• INTERMEDE LXVIII

     

    L'impératrice Alexandra Fedorovna (photographie de 1908)

    Née le 6 juin 1872 à Darmstadt, en Allemagne, la petite princesse Victoria Alix Hélène Louise Béatrice de Hesse et du Rhin a du sang allemand par son père et du sang anglais par sa mère. Princesse de Hesse et du Rhin, elle est la fille du grand-duc Louis IV de Hesse et d'Alice du Royaume-Uni, seconde fille de la reine Victoria et du prince Albert de Saxe-Cobourg. Alix est l'avant-dernière enfant du couple. Avant elle sont nés trois soeurs - Victoria, Elizabeth et Irène- et deux frères -Ernest-Louis, qui deviendra grand-duc de Hesse et Frédéric. Après elle, viendra au monde Marie, en 1874.
    La princesse est baptisée un peu moins d'un mois après sa naissance, le 1er juillet 1872 dans la foi luthérienne. Elle a pour parrains le prince de Galles, son oncle, futur Edouard VII ainsi que l'empereur Alexandre III de Russie. Ses marraines, quant à elles, sont la princesse de Galles, Alexandra de Danemark, Béatrice de Royaume-Uni ainsi que les princesses Augusta de Hesse-Cassel et Anne de Prusse.
    Alix grandit en Allemagne, mais se rend aussi souvent en Angleterre où sa grand-mère, la charismatique reine Victoria, tombe amoureuse de sa charmante petite-fille. C'est elle qui la surnomme pour la première fois Sunny, petit soleil. Ce surnom sera repris ensuite dans sa famille. La petite Alix doit ce surnom à son beau sourire, constamment plaqué sur ses lèvres et sa gaieté à toutes épreuves.
    L'enfant perd son insouciance à l'âge de six ans, lorsqu'un drame terrible la touche de plein fouet : sa sœur cadette, Marie et sa mère, la princesse Alix sont emportées, à quelques jours de distance, par la diphtérie. La petite Marie avait quatre ans, leur mère, trente-cinq. Elle laisse cinq enfants : Elizabeth, Irène, Victoria, Alix et Ernest-Louis. Frédéric est mort en 1873, alors que Sunny n'avait qu'un an. Hémophile, l'enfant succombe à sa maladie. Ce terrible gène, Alix l'apportera à son propre fils, Alexis.
    La perte de sa mère et de sa jeune soeur provoque un choc terrible chez l'enfant. Plus jamais la petite Sunny ne sera comme avant et le drame va profondément modifier son rapport aux autres. Désormais, la petite fille pétillante et enjouée n'est plus. Alix grandit et devient une jeune fille triste, timide et méfiante. Elle se réfugie dans l'étude et s'éloigne des autres. Après la mort de sa mère, Alix sera élevée en Angleterre, auprès de sa grand-mère Victoria, qui va s'attacher profondément à elle.

    Le tsarévitch Nicolas et la princesse Alix en 1894


    La petite-fille de la reine Victoria va bientôt susciter l'intérêt masculin mais la jeune fille refuse systématiquement les demandes : ainsi, elle repousse son cousin Albert Victor, duc de Clarence et deuxième dans l'ordre de succession au trône britannique. Il faut dire que, à l'âge de douze ans, dans le courant de l'année 1884, sa sœur aîné Elizabeth, surnommée Ella, s'en va se marier en Russie avec Serge Alexandrovitch Romanov, frère cadet du tsar Alexandre III. Alix est conviée à la cérémonie et, pour la première fois, elle pose les yeux sur l'héritier du trône impérial russe, Nicolas, le tsarévitch, fils d'Alexandre III et de la princesse Dagmar de Danemark, devenue l'impératrice Maria Fedorovna. Par le jeu des alliances, Nicolas est devenu le neveu d'Ella, la sœur d'Alix. Il est âgé de seize ans, quatre ans de plus que la jeune Alix et pourtant, un sentiment très fort va naître entre les deux jeunes gens. Cette jeune allemande lui plaît au-delà de ce qui est imaginable, il en va de même pour la petite-fille de la reine Victoria, qui tombe sous le charme du jeune héritier russe...ce sentiment si fort qui va les unir perdurera toute leur vie, sera couronné par un mariage et la naissance de cinq enfants et ne disparaîtra qu'avec eux, tragiquement, en 1918...en attendant, Alix reprend goût à la vie.
    Pourtant, le couple impérial russe, Alexandre III et l'impératrice Marie refusent de voir leur fils épouser une princesse allemande. En effet, en Russie, on estimait que les noces avec des allemandes et surtout des allemandes de Hesse portaient malheur : par exemple, Alexandre II, grand-père de Nicolas, avait épousé une princesse de Hesse et du Rhin, Marie, par ailleurs grand-tante d'Alix. Il mourut atrocement lors d'un attentat perpétré contre sa personne. Un peu plus tôt, le fils de la grande Catherine, Paul Ier, lui aussi époux d'une princesse issue de la maison de Hesse-Darmstadt est mort assassiné lors d'un complot...
    Et puis, cette princesse a été élevée dans la religion luthérienne, elle n'est pas orthodoxe et, décidément, si elle plaît à Nicolas, elle ne plaît pas du tout à ses parents. Ne pouvant faire la cour à sa princesse allemande, le jeune tsarévitch va entretenir une relation avec une danseuse, Mathilde Kchessinskaïa.
    Mais la santé du tsar Alexandre III se dégrade vite en cette fin de XIXème siècle et le couple va finalement se résigner à accorder à son fils aîné ce qu'il veut, d'autant plus que la jeune princesse de Hesse, aussi éprise que l'héritier russe, se dit prête à renoncer à sa religion de baptême pour devenir orthodoxe si telle est la condition pour qu'elle épouse celui qu'elle aime. Il semble aussi que la princesse Elizabeth, dite Ella, jeune belle-sœur d'Alexandre III ait intercédé auprès de lui en faveur de sa sœur. C'est à l'occasion du mariage du frère d'Alix, Ernest-Louis, en 1894, que les deux jeunes gens vont se fiancer.
    Le 26 novembre 1894, le mariage est finalement célébré, à Saint-Pétersbourg, quelques semaines seulement après la disparation du tsar Alexandre III, emporté par une néphrite, à Livadia. Pour épouser l'héritier russe, la jeune princesse allemande a dû abandonner la religion luthérienne pour devenir orthodoxe et prend le nom d'Alexandra Feodorovna. Sur son passage, la foule murmure. Cette princesse allemande va apporter le malheur à la Russie, dit-on, puisqu'elle est arrivée « derrière un cercueil ! ». Pour couronner le tout, durant les fêtes qui célèbrent l'union du nouvel empereur, un accident va se produire sur le champ de foire et causer de nombreuses victimes : un peu plus d'un siècle auparavant, il était arrivé la même chose lors des réjouissances données pour les noces de Marie-Antoinette et Louis XVI...les deux couples finiront leur vie dans la même tragédie...
    Le 14 mai 1896, Nicolas et Alexandra sont couronnés souverains de Russie.
    Les premières années de règne des jeunes Nicolas et Alexandra vont être marquées du sceau du conservatisme. Le jeune tsar se refuse à envisager les changements nécessaires pour faire de la Russie un pays moderne et la sortir de l'obscurantisme. Le couple va rapidement devenir impopulaire pour cette raison mais aussi, parce que l'impératrice se montre incapable de donner un héritier au trône. En effet, entre 1895 et 1901, elle donnera naissance à quatre filles, les grande-duchesses Olga, Tatiana, Maria et Anastasia. La personnalité d'Alexandra déroute aussi les russes puisqu'elle se montre névrosée et antipathique, peut-être du fait d'une grande timidité qui l'empêche d'être spontanée. Belle et fière, Alexandra, par sa trop grande froideur, éloigne l'amour de son peuple et suscite l'inimitié.
    En 1904, le 12 août précisément, l'impératrice accouche d'un fils, le tsarévitch Alexis, au palais de Peterhof et, pour la première fois, le peuple russe communie dans la joie avec ses souverains. Mais, comble de l'horreur, on se rend vite compte que cet enfant tant espéré est porteur du gène de l'hémophilie, transmis par les femmes à leurs enfants mâles. De nombreux descendants de la reine Victoria, à commencer par le propre frère d'Alexandra, sont morts de cette terrible maladie. Horrifiée, se sentant coupable d'avoir transmis cette maladie à son fils, Alexandra, qui s'était jetée avant autant de ferveur dans l'orthodoxie que dans le luthérianisme, va verser dans un mysticisme de plus en plus important, qui va encore plus la discréditer auprès du peuple, notamment à cause la présence de l'influent Raspoutine dans son entourage, présenté à elle par une dame d'honneur particulièrement impopulaire, Anna Vyroubova. Autre erreur commise par le couple, la dissimulation de la maladie de l'héritier, qui va être vue comme une trahison par les Russes.

    L'impératrice photographiée avec ses filles : de gauche à droite, Olga, Tatiana, Anastasia et Maria (1913)


    La Russie est en train de traverser des heures sombres, d'autant plus que le spectre de la Grande Guerre s'approche de plus en plus et plane sur l'Europe entière. Le pouvoir va devoir affronter une défaite contre le Japon, des manifestations étudiantes et ouvrières qui tournent à l'émeute...Lorsque la Première Guerre Mondiale éclate, Nicolas II prend lui-même le commandement de ses troupes et Alexandra, soutenue par ses deux filles aînées, Olga et Tatiana, transforme les palais du pouvoir en hôpitaux du pouvoir tandis qu'elle-même et ses filles s'improvisent infirmières pour apporter leur secours aux soldats russes blessés au front. Mais c'est déjà trop tard : la Russie en a plus qu'assez de ce souverain hésitant qui sait parfois se montrer cruel -le Dimanche sanglant est dans tous les esprits- et qui ne répond pas aux aspirations du peuple et de cette impératrice étrangère -elle est encore plus détestée, en tant qu'allemande, depuis que la Russie se bat contre l'Allemagne-, manipulée par un moujik venu des confins de la Russie rurale et détesté par la noblesse. La contestation politique devient de plus en plus importantes, le pays est paralysé par des grèves et le mécontentement populaire grandit. Lorsque Raspoutine est assassiné par le prince Félix Youssoupov et d'autres conjurés, le 31 décembre 1916, le régime tsariste vit ses derniers mois...Montée sur le trône en 1613, la dynastie Romanov s'apprête à en descendre, dans la violence.
    La famille du tsar va d'abord être emprisonnée à Tsarskoïe Selo, puis transférée par les bolcheviques à Tobolsk, avant de rallier la sinistre maison Ipatiev, à Iekaterinebourg. Jusqu'au bout, l'impératrice déchue va se consacrer à son fils, son unique raison de vivre. Dans la nuit du 17 au 18 juillet 1918, toute la famille ainsi que son personnel est réveillée par les gardes bolcheviques qui la font descendre dans la cave de la maison. Là, sans aucun jugement, Nicolas II et les siens sont passés méthodiquement par les armes. Les corps, évacués de la maison seront passés à la chaux et jetés dans un puits mine situé au cœur de la forêt de Koptiaki, proche de Iekaterinebourg. La même nuit, la soeur d'Alexandra, Ella, veuve du grand-duc Serge est assassinée par les bolcheviques avec d'autres membres de la famille impériale, à Alapaveïsk, dans la province de Perm, non loin de Iekaterinebourg.
    Certains historiens défendent une possible survivance des femmes de la famille impériale : ainsi, seuls Nicolas II et son fils auraient été assassinés dans la cave de la maison Ipatiev, la maison à destination spéciale tandis que l'impératrice et ses filles auraient été discrètement remises aux Allemands, par exemple. D'autres légendes, plus tenaces, voudraient qu'Anastasia fut la seule survivante et prit le nom d'Anna Anderson -hypothèse aujourd'hui infirmée. Depuis quelques années, on suppose également que la grande-duchesse Olga, âgée de vingt-deux ans en 1918, aurait survécu et coulé des jours paisibles dans un couvent italien.

    Alexandra et son fils Alexis, en 1911


    Dès le début des années 1990, alors que l'URSS n'existe plus et que le pouvoir en Russie s'assouplit, les autorités ordonnent des fouilles dans les bois autour de Iekaterinebourg. En 1991, les restes des Romanov suppliciés en 1918 sont retrouvés dans une fosse commune, au milieu des bois. Mais, une fois la tombe ouverte, les archéologues convoqués pour mener les fouilles se rendent compte que sur les onze corps qui auraient dû se trouver dans cette fosse -en comptant la famille plus des membres du personnel-, il n'y en avait que neuf. En effet, il manquait le corps du petit tsarévitch et de l'une de ses soeurs, Maria ou Anastasia.
    Finalement, le 16 juillet 1998, les corps de Nicolas II et d'Alexandra, de leur trois filles et des membres de leur suite son inhumés dans un caveau de la cathédrale Pierre-et-Paule de Saint-Pétersbourg, en présence de descendants de la famille Romanov : parmi eux, Nicolas Romanov, chef de la maison impériale. Le 14 août 2000, le dernier tsar et sa famille sont canonisés par l'église orthodoxe.
    En 2007, les recherches n'ayant pas été abandonnées, les deux corps manquant sont finalement retrouvés, non loin de l'endroit où le premier charnier avait été mis au jour. Voici ce que déclare officiellement, à cette occasion, le gouverneur de Sverdlovsk, en avril 2008 : « Le plus grand laboratoire génétique des États-Unis a confirmé leur identité, les corps retrouvés en août 2007, sont bien les corps des deux enfants d'Alexandra et du tsar Nicolas II, la grande-duchesse Anastasia et le tsarévitch Alexis [...] Nous avons à présent retrouvé la famille au grand complet. »
    Aujourd'hui, la malheureuse impératrice repose donc avec les siens dans la sérénité de la cathédrale de Saint-Pétersbourg.

     

    Le couronnement de Nicolas II et Alexandra Fedorovna en mai 1896

     

     © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

     

    Pour en savoir plus :

    - Nicolas II et Alexandra de Russie. Une tragédie impériale, Jean des Cars. Biographie.
    - La Saga des Romanov, Jean des Cars. Biographie.
    - Les Romanov, une dynastie sous le règne du sang, Hélène Carrère d'Encausse. Biographie.
    - Nicolas II, Hélène Carrère d'Encausse. Biographie.
    - La Fin Tragique des Romanov, Pierre Lorrain. Biographie.

     

     


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  • INTERMEDE LXXIX

     

     

    Portait de Désirée Clary (François Gérard, 1810)

     

    Qui aurait pu imaginer que Désirée Clary, un temps l'amie de Napoléon Bonaparte, deviendrait reine de Norvège et de Suède et que ses descendants régneraient encore, au début du XXIème siècle, sur la Suède ? Retour sur le destin étonnant de cette jeune française devenue reine des neiges.

    I. La jeunesse de Désirée

    Désirée vers 1807 (portrait de Robert Lefèvre)

    Désirée Clary, dont le nom de baptême complet est Bernardine Eugénie Désirée Clary est née le 8 novembre 1777 à Marseille. Elle est la fille de François Clary, riche producteur et marchant de soie et de sa seconde épouse Françoise Rose Somis. Désirée a une sœur, Julie, qui sera l'épouse de Joseph Bonaparte et reine de Naples et d'Espagne. Leur frère, Nicholas Joseph Clary, sera fait premier comte Clary. Elle a aussi un autre frère, prénommé Etienne.
    Comme toutes les jeunes filles issues de la noblesse ou des plus hautes classes de la société, la jeune Désirée va être élevée pendant quelques années au couvent. Lorsque la Révolution éclate -Désirée a douze ans à peine-, les couvents sont fermés, après l'abolition des ordres religieux et la jeune fille doit retourner vivre dans la maison de ses parents. Son éducation est décrite comme peu étoffée et Désirée restera toute sa vie entièrement dévouée à sa famille. En 1794, elle a la douleur de perdre son père. Peu de temps après le décès de François Clary, sa famille découvre qu'il avait fait une demande d’anoblissement avant la Révolution, demande qui n'avait finalement pas abouti avec les événements que l'on connaît. A cause de cela, le frère aîné de Désirée, Etienne est arrêté par les autorités révolutionnaires, dans la maison familiale de Marseille. Selon les anecdotes du temps, la jeune Désirée accompagne sa belle-soeur, Suzanne, auprès du commissaire populaire Albitte afin d'intercéder en faveur de son frère. Dans la salle d'attente, la jeune fille tombe endormie et est oubliée par Suzanne, exaltée d'avoir réussi à mener à bien sa mission !! Découverte par Joseph Bonaparte, Désirée est finalement raccompagnée par lui chez elle. La famille Désirée se retrouve alors liée à la famille Bonaparte, qui n'est pas encore l'influente famille impériale...Joseph Bonaparte se met à fréquenter la maison Clary et amène avec lui son frère, Napoléon. Par la suite, il se pourrait que ce soit Napoléon lui-même qui ait poussé son frère à s'engager auprès de la sœur aînée de Désirée, Julie, tandis que lui-même s'engageait auprès de la jeune fille, dont il va d'ailleurs devenir le fiancé, en 1795. Joseph finira par épouser Julie et fera d'elle une reine d'Espagne et de Naples.
    Entre 1795 et 1797, Désirée va vivre à Gênes avec sa mère, sa sœur et son beau-frère : ce dernier a en effet une mission diplomatique à mener à bien dans cette ville d'Italie. Ils sont bientôt rejoints par la famille Bonaparte. Pourtant, dès 1795, Napoléon, dont le rôle politique en France devient de plus en plus influent, rencontre celle dont il va tomber follement amoureux : la belle créole Joséphine de Beauharnais. Il se délie de son engagement envers Désirée et, de nouveau libre de convoler, il épouse finalement Joséphine en 1796.
    En 1797, Désirée va suivre sa sœur et son beau-frère à Rome : Joseph Bonaparte est devenu ambassadeur de France auprès du pape. Les deux sœurs entretiennent toujours une forte relation. Désirée sera brièvement engagée auprès d'un général français, Mathurin-Léonard Duphot mais ce dernier était certainement bien plus attiré par le fait que Désirée soit la belle-sœur de Napoléon plutôt que par la jeune fille elle-même. Le mariage ne se fera pas, Duphot sera assassiné à Rome avant de pouvoir convoler avec la jolie Désirée.
    Bientôt, la parenthèse italienne de Désirée Clary s'achève. Julie et Joseph Bonaparte rentrent en France et Désirée les suit : elle va désormais vivre avec eux à Paris. Là, elle va évoluer dans le cercle de la famille Bonaparte, à laquelle sa sœur fait désormais partie intégrante. La famille, en butte à Joséphine, l'épouse décriée - les sœurs de Napoléon n'hésitent pas à la traiter de vieille-, comprend bien vite qu'elle peut se faire de Désirée une alliée et c'est ce qui va se passer : les Bonaparte vont rallier Désirée Clary à leur hostilité envers Joséphine. Il faut dire que Désirée avait elle-même une opinion assez négative de Joséphine, la considérant comme une simple courtisane à l'âge certain. Cependant, il ne semble pas qu'elle se soit montrée ouvertement hostile à Joséphine, comme l'ont fait les membres de la famille Bonaparte.
    Désirée reçoit encore une fois une demande en mariage, du général Junot mais la repousse. Quelques temps plus tard, Désirée rencontre Jean Baptiste Jules Bernadotte, général français et homme politique, proche de Napoléon. Fringant et bien fait de sa personne, il fait tourner les têtes sur son passage...

    II. Le mariage avec Bernadotte

    Portrait de Jean-Baptiste-Jules Bernadotte, prince de Ponte-Corvo, maréchal de France, roi de Suède et de Norvège (portrait par Joseph-Nicolas Jouy, XIXème siècle)

     

    Désirée Clary et Jean Baptiste Bernadotte se marient finalement le 17 août 1798 à Sceaux : Désirée à vingt-et-un ans. La cérémonie du mariage est célébrée de manière laïque et, dans le contrat de mariage, il est stipulé que la jeune épouse gardera son indépendance économique. L'année suivante, Désirée donne un fils à son époux. Ce sera leur seul et unique enfant, qu'ils prénomment Oscar.
    Cette même année voit le coup d'Etat du 18 brumaire, qui va permettre à Napoléon de prendre le pouvoir en France et d'instaurer, en remplacement du Directoire, le Consulat, prémisse à l'Empire. Napoléon, qui souhaitait le soutien de Bernadotte va tenter de manipuler et d'influencer sa belle-sœur afin de connaître les attitudes et les opinions de son époux. Conscient de cette manipulation, Bernadotte se garde bien de se confier à son épouse. Le couple a trouvé refuge, pendant les remous causés par ce coup d'état, dans la maison de campagne du général Sarrazin, à Villeneuve-Saint-Georges. Il semble que Désirée se soit enfuie déguisée en homme. Désirée ne cesse de garder le contact avec sa sœur Julie et il semble que Napoléon ait finalement accepté de s'allier à Bernadotte à cause des liens très forts unissant les deux sœurs.
    L'année suivante, Désirée assiste à la tentative d'assassinat contre Napoléon, lorsqu'une bombe éclate entre le carrosse du Premier Consul et celui dans lequel elle avait elle-même pris place avec Caroline Bonaparte. Désirée n'a que faire de la politique, mais, étant l'épouse de Bonaparte et, par extension, apparentée désormais à la famille Bonaparte par le mariage de sa sœur, elle devient une marionnette entre les mains de Bernadotte et de Bonaparte, qui vont chercher à l'utiliser pour arriver à leurs fins : par exemple, en 1801, Jean Baptiste Bernadotte lui demande d'intercéder en faveur du général Ernouf, ce qu'elle fait. L'année suivante, une nouvelle conspiration est découverte contre Napoléon et celui-ci soupçonne aussitôt Bernadotte. Bonaparte décide d'interroger Désirée qui lui rapporte naïvement que son époux n'est pas impliqué mais qu'il a rencontré Moreau à plusieurs reprises chez lui et qu'il a murmuré dans son sommeil le mot « conspiration » !! Quelques temps après, Napoléon décide de nommer Bernadotte gouverneur de Louisiane. Le couple était prêt à embarquer quand un contre-ordre leur parvient : le Premier Consul s'était rétracté.
    Le 19 mai 1804, Bernadotte est fait maréchal de France : Désirée devient donc Madame la Maréchale. Cependant, comme sa sœur Julie, Désirée est décrite comme indifférence à la position et aux distinctions sociales. Bonaparte alloue à Bernadotte et à son épouse une rente ainsi qu'une maison, situé Rue d'Anjou Saint-Honoré. C'est dans cette demeure que Désirée passera les quelques années qui lui restent à vivre en France.
    Au mois de décembre 1804, le 2, Napoléon est couronnée en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Désirée y assiste dans la suite de Joséphine, la nouvelle impératrice. Tandis que ses belle-sœurs, les sœurs de Napoléon, portent sa traîne, Désirée, elle, porte sur un coussin le voile de Jospéhine. Par la suite, Bernadotte devint général de l'armée française, sous les ordres de Napoléon. Il était souvent absent de Paris mais veilla à ce que sa femme prenne des cours de danse et d'étiquette avec un instructeur, Montel : en effet, il considérait maintenant qu'ils faisaient tout d'eux partie de la haute société et que Désirée se devait de tenir son rang. Désirée avait également de bonnes relations avec la famille impériale. Pour autant, elle ne fut jamais ni dame d'honneur et ne participa pas à la vie de la Cour. Elle vivait dans un cercle familial restreint, essentiellement composé des siens, les Clary et de la belle-famille de sa soeur, sans participer aux cérémonies officielles. Cependant, Désirée aimait les bals, où elle pouvait s'adonner à la danse, une discipline qui lui plaisait et elle aimait écouter de la musique et aller voir du théâtre. Elle passait ses étés dans des villes d'eau, ce qui était très à la mode à l'époque mais aussi dans ses villas de La Grange ou d'Auteuil. On lui prêta une relation avec un jeune Corse, Ange Chaippe, qui faisait partie de son escorte, mais nous n'avons pas plus d'informations que cela à ce propos. Lorsqu'elle était éloignée de son époux, Désirée entretenait avec lui une correspondance assez fournie dans laquelle elle lui relatait tous les événements survenus à Paris.
    Elle eut la possibilité de visiter des villes d'Allemagne, notamment Hambourg, lorsque son mari fut nommé par Napoléon Ier gouverneur de Hanovre. Elle voyage donc en compagnie de son fils Oscar mais ne s'installe pas durablement en Allemagne : elle rentre bientôt à Paris. En effet, elle n'arrivait pas à se sentir heureuse ailleurs qu'à Paris. Par exemple, en 1806, ce fut contrainte et forcée qu'elle accompagna Joséphine jusqu'à Mayence et, cette même année, lorsque son mari est fait prince de Pontecorvo, c'est avec inquiétude qu'elle demande si elle devra quitter Paris pour aller s'installer ailleurs. Elle fut particulièrement soulagée de savoir qu'on ne la forcerait pas à quitter la capitale.
    En 1807, elle visite en compagnie de son époux les villes de Spandau et de Marienburg où elle soignera Bernadotte tombé malade. Désirée ne le sait pas encore, mais elle n'aura plus que trois années à passer dans sa belle ville-lumière...En 1810, un événement va venir bouleverser sa vie à jamais...

    III. Princesse héritière de Suède

     

    La famille Bernadotte vers 1837

    En août 1810, Jean Baptiste Bernadotte est élu comme héritier au trône de Suède. Le roi d'alors était Charles XIII, frère du roi Gustave III. Le roi Charles n'avait pas d'enfant et s'était donc cherché un héritier pour la couronne de Suède...Il avait d'abord adopté le prince Christian-Auguste d'Augustenborg, de nationalité danoise mais le jeune prince était mort cette même année 1810, entraînant une véritable crise dynastique et politique. Des émeutes avaient éclaté dans le pays et c'est au cours de l'une d'elles que le fameux Axel de Fersen avait trouvé la mort, le 20 juin 1810. C'est alors que Charles XIII choisit Jean Baptiste Bernadotte pour devenir prince héritier et donc, après sa mort, roi de Suède.
    Désirée, au début, ne s’alarme pas, pensant que le titre de roi de Suède sera aussi honorifique que celui de Prince de Pontercorvo et qu'elle n'aura pas besoin de faire le déplacement jusqu'en Scandinavie, comme elle l'avait fait pour Pontecorvo, qu'elle n'avait jamais visité. Voici d'ailleurs ce qu'elle dit : « Je pensais que ce serait comme Portecorvo, un lieu dont nous ne porterions que le titre. »
    Ne s'étant jamais intéressée à la vie dans les pays étrangers -elle n'avait vécu que très brièvement en Italie-, ayant établi toute sa vie en France, Désirée fut profondément affligée lorsqu'on la détrompa : non, elle ne pourrait rester en France, il allait lui falloir quitter Paris pour aller vivre en Suède. Désirée va retarder son départ autant qu'elle pourra, laissant dans un premier temps son mari partir sans elle. Il faut dire aussi qu'elle était ravie des nouvelles distinctions dont elle se voyait gratifier par les courtisans français depuis qu'on avait annoncé officiellement l'accession au trône de Suède du couple Bernadotte : elle était notamment invitée chaque semaine par des personnages différents et fêtée par tous. De plus, ses serviteurs l'avait effrayée par des récits inquiétants sur son nouveau pays, essayant de la retenir en France : on lui avait que la Suède était un pays proche du Pôle Nord où vivaient des ours polaires...! Finalement, ours polaires ou non, Désirée se décide enfin à quitter son cher Paris et, par Hambourg puis Kronborg, au Danemark, elle rejoint Helsingborg, en Suède, au mois de décembre 1810, accompagnée de son fils Oscar. Elle y est accueillie par la comtesse Caroline Lewenhaupt, en quelque sorte maîtresse de la maison de la Reine et par la dame d'honneur Mariana Koskull. Le 6 janvier 1811, elle est introduite à la Cour royale de Suède et au palais royal de Stockholm.
    La nouvelle vie de Désirée lui demande énormément d'efforts pour s'acclimater. Il faut dire aussi qu'elle est arrivée en Suède en plein hiver et que le pays, à cette époque de l'année, est complètement recouvert de neige. Et Désirée la déteste si fort qu'elle en a pleuré. Pendant ce temps, Bernadotte se prépare doucement à devenir le roi de Suède -il lui faudra encore attendre sept ans avant d'accéder au trône. Dès qu'il avait appris avoir été désigné par Charles XIII comme héritier du trône suédois, il s'était converti et avait abandonné la religion catholique pour devenir protestant. Dès leur arrivée, il somme son fils Oscar de le faire à son tour. Quant à Désirée, qui ne sera que reine consort, ce n'était pas une obligation qu'elle se convertisse au luthérianisme et elle continua d'ailleurs à pratiquer le catholicisme dans une petite chapelle qu'on lui avait expressément aménagée. Elle célébrera d'ailleurs la naissance de l'Aiglon, le fils de Napoléon et de l'impératrice Marie-Louise, par un solennel Te Deum.
    Désirée s'habitue lentement à sa nouvelle vie suédoise et à son nouveau statut de princesse héritière et future reine. Elle se conforme à toute les exigences de l'étiquette et participe aux différentes représentations officielles auprès de son mari et de son fils, en tant que princesse héritière. L'entourage français de Désirée a cependant une mauvaise influence sur elle et est vu d'un mauvais œil par les Suédois -tout spécialement Elise la Flotte-, car ils encouragent la princesse à se plaindre de tout.
    Désirée se plaint essentiellement d'être traitée avec hauteur par la Cour suédoise et par la reine douairière, Hedwige-Élisabeth-Charlotte de Schleswig-Holstein-Gottorp. Pourtant, celle-ci se montrait le plus aimable possible avec Désirée. La reine Hedwige-Elisabeth-Charlotte la décrit dans son journal comme une femme immature et trop gâtée, qui n'aimait pas qu'on la sollicite et n'appréciait pas non plus le devoir de représentation qu'on attendait d'elle. « Française jusqu'au bout des ongles », la reine douairière dit de Désirée qu'elle dénigrait tout ce qui n'était pas français et que c'est pour cette raison qu'elle n'était finalement pas aimée. Portrait sans concession.
    A l'été 1811, à peine six mois après son arrivée en Suède, Désirée a le bonheur de quitter le pays, sous un nom d'emprunt : elle devient la comtesse de Gotland. Ce départ, officiellement, concerne son état de santé. Désirée s'empresse de revenir à Paris, la ville si chère à son coeur qu'elle avait quittée avec tant de peine. Elle quitte sans peine son mari et son fils, qu'elle laisse en Suède. Elle profite de retrouver ses familiers pour se plaindre de son entourage suédois, gémissant qu'on l'avait traitée comme si elle était faite de glace. Péremptoire, elle assène : «Ne parlez pas avec moi de Stockholm, j'attrape froid dès que j'entends ce mot. » Pendant ce temps en Suède, Bernadotte entretient une relation avec Mariana Koskull...
    Protégée par l'incognito, Désirée reprend une vie mondaine à Paris, évitant ainsi à devoir s'intéresser à la politique européenne, en tant que future souveraine de Suède. Cependant, sa maison de la rue d'Anjou était discrètement surveillée par la police secrète et sa correspondance lue par elle. Elle n'était accompagnée en France que par Elise la Flotte, qui la secondait lors de réceptions. Désirée, à Paris, fréquente uniquement son cercle de familiers, laissé derrière elle lorsqu'elle dut quitter Paris pour la Suède ainsi que la famille. Les réjouissances données par Désirée rue d'Anjou furent fréquentées par Talleyrand ou Fouché, hommes de confiance de Napoléon Ier et ce dernier, en fin politique, essaya de nouveau de manipuler son ancienne fiancée afin d'influencer, à travers elle, le futur roi de Suède. L'empereur avait compris que Désirée pourrait le tenir informé des événements politiques de Suède. En 1812, lors d'une entrevue entre Bernadotte et le tsar de Russie, celui-ci lui proposa l'une de ses soeurs en mariage s'il divorçait de Désirée mais Bernadotte refusa la proposition.
    Lorsque Napoléon Ier déclare la guerre à la Russie, il demande à Désirée de quitter la France. Elle était prête à partir mais s'était débrouillée pour différer son départ. En tant que princesse héritière, elle était rattrapée par la politique, bien qu'elle s'en moque et devenait donc une personne centrale, manipulable à l'envi, surtout lorsque la Suède déclare la guerre à la France lors de la sixième coalition en 1813 -depuis 1811, c'est son époux qui gère effectivement les affaires du royaume, Bernadotte se pose donc en adversaire de Napoléon Ier et la situation de Désirée en France devient délicate. Dans un premier temps, elle trouve refuge à Mortefontaine, la maison de campagne de sa soeur Julie où elle se fait discrète afin de ne pas attirer l'attention sur elle avant son retour à Paris, le 31 mars 1814. Après l'arrivée des armées alliées à Paris et la défaite de Napoléon, sa maison devient le refuge de Julie Bonaparte et Désirée retrouve Bernadotte, qui arrive victorieux à Paris avec les autres généraux coalisés. Bernadotte ne s'attarde pas et repart pour la Suède, sans son épouse ce qui, cette fois, ne manque pas d'attirer l'attention ! Lorsque le comte suédois Jacob de la Garie, à Mortefontaine, lui demande pourquoi elle reste en France, Désirée lui explique qu'elle craint que son époux ne demande le divorce si jamais elle rentre en Suède...
    Le 14 mai 1814, Désirée est officiellement introduite à la Cour du roi Louis XVIII, frère de Louis XVI, restauré sur le trône de France. Par la suite, Désirée fréquentera assez souvent la Cour du roi Bourbon. Après les Cent-Jours, lorsque Napoléon est exilé vers Sainte-Hélène, la famille impériale est elle aussi sommée de quitter la France et de partir en exil. Cet ordre concerne aussi Julie Clary, épouse de Joseph Bonaparte. Désirée décide alors d'intercéder auprès du roi afin que Julie ait la possibilité de rester en France. Désirée fréquente alors assidûment les cercles de Germaine de Staël et de Juliette Récamier.
    En 1816, enfin, Désirée se résout à revenir enfin à Suède et commence les préparatifs de son voyage. Elle souhaitait amener avec elle sa soeur Julie mais Bernadotte estimait que ceci n'était pas sage : ce geste aurait pu faire croire qu'il avait négocié avec l'empereur déchu alors qu'il s'était clairement posé en adversaire de Napoléon en participant à la sixième coalition. Son époux somme le comte de Montrichard d'espionner Désirée dans sa propre maison afin de connaître tous ces faits et gestes.

    IV. Reine de Suède et de Norvège

    La reine de Suède et de Norvège (portrait officiel de 1822)

    En 1818, le roi Charles XIII meurt, suivi de peu par son épouse, la reine douairière Hedwige-Elisabeth-Charlotte. Jean Baptiste et Désirée Bernadotte deviennent officiellement souverains de Suède mais aussi de Norvège. Cela n'empêche pas Désirée de rester en France, où elle invoque des soucis de santé qui l'empêche de rentrer en Suède, ce qui fait couler beaucoup d'encre, notamment dans la presse.
    La reine douairière qui était alors encore envie lui écrivit et lui suggéra d'avoir auprès d'elle une Cour composée de dames d'honneur suédoises mais Désirée refusa, répondant qu'elle résidait incognito en France, bien que ce fameux incognito ne trompa personne. Paradoxalement, elle continua pourtant de fréquenter la Cour du roi Louis XVIII, de se tenir informée de ce qui se passait en Suède et recevait d'ailleurs des ressortissants de la monarchie aux réceptions qu'elle donnait les jeudis et dimanches, tenant en quelque sorte un rôle de reine officieux, tout en continuant de conserver son titre de comtesse de Gotland. Elle tomba amoureuse duc de Richelieu, principal ministre de Louis XVIII, que le roi avait d'ailleurs envoyé auprès d'elle pour lui signifier que ses réguliers appels en faveur de sa soeur Julie n'auraient aucun effet. Mais il semble que le duc n'ait pas répondu aux avances de la reine, qu'il qualifiait aimablement de « reine folle ». Cependant, Désirée ne s'avoue pas vaincue et l'aurait poursuivi de ses assiduités jusqu'à la mort du duc en 1822.
    Cette même année, son fils Oscar, devenu héritier des trônes de Suède et de Norvège -il deviendra roi sous le nom d'Oscar Ier- entreprend un grand voyage en Europe afin de passer en revue toutes les possibilités de mariage qui s'offrent à lui. Il est convenu que le prince héritier doive rencontrer sa mère : Oscar et Désirée vont se retrouver en Suisse.
    Le 22 mai 1823, par procuration, le prince Oscar épouse Joséphine de Leuchtenberg, fille aînée du prince Eugène de Beauharnais, par conséquent, petite-fille de la fameuse impératrice Joséphine dont Désirée avait porté le voile lors du couronnement. Pour la première fois depuis longtemps, la reine Désirée -ou Desideria, selon son nom suédois- choisit d'accompagner sa jeune belle-fille et rentre donc en Suède. La reine avait l'idée de ne faire qu'une fugace visite à son pays d'adoption mais elle devrait finalement y passer le reste de sa vie. Désirée et Joséphine arrivent le 13 juin 1823 et la reine participa aux côtés de son époux et de son fils aux réjouissances données en l'honneur du nouveau couple, marié officiellement le 19 juin.
    En 1829 -cela fait onze ans que son époux règne sur la Suède- le roi, devenu Charles XIV Jean, décide de couronner officiellement son épouse reine de Suède. Jusqu'ici, il avait hésité, craignant que la religion catholique de son épouse n'entrave la procédure et qu'il faille à Désirée se convertir au luthérianisme. Finalement, ça n'est pas le cas et Désirée peut ceindre officiellement la couronne de Suède. Cependant, en Norvège, elle ne peut être couronnée pour cette raison : il faudrait qu'elle se convertisse pour devenir reine couronnée de ce pays. Elle est la première roturière à devenir reine de Suède depuis Karin Månsdotter en 1568.
    Les relations avec le roi Charles XIV restent courtoises mais distantes. Ils faisaient chambre à part bien que Désirée se rende chaque matin, en chemise, dans la chambre du roi ce qui choquait particulièrement l'opinion car le roi recevait les membres de son Conseil dans sa chambre. Ils ont également cessé de prendre leurs repas en commun à cause des retards à répétition de la reine.
    Rien ne permet d'affirmer que Désirée ait eu une quelconque influence politique. Cela aurait été étonnant, de toute façon, vu le peu d'intérêt qu'elle portait aux affaires suédoises. Par contre, elle avait une certaine influence sur le roi, dans le sens où elle parvenait à le calmer lorsqu'il était en colère, ce qui arrivait souvent, Charles XIV étant connu pour son tempérament sanguin.
    Dans les années 1830, elle fit un effort pour assurer son rôle de reine, rôle qu'elle n'avait jamais voulu jouer auparavant. Beaucoup de bals et de fêtes furent données à la Cour de Suède, comme on en n'avait plus vu depuis le règne de Gustave III, pendant cette décennie mais Désirée se lassa vite de toutes ces réjouissances et de son statut royal. La France lui manquait et elle voulait y revenir absolument.
    Désirée reste, pour les Suédois, une reine excentrique, qui vivait en décalage avec son époux, ce qui irritait fort ce dernier, d'ailleurs, car la reine était constamment en retard. Veillant jusqu'à l'aube, la reine se couchait bien souvent vers quatre heures du matin pour ne se lever qu'à deux heures de l'après-midi. Elle se consacra à la mode jusqu'à un âge avancé et se préoccupait beaucoup de danse, des activités considérées comme frivoles. Elle aimait se retirer au palais de Rosenberg, sa résidence d'été où elle élevait des poulets.
    Elle ne visita que deux fois la Norvège, son second pays, dans les années 1825 mais ne s'y rendit jamais régulièrement. Dans ce pays, elle est surtout connue pour avoir été la protectrice de la fondation Eugénia, créée par Maria Schandorff en faveur des jeunes filles pauvres. Désirée visita l'établissement quelques fois entre 1828 et 1847.

    V. Les dernières années

    Caricature de la reine douairière par Fritz von Dardel (milieu du XIXème siècle)

    En 1844, Charles XIV Jean meurt et Oscar Ier devient roi de Suède et de Norvège. Son épouse, Joséphine de Leuchtenberg devient donc reine consort tandis que Désirée, elle, devient reine douairière. Elle a soixante-sept ans. Le roi Oscar lui permet de conserver ses appartements au palais royal de Stockholm ce qui permit à Désirée, devenue une vieille dame, de ne pas avoir à changer ses habitudes.
    Toujours entourée d'une cour nombreuse, la reine douairière refusa vertement de la réduire lorsque sa belle-fille, la reine Joséphine, le lui demanda. Elle aurait répondu : « Il est vrai que je n'ai plus besoin d'eux tous mais eux ont encore besoin de moi. ». Elle était d'ailleurs très attentive pour son personnel et aimé de lui pour cela.
    Désirée consacra sa vieillesse à la charité. Elle soutenait par exemple les pauvres femmes en leur donnant des travaux de couture qui leur permettait de subsister. Il était dit que c'était une femme au bon cœur et l'opinion changea quelque peu...de la reine frivole et hautaine de sa jeunesse, Désirée était devenue désormais une vieille femme qui cherchait à faire le bien autour d'elle, tout d'abord avec son personnel puis en se consacrant également à son peuple.
    Malgré son âge avancé, Désirée n'avait pas oublié la France et conservé sa maison de la rue d'Anjou. Ses biens français avait été gérés par la famille Clary et notamment par l'un de ses neveux. Lorsque Napoléon III restaure l'Empire en France, Désirée fait des préparatifs afin de gagner la France une nouvelle fois. Elle est escortée jusqu'au navire qu'elle devait prendre à Karlskrona par son petit-fils, Oscar, mais n'embarqua finalement pas, ne parvenant pas à surmonter sa peur des voyages en mer. Pourtant, elle avait très peur que les travaux prévus par le préfet Haussmann ne fassent disparaître sa demeure parisienne tant aimée. Napoléon III se montre magnanime et permet que la maison des Bernadotte à Paris ne soit pas rasée dans les grands travaux.
    Les vieux jours de la reine se passent en Suède dans la douceur, parmi les siens. Elle aimait beaucoup ses petit-enfants et s'entendait bien avec Joséphine, sa belle-fille. Elle avait aussi beaucoup de sympathie pour Louise des Pays-Bas, épouse de son petit-fils Charles. Malgré cela, Désirée n'avait pas non plus abandonné son comportement excentrique. Par exemple, elle continuait de se coucher lorsque le soleil se levait et s'éveillait le soir. Elle prenait son petit déjeuner dans la nuit et faisait parfois de longues promenades nocturnes en calèche ou parcourait les couloirs du palais, seulement éclairée d'une lanterne.
    Désirée s'éteignit à Stockholm le 17 décembre 1860 à l'âge de quatre-vingt-trois ans, un âge relativement avancé pour l'époque. Elle est inhumée en l'église de Ridarholm.

    Le tombeau de la reine de Suède et de Norvège en l'église de Ridarholm 

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus : 

    -Bernadotte et Désirée Clary : le Béarnais et la Marseillaise souverains de Suède, Françoise Kermina. Biographie.
    -Mémoires insolents de Désirée Clary, Colette Piat. Essai historique, mémoires fictifs.
    -Désirée : reine de Suède et de Norvège, Karl Fredrik Lotarius, baron Hochschidl. Biographie.
    -« Familles royales : Désirée Clary, de la Canebière à Stockholm », Gabriel de Penchenade. Article paru le 24 août 2015 dans L'Express Styles
    -Désirée Clary : premier amour de Napoléon, de Marseille au trône de Suède, Claude Camous. Biographie.


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  • INTERMÈDE LXXX

     

    Hortense de Beauharnais par François Gérard (portrait du XIXème siècle)

    Hortense Eugénie Cécile de Beauharnais voit le jour le 10 avril 1783 à Paris. Elle est la fille de Rose Tascher de La Pagerie, originaire de La Martinique et plus connue sous le nom de Joséphine et du vicomte Alexandre de Beauharnais. Elle a un frère aîné, Eugène, le fameux prince Eugène qui sera un jour le beau-père du roi de Suède et de Norvège. Née prématurée, Hortense se voit contester sa légitimité par son père, qui doute être le véritable géniteur de cette enfant née en avance. Finalement, il consentira à la reconnaître et à lui donner son nom mais il semble que sa naissance ait sonné le glas de l'union déjà peu solide de ses parents. Entre 1788 et 1790, la petite fille sera même élevée par sa mère aux Antilles.
    Le couple Beauharnais est rapidement séparé pour cause de mésentente et ses parents ne vivent donc plus ensemble lorsque la Révolution éclate, en 1789. Hortense n'a alors que six ans. Cette même année, son père, Alexandre de Beauharnais est élu député de la noblesse aux Etats Généraux et, par la suite, il présidera l'Assemblée Constituante, lors de la fuite de la famille royale à Varennes, en 1791. C'est lorsque Robespierre accède au pouvoir et met en place la Terreur, que le vicomte de Beauharnais est arrêté, emprisonné puis guillotiné, le 15 juillet 1794. Son épouse, mère d'Hortense, est elle aussi arrêtée et incarcérée mais elle sera cependant libérée après la chute de Robespierre. L'exécution de son père, entraperçu une dernière fois derrière une fenêtre, va marquer profondément Hortense.
    Devenue une Merveilleuse, Joséphine de Beauharnais sera une des femmes les plus influentes du Directoire, avec Thérésia Cabarrus ou encore, Juliette Récamier, notamment car elle devient la maîtresse de Barras, l'homme fort du Directoire. En 1795, la jeune fille entre au pensionnat de Madame Campan, ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette, à Saint-Germain-en-Laye -Madame Campan aurait d'ailleurs dit d'elle : « C'est la plus charmante petite fille de douze ans que j'ai eu à diriger », dira Mme Campan et la baronne Lambert confirme « c'était à qui l'aimerait le mieux... »- puis elle fréquentera la haute société consulaire, dans laquelle sa mère évolue, multipliant les aventures et les galanteries. La jeune fille gardera de bons souvenirs de son séjour à Saint-Germain et fera même en sorte de garder des liens avec Madame Campan.
    Cette même année, un jeune général encore inconnu, originaire de Corse et répondant au nom de Bonaparte, réprime une insurrection royaliste sur les marches de l'église Saint-Roch à Paris. La jeune Hortense ne le sait pas encore, mais cet homme va bientôt beaucoup compter dans sa vie.
    En 1796, il se voit confier par Barras la commandement de l'armée d'Italie et le Directeur, soucieux de se débarrasser de sa maîtresse créole, qui ne l'intéresse plus, va manœuvrer afin de la faire tomber dans les bras de Napoléon Bonaparte. Le jeune homme tombe très amoureux de cette femme pourtant plus vieille que lui et c'est lui qui la surnommera Joséphine. Ils se marient finalement le 8 mars 1796, Joséphine ayant retranché quelques années à son âge réel tandis que Napoléon, lui, s'est vieilli. Par la suite, il rencontre les deux enfants, Hortense et Eugène, âgés respectivement de treize et quinze ans, et décide de les adopter tous deux. En 1799, Bonaparte prend finalement le pouvoir et met fin au Directoire, pour mettre en place le Consulat. A l'âge de seize ans, la jeune Hortense est donc la fille de l'homme le plus important de France.
    Hortense grandit et devient bientôt le centre des projets matrimoniaux de sa mère. Celle-ci est en butte à l'hostilité affichée de la mère de Bonaparte, Letizia et de ses soeurs. Les femmes de la famille Bonaparte n'hésitent d'ailleurs pas à l'appeller « la vieille ». Soucieuse de voir l'alliance entre les familles de Beauharnais et Bonaparte se renforcer, Joséphine pense tout naturellement à marier sa fille à un membre de sa belle-famille.
    Finalement, trois ans plus tard, à l'âge de dix-neuf ans, la jeune Hortense unit son destin à Louis Bonaparte, le 4 janvier 1802. C'est un frère cadet du Premier Consul, il a cinq ans de plus qu'Hortense. La cérémonie est célébrée par le cardinal Caprara dans l'hôtel de Joséphine à Paris, rue Chantereine, rebaptisée par la suite rue de la Victoire par Napoléon. Rapidement, la jeune femme se trouve enceinte et met au monde, le 10 octobre 1802, un premier fils, Napoléon Louis Charles Bonaparte, qui ne vivra que cinq ans. Puis, en 1804, Hortense accouche d'un autre garçon, Napoléon Louis et enfin, quatre ans plus tard, c'est au tour d'un troisième fils de voir le jour, le 11 octobre 1808, Charles Louis Napoléon, futur président de la Seconde République puis Empereur des Français, sous le nom de Napoléon III. La naissance de ce troisième fils souleva des doutes chez le père, qui refusa dans un premier temps de la reconnaître mais finit par s'y résigner, sous la pression de son frère.

    Portrait d'Hortense par Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson (1805-1809)


    Cette attitude de Louis Bonaparte n'est pas étonnante quand on sait que, malgré la naissance de ces trois fils, leur mariage va vite se révéler désastreux. Belle, séduisante et intelligente, Hortense est à l'opposé de son époux, qui souffre d'une obsession de la persécution et d'une maladie vénérienne qui n'a jamais été correctement soignée. Il accable son épouse d'une jalousie morbide alors qu'Hortense, elle, ne cherche qu'à se divertir et à s'amuser. Pour se sortir de la morosité de son mariage raté, elle va donc entretenir des liaisons adultères. Ainsi, elle sera follement éprise du général Duroc, aide de camp de l'empereur -on ne sait pas s'ils seront véritablement amants mais certains prétendent que si- et elle tombera ensuite sous le charme de Charles de Flahaut, aide de camp de Joachim Murat et fils naturel de Talleyrand. Là, la relation ne peut souffrir aucun doute puisque Hortense donnera naissance à un fils naturel en 1811, Charles, le futur duc de Morny. Même Napoléon Ier, qui a pourtant beaucoup d'affection pour cette jeune femme connue toute jeune, ne peut s'empêcher de dire à son propos : « Hortense, si bonne, si généreuse, si dévouée, n’est pas sans avoir quelques torts avec son mari ; j’en dois convenir, en dehors de toute l’affection que je lui porte et du véritable attachement que je sais qu’elle a pour moi. »
    En 1806, Napoléon nomme son frère Louis roi de Hollande. De fait, Hortense de Beauharnais devient la reine Hortense, surnom qui lui restera. Elle règne seulement quatre ans, jusqu'en 1810, date à laquelle le royaume de Hollande est annexé par Napoléon. Après le divorce de ce dernier d'avec sa mère, Joséphine s'avérant un peu trop âgée pour donner des héritiers au trône impérial, Hortense aurait pu couper tous les liens les unissant mais elle fait preuve de beaucoup de tact et ne rompt pas avec Napoléon. Elle sera même l'une des rares intimes de la jeune impératrice Marie-Louise d'Autriche, nouvelle épouse de Napoléon Ier et qui avait huit ans de moins qu'elle.
    En 1807, à La Malmaison, Hortense, amatrice de musique, compose la mélodie du Beau Dunois, air plus connu sous le titre de Partant pour la Syrie. Les paroles sont écrites par Alexandre de Laborde et ce chant deviendra, sous la Restauration, le chant de ralliement des bonapartistes.
    En 1814, l'Empire chute et les Bourbons, en la personne de Louis XVIII, frère cadet de Louis XVI, sont restaurés sur le trône de France. L'Empire n'est plus, la France redevient une monarchie. Hortense, pour autant, ne s'exile pas, elle reste en France où elle va jouer de son charme auprès du tsar Alexandre Ier de Russie, qui, charmé lui accorde sa protection. C'est grâce au tsar également, car il intercède auprès de lui, que Louis XVIII accepte de faire d'Hortense une duchesse de Saint-Leu. La jeune femme perd sa mère à ce moment-là. L'ex-impératrice décède, à 51 ans, des suites d'un refroidissement, dans son cher château de La Malmaison, près de Paris.
    Pendant les Cent-Jours -la reconquête du pouvoir par Napoléon, revenu de l'île d'Elbe-, Hortense se range aux côtés de l'empereur. Mais, en 1817, elle est contrainte de gagner la Suisse et elle trouve refuge à Arenenberg avec ses enfants : elle va alors se consacrer à leur éducation, qu'elle mène seule. Hortense se trouve totalement isolée et ses seuls soutiens sont son frère, Eugène de Beauharnais, qui a lui-même trouvé refuge auprès de son beau-père, le roi de Bavière Maximilien Ier et leur cousine, Stéphanie, grande-duchesse de Bade. Par chance, Hortense n'a pas de problèmes d'argent car, grâce à la succession de sa mère, elle se voit pourvue d'un revenu fort confortable, de 120 000 francs.
    Dès 1810, la reine Hortense s'était rendue régulièrement en cure à Aix-les-Bains et elle y reviendra ensuite avec son fils puîné, Louis Napoléon, devenu l'empereur Napoléon III. Elle fera même une donation à la ville pour y fonder un hôpital, qui portera d'ailleurs son nom. A partir des années 1820, Hortense va connaître des années noires. En 1821, elle apprend la mort de Napoléon Ier en exil à Sainte-Hélène, puis, en 1824, elle a la douleur de perdre son frère, Eugène et en 1825, c'est le tsar Alexandre Ier, qui avait été un moment son galant, qui meurt à son tour. En mars 1831, Hortense doit ensuite affronter la mort de l'un de ses propres fils, le cadet, Napoléon-Louis, qui perd la vie pendant la révolte italienne.
    A la fin d'avril 1831, elle revient à Paris et obtient une entrevue avec le roi Louis-Philippe Ier d'Orléans, grâce à l'entremise du général d'Houdetot, aide de camp du nouveau souverain. Reconnaissant, le roi n'oublie pas qu'Hortense est intervenue, pendant les Cent-Jours, en faveur de ses parents, la duchesse d'Orléans, sa propre mère et de sa tante, la duchesse de Bourbon. Il est possible qu'elle ait souhaité discuter avec le roi d'un établissement durable en France, pour elle et son fils. On a évoqué également une possible élévation du jeune Louis-Napoléon à la pairie, avec le titre de duc de Saint-Leu La Forêt. Cependant, après avoir assisté, le 5 mai 1831, au défilé que les bonapartistes avaient organisé pour le dixième anniversaire de la mort de l'Empereur, Hortense ne reste pas en France et elle gagne l'Angleterre. Elle ne reviendra jamais en France puisqu'en 1832, la loi d'exil frappe les membres de la famille Bonaparte, ancienne famille régnante. Cette année-là également, à Vienne, le duc de Reichstadt, fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise, s'éteint des suites de la tuberculose et cette mort fait du fils d'Hortense et de Louis, l'héritier des prétentions bonapartistes. En 1836, à la suite d'une tentative de soulèvement de la garnison de Strasbourg, mené par Louis-Napoléon, ce dernier est arrêté et expulsé vers les Etats-Unis.
    A ce moment-là, Hortense est très malade et elle charge le médecin Henri Conneau de prévenir son fils de sa maladie. Le jeune homme n'hésite pas et arrive au chevet de sa mère pour l’assister dans ses derniers instants. La reine Hortense décède le 5 octobre 1837, à l'âge de 54 ans. C'est son médecin, Henri Conneau, qui procéda à l'autopsie puis à l'embaumement du corps d'Hortense. Un requiem est célébré à l'église d'Ermatingen, le 11 octobre et le corps est ensuite ramené vers Arenenberg, dans l'attente de l'autorisation du gouvernement français de ramener le cercueil à Rueil-Malmaison, où l'ex-reine de Hollande souhaitait être enterrée auprès de sa mère, dans l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Finalement, dès le 19 novembre, son cercueil est déposé dans l'église de Rueil. Le 9 novembre, la dépouille mortelle d'Hortense est placée dans un trois cercueil plombés et un service funèbre est célébré le 11 janvier 1838, en présence de la famille Tascher de la Pagerie et d'un seul membre de la famille Bonaparte, Caroline, soeur de Napoléon et de Louis, par conséquent belle-sœur d'Hortense. Le 16 décembre 1856, elle est finalement transférée dans la crypte de l'église. Le monument funéraire définitif, en marbre blanc, est réalisé par Jean-Auguste Barre est inauguré officiellement le 27 juin 1858 en présence de l'empereur Napoléon III et de son épouse, l'impératrice Eugénie de Montijo. Toute sa vie, le fils puîné d'Hortense gardera dans son portefeuille la dernière lettre écrite de la main de sa mère. Il donna également son nom à trois voies de Paris mais elles ne furent pas conservées lors de l'avènement de la Troisième République.

    Le château d'Arenenberg en Suisse, la chère demeure de la Reine Hortense, devenu musée Napoléon en 1906

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus :

    -La Reine Hortense, 1783-1837, Françoise Wagener. Biographie.
    -Mémoires de la reine Hortense, Hortense de Beauharnais et Christophe Pincemaille. Mémoires.

     

     

     


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  • INTERMÈDE XIX

     

    Le gisant de Du Guesclin en la basilique Saint-Denis 

    Bertrand du Guesclin, futur comte de Longueville et connétable du royaume de France, voit le jour vers 1320 -sa date de naissance n'est pas plus précise- au château de la Motte-Broons, près de Dinan. Il est le fils aîné de Robert II du Guesclin, seigneur de la Motte-Broons et de Jeanne de Malesmains, dame de Sens. Robert II est issu de l'une des plus importantes familles nobles de la Bretagne gallo mais il ne fait partie que de la branche cadette, la branche aînée vivant, elle, au château du Plessis-Bertrand et de la Motte-Jean. La famille de Bertrand n'occupe finalement qu'un modeste manoir à la Motte-Broons.
    Comme c'est l'usage dans les familles nobles du temps, l'enfant est plac en nourrice, chez des paysans, jusqu'à l'âge de cinq ans. Le petit Bertrand est considéré comme un enfant laid, pris en grippe par ses parents, d'ailleurs, à cause de sa laideur. Il est décrit comme un enfant petit, aux jambes noueuses, aux épaules trop larges et aux bras trop longs. La Chanson de Bertrand du Guesclin, écrite par le trouvère Cuvelier dit d'ailleurs qu'il fut « l'enfant le plus laid qu'il y eût de Rennes à Dinan ». Sa brutalité innée l'éloigne également de ses parents. Sa mère, Jeanne du Guesclin, donne ouvertement la préférence à ses enfants puînés et son père le traite mal, refusant même de le former à la chevalerie. La chronique du trouvère Cuvelier dit d'ailleurs que ses parents le détestaient tellement « que souvent en leur cœur ils désiraient qu’il fût mort ou noyé dans l’eau courante » !!
    Dès son plus jeune âge, le futur connétable se fait remarquer pour sa force mais aussi pour son habilté dans les exercies physiques. Il se livre également à des jeux particulièrement belliqueux avec ses jeunes compagnons paysans. Illettré, il est bagarreur et il se sent irrépressiblement poussé vers le métier des armes.
    Un jour, alors que Bertrand se trouvait chez son oncle, à Rennes, il assiste à un tournoi, qui se déroule le 4 juin 1337, sur la Place des Lices. On lui a défendu d'y participer mais l'un de ses cousins, vaincu, quitte la lice et lui prête son équipement. Selon les chroniques de l'époque, Bertrand, masqué, parvient à défaire douze ou quinze chevaliers -le nombre diverge selon les versions- avant de refuser de combattre son père, à la grande stupéfaction de l'assemblée, qui ne cesse de se demander qui est ce chevalier inconnu qui combat sans blason. Un seizième chevalier, qui le défie, parvient alors à faire sauter la visière de son heaume et Robert du Guesclin reconnaît alors avec surprise son fils. Ému et fier, il s'engage alors à l'armer complètement. Bertrand va alors commencer à courir les tournois et à acquérir sa réputation d'excellent tournoyeur.

    Bertrand du Guesclin fait Connétable de France par le roi Charles V 


    Les premières guerres auxquelles il participe sont celles opposant Charles de Blois et les comtes de Montfort, Jean II et son fils Jean III, pour la succession du duché de Bretagne. Il se fait remarquer également dès les débuts de la Guerre de Cent Ans, notamment en 1354 en prenant le château de Grand-Fougeray et en participant, en 1357, à la défense de la ville de Rennes, assiégée par le duc de Lancastre Henry de Grosmont. Grâce à sa bravoure au combat, il gagne progressivement le respect de la noblesse et le chevalier Alacres de Marès, dépendant du bailliage de Caux l'adoube finalement en 1354 au château de Montmuran. Il prend alors comme devise « Le courage donne ce que la beauté refuse ». Par la suite, il est nommée capitaine de Pontorson et du Mont-Saint-Michel. Soutien de Charles de Blois, il guerroie plusieurs années dans la forêt de Paimpont et devient alors la terreur des Anglais qui le surnomment : le Dogue Noir de Brocéliande. En 1361, il passe au service de la couronne de France et s'illustre à Mantes, Meulan ou encore, Rolleboise. Il célèbre l'avènement du roi Charles V en avril 1364 en remportant la bataille de Cocherel contre les troupes du roi de Navarre, revendiquant aussi la couronne de France. Il reçoit le comté de Longueville, en Normandie.
    Après cette victoire, on le trouve aux côtés de Charles de Blois en Bretagne. Mais, en septembre 1364, Bertrand du Guesclin a beau se démener, son parti est battu. Il est fait prisonnier par le chef de l'armée anglaise, John Chandos. Le roi de France paiera la rançon de 100 000 livres demandée par les Anglais pour que Bertrand recouvre sa liberté. En 1365, le roi Charles V le charge d'une grande mission : débarrasser le royaume des hordes de routiers et autres mercenaires qui mettent le pays à feu et à sang. Bertrand les persuade alors d'aller participer à la guerre civile qui fait alors rage en Castille et de guerroyer aux côtés d'Henri de Trastamare, qui dispute alors le trône de Castille à Pierre le Cruel. Comme à son habitude, Bertrand se couvre de gloire dans cette guerre et il a déjà anéanti le parti de Pierre le Cruel lorsque celui-ci se résoud à faire appel au Prince Noir et à Chandos, du parti anglais. Finalement, Bertrand connaît un revers à la bataille de Nàjera, menée contre son avis, en 1567. Fait une nouvelle fois prisonnier, il est encore libéré grâce à Charles V qui paie sa rançon. Il venge sa défaite lors de la bataille de Montiel qui a lieu en 1369 et parvient à rétablir sur le trône castillan Henri de Trastamare. Pour récompenser ses actions en Espagne, le roi le fait duc de Molina.
    L'année suivante, revenu en France, il est fait connétable de France par Charles V. Son seul but va être désormais d'expulser les Anglais hors de France. Boudant les méthodes chevaleresques qui consistent à convoquer tout l'ost, Bertrand agit province par province, assiégeant et reprenant un château après l'autre. Sa méthode est efficace et il parvient à chasser les Anglais de Normandie, de Guyenne de Saintonge et de Poitou. Très rusé, Bertrand ne fait pas durer les sièges et c'est parfois grâce à des subterfuges qu'il parvient à s'emparer des villes. A Niort, par exemple, il travestit ses propres soldats avec des uniformes anglais pour endormir la confiance des défenseurs et ceux-ci lui ouvriront les portes de la ville.
    Voici ce que dit Georges Minois, historien médiéviste, à propos de Du Guesclin : « Certes, il ne conduit qu'une petite troupe de quelques centaines d'hommes, mais il obtient avec eux des résultats plus importants qu'avec une grosse armée, coûteuse, lourde, encombrante et lente. » En 1374, il combat sous les murs de La Réole, en Guyenne et se marie, la même année, avec Jeanne de Laval, dans la chapelle du château de Montmuran, dont il devint le propriétaire par alliance, jusqu'en 1380. En dot, son épouse lui apporte en plus le château de Montsabert en Anjou. Dix ans plus tôt, il avait épousé en premières noces Tiphaine Raguenel, morte en 1373, avec qui il n'avait pas eu d'enfants. En 1376, il reçoit la seigneurie de Pontorson. Deux ans plus tard, Charles V fait confisquer le duché de Bretagne, le duc Jean IV étant en exil à Londres. Cela provoque une révolte nobiliaire et le rappel de Jean IV. L'inaction de Du Guesclin lors du débarquement du duc à Dinard le fait suspecter de trahison. Indigné, il renvoie son épée de connétable au roi et est déjà décidé à passer en Espagne au service d'Henri de Trastamare quand le roi lui accorde de nouveau sa confiance. Il retourne alors dans le Midi, combattre les Anglais, qui y sont toujours bien présents. En 1380, il combat contre les Grandes compagnies de routiers, en Auvergne et assiège Châteauneuf-de-Randon, dans le Gévaudan. Après plusieurs assauts d'une violence terrible, la place promet de se rendre au connétable si, dans les quinze jours suivants, elle n'est pas secourue. Mais Du Guesclin meurt dans cet intervalle, très certainement d'avoir bu de l'eau glacée après avoir combattu en plein soleil. Il meurt le 13 juillet 1380 et le gouverneur de Châteauneuf vient, en personne, les quinze jours écoulés, déposer les clés de la cité sur le cercueil de Du Guesclin. Son corps est enterré à Saint-Denis, auprès des rois de France. Son cœur repose à la cathédrale Saint-Sauveur de Dinan.

    Statue équestre à Dinan

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

     

    Pour en savoir plus :

    -Bertran du Guesclin, Georges Minois. Biographie. 
    -Bertran du Guesclin, connétable de France, Yves Jacob. Biographie. 
    -Du Guesclin : vie et fabrique d'un héros médiéval, Thierry Lassabatère. Etude historique. 
    -Chroniques, Jean Froissart. Chroniques contemporaines / Source historique. 

     

     

     

     

     


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  • INTERMÈDE XX

    Zita lors de son couronnement comme reine de Hongrie, à Budapest, en 1916

     

    I. Jeunesse

    Dix-septième enfant du duc Robert Ier de Parme et de l'infante Maria Antonia de Portugal, sa seconde épouse, Zita, la future impératrice d'Autriche, voit le jour le 9 mai 1892 dans la Villa Pianore, belle propriété se situant entre Pietrasanta et Viareggio, dans la région de Lucques, en Italie. Ses parents ont choisi de lui donner le prénom d'une sainte ayant vécu dans la région au XIIIème siècle, Zita de Lucques.
    Son père, bien qu'héritier du duché de Parme et de Plaisance, n'a jamais régné étant donné qu'il a été dépossédé de ses terres lors de l'unification italienne en 1859, au profit du Royaume de Piémont-Sardaigne. Marié une première fois à Maria Pia de Bourbon-Siciles, il a eu douze premiers enfants dont six étaient handicapés et trois morts en bas âge. Sa seconde femme lui donnera douze nouveaux enfants.
    La vie de la famille se partage entre la Villa Pianore, où Zita a vu le jour et le château de Schwarzau, en Basse-Autriche. Il semblerait que ce soit dans ces deux résidences que la petite Zita ait passé la majorité de son enfance. Ils vivaient quasiment toute l'année en Autriche avant de redescendre vers Pianore pour y passer l'hiver.
    L'éducation de Zita et de ses frères et sœurs est prise très au sérieux et les enfants apprennent plusieurs langues. Ainsi, les enfants sont tout autant capables de parler italien et allemand, bien entendu, mais aussi, l'anglais, le français, l'espagnol et le portugais. Par la suite, l'impératrice se souviendra : « Nous avons grandi dans un environnement international. Mon père se considérait d'abord comme un Français et passait quelques semaines chaque année avec les aînés de ses enfants au château de Chambord, sa principale propriété sur la Loire. Je lui demandai un jour comment nous devions nous décrire. Il répondit : “Nous sommes des princes français qui ont régné en Italie”. En fait, des vingt-quatre enfants seuls trois, dont moi, sont nés en Italie. »
    Jolie petite fille brune aux yeux foncés, la future impératrice a dix ans lorsqu'elle est envoyée en pension en Haute-Bavière, chez les Soeurs de la Visitation à Zangberg. Elle va y expérimenter un rythme de vie particulièrement strict et rigoureux mais, cinq ans plus tard, en 1907, la petite fille est rappelée dans sa famille, à la mort de son père, qui s'éteint à l'automne de 1907. C'est sa grand-mère maternelle qui prend la décision d'envoyer alors Zita, qui a quinze ans et sa sœur Françoise dans un couvent bénédictin se situant sur l'île de Wight, afin de parfaire leur éducation. Élevés dans une foi catholique fervente, les enfants de Robert Ier de Parme se distingueront toute leur vie par leur investissement dans les bonnes œuvres en faveur des démunis. Ainsi, Zita et sa soeur se consacrent aux pauvres de Schwarzau et de Pianore, transformant des surplus de tissus en vêtements et les deux petites princesses distribuent elles-mêmes vêtements, nourriture et médicaments aux pauvres. Trois des sœurs de Zita choisissent la voie religieuse et il semblerait qu'elle ait, pendant un moment, envisagé de faire de même. Peut-être est-ce le déclin de sa santé qui la verra d'ailleurs suivre une cure de deux ans dans un spa européen qui met un terme à ses aspirations religieuses...

    II. Le mariage autrichien

    L'une des tantes maternelles de Zita, la princesse Marie-Thérèse de Bragance, s'était mariée en 1873 en Autriche. Elle avait épousé Charles-Louis d'Autriche, frère cadet de l'empereur François-Joseph Ier. D'un premier lit, son époux avait eu un fils, Otto, qui lui-même était le père de l'archiduc Charles, futur époux de Zita. Par conséquent, sa tante Marie-Thérèse était en quelque sorte « belle grand-mère » de Charles. Marie-Thérèse de Bragance avait eu deux filles de son mariage avec Charles-Louis, Marie-Annonciade et Elisabeth, que Zita fréquenta dans son enfance, tout comme le jeune archiduc Charles, alors deuxième dans l'ordre de succession au trône d'Autriche. Mais les études des uns et des autres avaient fini par séparer les jeunes gens et cela, pendant près de dix années.
    Mais, en 1909, le régiment de dragons de l'archiduc Charles stationne près de Brandeis an der Elbe et il rend visite à Marie-Thérèse à Franzensbad. C'est là qu'il va retrouver la jeune Zita, âgée de dix-sept ans. Le jeune homme, lui, à vingt-deux ans. Le jeune prince est alors pressé de toute part pour se marier. En effet, son oncle, François-Ferdinand, celui-là même qui sera assassiné à Sarajevo au mois de juin 1914, a contracté un mariage morganatique et donc, ses enfants sont exclus de la succession au trône. Le jeune Charles, son neveu, est donc son héritier et il serait donc tout à fait important qu'il pense à se marier. Zita, même si elle est la fille d'un duc qui a été déchu de ses titres, a une ascendance suffisamment royale pour constituer un bon parti. Elle dira quelques années plus tard : « Nous étions bien sûr heureux de nous revoir et devînmes proches. De mon côté, les sentiments se développèrent graduellement au cours des deux années suivantes. Il semble s'être décidé beaucoup plus rapidement, cependant, et le fut encore plus quand, à l'automne 1910, la rumeur courut que je m'étais fiancée à un lointain cousin espagnol, Don Jaime, le duc de Madrid. En entendant cela, l'archiduc descendit avec hâte de sa garnison à Brandeis et se rendit auprès de sa grand-mère, l'archiduchesse Marie-Thérèse, qui était aussi ma tante et la confidente naturelle pour de tels sujets. Il lui demanda si la rumeur était vraie et quand elle lui dit que non, il répondit : “Bien, je ferais mieux de me dépêcher quand même, ou elle se fiancera à quelqu'un d'autre. »
    Très vite, le jeune archiduc se rend à la Villa Pianore, où il demande solennellement la main de Zita et les fiançailles religieuses ont lieu le 13 juin 1911. L'impératrice se souviendra par la suite qu'elle avait exprimé, un peu après ses fiançailles, ses craintes et ses doutes à propos du destin de l'empire d'Autriche et des défis que la monarchie serait amenée à relever.
    Après ses fiançailles, la jeune femme, en raison d'une situation politique un peu compliquée, se rend seule à Rome afin de solliciter la bénédiction du pape Pie X, qui la leur accorde. Finalement, le 21 octobre, Zita et Charles unissent leurs destins au château de Schwarzau. C'est le majordome du pape, le cardinal Bisleti, qui les marie. Le grand-oncle de Charles, François-Joseph, bien que très âgé -il a quatre-vingt-un ans- assiste avec bonne humeur au mariage de son petit-neveu et de la jeune Italienne. Il est en effet très soulagé de voir l'un de ses héritiers faire un mariage convenable, après le mariage morganatique de François-Ferdinand.
    Très rapidement enceinte, Zita a vingt ans lorsqu'elle accouche de son premier fils, Otto, le 20 novembre 1912. Sept autres enfants suivront. A cette époque-là, son époux, qui a vingt-cinq ans, ne prévoit pas de monter sur le trône avant un moment. François-Joseph, malgré son âge, est encore en bonne santé et François-Ferdinand doit d'abord régner avant de lui céder la couronne. Mais c'est un coup de tonnerre qui éclate, le 28 juin 1914, quand François-Ferdinand et son épouse Sophie sont assassinés par Gavrilo Princip lors d'un voyage dans les Balkans. Le jour même, Charles et Zita reçoivent le nouvelle par télégramme. La jeune femme dira de son mari : « Même si c'était une belle journée, je vis son visage pâlir au soleil. »
    Dans la guerre qui s'ensuit, Charles est nommé général de l'armée autrichienne et prend le commandement du 20ème Corps, qui doit mener une offensive dans le Tyrol. La période de la guerre sera très difficile à vivre pour Zita. Déjà, son mari est appelé au front mais elle voit aussi ses frères se battre des deux côtés durant le conflit. En effet, les princes Félix et René ont rallié l'armée autrichienne tandis que deux autres de ses frères, Sixte et Xavier se sont, eux, engagés dans l'armée belge. Et, comble de malheur pour elle, l'Italie, son pays natal, rejoint la guerre contre l'Autriche en 1915 ce qui fait que les Autrichiens commencent à voir d'un mauvais œil « Zita l’italienne ». C'est à la demande du vieil empereur François-Joseph que Zita et ses petits quittent leur résidence d'Hetzendorf, pour aller vivre dans une suite du palais de Schönbrunn, plus près de Vienne. Zita y vit auprès du vieil empereur et celu-ci, à plusieurs reprises, confie à sa petite-nièce ses craintes pour l'avenir. Zita, comme d'autres souveraines, visitera les hôpitaux de guerre, sur le front roumain.
    François-Joseph meurt d'une bronchite et d'une pneumonie, le 21 novembre 1916. Le légendaire époux de l'impératrice Sissi avait quatre-vingt six ans et il laisse sa couronne à Charles, l'époux de Zita. En effet, selon la Pragmatica Sanctio, la Pragmatique Sanction, effective depuis le XVIIIème siècle, Charles devient, automatiquement titulaire des titres du défunt. « Je me souviens de la chère silhouette dodue du prince Lobkowitz allant vers mon mari », racontera-t-elle plus tard, « et faisant le signe de la croix sur le front de Charles avec les larmes aux yeux. Ce faisant, il dit : “Que Dieu bénisse Votre Majesté.” C'était la première fois que nous entendions le titre impérial s'adressant à nous. »

    III. Zita, impératrice d'Autriche

    Le 30 décembre 1916, Zita et Charles sont couronnés roi et reine de Hongrie, à Budapest. Charles devient donc le roi Charles IV de Hongrie et il est investi par le prince-primat cardinal János Czernoch. Ce couronnement est suivi d'un banquet mais les festivités s'arrêtent là car le nouvel empereur et son épouse jugent qu'il serait malséant de continuer les célébrations en temps de guerre.
    Au début de son règne, à cause de la guerre, Charles est souvent loin de Vienne et il fait donc installer une ligne de téléphone entre Baden, où se situe son quartier général et la Hofburg. Il appelle son épouse plusieurs fois au téléphone lorsqu'ils sont séparés. L'impératrice a un peu d'influence sur son mari et elle assiste discrètement aux audiences avec le Premier ministre mais aussi aux entretiens militaires. Zita, peut-être de part son éducation basée sur la charité, a un intérêt tout particulier pour les politiques sociales. Énergique et désireuse de montrer sa bonne volonté, l'impératrice fait face à la guerre aux côtés de son mari ; elle l'accompagne en province et n'hésite pas à se rendre sur le front et continue de s'occuper d’œuvres charitables et de se rendre au chevet des blessés de guerre dans les hôpitaux de guerre.
    Alors que la guerre entame sa quatrième année, l'affaire Sixte, du nom de l'un des frères de Zita, va éclater en Autriche. Rappelons-nous, Sixte, avec son frère Xavier, servaient dans l'armée belge et le jeune prince avait tenu une place importante dans un projet de plan pour que l'empire autrichien signe une paix séparée avec la France. L'empereur Charles a pris contact avec son beau-frère et l'a rencontré à plusieurs reprises en Suisse, en compagnie du prince Erdödy. Zita a même écrit à son frère, l'invitant à Vienne et leur mère, Antonia, a remis la lettre en personne à Sixte.
    Sixte arrive aux pourparlers porteur des revendications de la France qui souhaite le retour de l'Alsace-Lorraine dans son giron -on se rappelle que la région a été annexée par l'Allemagne en 1870-, le rétablissement de la Belgique mais aussi du royaume de Serbie et du transfert de la ville de Constantinople à la Russie. Sur le principe, l'empereur Charles ne voit aucun inconvénient à satisfaire les exigences françaises et il écrit une lettre au prince Sixte, le 25 mars 1917, dans laquelle il donne « le message secret et non-officiel que j'utiliserai tous les moyens et toute mon influence personnelle » au président français. Cela dit, cette tentative de paix échoue car l'Allemagne se montre particulièrement peu disposée à rendre l'Alsace-Lorraine et, prévoyant un effondrement de la Russie, qui connaît alors des bouleversements révolutionnaires, le pays du Kaiser renâcle vivement à abandonner la guerre. Cela dit, le prince Sixte multiplie ses efforts et rencontre même, à Londres, le ministre de George V, Lloyd George, afin de discuter avec lui des demandes territoriales italiennes à l'Autriche, incluses dans ce que l'on appelle le Pacte de Londres, traité secret signé le 26 avril 1915 entre le gouvernement italien et les représentants de la Triple-Entente. Par ce traité, l'Italie consentait à entrer en guerre contre les Empires centraux en échange de compensations territoriales. Mais le ministre britannique échoue à convaincre ses généraux de faire la paix avec l'Autriche, notamment car celle-ci refuse toute cession territoriale à l'Italie.. Pendant cette même période, Zita parvient à empêcher le plan allemand qui prévoyait un bombardement de la maison du roi et de la reine de Belgique, le jour de la fête de leur saint-patron. Le prince Sixte est de nouveau à Vienne le 6 mai 1917, il rencontre l'empereur son beau-frère mais la situation reste bloquée.
    En avril 1918, après la ratification du traité de Brest-Litovsk, le comte Ottokar Czernin, ministre des Affaires étrangères autrichien, prononce un discours particulièrement offensif contre Georges Clémenceau, le dépeignant comme principal obstacle à une paix favorable aux Empires centraux. Furieux, Clemenceau fait alors publier la lettre du 25 mars 1917, lettre que l'empereur Charles avait remise à son beau-frère. Pendant un moment, la vie du prince Sixte semble menacée et l'on craint de plus en plus une invasion allemande sur l'Autriche. Les attaques contre la famille impériale ne cessent plus, tant dans la haute aristocratie que dans la presse pangermaniste. L'ambassadeur allemand à Vienne écrira à Berlin : « L'impératrice descend d'une famille princière italienne… Le peuple ne fait pas entièrement confiance à l'Italienne et aux membres de sa famille. »
    Czernin persuade alors l'empereur d'envoyer solennellement sa parole d'honneur aux alliés de l'empire austro-hongrois et de jurer que Sixte n'a aucunement été autorisé à montrer cette lettre au gouvernement français, que la Belgique n'y est pas mentionnée et enfin, que Clemenceau a menti à propos de la mention de l'Alsace. Pendant toute l'affaire, le ministre des Affaires étrangères reste en contact étroit avec l'Allemagne et tente comme il peut de persuader l'empereur de se retirer. Après son échec, Czernin démissionnera.

     

    Charles et Zita, en exil en Suisse avec leurs enfants, en 1921

    IV. La chute et l'exil

    La situation de l'empereur est très critique et la fin semble proche. La cour part s'installer près de Baden, où se trouve le Grand quartier général, où elle sera plus en sûreté. Le 13 avril 1918, une union de députés tchèques prête serment à un nouvel état, indépendant de l'empire des Habsbourg, la Tchécoslovaquie. En août, le prestige de l'armée allemande flanche au cours de la bataille d'Amiens. Le 25 septembre, Ferdinand Ier, souverain de Bulgarie et ses alliés sollicitent une paix séparée. Zita est auprès de son époux lorsque le télégramme annonçant la chute de la Bulgarie lui parvient. Cette chute d'un royaume allié rend encore plus urgent le commencement des négociations avec les puissances de l'ouest, tant qu'il en est encore tant. Le 16 octobre, l'empereur Charles publie un Manifeste du peuple, dans lequel il propose une restructuration fédérale de la Cisleithanie, dans laquelle chaque nationalité bénéficierait de son propre État. Mais la proposition vient trop tard. Partout dans l'empire, les populations slaves déclarent leur indépendance et, de fait, l'empereur se désagrège de lui-même.
    Laissant leurs enfants en sûreté à Gödöllo, en Hongrie, Charles et Zita reviennent à Schönbrunn. Déjà, des ministres ont été nommé pour administrer la nouvelle République d'Autriche allemande. Le 11 novembre ils préparent, avec le porte-parole de l'empereur, un manifeste que Charles doit signer. Zita, pensant alors que son époux doit abdiquer, aurait eu cette phrase : « Jamais, un souverain ne peut abdiquer, il peut être déposé, déchu de ses droits. C'est la force. [...] Mais abdiquer, jamais, jamais. J'aime mieux mourir avec toi. Alors Otto nous succédera. Et même si nous devions tous tomber, il reste encore d'autres Habsbourg. ». Mais son époux signe le manifeste et donne sa permission à sa publication. Il part alors, avec son épouse, ses enfants et ce qui reste de la Cour, vers le relais de chasse de Eckartsau, non loin de la frontière avec la Hongrie et la toute nouvelle Tchécoslovaquie. La République d'Autriche allemande est déclarée dès le lendemain.
    Après avoir passé quelque mois relativement difficiles à Eckartsau, la famille reçoit alors une proposition inattendue, arrivant tout droit d'Angleterre. Le roi George V se montre tout à fait disposé à les aider, visiblement ému par le prince Sixte, qui lui a demandé d'aider la famille impériale déchue. Peut-être le souverain britannique vivait-il encore avec la culpabilité d'avoir laissé sans aide son cousin, le tsar Nicolas II, exécuté par les révolutionnaires au mois de juillet 1918 ? Quoi qu'il en soit, il promet de faire tout ce qui est nécessaire pour Charles, Zita et leur famille.
    Plusieurs officiers de l'armée britannique sont envoyés auprès de Charles et, le 19 mars 1919, le War Office leur donne l'ordre formel de « faire quitter l'Autriche à l'empereur sans attendre ». Un train est affrété pour la Suisse, ce qui permet à l'empereur de quitter le pays dans la dignité, sans avoir à abdiquer. Au soir du 23 mars, Charles, Zita et les enfants quittent l'Autriche.
    La famille exilée s'installe d'abord au château de Wartegg à Rorschach, propriété des Bourbon-Parme. Cela dit, la présence si proche des Habsbourg non loin de la frontière autrichienne ne manque pas d'inquiéter les autorités suisses qui poussent Charles et les siens à venir s'installer plus à l'ouest dans le pays. Un mois après leur arrivée à Wartegg, ils repartent donc pour la Villa Prangins non loin du lac de Genève, où l'ex-empereur reprennent une vie de famille calme et paisible. Mais cette période de tranquillité cesse brutalement en mars 1920 lorsque Miklós Horthy est élu régent du royaume de Hongrie après une période de grande instabilité. En théorie, Charles est toujours le roi de Hongrie mais le régent lui envoie un émissaire en Suisse qui lui conseille de ne pas se rendre en Hongrie tant que la situation est encore si embrasée. En mars et octobre 1921, alors que les exigences du régent de Hongrie n'ont cessé d'être revues à la hausse, Charles tente, par deux fois, de reprendre le pouvoir en Hongrie. Il est soutenu en cela par son épouse, Zita mais les deux tentatives échouent. L'ex-impératrice n'hésitera pas à accompagner son époux lors du dernier voyage en train vers Budapest.
    Le couple réside temporairement au chateau du comte Móric Esterházy à Tata, puis est finalement emprisonné dans l'abbaye de Tihany. La Suisse refuse d'accueillir une seconde fois la famille impériale et il leur faut donc trouver un nouveau lieu d'exil. Malte est un temps envisagée mais l'idée est finalement rejetée, comme celle de s'installer en France, sur le conseil de lord Curzon, qui leur expose les possibilités d'intrigues des frères de Zita en faveur de Charles. Finalement, c'est la petite île portugaise de Madère qui est choisie et, le 31 octobre 1921, l'ex-couple impérial prend le train depuis Tihany pour se rendre à Baja, où le monitor britannique HMS Glowworm les attend. Ils arrivent finalement dans la capitale de Madère, Funchal, le 19 novembre. Le couple logera d'abord en la Villa Victoria puis en la Villa Quinta, plus loin du centre mais surtout moins onéreuse et plus sûre. En effet, la pension annuelle de 20 000 livres qui avait été envisagée ne sera jamais versée à Charles et Zita qui doivent donc faire attention à leurs finances. Leurs enfants ne les ont pas suivis dans leur exil à Madère, résidant toujours à Wartegg, en Suisse, sous la garde de Marie-Thérèse, la tante de Zita. Zita parvient cependant à les entrevoir brièvement à Zurich lors de l'opération de l'appendicite de son fils Robert. Les enfants du couple les rejoindront à Madère en février 1922.
    Mais depuis longtemps, la santé de l'ex-empereur est mauvaise et, le 9 mars 1922, il contracte une bronchite sévère en rentrant à la ville, après être allé acheter des jouets pour Charles-Louis, dont c'est l'anniversaire. Faute de soins appropriés, la bronchite se transforme rapidement en pneumonie. Plusieurs enfants et membres du personnel sont également atteints. Zita est alors enceinte de huit mois mais aide à tous les soigner. Quoi qu'il en soit, son époux, très affaibli, s'éteint finalement le 1er avril 1922. Ses derniers mots s'adressaient à sa femme et lui proclamaient tout son amour : « Je t'aime tant. » Zita affronta les funérailles de son époux avec tant de dignité qu'un témoin n'hésite pas à parler d'elle en ces termes : « Cette femme devrait vraiment être admirée. Elle n'a pas, pendant une seconde, perdue sa contenance… elle salua les gens de tous les côtés et parla ensuite à ceux qui avaient aidé au déroulement des funérailles. Ils étaient tous sous son charme. » Sincèrement éprise de son époux, Zita décida de ne jamais se remarier et de porter le deuil de Charles toute sa vie.
    Après la mort de Charles, le roi d'Espagne Alphonse XIII prend contact, via son ambassadeur au Royaume-Uni, avec le Foreign Office et se mettent d'accord pour un rapatriement de Zita et de ses enfants en Espagne. Alphonse envoie donc le navire Infanta Isabel vers Funchal et celui-ci amène Zita et ses enfants vers le port de Cadix. Ils sont ensuite escortés vers le palais du Pardo, non loin de Madrid. C'est là que Zita accouche de son dernier enfant, l'archiduchesse Elisabeth, peu après son arrivée en Espagne. Le roi Alphonse propose alors à la famille l'usage du Palacio Uribarria à Lekeitio, dans le nord de l'Espagne, sur le golfe de Gascogne. Cette alternative convient très bien à Zita, soucieuse de ne pas encombrer ceux qui ont la bonté de l'accueillir. Pendant les six annés suivantes, Zita et les siens habitent donc Lekeitio et l'ex-impératrice consacre une bonne partie de sa vie à l'éducation de ses enfants. Elle doit organiser sa vie comme elle peut, n'ayant que peu de moyens financiers.
    En 1929, les aînés des enfants approchent de l'âge d'entrer à l'université et l'on se met alors en quête d'un environnement plus adéquat que l'Espagne. Au mois de septembre 1929, la famille emménage à Steenokkerzeel, près de Bruxelles, où Zita a la joie de retrouver des membres de la famille. Toujours très active, l'ex-impératrice ne cesse de se battre en faveur des Habsbourg, n'hésitant pas à aller jusqu'à entamer des négociations avec l'Italie mussolienne. Une restauration est même envisagé et le fils aîné de Zita et Charles, Otto, se rend même plusieurs fois en Autriche. Mais ces opportunités prennent brutalement fin avec l'annexion de l'Allemagne nazie sur l'Autriche. Les Habsbourg tentent alors de prendre les rênes de l'opposition au nazisme en Autriche mais échouent.
    La Seconde Guerre Mondiale éclate en 1939. La Belgique est envahie par les armées allemandes le 10 mai 1940 et Zita et sa famille deviennent alors des réfugiés de guerre. Ils manquent d'être tués lors d'un bombardement allemand sur le château de Ham, à Steenokkerzeel. C'était là qu'ils résidaient mais, par chance, ils l'avaient quitté deux heures plus tôt pour aller se réfugier en France, au château du Vieux-Bost, qui appartenait au frère de Zita, le prince Xavier. Quelques jours plus tard, les Habsbourg fuient de nouveau vers la frontière espagnole, qu'ils atteignent le 18 mai. Ils continuent leur course jusqu'au Portugal où le gouvernement américain leur donne des visas, le 9 juillett, visas qui vont leur permettre de gagner les Etats-Unis. Le 27 juillet, après la traversée de l'Atlantique, Zita et les siens sont à New York. Ils ont de la famille qui loge à Long Island mais aussi à Newark, dans le New Jersey. Zita et plusieurs de ses enfants vont loger pendant un moment à Tuxedo Park, petite bourgade au nord de New York.
    Les réfugiés vivront aussi un moment au Québec, province qui a l'avantage d'être francophone ; en effet, les plus jeunes enfants de Zita ne parlent pas encore bien l'anglais. Ils sont hébergés par les Soeurs de Sainte-Jeanne-d'Arc qui leur prêtent la Villa Saint-Joseph à Sillery. Zita et les siens sont alors dans une très grande gêne financière, étant coupés de tous leurs fonds européens. Zita en est même réduite à préparer des pissenlits en salade. Quant à ses fils aînés, même exilés en Amérique, ils continuent de participer à l'effort de guerre. Ainsi, Otto fera la promotion de sa famille en Europe après la guerre, Robert est, lui, le représentant de la famille à Londres et Charles-Louis et Félix n'hésitent pas à s'engager dans l'armée de terre américaine...
    En 1945, Zita fête ses cinquante-trois ans le premier jour de la paix, le 9 mai. Elle passe les deux années suivantes à sillonner les Etats-Unis et le Québec afin de lever des fonds pour venir en aide à l'Autriche et à la Hongrie, ravagées par la guerre. Après une période de repos, l'ex-impératrice se rend régulièrement en Europe pour assister aux différentes unions de ses enfants. Elle rentre finalement définitivement en Europe en 1952 afin de venir s'occuper de sa mère vieillissante, qui réside au Luxembourg. Zita perd sa mère en 1959 ; Antonia avait quatre-vingt-seize ans. L'évêque de Coire propose alors à Zita de s'installer à Zizers, dans le canton des Grisons, en Suisse. Comme le château est relativement vaste pour accueillir toute sa grande famille et qu'une chapelle se trouve à proximité -c'est une condition importante pour Zita qui est profondément croyante-, elle accepte la proposition avec joie.

    V. La fin

    Zita passera ses dernières années entourée de sa famille. En 1971, elle a la douleur de perdre sa fille Adélaïde et de ne pouvoir assister à ses funérailles en Autriche, l'autorisation pour les Habsbourg de revenir sur le sol autrichien n'ayant été accordée qu'aux membres de la famille nés après le 10 avril 1919 -Zita n'est donc pas du tout concernée. Elle s'implique aussi beaucoup dans le processus de béatification de son défunt époux, qui est entamé à ce moment-là. En 1982, les restrictions sont finalement levées et la vieille femme peut enfin revenir en Autriche, pour la première fois depuis soixante ans. Au cours des années suivantes, Zita fera de nombreux voyages en Autriche et apparaîtra même à la télévision nationale. Dans une série d'entretiens avec le journal Kronen Zeitung, Zita livrera aussi son opinion sur la mort du prince Rodolphe, le fils de François-Joseph et de Sissi et de sa maîtresse Marie Vetsera, à Mayerling, en 1889. Selon elle, le couple ne s'était pas suicidé mais avait été assassiné par des agents français et autrichiens.
    Entourée de tous les siens, elle fête ses 90 ans, le 9 mai 1882 et c'est à partir de là que sa bonne santé va commencer à flancher. Elle développe alors une cataracte aux deux yeux, inopérables. A 93 ans, Zita effectue son dernier séjour au monastère Sainte-Cécile, dans la Sarthe, qui faisait partie de l'ordre bénédictin de Solesmes. Zita était oblate -l'oblat est, par définition, un laïc qui se donne à un ordre religieux- de Solesmes comme sa mère avant elle mais aussi certains de ses frères et sœurs et avait donc un lien privilégié avec cet ordre religieux. En 1987, elle réunit une dernière fois ses enfants et petits-enfants autour d'elle, qui commémorent ses 95 ans. En 1988, lors d'une visite à l'une de ses filles, elle contracte une pneumonie et passe la majorité de l'automne et de l'hiver alitée. Finalement, début mars 1989, elle appelle auprès d'elle son fils Otto, alors qu'elle est mourante. Toute sa famille se relaie auprès d'elle pour lui tenir compagnie, jusqu'à sa mort, le 14 mars 1989, l'année de ses 97 ans.
    Ses funérailles sont organisées à Vienne, le 1er avril 1989, soit 67 ans jour pour jour après la mort de son époux, Charles. Le gouvernement autrichien avait autorisé le déroulement des funérailles sur son territoire à condition que la famille de Habsourg en prenne tous les coûts à sa charge. Le cercueil de Zita est alors porté jusqu'à la crypte des Capucins, nécropole des Habsbourg depuis des siècles, dans le carrosse qui avait porté également le cercueil de François-Joseph en 1916. Zita est inhumée près du buste de son époux. Elle avait en revanche demandé à ce que son cœur soit conservé dans une urne au monastère suisse de Muri, près de celui de Charles, qui s'y trouvait depuis de nombreuses années. Près de 200 membres des familles de Habsbourg et de Bourbon-Parme assistèrent aux obsèques de Zita et près de 6000 personnes vinrent assister à la cérémonie religieuse et il se trouvaient dans la foule de nombreux représentants politiques et parmi eux, le représentant du pape Jean-Paul II. Le 3 avril, c'est encore une fois une foule considérable qui se recueille durant la messe de Requiem dite pour le repos de l'âme de l'impératrice, en présence d'Otto, fils aîné de Zita et Charles.

    Zita âgée, dans les années 1980

    VI. Processus de béatification

    Généralement, la partie diocésaine d'un processus de béatification est mené dans le diocèse où la personne est morte mais le diocèse de Coire, où Zita est décidée, ne s'estimait pas en mesure de mener à bien toutes ces démarches. Le 13 mars 2006 puis le 4 mars 2008, Mgr Jacques Faivre, évêque du Mans, pétitionne la Congrégation pour les causes des saints (Congregatio de Causis Sanctorum), une des neufs congrégations de la Curie romaine, pour un indult -c'est-à-dire, une faveur accordée par le Saint-Siège- qui permettrait au processus diocésain de se dérouler dans le diocèse français du Mans. Le 11 avril, après avoir reçu l'accord du diocèse de Coire, la Congrégation donne à son tour son aval au diocèse du Mans. Le 21 novembre 2008, l'évêque Yves Le Saux remplace Mgr Faivre parti en retraite. C'est lui qui ouvre alors le procès de béatification de l'ex-impératrice d'Autriche, après avoir reçu l'avis positif des huits autres évêques de la province de Rennes. Le postulateur de la cause est Cyrille Debris, abbé, le juge délégué est l'abbé Bruno Bonnet, le promoteur de justice est l'abbé François Scrive (à la suite de la démission du Père Philippe Toxé, envoyé à Rome) et les notaires sont Didier Le Gac et Nathalie Fumery. En ce qui concerne Charles, l'époux de Zita, on a vu que la vieille dame s'était battue pour qu'il soit béatifié et il le sera finalement en 2004.

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus : 

    -Zita, portrait intime d'une impératrice, Cyrille Debris. Biographie (plutôt orientée sur la religion).
    -Zita, impératrice courage, Jean Sévillia. Biographie. 
    -La Saga des Habsbourg, Jean des Cars. Biographie, essai historique. 

     

     

     

     


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