    C'est dans ce climat délétère et qui annonce déjà la Révolution, que Nicolas est choisi par le roi pour être plénipotentiaire auprès du Saint-Siège avant de retourner en France où il va devoir enquêter sur une affaire des plus emmêlées, comme c'est souvent le cas d'ailleurs. Nanti d'un nouveau chef, timoré et indécis, Nicolas se voit solliciter par Le Noir, l'ancien lieutenant de police, qui se concentre désormais sur sa tâche de bibliothécaire du roi. Or, l'un des employés de la Bibliothèque a mystérieusement disparu et des médailles qui y sont conservées sont retrouvées chez un receleur de Paris.
    Quand un corps est retrouvé dans les décombres des maisons du Pont Notre-Dame, en train d'être détruites, il n'en faut pas beaucoup à Nicolas et à son fidèle Bourdeau, pour en conclure que le cadavre est bien celui du conservateur de la Bibliothèque royale, étrangement disparu de la circulation. Mais est-ce bien lui ? Et l'affaire est-elle celle de simples vols et recels ? Et si cette petite criminalité ne se doublait pas d'un secret d'État, à quelques semaines du voyage officiel de Louis XVI à Cherbourg ?
    Entre son enquête pour meurtre et les limbes floues du Secret et de l'espionnage, Nicolas va devoir naviguer à vue dans une purée de pois de plus en plus opaque. Il va retrouver sur sa route l'intrigante Lady Charwel, qui n'est pas une inconnue, et, de façon très insistante, Sartine, son ancien chef, qui a cette fois la fâcheuse manie d'agir de son propre chef et de compliquer la tâche de la police. Quant à la sphère privée, Nicolas va devoir faire face à une importante révélation concernant son passé et sa filiation tandis que son fils, Louis, amoureux pour la première fois, songe déjà à se marier.
    Eh oui, le temps passe et elle est loin l'époque ou nous rencontrions Nicolas, jeune provincial fraîchement débarqué dans la capitale de sa Bretagne natale et embarqué, un peu par la force des choses, dans la police.
    Aujourd'hui, Nicolas n'a plus besoin de faire ses preuves et est l'un des meilleurs commissaires de police au Châtelet. Il est le père d'un jeune homme prometteur, Louis, qui fait sa fierté et s'apprête à passer du service du comte de Provence à celui de la reine. Quant à sa relation avec Aimée d'Arranet, elle continue, bon an mal an, malgré quelques houles.


    À quarante-six ans, Nicolas s'achemine doucement vers la maturité et pour nous, lecteurs, qui le connaissons depuis longtemps, c'est assez étrange de ne plus avoir sous les yeux le fringant jeune homme, fidèle de Louis XV et de madame de Pompadour. Il est vrai que l'auteur, depuis quelques tomes déjà, nous habitue à ce changement et le glissement vers l'âge se fait doucement, nous avons donc largement le temps de nous y faire, mais quand même... avec la jeunesse de Nicolas, c'est aussi toute une époque qui disparaît et qui peut nous rendre nostalgique, quelque peu.
    Ceci étant dit, concernant l'enquête, c'est toujours aussi plaisant de replonger dans l'univers très personnel de Nicolas, mais aussi de Jean-François Parot, qui nous le mitonne depuis des années avec amour.
    Ce treizième tome est encore une fois un bon cru : l'enquête est embrouillée à souhait, mêlant hommes travestis en femmes, cercles de jeu mal famés, espionnage étranger et risques pour la sûreté du roi. L'intrigue policière s'appuie sur le contexte historique de l'époque, particulièrement agité, où chaque coterie, chaque partie, essaie de se tailler la part du lion, la fin justifiant les moyens. C'est dans un contexte de décadence grandissante que prend corps l'intrigue de L'Inconnu du Pont-Notre-Dame.
    J'ai beaucoup aimé cette enquête et ce fut un réel plaisir pour moi que de retrouver les personnages, abandonnés il y'a un peu plus d'un an, à l'issue de La Pyramide de Glace. Je ne sais pas si c'est cette attente qui m'a rendu cette treizième enquête encore plus savoureuse, mais il est clair que je me suis délectée à la lire, malgré des passages qui, parfois, me laissaient un peu perdue ou avec des questionnements. La lumière s'est faite et de manière très originale, cette fois, dans les toutes dernières pages du roman et tout, enfin, s'est dénoué et est devenu clair.
    Je n'aurais qu'un petit regret, concernant le roman : c'est qu'une erreur de chronologie s'y est glissée, erreur que, d'ailleurs, je n'ai pas remarquée tout de suite, trop concentrée que j'étais sur le déroulement de l'enquête policière et inquiète de manquer quelque chose. Il y est en effet question de la cérémonie de relevailles de la reine Marie-Antoinette, à la suite de la naissance de son second fils, le petit Louis-Charles, duc de Normandie. Or l'enfant étant né en mars 1785, cette cérémonie, qui voyait la reine venir dans la capitale, notamment à Notre-Dame ou à Sainte-Geneviève, logiquement, elle n'a pu avoir lieu en mai 1786 d'autant plus que, à cette date, la reine était près d'accoucher de Sophie, son dernier enfant.
    Après avoir cherché des éclaircissements, notamment sur le site officiel de la saga, je me suis rendu compte que je n'étais pas la première à avoir remarqué cette erreur, qui a d'ailleurs été signalée à l'auteur, qui s'en est excusé. Comme on dit, faute excusée à moitié pardonnée. On ne va donc pas en tenir rigueur à Jean-François Parot, qui nous régale depuis des années et, pour conclure, nous dirons que l'erreur est humaine, voilà. Une saga ne peut être parfaite, exempte parfois de petites incohérences ou d'erreurs, qui s'expliquent d'autant mieux que le reste de l'intrigue a dû demander un travail considérable de recherches et de préparation à l'auteur. Qu'il ait donc laissé passer une petite erreur n'est pas catastrophique en soi mais il est vrai qu'elle m'a surprise sur le moment.
    Bref, pour en revenir au fond après nous être intéressés à la forme, je dirais qu'encore une fois, Nicolas Le Floch tient ses promesses. La saga s'est étoffée, depuis L'Énigme des Blancs-Manteaux, sans perdre pourtant cette touche très personnelle qui en fait une saga assez unique dans toutes les productions de policier historique. Le personnage principal est toujours aussi attachant, comme tous ceux qui gravitent autour de lui et qui sont devenus des personnages récurrents et qu'on est toujours heureux, nous lecteurs, de retrouver à chaque tome. Les personnages sont une grande force du roman et participent pour beaucoup à l'intérêt très vif que les lecteurs nouent rapidement.
    Je ressors de cette lecture encore une fois époustouflée par le talent de conteur de Parot, sa capacité à imaginer des intrigues aussi emmêlées en apparence mais au final tellement limpides. Toujours sous le charme de Nicolas, également et certainement encore plus amoureuse du XVIIIème siècle, si tant est que ce soit possible.

     

    En Bref :

    Les + : une enquête très embrouillée au premier abord mais qui s'avère tellement limpide au final ; des personnages et une atmosphère qu'on ne présente plus mais qui font tout le sel de la saga. 
    Les - : 
    une petite erreur de chronologie, pas catastrophique, certes, mais qui aurait pu être évitée. 

     

     

     


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  • « En vérité, leurs idées sur la justice et l'équité rapprochaient beaucoup les deux avocats, mais alors que pour Portalis, le droit prônait sur la vérité, c'était l'inverse pour Pascalis. »

    Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal ; Jean d'Aillon

    Publié en 1999

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    440 pages 

    Résumé :

    En 1307, Charles le Boiteux, comte de Provence, fait arrêter le commandeur du Temple d'Aix dans l'espoir de faire main basse sur le trésor qui s'y trouverait... mais en vain ! Presque 500 ans plus tard, le Palais Comtal est démoli et le jeune Marius Granet découvre un secret redoutable dans les ruines romaines. Une série de disparitions et de meurtres terribles survient alors chez les puissants de la ville et nourrit encore le mystère autour du fameux trésor. L'avocat Pascalis, chargé de démêler toutes ces intrigues, sera assassiné à son tour alors que la tourmente révolutionnaire gronde et que la ville d'Aix est en proie à une violence sans précédent. Le jeune Marius Granet parviendra-t-il à aider dans son enquête l'avocat Portalis qui reprend les affaires de Pascalis ? Et ce trésor qui a déjà fait tant de victimes existe-t-il vraiment ?

    Jean d'Aillon nous présente un nouveau héros, Marius Granet, aussi courageux, intelligent et intrépide que son célèbre Louis Fronsac. 
    Avec Marius Granet et le trésor du Palais Comtal, l'auteur nous fait vivre des aventures palpitantes à Aix à la veille de la Révolution. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

     En 1308, sous la pression du roi de France, le comte de Provence est contraint de faire arrêter et interroger les Templiers installés sur ses terres. Prévenus, les Templiers de la commanderie d'Aix, ont le temps de mettre à l'abri, dans une vieille tour du Palais Comtal, deux coffres : l'un contient des parchemins et l'autre, un véritable trésor composé de bijoux, de mobilier liturgique et de pièces arabes remontant à la troisième croisade.
    En 1784, à quelques années de la Révolution, le même palais est en train d'être détruit, sur ordre du Parlement. Sous les dalles d'une tour éventrée, sont alors retrouvés des coffres, intouchés depuis des siècles. Le contremaître du chantier, qui vient de découvrir le trésor , prévient son employeur, le président d'Entrecasteaux, scellant alors son destin et, sans le savoir, le sien propre et bien d'autres encore. Car le trésor des Templiers, retrouvé fortuitement, fait des envieux et attise les convoitises, à l'aube de la Révolution. Et cette découverte semble bien déterminée à semer des morts dans son sillage...
    Avec Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal, Jean d'Aillon nous offre de lire un roman d'aventures dans la veine du Duc d'Otrante et les Compagnons du Soleil. L'ambiance et le lieu sont les mêmes... les personnages, eux, diffèrent... dans ce roman, nous rencontrons, enfants, ceux qui seront nos héros : Marius Granet, Auguste de Forbin et Antoine de Puylaurens. On retrouvera toutefois les deux derniers dans Le Duc d'Otrante...
    Marius, Auguste et Antoine n'ont pas le même âge et ne viennent pas du même milieu mais ils sont liés par une amitié très forte et, alors qu'ils assistaient à la destruction du vieux palais médiéval, ils ont vu aussi le Trésor templier être retrouvé.
    Puis éclate la Révolution, qui va les embarquer dans un tourbillon insoupçonné... ! Tandis que Marius, proche par des idées de la Révolution jacobine, déplore cependant les violences aveugles, Auguste de Forbin et les siens sont confrontés à l'hostilité haineuse que les nouveaux maîtres de la France entretiennent contre l'aristocratie et Antoine, lui, continue tant bien que mal ses études pour devenir médecin comme son père.
    Ce roman, comme Le Duc d'Otrante et les Compagnons du Soleil, nous permet de voir la Révolution Française autrement qu'au travers du prisme parisien, en se concentrant surtout sur la province. Car si les troubles sont effectivement partis de Paris, toute la France fut touchée à des degrés divers certes, mais il est tout de même intéressant de voir comment le peuple, partout, a réagi. Et en Provence et notamment à Aix, la Révolution fut rapidement adoptée et des exactions et massacres y furent commis comme ailleurs.
    Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal est un roman d'aventures, mâtiné d'un soupçon d'enquête policière... mené d'une main de maître, haletant, ce roman historique est efficace et correspond vraiment à tout ce que j'aime !

    Portrait de François Marius Granet par Jean Auguste Dominique Ingres (1809)


    J'ai vraiment passé un bon moment avec cette lecture et je n'aurais finalement qu'un regret : le roman était trop court ! J'aurais apprécié de lire cent ou deux cents pages de plus, franchement, même si un bon auteur doit aussi savoir s'arrêter au bon moment.
    C'est avec plaisir que j'ai retrouvé l' ambiance du Duc d'Otrante... et des personnages que j'y avais déjà croisés. J'ai aimé l'intrigue tournant autour de la découverte des documents du Temple et surtout, qu'elle se situe dans un contexte aussi riche, quoique troublé. Au final, la Révolution provinciale est aussi intéressante, historiquement parlant, que la Révolution parisienne.
    J'ai aussi aimé le flou dans lequel l'auteur nous promène tout au long de la lecture, grâce à des notes de bas de page habiles ou, parfois, des tournures presque impersonnelles, évoquant une biographie et non plus un roman. De là découle alors une question que l'on va se poser, du moins ce fut mon cas, à plusieurs reprises, au cours de la lecture du roman : les personnages sont-ils véridiques ? Les événements le sont-ils aussi ? La réponse nous est apportée dans l'épilogue : oui, les personnages le sont et, d'ailleurs, si vous tapez Marius Granet sur Internet vous trouverez des notices biographiques du personnage ainsi que ses tableaux ! Marius Granet (1775-1849), peintre néo-classique, sera d'ailleurs l'élève du fameux Jacques-Louis David. Granet, au cours de sa carrière, a représenté surtout des paysages et des monuments, comme, à la même époque, le peintre anglais Constable, par exemple, même si ce dernier appartient au courant romantique tandis que Granet, de part ses influences, est considéré comme peintre néo-classique. Ses œuvres sont aujourd'hui exposées en France, au Louvre, mais aussi à Grasse ou Aix -où un musée Granet lui rend hommage- et on retrouve certains de ses tableaux en Italie ou en Russie, au musée Pouchkine, notamment. Quant à l'avocat Portalis, on le retrouvera ensuite, âgé et presque aveugle, sous l'Empire, rédacteur du code civil pour Napoléon puis ministre des Cultes et de l'Instruction. Si, pour ce dernier, je n'avais aucun doute, j'avoue que, pour les autres, j'ai balançé tout au long de ma lecture pour, au final, après quelques recherches, être assurée que, oui, tous les héros de Jean d'Aillon dans ce roman ont bien existé. Mais l'auteur nous ayant habitué à du faux ressemblant tellement au vrai, notamment dans sa saga Louis Fronsac, que le doute était permis !
    Les événements décrits dans le roman, eux, sont imaginaires mais prennent appui sur un contexte historique riche, juste et vraiment bien restitué. Jean d'Aillon est un romancier rigoureux, comme il y'en a peu... rédiger des romans historiques doit être passionnant, sans nul doute. Mais écrire ce genre de romans implique de se documenter beaucoup et malheureusement, beaucoup de romans historiques contiennent des lacunes et des erreurs. En général ce n'est pas le cas des romans de Jean d'Aillon et c'est vraiment ce que j'apprécie chez lui : sa documentation est digne de celle d'un historien et on ne peut qu'être admiratif quand on sait que l'auteur se concentre en général non pas sur les faits principaux et bien connus mais sur des événements plus locaux ou sur des anecdotes lues ici ou là dans des textes d'époque. C'est encore le cas dans Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal.
    J'ai vraiment été enthousiasmée et vous conseille donc chaudement ce roman ! Si vous aimez les romans historiques et les aventures, vous serez conquis j'en suis sûre !

    En Bref :

    Les + : un récit d'aventures sur fond d'Histoire, une intrigue ébouriffante et bien menée...tout ce que j'aime ! 
    Les - : un seul regret...que le roman n'ait pas été un peu plus long.

     


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  • « Nombre de gens gardent les informations pour eux. Un meurtre, ils trouvent ça scabreux et pensent que le simple fait de savoir quelque chose fait rejaillir le scandale sur eux. Ils se sentent coupables par association. »

    Charlotte et Thomas Pitt, tome 1, L'Etrangleur de Cater Street ; Anne Perry

    Publié en 1979 en Angleterre ; en 2012 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Cater Street Hangman

    Editions 10/18 (Collection Grands Détectives)

    382 pages

    Premier tome de la série Charlotte et Thomas Pitt

    Résumé :

    Suffragette avant l'heure, la téméraire Charlotte Ellison n'aime ni l'étiquette ni le badinage des jeunes filles bien nées. Dévorant en cachette les faits divers des journaux, sa curiosité la mêlera à une affaire des plus périlleuses, aux côtés du séduisant inspecteur Pitt de Scotland Yard. Dans le Londres des années 1880, le danger guette et les femmes en sont souvent la proie... 

    Sherlock Holmes en jupons, la divine Charlotte dénoue son premier crime et inaugure une longue série d'enquêtes haletantes, dévoilant une Angleterre victorienne pleine de secrets. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Enfin ! Après des années à avoir vu des chroniques sur les blogs et laissé dormir le premier volume de cette longue série sur les rayonnages de ma bibliothèque, je me suis enfin lancée dans la découverte des fameuses enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt. D'Anne Perry, je ne connaissais que Du Sang sur la Soie, un roman policier médiéval situé dans la Byzance du XIIIème siècle et porté par une héroïne charismatique qui m'avait plu. Ce roman avait été une découverte enthousiasmante pour moi, alors même que je ne lisais pas de polars. Il n'y avait donc aucune raison pour que cette saga victorienne, découverte alors que je connais bien maintenant les codes du policier historique, ne me plaise pas.
    En 1881, la jeune Charlotte Ellison, qui habite Londres, est une belle jeune femme de vingt-trois ans, aux folles boucles auburn et aux yeux gris. Tandis que sa sœur aînée, Sarah, a fait un mariage convenable, la cadette désespère ses parents : en effet, à cause de son franc-parler et de son honnêteté qui frôle parfois l'impertinence, Charlotte heurte cette société petite-bourgeoise de l'époque victorienne, bien-pensante et compassée.
    La jeune femme essaie tant bien que mal de s'émanciper de ses codes et d'échapper à ses lois trop patriarcales, qui enferment les femmes dans des carcans de bonne conduite un peu faux et chacun dans une hypocrisie portée au rang de vertu afin de respecter les convenances, hypocrisie parfois entretenues par les pasteurs aux idées étriquées et surannées.
    Mais voilà que, très vite, le petit monde des Ellison et de leurs voisins va être endeuillé par une série de meurtres perpétrés non loin de chez eux, dans Cater Street. C'est d'abord une jeune fille de leur connaissance qui est retrouvée sans vie, puis l'assassin s'attaque aux jeunes servantes du quartier. Sa méthode est toujours la même : il étrangle ses victimes avec un fil de fer et les abandonne dans la rue.
    Parce que cette sordide affaire va les toucher de près, Charlotte se retrouve, d'abord un peu malgré elle, puis avec de plus en plus d'intérêt, au cœur même de l'enquête de l’agaçant et débraillé mais non moins attirant inspecteur de Scotland Yard, Thomas Pitt.
    L'enquête ne s'annonce pas de tout repos pour Thomas Pitt, confronté au mépris des habitants de Cater Street qui le prennent de haut parce qu'il n'est pas de leur milieu ou à leurs phrases péremptoires de petit-bourgeois suffisants qui insinuent que les victimes étaient immorales et, en cela, ont payé leur péché.
    Je m'attendais à une vraie enquête policière et au final, ce n'est pas ce que j'ai eu. Alors oui, j'ai été étonnée bien sûr, mais une fois passée la première surprise, je dois dire que je n'ai pas été déçue. Anne Perry prend justement le contre-pied d'une enquête lambda, avec ses codes et ses déroulements et rebondissements toujours à peu près semblables. Là, l' héroïne est une jeune femme de la gentry londonienne, à mille lieues bien sûr, de résoudre des enquêtes criminelles. Et le roman est essentiellement raconté à travers le regard de Charlotte, donc à travers celui que portent les civils en général sur une enquête. Et quand ces civils vivent dans une époque aussi guindée et codifiée que les années 1880 en Angleterre, cela donne lieu alors à des situations ou très drôles ou tellement étonnantes qu'elles nous font, à nous lecteurs du XXIème, ouvrir de grands yeux !
    L'intrigue se resserre donc autour de la famille Ellison : Charlotte, ses deux sœurs, ses parents, son beau-frère, sa grand-mère et les domestiques mais on peut supposer avec raison que le climat est le même pour toutes les familles de Cater Street, un climat qui devient de plus en plus insupportable à mesure que les meurtres sr multiplient sans que la police parvienne à mettre la main sur l'assassin. Et c'est une spirale infernale qui se met en place : la peur, la psychose, l'impuissance, l'inquiétude pour soi-même et pour ses proches, le quotidien bouleversé et la suspicion, qui pousse à soupçonner sa famille, ses voisins, ses amis, suspicion qui s'installe insidieusement chez les Ellison en amenant dans ses bagages une atmosphère délétère.
    Cette enquête sera aussi pour Charlotte l'occasion de se rendre compte que le monde dans lequel elle vit est bien petit et qu'à sa porte, un autre univers gravite sans même qu'elle le voie. Ses conversations avec Pitt vont également lui faire comprendre que le crime n'est pas inhérent à la pauvreté et apporter à la jeune femme un autre éclairage sur la société dans laquelle elle vit.
    S'il y'a bien une époque où les inégalités furent les plus flagrantes c'est justement pendant cette époque d'industrialisation intensive et de croissance positive. Certains s'enrichirent et d'autres restèrent sur le pavé, dans une misère noire et endémique. Ce ne fut pas propre à l'Angleterre victorienne puisque toute l'Europe, à cette époque, connut une paupérisation à divers degrés. Mais parce que le Royaume-Uni était très industrialisé, peut-être les inégalités y étaient plus visibles, comme elles le seront plus en France dans le bassin houiller du Nord que dans les campagnes.
    Charlotte, en contact avec Pitt, issu d'un milieu modeste et qui côtoie la misère au travers de son métier, va ouvrir les yeux et se rendre compte que la société dans laquelle elle vit, faite de codes et de convenances qu'on ne doit pas outrepasser est vaine et très en dehors des réalités, ce qui ne sera pas, bien sûr, pour refréner ses désirs d'émancipation et de mettre les siens, avec une franchise un peu brutale, devant leurs contradictions en faisant sauter leurs préjugés et leurs idées reçues. En cela, Charlotte m'a beaucoup plu et j'ai aussi apprécié le personnage de Pitt.
    Quant au dénouement il est vraiment mené d'une main de maître par l'auteure parce que lorsque l'identité de l'assassin est enfin dévoilée, on ne s'y attend pas et on tombe des nues ! Le suspense est vraiment ménagé jusque dans les dernières pages.
    Ce premier tome des enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt m'a bien plu. J'ai aimé l'approche de l'auteure et même si le style m'a peut-être un peu moins accrochée que dans Du Sang sur la Soie, certains dialogues font mouche. Cette saga démarre doucement, avec une enquête somme toute pas exceptionnelle ni très romanesque parce qu'elle tourne autour d'un schéma vu et revu, celui du tueur en série, mais ça marche bien quand même. Le fait que l'auteure se place du côté de ceux qui assistent, impuissants, aux meurtres commis dans leur rue sans qu'ils puissent rien faire ni savoir d'où vient le danger, est intéressant parce que le lecteur peut mieux s'identifier et comprendre les personnages. On a nos préférences cependant et certains sont même carrément antipathiques, tellement imbuvables qu'on aurait envie de leur mettre des baffes !
    Je ressors de cette lecture satisfaite et avec une grande curiosité pour la suite ! 

    En Bref : 

    Les + : une enquête intéressante, vue plutôt au travers des yeux des civils, des personnages intéressants, une atmosphère qui est, sans doute, l'un des atouts majeurs du roman. 
    Les - : peut-être quelques longueurs au début...rien de grave toutefois. 

     

     


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