• #31 : La duchesse de Berry (1798 - 1871)

     

    Portrait de Marie-Caroline de Berry par Lawrence (1825)

     

    La future duchesse de Berry, née princesse de Naples et de Sicile, voit le jour à Caserte, le Versailles napolitain, le 5 novembre 1798. Elle est l'aînée de François Ier, le roi des Deux-Siciles et de son épouse, Marie-Clémentine d'Autriche, la fille de Léopold II. Par cette dernière, Marie-Caroline est la petite-nièce de Marie-Antoinette. Et par son père, elle est la petite-fille de Marie-Caroline d'Autriche, la soeur de Marie-Antoinette, grand-mère dont elle portera d'ailleurs les prénoms. A ceux-ci seront rajoutés les prénoms de Fernande et de Louise. Si ses premiers prénoms rendent hommage à sa grand-mère, le prénom de Fernande lui est donné en souvenir de son grand-père, le roi Ferdinand Ier des Deux-Siciles. Elle est aussi la nièce de Marie-Amélie des Deux-Siciles, épouse de Louis-Philippe d'Orléans et qui sera donc reine de France de 1830 à 1848.
    La petite Marie-Caroline va passer une grande partie de son enfance à Palerme, en Sicile. En effet, en 1799, alors qu'elle n'a que quelques mois, la famille royale doit fuir Naples en catastrophe, après l'invasion de l'armée française. C'est sur un navire dirigé par l'amiral Nelson, donc sous protection
    britannique que la famille des Deux-Siciles va se réfugier dans ses possessions insulaires pour échapper aux troupes du général Championnet. A la suite de cette invasion, une république, la République parthénopéenne est instaurée, le 21 janvier.
    En 1801, la petite fille âgée de trois ans, découvre Naples puis, en 1806, c'est de nouveau en Sicile que sa famille trouve refuge quand le royaume de Naples tombe entre les mains des troupes de Masséna. L'éducation donnée à la petite princesse est tout sauf guindée. On pourrait dire au contraire que Marie-Caroline reçoit une éducation assez libre. Elle pratique la peinture et s'éveille à la musique avec des chansons populaires en patois italien qu'on lui chante.
    C'est une toute jeune femme qui arrive finalement en France en 1816. Nous sommes au mois de mai et la petite-nièce de Marie-Antoinette a été promise à un prince français. Ce dernier, le duc de Berry, est le second fils du comte d'Artois, futur Charles X et jeune frère de l'infortuné Louis XVI. Le comte d'Artois, qui avait épousé une princesse savoyarde, Marie-Thérèse, en 1773. Alors que Louis XVI et Marie-Antoinette peinaient à donner à la Couronne un Dauphin et que l'union de leur frère, le comte de Provence avec Marie-Joséphine, la propre sœur de Marie-Thérèse, restait stérile, le comte d'Artois et son épouse se montrèrent extrêmement prolifiques et donnèrent plusieurs petits héritiers à la famille de Bourbon. Deux seulement survécurent, deux garçons : Louis-Antoine, l'aîné, qui fut titré duc d'Angoulême et devait épouser sa cousine germaine, Madame-Royale et le duc de Berry, qui naît en 1778. C'est donc cet homme, de vingt ans son aîné, qui va devenir le mari de la petite princesse napolitaine. Le mariage, dont les négociations ont été menées au nom du roi Louis XVIII par Jean Casimir de Blacas d'Aulps est finalement célébré, par procuration, dans la grande tradition d'Ancien Régime, le 14 avril 1816.
    Elle quitte les siens le mois suivant et débarque à Marseille le 30 mai. Devant d'abord subir une période de quarantaine -mesure de prévention pour garantir que la jeune femme était saine et surtout, non porteuse de la peste-, elle traverse ensuite son nouveau pays vers la capitale. Durant le voyage, elle est acclamée par le peuple. C'est finalement au château de Fontainebleau, le 15 juin, que Marie-Caroline rencontre son époux. Deux jours plus tard, leur mariage est officialisé en la cathédrale Notre-Dame de Paris. En cadeau de noces, le jeune couple reçoit notamment le palais de l'Elysée, réaménagé pour eux.
    Malgré leur différence d'âge et les liaisons que le duc de Berry avait pu entretenir avant son mariage -il avait notamment deux filles de l'une de ses maîtresses, Amy Brown-, il semble que le duc et la duchesse de Berry aient formé, sinon un couple amoureux, du moins un couple harmonieux et plutôt uni, qui s'entendait bien. Pour preuve, des extraits de leur correspondance, qui ont été retrouvés et laissent transparaître une véritable tendresse mutuelle.
    Leur union est couronnée de plusieurs naissances : quatre enfants vinrent au monde, mais les deux derniers seulement parvinrent à l'âge adulte. Louise Marie Thérèse, née en 1819 et titrée duchesse de Rosny en 1830 épousera en 1845 le duc de Parme. Et en 1820, c'est le petit duc de Bordeaux, futur comte de Chambord, qui voit le jour, sept mois après la mort de son père. Il fut d'ailleurs, pour cette raison, surnommé « l’enfant du miracle ».

    13 février 1820 - Assassinat du duc de Berry - Herodote.net

    Le 13 février 1820, le duc de Berry est mortellement touché par un coup de poignard porté par Louvel. Il meurt quelques heures plus tard : on aperçoit la duchesse son épouse à son chevet et son oncle Louis XVIII à l'arrière-plan

     
    Car, en effet, le bonheur conjugal sera de courte durée pour Marie-Caroline. Quatre ans après son union, le duc de Berry est assassiné en plein Paris. Nous sommes le 13 février 1820 et, alors qu'il sort de l'Opéra de la rue de Richelieu, le duc est poignardé par l'ouvrier Louvel. Il semblerait que l'appartenance du prince au mouvement ultra, conservateur et prônant le retour aux valeurs d'Ancien Régime -en somme, bien plus radicaux que Louis XVIII, qui avait accepté la charte et un régime constitutionnel-, ait motivé le geste de son assassin. Transporté dans une chambre du théâtre, l'état du duc de Berry est cependant désespéré et il expire le lendemain, 14 février 1820, à six heures du matin. Marie-Caroline se retrouve donc veuve. Mais elle est enceinte de deux mois et l'assassin de son époux qui voulait éteindre la race des Bourbons, a donc raté son coup puisque la duchesse donnera naissance en septembre à un petit garçon, future figure de ralliement des légitimistes.
    Après la mort de son mari, Marie-Caroline s'installe au palais des Tuileries. Plus jeune, elle avait un caractère très opposé à celui de sa belle-sœur et cousine, Madame Royale, la duchesse d'Angoulême. Marquée par les horreurs vécues pendant la Révolution, la fille de Marie-Antoinette et Louis XVI était devenue une femme désagréable, traumatisée et parfois brutale dans ses relations aux autres. Marie-Caroline, elle, était une jeune femme enjouée, peu attachée à l'étiquette, héritage peut-être de son éducation plutôt libre et sans contraintes. Elle aimait la mode et les réceptions.
    La princesse aimait aussi à s'éloigner régulièrement de la capitale. Elle eut par exemple une influence certaine dans l'engouement qui naît à cette époque pour les bains de mer, mode venue d'Angleterre et qui tend alors à se développer en France. La duchesse de Berry pratiquait volontiers cette activité à la belle saison. Elle en profitait également pour faire du tourisme et, comme son choix s'était porté sur la station balnéaire de Boulogne-sur-mer, elle alla par exemple visiter des villes voisines comme Le Havre, en juillet 1824. Marie-Caroline inaugura aussi une section du canal de la Somme, pendant l'un de ses séjours dans la région. Elle séjournera aussi à Bordeaux, ville royaliste et qui aura son importance dans la suite de ses aventures...
    En juillet 1830, les Trois-Glorieuses -immortalisées l'année suivante par Delacroix dans son monumental tableau, La Liberté Guidant le Peuple-, balayent le régime trop austère de Charles X, le beau-père de Marie-Caroline. Ce dernier avait succédé à son frère, le constitutionnel Louis XVIII, en 1824. Le roi part alors en exil et Marie-Caroline le suit, en Angleterre. Elle s'installa notamment pendant un temps à Bath puis occupa le château de Holyrood en Ecosse. Mais le but de la duchesse de Berry, c'était surtout de se faire proclamer régente au nom de son fils, le petit duc de Bordeaux. Son beau-frère et sa belle-sœur n'avaient pas eu d'enfants et avaient de toute façon abdiqué vingt minutes seulement après Charles X. Mais Marie-Caroline refusait de ne pas reconnaître son fils comme le roi de France, sous le nom de Henri V.
    La duchesse s'entoure alors de légitimistes déterminés et dévoués à sa cause et à celle de son fils. On peut penser par exemple à Ferdinand de Bertier ou encore, le duc de Blacas. Avec eux, elle définit un programme politique qui vise à la restauration de la branche aînée de la famille -c'était en effet une branche cadette, la branche d'Orléans, qui avait succédé à Charles X. La propre tante de Marie-Caroline devenait ainsi reine de France.

    Henri, comte de Chambord - Vikidia, l'encyclopédie des 8-13 ans

    Marie-Caroline de Berry en compagnie de son fils, le duc de Bordeaux futur comte de Chambord

     
    Le programme de la duchesse de Berry et de ses alliés prévoyait notamment l'élection par les contribuables de conseils municipaux, eux-mêmes chargés d'élire ensuite des conseils cantonaux. Chaque canton enverrait ensuite dans les conseils généraux des représentants qui seraient chargés d'administrer les départements, départements rassemblés ensuite en dix-huit grandes provinces. Les assemblées de ces provinces, appelées états provinciaux, siégeraient ensuite trente jours par an. Sur un plan plus national, l'édit de la duchesse de Berry et des légitimistes prévoyait deux chambres : la Chambre des pairs -distinction héréditaire-, et la Chambre des députés, nommés par les provinces. Dans ce programme, innovant à bien des égards bien que traditionaliste, tout contribuable devient, de fait, électeur et chaque électeur est éligible. Bertier décrit ainsi leur programme : « Les idées les plus larges, les plus libérales, les plus favorables au peuple et en même temps les plus conformes à la gloire et à la grandeur de la France en faisaient la base. »
    Pendant l'été 1831, Marie-Caroline se rend en Italie. Pendant ce séjour, elle reste en contact permanent avec les légitimistes. Elle retourne finalement clandestinement en France et débarque à Marseille dans la nuit du 28 au 29 avril 1832. Intrépide, la jeune femme s'attend à soulever le pays mais, au lieu des deux mille fidèles annoncés initialement, ce n'est qu'une soixante d'hommes qu'elle trouve prêts à se rallier à elle. La duchesse de Berry déchante donc une première fois et doit finalement se rendre à l'évidence ; elle qui voulait relancer les guerres de Vendée ne parvient pas à rallier la population à sa cause. L'opération échoue donc rapidement, faute de mobilisation.
    Marie-Caroline connaît alors six mois de cavale, au terme de laquelle elle échoue finalement à Nantes et trouve refuge dans la maison des demoiselles Duguigny, rue Haute-du-Château (actuelle rue Mathelin-Rodier). Elle est alors trahie par Simon Deutz. Cachée toute une nuit avec ses partisans dans un réduit situé derrière une cheminée, alors que la maison est cernée par les gendarmes, elle dut finalement sortir de sa cachette alors qu'un feu était allumé par des policiers en faction et qui menaçait donc de l'étouffer ! Marie-Caroline est donc arrêtée le 8 novembre 1832. Détenue à Blaye, en Gironde, où elle est étroitement surveillée, Marie-Caroline y accouche d'une fille, prénommée Rosalie ou, selon les sources, Anne-Maria. L'enfant naît le 10 mai 1833. A l'occasion de cette naissance, la duchesse de Berry déclare alors son mariage, contracté deux ans plus tôt avec Hector Lucchesi-Palli, duc della Grazia.
    Cependant, de nombreux doutes persistent quant à la paternité de l' « enfant de Blaye ». La petite ne vécut que six mois mais Marie-Caroline aura encore de Lucchesi-Palli quatre enfants, auxquels s'ajoutent ceux du duc de Berry. Si l'on compte ceux qui ne vécurent pas, Marie-Caroline avait mis au monde dix enfants dont elle en garda six.
    Après quelques mois de détention, Marie-Caroline est libérée et expulsée vers Palerme. Elle se vit alors tenue à l'écart de la famille royale, qui lui refusa notamment l'éducation de son fils, le jeune duc de Bordeaux. Marie-Caroline ne reverra pas la France, elle ne connaîtra pas non plus l'échec de son fils -dû en parti à son intransigeance- à rétablir la monarchie en France. Elle meurt l'année même de la chute de l'Empire, en 1870. Quelques années plus tôt, elle avait perdu, à quelques mois d'intervalle, sa fille, la duchesse de Parme et son second époux, qui l'avait d'ailleurs allègrement ruinée. Elle s'installa finalement en Autriche, où elle vécut ses dernières années. Elle partagea son existence entre Venise et le château de Brunnsee, où elle mourut finalement, quasi-aveugle et âgée, le 16 avril 1870.

     La duchesse de Berry

    Marie-Caroline de Naples à la fin de sa vie est une femme usée portant le deuil de son second mari et de sa fille Louise de Parme, disparue en 1864. Elle meurt en 1870 à l'âge de soixante-douze ans.

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus : 

    La duchesse de Berry : l'oiseau rebelle des Bourbons, Laure Hillerin. Biographie. 
    La duchesse de Berry, Jean-Joël Brégeon. Biographie.
    L'été des quatre rois, Camille Pascal. Roman.
    - La duchesse de Berry : d'après des documents inédits, André Castelot. Biographie.

     

     

     


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  • #32 [SPECIAL HALLOWEEN] La fête d'Halloween et ses origines

     

    #32 [SPECIAL HALLOWEEN] La fête d'Halloween et ses origines

     

    Fêtée le 31 octobre au soir, Halloween (de l'anglais All Hallows-Even, qui signifie « la veille de tous les saints ») est particulièrement populaire en Amérique du Nord, aux Etats-Unis et au Canada. Les enfants, déguisés en monstres et autres sorcières arpentent leur quartier à la recherche de bonbons et on allume des bougies dans des citrouilles creusées aux mines effrayantes. Célébration avant tout commerciale de nos jours dédiée à l'horreur et à l'effrayant, elle puise ses racines dans un folklore européen particulièrement ancien et qui remonte notamment à l'époque celte et au paganisme. L'immigration irlandaise au XIXème siècle, suite à la Grande Famine, participa à la popularisation de cette fête aux Etats-Unis.

    #32 [SPECIAL HALLOWEEN] La fête d'Halloween et ses origines

     

    • Les origines d'Halloween : la fête celtique de Samhain

     

    Samain, Toussaint, Halloween: les métamorphoses de la Fête des morts | Le  Club de Mediapart


    Les historiens s'accordent aujourd'hui pour la plupart pour dire que la fête d'Halloween telle qu'on la connaît est une héritière directe de l'une des plus importantes célébrations celtes : la fête de Samain (ou Samhain ou encore Samonios, en Gaule). Dans le calendrier celte et gaulois, quatre fêtes particulièrement observées semblent ressortir : Samain vient après Lugnasad (aux alentours du 1er août, pendant la période des récoltes) qui signifie l'assemblée de Lug et avant Imbolc, que l'on peut situer aux alentours du 1er février de notre calendrier et qui célèbre la fin de l'hiver. Plus tard, au début de mai vient Beltaine (ou Beltane) pendant laquelle on allume des feux. Aux alentours de l'équinoxe d'automne, au mois de septembre, on célèbre Mabon puis entre décembre et janvier, au moment du solstice d'hiver viennent les célébrations de Yule (que l'on peut associer grossièrement à nos fêtes de Noël). Quant à Samhain, célébrée pendant l'automne, au moment du retour de l'obscurité, il s'agit en quelque sorte d'un Nouvel An pour les Celtes, une fête de transition,  notamment vers l'Autre Monde, autrement dit ceui des dieux et des mânrd et qui marque le passage d'une année à une autre. La célébration de Samhain apparaît dans de nombreux récits épiques irlandais car, par essence, elle est très propice aux événements magiques, mythiques et inexpliqués. Samhain est aussi le début de la saison sombre, une période intermédiaire entre les deux équinoxes et les deux solstices. L'époque de Samhain coïncide avec celui du Sidh (l'Autre Monde), alors brièvement associé à celui des humains. D'ailleurs, la nuit de Samhain est à part, n'appartenant ni à l'année qui se termine ni à celle qui commence, comme un moment suspendu entre deux mondes. C'est le moment où les limites se brouillent, où l'irréel vient côtoyer le réel et où les vivants peuvent alors communiquer avec l'autre monde (pour les Celtes, il s'agit du monde des démons ou des dieux des Tuatha dé Danann).
    Les fêtes de Samhain duraient sept jours, sous l'égide des druides : le jour même, trois jours avant et trois jours après. En Gaule, pendant la nuit de Samhain, on avait coutume de pratiquer un cérémonial afin de s'assurer que l'année à venir se déroulerait sereinement. On éteignait le feu dans le foyer puis on se ressemblait autour du feu sacré de l'autel ; celui-ci était alors soigneusement étouffé pour éviter l'intrusion d'esprits maléfiques dans le village. Après la cérémonie, chaque foyer recevait des braises encore chaudes pour rallumer son feu et, ainsi, protéger la famille des dangers de l'année à venir.
    En Irlande, les cérémonies de Samhain commencèrent à disparaître au Vème siècle, avec l'émergence dans l'île d'une nouvelle religion : le christianisme. Toutefois, dans le calendrier chrétien, c'est à la même époque de l'année que l'on célèbre la Toussaint (1er novembre) et les Morts (2 novembre). Le mot Halloween découle quant à lui directement de la tradition chrétienne puisqu'en anglais, le mot signifie ni plus ni moins  que « la veille de tous les saints ».
    Bien après l'installation de la religion chrétienne en Europe, on peut malgré tout constater des résurgences issues du paganisme : ainsi, en Bretagne, terre fortement marquée par son héritage celtique on retrouve jusqu'au début du XXème siècle la croyance que les âmes des morts revenaient la nuit de la veille de la Toussaint et lors des nuits de solstice. Avant d'aller se coucher, on ne manquait pas de leur laisser sur la table de quoi se nourrir et une bûche allumée dans le foyer pour qu'ils puissent se chauffer.
    Les couleurs d'Halloween remonteraient aussi à des temps immémoriaux et souvent païens : l'orange rappelle les récoltes qui viennent de se terminer ainsi que la couleur des feuilles en automne tandis que le noir symbolise l'arrivée des temps obscurs, la mort de l'été et le changement de saison.
    De ces anciennes croyances découlent aussi celle des navets creusés (ou betteraves en Lorraine) dans lesquelles on laissait brûler une chandelle...

    • La tradition des citrouilles grimaçantes 

     

    Revue Éléments - Hallowe'en et Samhain


    Les citrouilles creusées, dans lesquelles on place un lumignon sont devenues indissociables de la fête d'Halloween. Elles peuvent avoir un faciès parfois drôle ou gentil mais, la plupart du temps, elles sont effrayantes...
    Cette coutume découle de la légende de Jack O'Lantern, condamné à errer pour l'éternité avec pour seule lumière une chandelle placée dans un navet.
    Jack est sûrement le personnage le plus populaire associé à la fête d'Halloween. Son origine remonte à un vieux conte irlandais dans lequel Jack est présenté comme un maréchal-ferrant qui accumule les défauts : il est ainsi décrit comme avare, ivrogne, méchant et égocentrique.
    Un soir, alors qu'il se trouve à la taverne pour s’enivrer, Jack bouscule un autre client. Mais il ne sait pas que ce client-là n'est pas n'importe quel client : il s'agit du Diable en personne qui, comme il en l'habitude, tente de convaincre Jack de lui laisser son âme en échange de faveurs diaboliques. Alors qu'il est sur le point de succomber, Jack demande au Diable de lui offrir un dernier verre. Le Diable se transforme alors en pièce de six pence pour payer le tavernier. Jack s'empara alors de la pièce qu'il glissa dans sa bourse : dans celle-ci se trouvait une petite croix en argent. Le Diable, ne pouvant plus se transformer, se retrouver piégé dans cette petite bourse. Jack obtient alors du Malin qu'il ne viendrait pas lui réclamer son âme avant que dix ans ne se soient écoulés, ce que le Diable accepta.
    Dix ans plus tard, Jack croisera le Diable au détour d'un chemin. Celui-ci ne manqua pas de lui réclamer son dû. Réfléchissant à toute vitesse, Jack promit alors au Diable qu'il allait venir mais, d'abord, pourrait-il monter dans cet arbre et lui cueillir une pomme ? Le Diable, grimpant sur les épaules de Jack s'agrippa ensuite aux branches du pommier. Jack s'empressa de graver sur l'écorce de l'arbre une petite croix avec son couteau. De nouveau prisonnier, le Diable ne vit plus qu'une solution : assurer à Jack qu'il ne prendrait jamais son âme, comme le rusé maréchal-ferrant le lui demanda. Ce dernier effaça la croix et le Diable fut délivré.
    Mais lorsque Jack mourut, l'entrée du Paradis lui fut refusée, à cause de la vie de débauche qu'il avait menée. Conformément à sa promesse, le Diable lui refusa aussi l'entrée des Enfers. Mais Jack parvint cependant à convaincre ce dernier de lui donner un morceau de charbon pour pouvoir éclairer son chemin dans le noir. En guise de lanterne, il utilisa un navet évidé et se vit condamné à errer sans but jusqu'au jour du Jugement Dernier. Il y gagna le surnom de Jack of the Lantern ou Jack O'Lantern, réapparaissant chaque année le jour de sa mort, le 31 octobre.
    Très rapidement, la tradition irlandaise de creuser des navets lors de la nuit d'Halloween (en souvenir des âmes perdues) fut remplacée, après l'exode massif du XIXème siècle, par celle de creuser des citrouilles, qu'ils trouvèrent sur place. Ces citrouilles évidées et grimaçantes sont devenues le symbole d'Halloween, grâce à leur forme rappelant un visage.
    En Lorraine on retrouve une tradition assez similaire : la Rommelbootzennaat (nuit des betteraves grimaçantes) le soir du 31 octobre. La tradition des navets transformés en lampions se retrouvent aussi dans les Vosges et, bien sûr, en Bretagne.

    • Superstitions liées à Halloween

     

    20 races de chat noir: Photos, caractères et besoins d'entretien •  MonChat.ca   LPO Île-de-France

    Chat noir et chauve-souris restent traditionnellement associés à de nombreuses superstitions 

    Les superstitions liées à la fête d'Halloween ont bien souvent une origine particulièrement lointaine.
    Par exemple, pendant des siècles, croiser un chat noir était un signe de malheur. Associé à la figure de la sorcière, le chat noir est considéré au Moyen Âge comme maléfique. Dans la mesure où l'on croyait qu'une sorcière avait la faculté de se transformer en chat noir en croiser un revenait à...croiser une sorcière. C'est pour cette raison que l'on jetait sans scrupules sur le bûcher les félins à la couleur sombre. Mais ceux qui présentaient dans leur pelage une petite tâche blanche étaient épargnés car l'on considérait alors qu'ils avaient été marqués par un ange.
    Autre animal signe de mauvais présage et associé à la période d'Halloween et de la Toussaint : la chauve-souris. Animal nocturne et aimant l'obscurité, suscitant instinctivement la peur ou la répulsion, la chauve-souris est associée au personnage du vampire (Dracula a par exemple le pouvoir de se transformer en chauve-souris) mais elle est aussi liée au monde de l'au-delà. Par exemple, si une chauve-souris entre dans une maison, c'est qu'un fantôme qui vivait là auparavant l'a laissée entrer... Effrayant, non ?
    Quant à la figure unanimement redoutée de la sorcière, elle nous vient aussi des célébrations de Samhain : dans la culture populaire la sorcière est souvent vue comme une vieille femme maléfique qui remue une mixture étrange dans un grand chaudron. C'est l'image même de l'Aïeule, une déesse païenne que l'on célébrait à l'époque de Samhain comme un symbole de sagesse mais aussi de renouveau saisonnier. Les Celtes croyaient aussi que les âmes des défunts se cachaient dans le chaudron de l'Aïeule. En remuant son contenu, cette dernière attirait de nouvelles âmes et permettait aux anciennes de renaître.

    gravure montrant des femmes réunies autour d'un chaudron, duquel sortent des démons, des diables, des sorcières sur des balais.

    Gravure du XVIIème siècle représentant un sabbat de sorcières 

     

     


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  • #33 : Mata Hari (1877 - 1917)

     

    De la scène au peloton d'exécution...

     

    Née en 1877, la future Mata Hari, danseuse, courtisane et espionne, est la fille d'un marchand de chapeaux et de capes, Adam Zelle et de son épouse Antje van der Meulen. Elle voit le jour à Leeuwarden, en Frise (Pays-Bas). Aînée d'une fratrie de quatre ans, trois frères naîtront après elle. Très brune, le teint sombre, celle que ses parents surnomment affectueusement M'greet ou Grietje (en référence à ses deux prénoms, Margaretha Geertruida) est souvent prise pour une petite Eurasienne.
    Elle a douze ans quand l'entreprise de son père fait faillite, en 1889. L'année suivante, le couple Zelle se sépare et Antje meurt huit mois plus tard, en 1891. Déchu de son autorité parentale, Adam Zelle n'obtient pas la garde de sa fille, placée chez l'un de ses oncles, négociant à La Haye. Ce dernier l'inscrit alors au pensionnat le plus huppé de la région : c'est la jeune que la jeune Margaretha commence à s'inventer à un passé glorieux, bien différent de celui qu'elle a connu.
    Alors qu'elle étudie à Leyde, dans l'optique de devenir institutrice, la jeune fille est éclaboussée par un scandale mettant aussi en cause le directeur de l'école : ils auraient tous deux eu une liaison. Margaretha est renvoyée et le directeur perd sa place. Finalement, en 1895, alors qu'elle a dix-huit ans, elle tombe sur une annonce matrimoniale qui aboutit à un mariage : Margaretha épouse Rudolf MacLeod. Celui-ci, de dix-neuf ans son aîné, est officier dans la marine néerlandaise. Nommé dans les colonies, celui-ci part pour les Indes néerlandaises (nom donné à l'ensemble des possessions néerlandaises en Asie du Sud-Est, de 1800 à la Seconde guerre mondiale, dont fait notamment partie l'Indonésie). Le couple s'installe à Malang, dans l'est de l'île de Java. Comme le veut la coutume pour les femmes européennes à l'époque, la future Mata Hari s'habille à la javanaise, apprend la danse locale et s'initie aussi au javanais.
    Deux enfants naissent de l'union de Margaretha et Rudolf : Louise-Jeanne, qui ressemble beaucoup à sa mère, le teint sombre et le cheveu brun et Normand-John, que l'on peut voir sur une photographie en compagnie de son père. En 1899, un drame terrible vient briser définitivement le couple mal assorti de Margaretha et Rudolf...Est-ce un accident ? Un acte de vengeance ? Toujours est-il que les deux enfants sont empoisonnés, sans que l'on sache bien pourquoi. On dit que Rudolf MacLeod se serait montré violent avec un soldat indigène, amant de leur domestique ou bien qu'il aurait lui-même fait des avances à la jeune femme. Est-ce là le mobile de l'empoisonnement des deux enfants ? On ne le sait pas. Toujours est-il que le petit Normand-John ne survit pas. Seule sa soeur Louise-Jeanne s'en sort.
    De retour en Europe en 1902, Margaretha demande le divorce. Son époux est un homme violent et alcoolique dont elle cherche à se défaire. Le divorce lui est accordé, avec la garde de sa fille et elle obtient aussi le versement d'une pension alimentaire qui, cela dit, ne sera jamais honoré. A la suite de leur divorce, MacLeod enlèvera sa fille pour la soustraire à l'influence de son ex-femme qu'il considère comme indigne et dangereuse.
    La future Mata Hari a vingt-sept ans lorsqu'elle débarque, inconnue, à Paris. Nous sommes en novembre 1903. Utilisant le patronyme de son ancien époux, à consonance écossaise, elle se fait appeler Lady MacLeod et, pour survivre, devient une femme entretenue, autrement dit, une cocotte (ou une demi-mondaine), dans le Paris de la Belle Epoque. Certaines en ont fait une activité très lucrative et qui leur a permis de s'enrichir : c'est le cas de la Belle Otero (d'origine espagnole, réputée pour sa grande beauté et sa flamboyante carrière de danseuse et courtisane) ou encore Liane de Pougy. Au siècle précédent, on peut citer la Païva ou encore Cora Pearl. Elles inspirèrent à Emile Zola son personnage de Nana, qui apparaît dans le roman éponyme. Capitale réputée pour ses courtisanes, Paris attira par exemple le futur roi d'Angleterre Edouard VII, dans les années 1900 mais aussi le roi des Belges Léopold II ou encore le Kaiser Guillaume II (Emilienne d'Alençon fut aussi la maîtresse de ces trois souverains). Margaretha MacLeod embrasse donc, ni plus ni moins, une carrière de prostituée de luxe.
    En 1905, elle se fait embaucher en tant qu'écuyère au Nouveau Cirque d'Ernest Molier, qui lui propose alors d'évoluer en danseuse...très dénudée. Elle commence dès lors à composer son rôle de danseuse orientale très peu vêtue. Le 13 mars 1905, Emile Guimet, orientaliste fortuné et fondateur du musée du même nom l'invite à venir danser dans son musée où une bibliothèque a, pour l'occasion, été transformée en temple hindou. La jeune femme y apparaît dansant un numéro exotique et érotique, sous le nom de Mata Hari (littéralement « œil du jour », en malais). Grimée en princesse javanaise habillée d'un collant couleur chair et encadrée de quatre suivantes, elle rend hommage au dieu hindou Shiva et s'offre à lui lors de la troisième danse, s'effeuillant doucement. Très grande (elle mesure près d'un mètre 75), la peau mate, les cheveux très bruns, un regard noir mystérieux et une bouche sensuelle font de Mata Hari une femme très sensuelle qui séduit son public.
    Devant le succès retentissant du spectacle parisien, Gabriel Astruc, célèbre imprésario de l'époque accepte de devenir l'agent de la nouvelle égérie et fait jouer la troupe, à l'été 1905, à l'Olympia puis à travers toute l'Europe, dans une tournée formidable. Chaque soirée est rémunérée de la somme considérale de 10 000 FRF !! Couronée d'aigrettes et de plumes, Mata Hari se produit de capitale en capitale, guettée par les échotiers qui comptent ses chapeaux, ses chiens, ses amants. A Berlin, elle noue une liaison qui dure plusieurs moi avec un lieutenant allemand, Alfred Kiepert. Liaison amoureuse qui lui sera évidemment vivement reprochée lors de son procès.
    Son numéro d'effeuillage lascif sous prétexte d'une danse orientale a fait d'elle l'une des égéries de la Belle Epoque, une femme moderne et sans tabou qui assume sa nudité dans une société encore corsetée et marquée par un code moral intransigeant, hérité du XIXème siècle. Mata Hari est partie prenante de la légende que l'on tisse autour d'elle et c'est sciemment qu'elle entretient le mensonge sur son passé : ainsi, elle accepte volontiers que l'on dise d'elle qu'elle est née sur l'île de Java où les prêtres de Shiva l'ont initiée aux secrets de son culte et de ses danses. Son père était baron et non plus simple marchand de chapeaux. De son mari, elle dresse le portrait d'un officier supérieur irascible et très jaloux dont elle vit séparée : pour justifier les cupules de bronze ornées de bijoux qu'elle porte sur les seins, elle explique que, dans un accès de rage son mari lui aurait arraché les mamelons, lui laissant de très laides cicatrices (plus prosaïquement, ces cupules ouvragées servent surtout à masquer la petite taille de la poitrine de Mata Hari).
    Personnalité flamboyante et imaginative, elle n'a aucun mal à devenir le personnage qu'elle s'invente mais, néanmoins, sa carrière a du mal à redémarrer depuis sa liaison avec Kiepert en 1907. Endettée, Mata Hari est contrainte d'accepter des rôles peu reluisants, plus populaires que véritablement mondains et ira même jusqu'à se prostituer dans des maisons closes. En 1915, Mata Hari vend son luxueux hôtel de Neuilly et rentre aux Pays-Bas, où elle s'installe à La Haye. Là, elle reçoit la visite du consul d'Allemagne, Carl H. Cramer, intéressé par cette femme polyglotte et introduite auprès des milieux du pouvoir : il lui propose alors de rembourser ses dettes en échange de renseignements stratégiques pour l'Allemagne, en retournant à Paris...


    * L'espionne


    Après un séjour sur le sol belge où elle aurait reçu une formation au centre de renseignements allemands d'Anvers par Fräulein Doktor (Mademoiselle Docteur en français) Elsbeth Schragmüller, elle embarque en mai 1916 pour l'Espagne. A Madrid, elle fréquente de nombreux membres des services secrets, comme Marthe Richard (future aviatrice, elle sera à l'origine de la loi qui fera fermer, en 1946, les maisons closes en France). Toutes deux se trouvent sous le commandement du colonel Denvignes. En Espagne, l'ancienne mondaine est courtisée par de nombreux officiers alliés.
    Mata Hari revient donc en France, en pleine guerre. Vers la fin de 1916, alors qu'elle est Paris, elle s'éprend d'un jeune capitaine russe au service de la France, Vadim Maslov. Âgé de vingt-et-un ans, le jeune militaire lui évoque peut-être son fils, Normand-John, qui aurait alors le même âge. Blessé au front, soigné dans un hôpital de campagne près de Vittel, Mata Hari multiplie les démarches pour se rendre à son chevet. C'est dans ces circonstances qu'elle rencontre, au début de septembre 1916, le capitaine Georges Ladoux, chef des services de contre-espionnage français. Comme Cramer quelques mois plus tôt, ce dernier invite l'ancienne courtisane à mettre ses relations internationales et son don des langues au service de la France. Mata Hari accepte, contre rémunération (elle réclame une somme d'un million de francs à Ladoux, qui accepte ; toutefois, la somme ne sera jamais versée) d'aller espionner le Haut commandement allemand basé en Belgique. En tant que ressortissante néerlandaise, elle peut franchir librement les frontières, son pays d'origine étant resté neutre durant le conflit. Pour éviter les combats qui font rage dans le nord de la France, elle compte rejoindre la Belgique via l'Espagne. Lors d'une (involontaire) escale à Falmouth, elle est interrogée par Basil Thomson du MI-5 (les services secrets britanniques). Elle reconnaît son appartenance aux services français. A-t-elle menti à cette occasion pour tenter de se rendre plus intrigante ou bien les services secrets français se servaient-ils réellement d'elle sans le reconnaître ? Il est difficile de trancher.
    En janvier 1917, l'attaché militaire allemand à Madrid, le major Kalle, que Mata Hari avait tenté de séduire en se faisant passer pour l'espion allemand H-21, transemet à Berlin un message radio décrivant les activités d'H-21. Un message qui sera intercepté par les services français grâce aux antennes de la Tour Eiffel. H-21 est alors identifié comme étant Mata Hari. Étrangement, les Allemands chiffrent le message avec un code qu'il savent pertinemment connu des Français et avec des informations suffisamment précises pour désigner sans peine l'espionne au double-jeu (nom de sa gouvernante, son adresse par exemple). Pour les historiens, le but de ce message est de faire démasquer Mata Hari par les Français si, effectivement, elle travaille pour eux. Ainsi, elle pourrait être neutralisée par eux. En tout état de cause Mata Hari, espion amateur et exerçant un double-jeu périlleux se trouve alors en plein cœur de manœuvres de manipulation menées de part et d'autre.
    Six semaines après son retour en France, où elle rejoint son jeune amant Vadim Maslov, le contre-espionnage français opère une perquisition dans sa chambre de l'hôtel Elysée Palace, sur les Champs-Elysées. Aucune preuve incontestable n'est trouvée mais deux produits pharmaceutiques sont découverts dans son sac à main : or, l'un d'eux, qu'elle présente comme un contraceptif (dont l'usage peut apparaître comme bien légitime compte tenu de ses activités) entre aussi dans la composition de...l'encre sympathique. Des télégrammes chiffrés interceptés montrent que le consul allemand aux Pays-Bas lui aurait versé 20 000 francs. Elle le reconnaît : . « Pour prix de mes faveurs », précisera-t-elle. Pour ses juges, ce sera pour prix de renseignements, sans que leur nature ne soit précisée.
    Finalement, le 13 février 1917, Mata Hari est arrêtée par le capitaine Pierre Bouchardon. Transférée à la prison Saint-Lazare, elle y est soumise à un interrogatoire qui s'avère peu concluant. La seule qui soit assez importante concerne un autre agent double qui avait infiltré le réseau allemand pour les services secrets français. Elle avoue par exemple à Bouchardon qui mène l'instruction vouloir se « venger » des Allemands qui lors d'une perquisition au théâtre de Berlin lui avaient pris toutes ses fourrures (d'une valeur d'environ 80 000 francs).
    Une enquête plus que sommaire conclut à la culpabilité de Mata Hari. Elle est reconnue coupable d'espionnage au profit de l'Allemagne. L'ancienne courtisane qui a fasciné le public dans ses numéros d'effeuillages sexy passe de statut d'idole à celui de coupable idéale dans une France traumatisée par une guerre qui n'en finit plus et dont l'armée vient de connaître une vague d'importantes mutineries après l'échec de la bataille du Chemin des Dames. Son avocat qui, par ailleurs, est l'un de ses anciens amants, Edouard Clunet, n'a le droit d'assister qu'aux premiers et derniers interrogatoires de Mata Hari. L'instruction est menée par Bouchardon, rapporteur au troisième conseil de guerre. À ce titre d'ailleurs, il instruira toutes les grandes affaires d'espionnage de la Grande Guerre.
    Le procès de Mata Hari est expéditif et ne dure que trois jours, sans apporter d'ailleurs de nouveaux éléments. Au cours de ce procès, elle est même lâchée sans scrupules par Vadim Maslov qui la qualifie avec mépris d'aventurière. Le sort de Margaretha Zelle, surnommée Mata Hari, semble scellé d'avance.
    Elle est en effet condamnée à mort pour intelligence avec l'ennemi en temps de guerre, autrement dit, pour haute trahison. Sa grâce est rejetée par le président de la République Poincaré qui laisse simplement la justice suivre son cours. Sept mois après son arrestation, le 15 octobre 1917, Mata Hari est exécutée par fusillade à Vincennes. Peu de temps auparavant, bien que peu croyante, elle aura plusieurs entretiens avec le pasteur Jules Arboux, aumônier des prisons qui l'accompagne dans ses derniers instants. Son médecin, Léon Bizard, relate les faits dans Souvenirs d'un médecin de la préfecture de police et des prisons de Paris (1914 - 1918) : Mata Hari est coiffée d'un grand canotier et porte une robe élégante garnie de fourrures. Un manteau est jeté sur les épaules. Devant le peloton d'exécution, elle refuse d'être attachée au poteau et qu'on lui bande les yeux. Elle aurait lancé un dernier baiser aux douze zouaves qui forment son peloton d'exécution. Alors que les soldats la mettent en joue, elle se serait écriée : « Quelle étrange coutume des Français que d'exécuter les gens à l'aube ! »
    Voici ce que Léon Bizard écrit dans ses Souvenirs :
    « Tandis qu'un officier donne lecture du jugement, la danseuse, qui a refusé de se laisser bander les yeux, très crâne, se place d'elle-même contre le poteau, une corde, qui n'est même pas nouée, passée autour de la ceinture… Le peloton d'exécution, composé de douze chasseurs à pied, quatre soldats, quatre caporaux, quatre sous-officiers, est à dix mètres d'elle… Mata Hari sourit encore à sœur Léonide agenouillée et fait un geste d'adieu. L'officier commandant lève son sabre : un bruit sec, suivi du coup de grâce moins éclatant et la Danseuse rouge s'écroule tête en avant, masse inerte qui dégoutte de sang… »
    Le corps de l'ex-espionne ne sera pas réclamé par la famille et est alors confié à la faculté de médecine de Paris. Les deux médecins qui s'occupent de son autopsie concluent que la balle mortelle a traversé le cœur de part en part tandis que le coup de grâce, reçu en plein visage, l'a défigurée. Au cours de cette autopsie, plusieurs de ses organes sont volés, en guise de souvenirs ou comme des reliques !


    * Mata Hari était-elle coupable ?

     

     

    Mata Hari le jour de son arrestation


    Dès la fin de la guerre, elle est présentée par l'Allemagne comme une innocente victime, n'ayant jamais collaboré avec les services de renseignements allemands. Mais en 1931, dans un important ouvrage collectif (L'Espionnage pendant la guerre mondiale) auquel ont notamment collaboré des historiens, des officiers et des anciens agents des services secrets, le propos ne fait aucun doute : « Mata Hari a fait de grandes choses pour l'Allemagne ; elle fut le courrier pour nos informateurs installés à l'étranger ou en pays ennemis… Mata Hari était parfaitement au courant des choses militaires, puisqu'elle avait été formée dans l'une de nos meilleures écoles d'information… Elle était un agent de marque. »
    En 1937, c'est au tour de « Mademoiselle Docteur », Fräulein Schragmüller, qui dirigeait le centre d'espionnage allemand, à Anvers, de publier sa version des faits, dans ses mémoires. Elle y révèle à propos de Mata Hari : « Pas une des nouvelles qu'elle a envoyées n'était utilisable, et ses informations n'ont eu pour nous aucun intérêt politique et militaire. » Elle reconnaîtra cependant : « La condamnation était méritée et conforme à l'esprit du code militaire. »
    Quant à l'historien Alain Decaux (l'acolyte d'André Castelot dans les années 1960) il témoignera lors d'une de ses recherches sur Mata Hari avoir interrogé le procureur Mornet sur l'enjeu réel que présentait le cas de cette espionne. Celui-ci répondait « qu'on n'avait finalement pas grand-chose à lui reprocher » mais que son cas était évoqué « sous le feu de la presse dans un contexte politique tel » que la raison d'État ne pouvait que l'emporter.
    Pour d'autres, (c'est le cas du journaliste Russel Warren Howe), Mata Hari ne fut rien d'autre qu'une « cocotte » naïve et vénale manipulable à l'envi et qui le fut par les services secrets. Le chef des services du contre-espionnage français Georges Ladoux avait engagé de tels frais qu'il n'aurait jamais voulu avouer qu'il avait avancé de telles sommes pour une simple courtisane. En outre, il aurait été délicat pour les services secrets français de révéler tout de l'affaire Mata Hari car cela aurait montré qu'ils avaient percé les codes de chiffrement allemand.
    Il est donc encore difficile aujourd'hui de savoir exactement quel est le degré d'implication de Mata Hari dans l'espionnage en temps de guerre. Sa situation financière, avant d'être approchée par les services secrets allemands aux Pays-Bas puis par les Français l'a-t-elle poussée à accepter une mission bien trop lourde pour elle, mal préparée et sans réelle expérience de la diplomatie ? Fut-elle manipulée aux noms d'enjeux qui la dépassait ?
    Plus de cent ans après son exécution il est impossible de juger Mata Hari et d'affirmer qu'elle fut coupable ou non. Peut-être fait-elle partie de toutes ces victimes du premier conflit mondial, qui engloutit la Belle Epoque sous un déluge de feu et de sang...

     © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

     

    Pour en savoir plus : 

    - Mata Hari : la poudre aux yeux, Anne Bragance. Biographie. 
    - Mata Hari : les vies insolentes de l'agent H 21, Bruno Fuligni. Biographie. 
    - Mata Hari : sa véritable histoire, Philippe Collas. Biographie. 
    - Le dossier Mata Hari, Frédéric Guelton.  Revue historique des armées, n° 242, Service historique de la Défense

     

     

     


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  • #34 : Anne Boleyn (1501 ou 1507 - 1536) et Katherine Howard (1520 - 1540), les épouses sacrifiées

    First meeting of Henry VIII and Anne Bol - Daniel Maclise en reproduction  imprimée ou copie peinte à l'huile sur toile

    Connu pour ses six mariages qui lui valurent le surnom de Barbe-Bleue, le roi anglais Henry VIII condamna l'une à l'exil (Catherine d'Aragon), assista impuissant à la mort en couches de sa troisième et tendrement aimée épouse (Jane Seymour, qui lui donna l'héritier tant désiré), en répudia une autre (Anne de Clèves) et seul la sixième et dernière, Catherine Parr, lui survécut. Les seconde et quatrième épouses, dont les parcours sont sensiblement similaires, furent accusées quelques années après leur mariage d'adultère et de trahison, deux crimes passibles de la peine de mort. Elles paieront de leur vie d'avoir été remarquées par le roi...


    I. Anne Boleyn, l'ambitieuse

    Illustration.

     

    Anne Boleyn serait née vers 1501 ou 1507 à Blicking Hall, dans le Norfolk. Elle est la fille de Thomas Boleyn et Elizabeth Howard et a pour frère et sœur Georges et Mary Boleyn. Si les Boleyn sont avant tout des propriétaires terriens, faisant carrière dans la diplomatie ou la politique, la famille maternelle d'Anne est plus prestigieuse : en effet, sa mère Elizabeth est issue de la famille aristocratique Howard et elle est la fille du deuxième duc de Norfolk, Thomas Howard. 
    Elle quitte l'Angleterre à un assez jeune âge, parfait son éducation avec Marguerite d'Autriche aux Pays-Bas avant de rejoindre la Cour de France, après avoir passé probablement les premières années de l'enfance dans le domaine de Hever (Kent). Elle rentrera dans son pays vers l'âge de 20 ans.
    A l'âge adulte, elle a des relations plutôt houleuses avec son père, alors qu'elle semblait très soucieuse de lui plaire dans son enfance - il est très probable qu'Anne ait été, par son père et par son oncle Norfolk, considérée comme un instrument et un pion afin d'assouvir leurs propres ambitions, comme le sera Mary avant elle. En revanche, les relations  au sein de la fratrie sont plutôt bonnes : elle s'entend bien avec sa sœur Mary et elle est proche de son frère Georges.
    Avant qu'elle ne devienne la maîtresse du roi Henry VIII, c'est sa sœur Mary qui gagne le cœur et la couche du monarque. Mais lorsque ce dernier se désintéresse de Mary, Anne est poussée dans les bras d'Henry VIII par son père et par son oncle, qui voient là un moyen de consolider l'influence de leur famille. 
    Est-ce la beauté d'Anne qui attire Henry VIII ? Il faut avouer qu'Anne Boleyn n'est pas une beauté conventionnelle pour l'époque : pour autant, elle n'est pas affligée de difformités comme le fameux sixième doigt qu'on lui attribue parfois, qui serait une marque diabolique. Elle est mince et a un teint un peu trop foncé, alors que la mode de l'époque est aux teints pâles voire laiteux. Elle a de très beaux yeux noirs et porte ses cheveux bruns librement dans le dos. Sans être d'une grande beauté, elle a de l'allure et suffisamment de charme pour faire se retourner le roi, qui s'éprend d'elle d'autant plus que ses relations avec son épouse Catherine d'Aragon se dégradent : en effet celle-ci, épousée en 1509, n'est pas parvenue à donner d'héritier au roi. Ses grossesses se sont soldées par des fausses couches ou la mort des enfants. Seule une fille, née en 1516 et prénommée Marie, a survécu. 
    Anne Boleyn débute à la cour en 1522, alors que Catherine d'Aragon, la reine, jouit d'une grande popularité. En 1525, Henry VIII commence à la courtiser. L'amour du roi pour Anne Boleyn sera à l'origine du schisme qui marquera la rupture entre l'Église d'Angleterre et le Pape. En effet, c'est une folle passion que le souverain anglais nourrit pour la très jeune femme. Mais Anne Boleyn refuse les avances du roi, renvoie ses présents et se fait désirer. Cette résistance pousse Henry VIII a entamer une réforme de l'église anglaise pour pouvoir épouser Anne et enfin l'épouser : il n'aura ainsi pas de comptes à rendre à la papauté s'il décide de se séparer de la reine pour épouser Anne Boleyn. 
    Seulement l'opinion et les clercs d'Angleterre s'opposent à une répudiation de la reine Catherine d'Aragon, très pieuse. Henry VIII décide de passer outre leurs avis et, en 1530, après avoir résisté et
    essayer de conserver sa place sur le trône, la reine Catherine est exilée loin de la Cour et ses appartements sont donnés par le roi à Anne Boleyn. Le cardinal Wolsey, grand ennemi d'Anne, a été emprisonné à la Tour de Londres sur l'ordre du roi et ce dernier se suicide dans sa cellule. Cet obstacle éliminé, Anne devient l'une des personnes les plus puissantes et les plus influentes à la Cour.
    Henri et Anne Boleyn se marient secrètement après un voyage à Calais, où ils ont rencontré le roi de France François Ier, puis, la jeune femme constate qu'elle est enceinte. Une deuxième cérémonie a alors lieu à Londres en janvier 1533. Quelques mois auparavant, le 1er septembre 1532, Anne Boleyn, a été titrée marquise de Pembroke et devient, à partir de son mariage, reine d'Angleterre.
    Néanmoins, la vie conjugale des souverains d'Angleterre se gâte très vite. A des périodes de calme et d'affection, succèdent des périodes orageuses. En 1533, Anne accouche de son premier enfant mais déçoit le roi. En effet, c'est une fille : cette enfant sera la future Elizabeth Ière, qui règnera sur l'Angleterre de 1558 à 1603, inaugurant une véritable ère prospère qui porte encore son nom : l'ère élisabéthaine, marquée notamment par l'épanouissement du théâtre de Shakespeare.
    A l'été 1534, la grossesse de la reine se solde par une fausse couche et en 1536, après une vingtaine de semaines de grossesse, elle perd un enfant qui aurait été un garçon : l'enfant aurait-il été affligé de malformations comme on le dit parfois, poussant alors le roi à croire que sa femme a entretenu un commerce diabolique dont cet enfant aurait été le fruit - les malformations physiques étaient en effet vues à l'époque comme des marques diaboliques ? Henry VIII est-il surtout disposé à se débarrasser coûte qu coûte de cette femme dont il s'est lassé ? C'est bien possible puisque à ce moment-là, le roi s'est déjà entiché d'une nouvelle jeune femme, Jane Seymour, qu'il courtise ouvertement. La situation de la reine Anne, qui se montre incapable de donner un héritier mâle à la couronne anglaise, devient difficile et elle doit essuyer le ressentiment du roi, qui la tient pour responsable de ses fausse-couches.
    En avril 1536, le scandale qui couvait depuis de longues semaines éclate enfin. Une opportune rumeur apparaît : Anne Boleyn n'aurait pas été vierge en épousant le roi et aurait même été fiancée  dans sa jeunesse au fils du comte de Northumberland, ce dont elle se serait bien gardée d'avertir le roi et elle aurait entretenu des liaisons adultères avec des musiciens et poètes durant son mariage. On l'accuse même d'inceste, la reine se serait en effet rendue coupable de liaisons intimes avec son frère George Boleyn, qui sera exécuté le 17 mai avec Henry Norris, ami d'Henry VIII mais considéré comme amant de la reine.
    Anne Boleyn est arrêtée et enfermée à la Tour de Londres, tout comme ses prétendus amants. Son père, Thomas Boleyn, est également arrêté mais sera relâché après l'exécution de son fils.
    Le 19 mai 1536, après plusieurs reports de l'exécution et après une longue période d'agonie faite d'incertitudes et d'angoisse, Anne est enfin menée à l'échafaud. En souvenir de celle qu'il a aimée, Henri VIII lui accorde la grâce d'une mort dite à la française : elle sera exécutée à l'épée, par un bourreau venu de Calais. La décapitation par l'épée était réputée moins douloureuse que par le fer de la hache.

     

    Personnage romanesque au destin tragique, Anne Boleyn inspire aujourd'hui le cinéma et les romanciers. Elle a ainsi été incarnée, ces dernières années, par Natalie Dormer dans la série The Tudors, par Natalie Portman dans le film Deux sœurs pour un roi, adaptation du roman de Philippa Gregory et par Claire Foy (The Crown) dans la mini-série Wolf Hall

    II. Katherine Howard, morte à 20 ans

     

    Hans Holbein the Younger - Portrait of a Lady, perhaps Katherine Howard (Royal Collection).JPG

    Katherine (ou Catherine) Howard est née en 1520 ou 1522 à Londres. Elle est le dixième enfant de Edmund Howard, fils cadet du deuxième duc de Norfolk (et donc frère d'Elizabeth, la mère d'Anne Boleyn) et de Jocasta Culpeper dite Joyce. Elle est, par son père, une cousine de Mary et Anne Boleyn qui attirèrent toutes deux, pour leur malheur, l'attention du roi Henry VIII. Comme la reine Anne, Katherine sera remarquée par le roi, lui inspirant une violente et éphémère passion et finira sa vie sur l'échafaud. La disgrâce des deux cousines est d'ailleurs sensiblement similaire. 
    Vers 1531, alors que Katherine est âgée d'une dizaine d'années, elle est envoyée chez Agnès Tinley, la duchesse douarière de Norfolk pour y être éduquée comme une fille de l'aristocratie doit l'être. Au palais de Lambeth, Katherine vit auprès des nombreuses autres pupilles d'Agnès Tinley. Son éducation est négligée, comme pour la plupart des jeunes résidentes de Lambeth, livrées à elles-mêmes et elle fut certainement la moins instruite des épouses d'Henry VIII. De plus, la surveillance, au palais, est plutôt lâche et les jeunes filles ont assez de libertés : il semblerait que la jeune Katherine ait grandi dans une atmosphère assez licencieuse et, alors qu'elle a une quinzaine d'années, Katherine devient la maîtresse d'Henry Manox, son professeur de musique. Débutée vers 1536, cette liaison s'acheva en 1538 quand Katherine tombe amoureuse de Francis Dereham. Cet amour est réciproque et les deux jeunes gens vont jusqu'à s'appeler mari et femme et vivent quasi maritalement. Ils avaient même prévu de se marier, en passant un pré-contrat, mais leur liaison s'acheva finalement en 1539.
    Katherine fait ses premiers pas à la cour d'Henry VIII en tant que demoiselle d'honneur d'Anne de Clèves, la nouvelle épouse du roi (celui-ci avait épousée cette princesse allemande et protestante après la mort de Jane Seymour mais ne l'a jamais aimée et toujours négligée - ce mariage, orchestré par le conseiller du roi, Thomas Cromwell, est à l'origine de la disgrâce de ce dernier). La jeune Katherine est très vite remarquée par le roi.
    En Juillet 1540, Henry VIII obtint l'annulation de son mariage avec Anne de Clèves, qu'il avait prise en grippe dès son mariage. Trois semaines plus tard, il épouse Katherine Howard. Elle a presque vingt ans, le roi en a quarante-neuf. 
    Katherine eut très tôt un ascendant puissant sur son époux qui est sous son charme, l'incitant à se rapprocher à nouveau des catholiques, ce qui lui attira l'inimitié du parti de la Réforme. Couverte par l'une de ses dames d'honneur, lady Rochford (la veuve de George Boleyn), elle entame une relation passionnée avec Thomas Culpeper, l'un des favoris d'Henry VIII et que la jeune reine trouve séduisant.
    En 1541, après avoir parcouru le pays avec le souverain, le passé de Katherine éclate au grand jour et sa liaison avec Thomas Culpeper est soudain révélée. Henry VIII crut d'abord que ces accusations étaient fausses et demanda à Cranmer, l'archevêque de Canterbury, d'enquêter un peu plus, ce qu'il fit. Quelques jours plus tard, les accusations sont étoffées par les témoignages de Dereham et Culpeper, arrêtés, amenés à la Tour de Londres et torturés. 
    La jeune reine est, pour sa part, d'abord gardée à vue dans ses appartements de Hampton Court, avec l'autorisation de n'être accompagnée que de lady Rochford, sa complice. Le 22 novembre 1541, elle est déchue de son titre de reine d'Angleterre et passe l'hiver 1541 emprisonnée dans le Middlesex. Le 10 décembre, ses deux amants sont pendus à Tyburn et le sort de la jeune femme
    resta en suspens jusqu'en janvier, quand le parlement la décrète coupable de trahison, crime passible de la peine de mort. Comme sa cousine Anne, Katherine ne sauvera pas sa peau. 
    Au début du mois de février 1542, Katherine est transférée à la Tour de Londres. Le 11, Henry VIII signa le décret de mort civile et l'exécution de la très jeune et éphémère reine fut fixée au 13 février à sept heures du matin. La nuit précédant son exécution, Katherine demanda qu'on lui monta le billot pour s'exercer à y poser la tête correctement.
    Tout comme sa cousine Anne Boleyn, elle fut décapitée à la française, d'un coup d'épée et son corps est ensuite transféré en l'église St Peter ad Vincula, où reposait déjà le corps de la seconde épouse
    d'Henry VIII. Katherine Howard avec vingt ou vingt-deux ans au moment de sa mort, victime de la cruauté d'un roi dont l'image de Barbe-Bleue resta dans l'Histoire. Au moment de son exécution, la jeune femme aurait prononcé ces mots : « Je meurs en reine mais j'aurais préféré mourir comme la femme de Culpeper. » témoignant jusqu'au bout de son amour et de sa fidélité envers son amant. 

     © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

     Pour en savoir plus : 

    - Les Tudors : la naissance de l'Angleterre, Jane Bingham. Biograhie.
    - Trilogie Le Crépuscule des Rois (La Rose d'Anjou / Reines de coeur / Les lions d'Angleterre), Catherine Hermary-Vieille. Romans. 
    - Henri VIII, Georges Minois. Biographie. 
    - Henri VIII : la démesure du pouvoir, Cédric Michon. Biographie. 
    - The Life and Death of Anne Boleyn ' The Most Happy', Eric Ives. Biographie. 
    -  The Rise and Fall of Anne Boleyn : Family Politics at the Court of Henry VIIIRetha M. Warnicke. Biographie.

     


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  • #35 [SPECIAL HALLOWEEN] Ces légendes de nos régions à se raconter le soir d’Halloween

     Le conte préféré de Marie Talbot. | gilblog | Jean-Pierre Gilbert

     

    • LE LÉBÉROU, EN PÉRIGORD

     

    Les légendes obscures du Sarladais - Café vadrouille

    Personnage incontournable du folklore périgordin et de son bestiaire légendaire, le lébérou (de l’occitan « lebero ») est une créature nocturne et métamorphe, c’est-à-dire qu’il a la capacité de modifier son apparence physique…mais cela est loin d’être un don pour le pauvre lébérou, qui est surtout victime d’une malédiction (pouvant être induite par une faute commise) se et se transforme, dès la nuit tombée, en un être effrayant sur lequel il ne vaut mieux pas tomber ! Traditionnellement, on raconte que le lébérou s’incarne en un animal, mouton ou lièvre pour le mâle, chèvre pour la femelle mais une variante de la légende raconte que le lébérou revêt simplement une peau de bête avant d’aller courir les routes du Périgord. Certaines légendes parlent même d’un homme victime se transformant en loup, ce qui rapproche le lébérou de l’effrayant loup-garou.

    A la tombée du jour, le lébérou entame sa transformation, toujours à proximité d’une fontaine ou d’une étendue d’eau. Ensuite, la créature erre sur les routes et à travers champs, rôdant autour des habitations. Mais surtout, durant la nuit, elle devra passer sous sept clochers du Périgord noir, aux alentours de la grande forêt Barrade pour pouvoir recouvrer sa forme humaine au matin. Ce rituel sans fin est imposé au monstre afin de lui faire expier ses fautes. Mais le lébérou est rusé et a plus d’un tour dans son sac : gare au voyageur égaré ou attardé qui, au cœur de la nuit, croisera sa route ! Celui-ci n’hésitera pas à sauter sur les épaules de sa proie (qui ne peut alors plus s’en débarrasser) afin de se reposer et ainsi, traverser les sept paroisses avant le lever du soleil ! Si, au lever du soleil, le parcours du lébérou n'a pas été correctement suivi et terminé, celui-ci demeure maudit, et sa nouvelle victime devient à son tour un lébérou.

    La légende de la demoiselle de Chaban (du nom du château de Chaban, sur la commune de Saint-Léon-sur-Vézère), notamment rapportée par la conteuse périgordine Thalie de Molènes, met en scène un lébérou femelle prenant la forme d’une chèvre blanche.

    La légende périgordine du lébérou peut être rapprochée de celle du département voisin, la Gironde, qui met en scène le personnage du Tac, être maléfique appartenant au folklore gascon. Mais, au contraire de ce dernier, le lébérou n’est pas décrit comme foncièrement mauvais, faisant le mal et nuisant aux hommes par son propre plaisir, même s’il est clair qu’il n’a pas été maudit non sans raison…

     

    • L'ANKOU, EN BRETAGNE

     

    L'Ankou en Basse-Bretagne | Becedia

    Terre fertile en légendes souvent très anciennes, la Bretagne nous offre celle de l’Ankou, un personnage effrayant dont il vaut mieux ne pas croiser la route…

    Il semblerait que l’Ankou soit un héritage de l’ancien folklore celtique, qui a durablement marqué la terre de Bretagne : il serait inspiré d’un dieu dont la fonction première était la perpétuation des cycles vitaux (naissance et mort), les saisons ou les cycles du jour et de la nuit. Il s’agit probablement du dieu gaulois Sucellos (ou Sucellus, représenté avec comme attribut un maillet, qui donne et reprend la vie avec son arme) et du dieu irlandais Eochaid Ollathair (dit le Dagda, il est le dieu celtique le plus important des Tuatha Dé Danann, après le dieu Lug et possède notamment comme attribut une massue). On retrouve d’ailleurs la figure de l’Ankou dans tout l’ancien monde celtique, en Bretagne certes, mais aussi au Pays de Galles (Anghau) ou encore en Cornouailles (Ankow). Au fil du temps, l’Ankou est devenu un personnage effrayant et sinistre, dont le maillet est remplacé par une faux ou une pique et dont la fonction est réduite à la seule mort (il est à noter cependant que l’Ankou ne personnifie pas réellement la Mort ; en réalité, il est son serviteur). D’ailleurs, le nom de l’Ankou ferait référence à l’angoisse/la peine, en breton, ce qui veut tout dire.

    Alors à quoi ressemble ce personnage que personne en Bretagne n’a envie de croiser ? Souvent, on dépeint l’Ankou comme un homme très grand et très maigre, aux longs cheveux blancs et dont la figure est toujours plongée dans l’ombre, l’homme portant sur la tête un grand chapeau de feutre au large bord, qui lui permet ainsi de se dissimuler. Parfois, certaines légendes évoquent même un personnage bien plus effrayant encore, réduisant l’Ankou à un simple squelette revêtu d’un linceul et dont le crâne ne cesse de tourner sur la colonne vertébrale, telle une girouette, cela lui permettant ainsi d’embrasser d’un seul coup d’œil toute l’étendue de la région qu’il est en train de parcourir. L’Ankou parcourt ainsi les plaines de Bretagne sur une charrette grinçante (karrig an Ankou), censée annoncer son passage par son fracas…mais attention, entendre la charrette de l’Ankou est un très mauvais présage car cela annonce à l’infortuné sa mort prochaine (ou, selon les légendes, celle d’une personne de son entourage).

    On dépeint l'Ankou tantôt comme un homme très grand et très maigre, les cheveux longs et blancs, la figure ombragée d'un large feutre ; tantôt sous la forme d'un squelette drapé d'un linceul, et dont la tête vire sans cesse au haut de la colonne vertébrale, ainsi qu'une girouette autour de sa tige de fer, afin qu'il puisse embrasser d'un seul coup d'œil toute la région qu'il a mission de parcourir.

    Le rôle de l’Ankou est de collecter les âmes des défunts (il est un « passeur d’âmes »), dont il fait lui-même partie : en effet, on a coutume de dire que l’Ankou est le dernier mort du mois de décembre, autrement dit, de l’année, tandis que le premier mort de l’année est souvent komis an Ankou, c’est-à-dire le commis, le serviteur de l’Ankou.

    Alors que la figure de l’Ankou est surtout associée à la région des Monts d’Arrée, un personnage analogue sillonne le littoral sur son « bateau de nuit », le Bag noz et y collecte les âmes, comme le fait l’Ankou dans sa charrette brinquebalante.

    • LA LÉGENDE DE LA MOMIE DE SAINT-THOMAS, A STRASBOURG

     

    Église Saint Thomas (Strasbourg) — Archi-Wiki

    A Strasbourg, vous pouvez visiter la belle église-halle Saint-Thomas, dont la construction démarre au IXème siècle, à l’initiative de l’évêque Adeloch, aux alentours des années 820. Devenue par la suite lieu de culte protestant, l’église Saint-Thomas est encore aujourd’hui rattachée à l’église protestante de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine et elle est classée aux Monuments Historiques depuis 1862. On peut aussi y voir le tombeau du maréchal de Saxe, brillant militaire qui se distingua notamment en 1745 lors de la bataille de Fontenoy et bâtard du roi de Pologne Auguste II.

    Mais, au-delà de son intérêt historique et architectural, l’église Saint-Thomas de Strasbourg posséda pendant longtemps une véritable curiosité : en descendant dans les sous-sols de l’église, on pouvait en effet y voir deux cercueils de verre dont l’un contenant la momie d’une jeune fille vêtue d’une robe de mariée. Elle porte encore ses bijoux et même une couronne de fleurs d’oranger. D’une maigreur effrayante, la jeune morte arbore un sourire qui fait froid dans le dos. Mais qui est-elle ? Il s’agit probablement de la jeune comtesse de Nassau, vivant il y a de cela trois siècles et qui mourut au moment de son union avec un chevalier alsacien, d’où sa tenue de mariée. L’autre sarcophage, abritant une momie masculine cette fois, était probablement celui d’un fils du comte Gustave-Adolphe de Nassau de Sarrebruck.

    La légende raconte que l’effrayante momie revient à la vie en hiver et se met à fréquenter les bals dans la région, où l’on peut la voir virevoltant au milieu de danseuses bien vivantes et suscitant l’effroi de tous ceux croisant son regard…

    • LES LÉGENDES DU LAC PAVIN, EN AUVERGNE

     

    Lac Pavin — Wikipédia

     

    Lac volcanique auvergnat, le lac Pavin s’est formé il y a environ 6900 ans et se situe en plein cœur du Massif central, dans le département du Puy-de-Dôme. Son nom viendrait du latin « pavens » qui signifiait « épouvantable ».

    Lac sombre et très profond et donc mystérieux, il est l’objet de légendes séculaires (certaines remontant au XVIème siècle) souvent liées au diable (celui-ci sortirait régulièrement du lac en y créant des tourbillons) – d’où le surnom de « lac du diable » que l’on donne souvent au lac Pavin. On dit aussi que ce dernier serait le lieu de la mort d’un seigneur de la région, fou de désespoir de voir ses cadeaux refusés par une jeune habitante de la commune de Besse toute proche. Econduit, il se serait assis non loin de là sur la « chaise du diable », deux pierres plates dont la forme évoque celle d’un siège et il y aurait tant pleuré que ses larmes inondèrent le village de Besse…pensant qu’il avait noyé sa bien-aimée, il se suicida. Une autre légende rapporte que c’est Dieu qui aurait submergé la commune de Besse, pour punir ses habitantes aux mœurs légères – cette légende est à rapprocher de celles de nombreuses autres cités englouties comme la ville d’Ys, en Bretagne, punie pour les excès de la princesse Dahut, fille du roi Gradlon.

    Enfin, d’autres légendes racontent que si l’on jette une pierre au centre du lac Pavin celui-ci se réveille et se met en colère, des éclairs zébrant alors le ciel et faisant se lever une tempête (on sait aujourd’hui que cette instabilité du lac Pavin est surtout due à la forte teneur en gaz de ses eaux). Mais, si l’on y jette des pierres au soir du 31 décembre à minuit, on entendra les cloches de l’ancien village de Besse sonner dans les tréfonds du lac…

    • LA LÉGENDE DE LA FÉE MÉLUSINE, EN POITOU

     

    Mélusine (fée) — Wikipédia

     

    Si vous visitez la commune de Lusignan dans la Vienne, vous ne verrez pas le château des Lusignan, aujourd’hui disparu. Et pourtant, pendant tout le Moyen Âge, les destinées du village et de la puissante famille des Lusignan s’est confondue… et c’est à cette époque qu’est née la légende de la fée Mélusine, étroitement liée à celle de la famille de Lusignan et qui aurait vécu au château.

    Si on retrouve la légende de la fée Mélusine ailleurs en France, notamment en Alsace ou dans le Jura, le Poitou reste probablement la région la plus étroitement liée à cette fée, dont la légende veut qu’elle était mi-femme, mi-serpent.

    La légende de Mélusine, que l’on peut rattacher aux nymphes des eaux et autres divinités aquatiques, prend probablement racine dans des mythes très anciens remontant à l’Antiquité. Ainsi, pour certains mythologues, elle est la « mater lucina » des Romains, qui présidait aux naissances tandis que d’autres la rattachent à une divinité celte, protectrice de la Font-de-Sé (fontaine de la soif). On lui trouve aussi des origines grecques (la Lyké), voire ligures (Mélugina) ou encore scythes (Milouziena) – ce dernier peuple se croyait descendant d’Héraclès et d’Echidna, elle-même munie d’une queue de serpent et d’ailes de chauve-souris, qui rappellent l’apparence de Mélusine. Il y a bien longtemps, des Scythes dits « Taïfales » seraient arrivés en Gaule, dans la région du Poitou où ils se seraient implantés dans le sillage de l’armée romaine et y auraient fondé la ville de Tiffauges, emmenant peut-être avec eux le mythe de la femme-serpent qui donnera naissance à celui de Mélusine au Moyen Âge.

    Les Gaulois possédaient eux-mêmes une légende proche de celle de Mélusine : ils vénéraient en effet une divinité du nom de Mélicine, qui aurait présidé à le destinée, thème récurrent également dans la légende médiévale de la fée Mélusine.

    On doit l’une des évocations les plus anciennes de la fée Mélusine à Walter Map, écrivain anglais né vers 1140 et qui aurait disparu au début du XIIIème siècle, vers 1208 ou 1210. Connu essentiellement pour la rédaction d’un seul livre De nugis curialium (Contes pour les gens de cour), où il reprend de nombreux contes celtes, il y mentionne un certain Henno, qui épouse Mélusine. C’est la mère de Henno qui surprend le secret de l’épouse, qui se transforme en dragon lorsqu’elle prend son bain.

    Le thème de Mélusine ne cesse ensuite de se développer et on doit une autre version de la légende à Gervais de Tilbury dans son Livre des merveilles daté de 1211 ou 1214 et qui est dédicacé à l’Empereur Otton IV du Saint-Empire.

    Le lien de la fée avec les Lusignan est finalement immortalisé à la fin du XIVème siècle par Jean d’Arras, dans son roman Mélusine ou la noble histoire des Lusignan, qu’il offre en août 1393 au duc Jean de Berry, frère du roi Charles V et à sa sœur la duchesse de Bar. Un autre roman, attribué à Couldrette au début du XVème siècle narre l’histoire de Mélusine, qui sera ensuite reprise régulièrement : ainsi, en 1698, François Nodot propose une adaptation du roman de Jean d’Arras au théâtre.

    Aujourd’hui, c’est probablement cette version de la légende qui est la plus connue et la fée Mélusine est souvent associée à Raymondin de Lusignan : ce dernier est le neveu du comte de Poitou, Aymar de Poitiers, qu’il tue accidentellement en forçant un sanglier lors d’une partie de chasse. Pourchassé pour meurtre et aveuglé par sa propre douleur et sa culpabilité, le jeune Raymondin erre dans la forêt de Coulombiers en Poitou et, à minuit, faisant halte à la fontaine de Soif (ou Font-de-Cé) il y rencontre trois femmes, dont Mélusine. Le réconfortant, elle lui propose son aide pour le faire innocenter et faire de lui un très puissant seigneur, mais à une condition : qu’il l’épouse. Elle lui demande aussi de jurer de ne jamais chercher à la voir le samedi, sans lui en expliquer la raison. En gage, elle offre à Raymondin deux verges d’or qui « ont moult grande vertu ». Le couple se marie en grande pompe, faisant de la famille de Lusignan l’une des plus prestigieuses du royaume. Mélusine accouche de dix enfants, tous grands et bien bâtis, qui deviendront de puissants seigneurs, malgré quelques défauts physiques : ainsi, l’aîné Urien, devient roi de Chypre, bien qu’il ait un œil rouge et un autre vert et de très grandes oreilles ; Renaud, futur roi de Bohême n’a qu’un œil tandis que son jeune frère Horrible en possède trois et se distingue par sa férocité qui lui fera tuer plusieurs nourrices avant ses 4 ans !

    La légende de Mélusine fait d’elle une bâtisseuse, dont le nom est lié à de nombreux châteaux ou villes, en Poitou mais aussi en Alsace : elle serait ainsi à l’origine des villes de Parthenay, Tiffauges ou encore Talmont, aurait fait édifier les murailles de La Rochelle…travaillant surtout la nuit, Mélusine s’arrête si elle est surprise dans ses travaux : c’est ainsi qu’il manque la dernière pierre des flèches de Niort et de l’église de Parthenay, par exemple.

    Mais un jour, la trahison survient : le frère cadet de Raymondin, jaloux de l’influence de son frère aîné, imagine que sa femme fornique avec un autre tous les samedis, d’où son interdiction à son mari d’essayer de l’approcher ce jour-là. Furieux à l’idée que son épouse puisse le tromper, Raymondin se précipite à la porte interdite et regarde dans la pièce où il aperçoit sa femme dans un cuveau de bain, en train de se coiffer. Le haut de son corps nu est celui d’une femme, le bas est une queue de serpent… à partir de là, la légende possède deux versions différentes : ou bien Raymondin se serait exclamé « Je viens mon amour de vous trahir à cause de la fourbe exhortation de mon frère », ou bien il aurait gardé le secret de son épouse jusqu’au jour où, son fils Geoffroy étant accusé d’avoir détruit l’abbaye de Maillezais et d’avoir tué son frère Fromont, le père rejeta sur la mère le comportement du fils, en la traitant de « Très fausse serpente ». Quoiqu’il en soit, la légende n’a qu’une fin : se sachant découverte, Mélusine se jette alors par la fenêtre en poussant un cri de désespoir et disparaît. Dans son roman, Jean d’Arras raconte cependant que, la nuit, il arrive à la fée de venir discrètement caresser ses enfants. C’est elle aussi qui annoncera prophétiquement la mort de Raymondin. La fée se montre et se lamente à chaque fois qu’un membre de la famille de Lusignan va mourir ou que les biens de la famille changent de main.

    Fille de Persine, elle aussi fée et qui avait prédit le destin de sa fille Mélusine, et d’Elinas, Mélusine aurait une origine écossaise (son père était roi d’Albanie, le futur comté d’Albany). La légende de sa mère Persine est assez semblable à la sienne : cette dernière, rencontrant le roi Elias près d’une fontaine, lui aurait fait jurer en l’épousant de ne jamais tenter de la voir pendant ses couches. Ils eurent trois filles, dont était furieusement jaloux le fils d’une première union du roi Elinas, qui poussa son père à entrer dans la chambre où Persine baignait ses filles. Celle-ci quitta son mari en emmenant ses enfants. La particularité de Mélusine viendrait de sa propre mère qui l’aurait condamnée à être mi-femme mi-serpent après que la jeune fille se soit vengée avec ses sœurs de son père, Elinas. Si son mari respectait le marché de ne jamais la voir le samedi, la malédiction disparaîtrait d’elle-même et Mélusine redeviendrait une simple mortelle, menant une vie normale de femme et de mère.

    Par la suite, on a cherché à associer le mythe de Mélusine à une femme de la noblesse qui aurait réellement existé : certains par exemple ont vu en elle la reine Aliénor d’Aquitaine elle-même. D’autres associent aussi la fée Mélusine à la reine Sybille de Jérusalem, née vers 1160 et qui fut reine de Jérusalem de 1186 à 1187. Parfois, on évoque aussi le seigneur Hugues VII de Lusignan qui avait épousé lors des croisades une sarrasine vivant cachée sous des voiles et prenant de longs bains de vapeur, ce qui peut en effet rappeler le personnage de Mélusine.

    De grandes familles, royales ou seigneuriales, prétendent ainsi descendre de Mélusine, des Saint-Gilles (comtes de Toulouse) aux Plantagenêts en passant par la famille de Luxembourg, qui serait descendante d’un fils de Raymondin et de Mélusine, Antoine. Ainsi, à la fin du XVème siècle, une reine d’Angleterre peut se dire descendante de Mélusine : Elizabeth Woodville, épouse d’Édouard IV aurait par sa mère Jacquette de Luxembourg, lady Rivers, un lien de famille avec elle.  

    • LE CHAT D'ARGENT, EN PROVENCE, GASCOGNE, LANGUEDOC ET BRETAGNE

     

    Encyclopédie du paranormal - Matagot

    La légende du chat d’argent, « matagot » ou encore, « mandragot » se retrouve dans les folklores de plusieurs régions de France, notamment en Gascogne, en Languedoc et en Bretagne. Souvent de couleur noire, le chat d’argent est un animal diabolique, obtenu par un sorcier en échange de son âme (le chat est soit obtenu par invocation de l’Abominable, autrement dit le Diable ou bien en la capturant dans un sac à la croisée de quatre chemins). Il est paresseux car il ne chasse aucunement les souris et ne mange que ce qu’on lui propose. Le chat est censé rôder dans des lieux mystérieux, la nuit durant, et revient à l’aube auprès de son maître, lui rapportant des louis d’or. Celui-ci doit le récompenser car, s’il oublie, le chat peut se venger cruellement de lui. On dit que le chat ne sert non pas un mais neuf maîtres et serait chargé de conduire le dernier aux Enfers.

    Même s’il n’est pas clairement défini comme tel, le personnage du chat rusé dans Le chat botté, qui permet à son maître de développer ses richesses, peut être considéré comme un « matagot ».

    Cette légende du chat d’argent est liée aux nombreuses superstitions séculaires attachées à la figure du chat noir, qui inspirait une profonde crainte dans les populations, qui le considéraient souvent comme porte-malheur. On ainsi vu des persécutions allant jusqu’aux procès de chats pour sorcellerie.

    Le chat est l’un des animaux les plus liés à la sorcellerie et pourtant, dans l’Europe du haut Moyen Âge, il s’agit d’un animal ayant bonne réputation : le chat est notamment apprécié pour ses talents de chasseur puisqu’il débarrasse ainsi les fermes des rongeurs nuisibles. Ce n’est qu’à la moitié du XIIIème siècle que l’on commence à considérer le chat, à l’instar du crapaud comme une incarnation du Diable : ainsi, une bulle papale fulminée en 1233 (la bulle Vox in Rama, du pape Grégoire IX, instaurateur de l’Inquisition médiévale) déclare que toute personne abritant dans son foyer un chat noir risque le bûcher. Puis, vers le milieu du XIVème siècle, alors que des temps troublent commencent (guerre franco-anglaise, instabilités politiques et religieuses, Grande Peste), on assiste parallèlement à la résurgence du culte païen de la déesse nordique Freyja dont le char était tiré par deux chats bleus. De là, une association entre le chat et des cultes infernaux s’opère, manifestement parce que l’animal était autrefois adoré par les païens. Surtout, on considérait que la réflexion de la lumière dans les yeux du chat était une manifestation diabolique : ce seraient en effet les flammes de l’Enfer qui s’y reflètent.

    Très vite, le chat se retrouve alors dans l’imaginaire médiéval associé à la malchance, au mal, à la sournoiserie (et donc, à la féminité) et d’autant plus s’il était noir (seuls les chats possédant une tâche blanche sur le poitrail ou le cou pouvaient espérer la clémence car on estimait alors que c’était une marque divine)…le chat se trouve alors, pour de nombreux siècles, associé à la magie, au diable et aux sorcières. On lui attribuait des pouvoirs surnaturels et effrayants et la faculté de posséder plusieurs vies. On pense parfois que le chat est un sorcier métamorphosé ou l’incarnation d’un démon familier.

    Au XVème siècle, le pape Innocent VIII promulgue en 1484 un édit qui conduisit au sacrifice de nombreux chats lors de fêtes populaires. Des bûchers étaient souvent érigés sur les places des villages ou des villes et l’on y brûlait les chats que l’on avait capturés, à l’instar des sorciers, sorcières et magiciens qui périssaient eux aussi par les flammes – il semblerait toutefois, au vu des recherches effectuées dans les archives, que les condamnations de chats au bûcher soient plus marginales qu’on ne le pensait.

    • LA BÊTE DU GÉVAUDAN, DANS LES CÉVENNES

     

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    La légende de la bête du Gévaudan est peut-être aujourd’hui l’une des légendes régionales les plus inquiétantes car elle possède une authenticité historique.

    Le nom générique de Bête du Gévaudan est attribué à un ou plusieurs canidés à l’origine d’attaques (parfois mortelles) contre des humains, survenues dans la région du Gévaudan entre la fin juin 1764 et la mi-juin 1767. Selon les sources, on compte entre 88 et 124 agressions (la première victime est une jeune habitante du village des Hubacs, Jeanne Boulet, âgée de quatorze ans), la plupart situées dans l’ancien pays du Gévaudan (dans le département actuel de la Lozère) tandis que d’autres sont signalées dans le sud de l’Auvergne, le nord du Vivarais, le Rouergue et le sud du Velay.

    Dépassant rapidement le fait divers, et devenant une véritable psychose nationale, la Bête du Gévaudan mobilise de nombreuses troupes royales et donne naissance à toutes sortes de rumeurs et croyances, tant sur sa nature (la Bête fut perçue tour à tour par les contemporains comme un loup ou encore, un animal exotique, un « sorcier » capable de charmer les balles, voire un loup-garou tandis qu’on a pu, à une époque plus récente, avancer l’hypothèse d’un tueur en série, comme le docteur Puech exerçant à l’université de Montpellier, qui soumet en 1911 l’hypothèse de sadiques recouverts de peaux de bêtes pour terroriser la population) que sur les raisons qui la poussent à s'attaquer aux populations : était-ce un châtiment divin ou bien un simple animal dressé par l’homme pour tuer, ce qui est aujourd’hui l’hypothèse la plus probable ?

    Des battues furent organisées dans le Gévaudan et parmi les nombreux animaux abattus, deux canidés sont soupçonnés d’être la bête tueuse : un grand loup, tué en septembre 1765 par François Antoine, porte-arquebuse de Louis XV. Une fois l’animal empaillé et apporté à Versailles pour être montré au roi, on se désintéressera de l’affaire. Mais les attaques continuent et, en juin 1767, presque trois ans après les premières attaques, Jean Chastel abat un second animal, identifié comme un loup ou un canidé ayant des caractéristiques communes avec le loup. Selon la tradition, on pense que ce deuxième animal était bien la Bête tueuse puisqu’après cette date, plus aucune attaque mortelle ne sera recensée dans la province…

    Plus tard, le mythe de la Bête du Gévaudan sera récupéré par la littérature, tant en France qu’à l’étranger (l’histoire de la bête sanguinaire du Gévaudan inspirera ainsi le romancier britannique Robert Louis Stevenson qui, dans les années 1870, a longuement arpenté les routes des Cévennes avec un âne), par la télévision et le cinéma (Le Pacte des Loups, sorti en 2001, avec Samuel Le Bihan, Vincent Cassel, Monica Bellucci ou encore Emilie Dequenne exploite largement le mythe de la Bête), ainsi que par la musique et le théâtre. Aujourd’hui, la région du Gévaudan et plus particulièrement de la Margeride, a fait de la Bête un argument touristique : ainsi chaque année en août, lors des fêtes de Mende et du corso fleuri, le char de la Bête ouvre le défilé et l’on peut retrouver des effigies de l’animal sur des fontaines ou sur les places des villages de la Margeride : à Aumont d’Aubrac par exemple, la Bête orne la fontaine du village et tient les armes de la ville.

     


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