• « C’est un miracle, toute cette beauté qui émerge après tant d’épreuves. »

    Couverture Le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux / Les femmes oubliées

     

     

         Publié en 2016 aux États-Unis

      En 2019 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Lilac Girls

      Éditions Pocket

      672 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Septembre 1939. Les hordes nazies déferlent sur la Pologne. Commence alors, pour trois femmes que tout oppose, un terrible et rigoureux hiver...
    Il y a Caroline, l'ancienne actrice américaine qui vit dans l'opulence, mais dont la guerre en Europe va bouleverser le quotidien...Kasia, cette jeune Polonaise qui entre en Résistance, au péril de sa vie et de celle des siens. Et Herta, que son ambition dévorante jettera parmi les monstres - au point de s'y conformer.
    Toutes trois l'ignorent encore, mais elles ont rendez-vous, au plus noir de l'hiver : au camp de Ravensbrück...
    Un premier roman remarquable sur le pouvoir méconnu des femmes à changer l'Histoire, à travers la quête de l'amour, de la liberté et des secondes chances.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Septembre 1939 : l’Europe et le monde vivent leurs dernières heures d’insouciance avant que n’éclate la guerre. La Seconde guerre mondiale, violente et idéologique, va se déchaîner pendant de nombreuses années, anéantissant de nombreux destins.
    Caroline, Kasia et Herta n’ont rien en commun… ce sont trois femmes aux parcours et trajectoires bien différents, qui n’auraient jamais dû se rencontrer. La première est une ancienne actrice américaine, qui vit plus que confortablement, dans le luxe et la frénésie de New York. Pourtant, Caroline n’est pas une énième « pauvre petite fille riche », elle donne aussi beaucoup de son temps pour le consulat français aux États-Unis et fait une véritable œuvre de philanthrope, comme sa mère avant elle, venant notamment en aide aux orphelins français.
    Kasia elle, est une jeune Polonaise sans histoires, qui vit à Lublin avec sa famille quand la Pologne est envahie et démembrée par le Reich au début du mois de septembre 1939. Dans le sillage de son ami Pietrik, la jeune fille entre dans la résistance polonaise. Elle le paiera durement, en étant internée pendant plusieurs années à Ravensbrück.
    Quant à Herta, c’est une Allemande comme les autres en cette fin des années 1930, ni fanatisée ni résistante. Elle est pour le Reich et estime que Hitler est le sauveur de l’Allemagne. Pourtant, c’est un secret bien plus intime qui va la pousser à répondre à une annonce pour devenir médecin dans un camp de redressement féminin basé près de Fürstenberg : le sinistre camp de Ravensbrück, où elle croisera le chemin de Kasia, de la sœur de celle-ci, Zuzanna et de bien d’autres Polonaises qui seront utilisées par les médecins nazis comme des animaux de laboratoire afin d’effectuer des tests qui, pour certaines, les laisseront gravement mutilées voire handicapées.
    Ces trois femmes deviennent sous la plume de Martha Hall Kelly des héroïnes de roman et pourtant, deux d’entre eux ont existé : Caroline Ferriday est un personnage authentique tout comme Herta Oberheuser, née en 1911 et qui fut la seule femme médecin condamnée à Nuremberg en 1947.
    Pour avoir lu avant celui-ci Un parfum de rose et d’oubli (qui chronologiquement lui est antérieur mais est le second tome de la trilogie…vous suivez ?), je n’ai pas été dépaysée parce que j’ai retrouvé le même schéma : un conflit mondial en toile de fond et trois femmes aux parcours de vie totalement opposés qui deviennent les héroïnes de l’histoire – et Caroline succède à sa mère puisque dans Un parfum de rose et d’oubli c’est Eliza Ferriday que l’on suit.
    Mais je dois avouer que j’ai été bien plus emballée par Le lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux. Je l’ai dévoré et j’ai même frôlé le coup de cœur, c’est dire ! La fin m’a moins emballée, à cause de longueurs et quelques passages superflus et c’est pour cette raison que je suis passée un peu à côté de ce coup de cœur qui se profilait, malgré l’aspect très dur du roman. Basé sur des faits réels, Le lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux nous immerge complètement dans le quotidien du camp féminin de Ravensbrück, seul camp uniquement réservé aux femmes et qui accueillit notamment de nombreuses détenues politiques. Le camp fonctionna de mai 1939 à avril 1945. On estime le nombre de morts entre 70 000 et 90 000 personnes en un peu moins de six ans. A partir de l’été 1942, des expérimentations médicales furent menées sur environ 86 détenues, dont 74 polonaises : Martha Hall Kelly s’est inspirée de deux détenues de Ravensbrück, Nina Iwanska et sa sœur médecin Krystyna, pour créer les personnages de Kasia et Zuzanna. Dans le roman, les deux sœurs deviennent l’objet de terribles expérimentations menées par les nazis, qui opèrent les femmes avant d’injecter dans leurs plaies des germes et souches bactériennes. Celles qui survivent gardent de lourdes séquelles et des douleurs chroniques – même si certaines auront la chance, dans les années 1950, d’aller jusqu’aux États-Unis pour y recevoir une chirurgie réparatrice. D’autres mourront au camp de ces expérimentations. 
    C’est dur, c’est bouleversant. Parfois, on a la gorge qui se serre et même parfois un peu la nausée, parce que ce que raconte Martha Hall Kelly est tellement réel, tellement bien décrit : la peur quotidienne, l’incertitude permanente sur son sort ou celui de ses proches, la violence des gardiennes, la saleté, la faim. On plonge littéralement tête la première dans l’enfer et le marasme du camp, au milieu des prisonnières. Mais il est intéressant aussi d’y suivre Herta, qui arrive à Ravensbrück au départ sans aucune volonté de tuer ou de faire le mal, même si elle ne partage pas la réticence de certains pour le régime nazi et estime même qu’il est le salut de l’Allemagne. L’auteure raconte donc les mécanismes insidieux du mal, qui s’instille en vous, de manière irrémédiable via l’endoctrinement.
    Vous l’aurez compris, Le lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux est un roman historique des plus réussis et qui m’a beaucoup plu. Agréablement surprise car j’avais peur en démarrant ma lecture, d’un récit éprouvant. Alors certes il l’est, mais pas insoutenable non plus. Je ne peux que vous recommander ce roman si vous aimez les sagas familiales, les histoires de femmes, sur fond historique. Sans aucun doute vous serez séduits.

    En Bref :

    Les + : un récit efficace et bien mené, rythmé, intéressant, qui met en scène des personnages tous différents mais qui apporte chacun quelque chose à l'intrigue. Une saga familiale et féminine sur fond de Seconde guerre mondiale qui séduira les amateurs du genre.
    Les - :
    quelques longueurs et passages superflus à la fin, dommage. 


     Le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux ; Martha Hall Kelly

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     

     

     


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  • « Oui, nous sommes innocents, mais cette innocence même est une charge de plus pour nos ennemis, qui haïssent tout ce qui n'est pas à leur stricte ressemblance. A leurs yeux, nous sommes coupables d'innocence. Ils ne nous le pardonneront jamais. »

    Couverture Angélus

     

     

     

         Publié en 2020

      Éditions 10/18 (collection Grands Détectives)

      520 pages

      Premier tome de la saga Occitania

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Deux abbayes, deux jours, deux crimes.

    An de grâce 1165. En terre d'Occitanie.
    Un ange accroché dans un arbre. Mort. Le corps a été supplicié puis déguisé. Très vite, d'autres cadavres angéliques sont découverts. Les victimes travaillaient pour l'atelier de Jordi de Cabestan, tailleur de pierre. La panique se répand. Certains voient dans ces crimes la main du diable. D'autres soupçonnent les cathares, secte nouvellement apparue qui prétend représenter les Vrais Chrétiens.
    Jeune noble, Raimon de Termes est missionné afin de découvrir l'assassin. Face à lui, et pour se disculper, les hérétiques cathares désignent une des leurs, Aloïs de Malpas. De son côté, Jordi de Cabestan veut venger ses compagnons. Trois enquêtes labyrinthiques vont les mener vers une vérité qu'aucun d'entre eux n'imaginait.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Automne 1165. Alors que la nature se pare de magnifiques couleurs et que les premiers froids rampent sur les pics pyrénéens tous proches, la région de Narbonne est le théâtre de crimes affreux : des anges sont retrouvés morts, suspendus dans un arbre ou encore, à la cloche d’une abbaye…très vite, on s’aperçoit que les victimes font partie de l’équipe des tailleurs de pierre de Jordi de Cabestan, maître imagier qui travaille avec ses employés et apprentis pour les églises et abbayes de la région. Qui peut bien en vouloir à ces modestes artisans qui vont et viennent de chantier en chantier ? Et surtout, pourquoi cette mise en scène sinistre ? Trois enquêteurs, missionnés pour diverses raisons, vont essayer de faire la lumière sur cette horrible affaire : Jordi de Cabestan lui-même, un jeune noble du Termenès, Raimon et une narbonnaise du nom d’Aloïs, qui a fait le choix d’embrasser la foi des Vrais Chrétiens, que l’on appellera plus tard les cathares…et bien évidemment, parce que ce courant religieux qui prône l’ascétisme et la perfection contrarie l’Église, on ne tardera pas à les considérer comme des hérétiques et les soupçons se tournent vers eux. Mais Jordi, Raimon et Aloïs vont découvrir une histoire bien plus compliquée et embrouillée qu’il n’y paraît, où il semblerait que l’Église de Rome ait une véritable responsabilité. Ambitions personnelles, conflits d’intérêt et vengeance sont les moteurs de cette affaire qui marquera durablement ceux qui enquêtent, mettant à mal leurs convictions les plus profondes.
    Angélus est un roman policier extraordinaire, qui m’a happée de la première à la dernière page ! C’était une lecture formidable, un vrai coup de cœur, d’autant plus agréable qu’il était inattendu : en effet, j’aime beaucoup les romans policiers historiques en général, mais de là à avoir un coup de cœur. Mais là, je crois pouvoir dire sans exagérer que nous sommes à la hauteur d’un Nom de la Rose : l’ambiance, les abbayes, la relation maître-élève de Jordi de Cabestan et son jeune apprenti qui rappelle un peu celle de Guillaume de Baskerville et Adso de Melk…L’écriture magistrale de François-Henri Soulié ne gâche évidemment rien et apporte un plus non négligeable au livre. Non seulement l’intrigue policière est bien ficelée, cohérente, haletante et, franchement, on n’en demande pas moins à un roman de ce type ! Mais en plus c’est bien écrit, le récit est émaillé de mots médiévaux ou de vieil occitan, pour se plonger encore plus dans l’ambiance et le contexte, passionnant. En ce milieu de XIIème siècle, l’Eglise de Rome n’a jamais été aussi puissante et le royaume de France continue de se couvrir d’un « blanc manteau d’églises », comme le disait le moine clunisien Raoul Glaber. Le style roman est à son apogée et le gothique commence déjà à se développer au nord de la Loire. L’émulation constructrice génère évidemment du travail en quantité pour nombre de corps de métier, dont font partie les tailleurs de pierre, comme les ouvriers du maître Jordi de Cabestan, qui façonnent avec le marteau et le burin les images qui vont venir orner les cénotaphes, les tympans ou les nefs des églises, des abbayes et des cathédrales. Mais en Occitanie, terre d’entre-deux, où les influences espagnole et catalanes se font déjà sentir, dans les terres de puissants seigneurs locaux comme le comte de Toulouse, le vicomte de Béziers ou la vicomtesse de Narbonne, qui administrent leurs terres comme de véritables souverains, un nouveau courant chrétien est en train de voir le jour : ceux qui seront un jour appelés « cathares », tenants d’une théorie qui fait du monde matériel une création démoniaque. Les vrais croyants, qui sont parvenus à la Vérité suprême, sont appelés Parfaits et Parfaites ou encore Bons Hommes et Bonnes Femmes et peuvent administrer le seul sacrement reconnu par eux : le « consolament ». Aloïs de Malpas en est un bon exemple : jeune femme érudite et se contentant de peu, vivant modestement dans une maison de croyants de Narbonne, dotée d'une aura éthérée qui n'est plus tout à fait humaine, va pourtant mettre à mal ses croyances et sa foi au cours de cette enquête qui va lui révéler les limites du manichéisme et la beauté du monde derrière la noirceur qui se cache derrière la noirceur mais existe bel et bien.

    Quant à Raimon de Termes, il est le représentant de cette petite noblesse provinciale et pétrie de chevalerie et de chants des troubadours.
    Les trois enquêteurs d’Angélus sont donc tous bien différents les uns des autres mais en même temps représentatifs de l’époque dans laquelle ils vivent.
    Comme vous avez pu le comprendre, j’ai passé un excellent moment qui m’a replongée dans une époque passionnante et que j’adore : le Moyen Âge. C’est une époque pleine de richesses inépuisables pour qui s’intéresse à l’Histoire et c’est vraiment l’une des périodes historiques qui m’a toujours passionnée sans que je ne m’en lasse jamais. Dans ce roman, j’ai retrouvé un peu l’ambiance des romans de Bernard Mahoux (le côté fantastique en moins) qui se passent dans la même région et à peu près à la même époque et, comme je le disais plus haut, Angélus n'a rien à envier au chef d’œuvre d’Umberto Eco, Le Nom de la Rose. Comme son prédécesseur, ce roman nous montre bien que l’Église romaine qui se voulait pure et sans tâche n’était pas si irréprochable que cela et qu’elle a nourri, tout au long des siècles, bien des serpents en son sein. Et quitter le siècle n’était pas forcément le signe d’un esprit dénué de toute ambition personnelle ou toute révolte intérieure…
    Je recommande chaudement ce roman à tous ceux qui adorent les romans policiers et historiques. Si vous voulez être baladés pendant 500 pages et découvrir une vérité tout à fait insoupçonnée, vous trouverez certainement votre bonheur avec Angélus. J’ai découvert pour mon plus grand plaisir qu’un deuxième tome fait suite à ce premier opus déjà très réussi et je me fais d’ores et déjà un plaisir de le découvrir.

    En Bref :

    Les + :  une écriture magistrale, une intrigue policière qui flirte avec le thriller et un contexte formidablement restitué...pour moi, une réussite. 
    Les - : vraiment aucun et j'espère que vous serez autant conquis que moi à la lecture de ce roman.


    Angélus ; François-Henri Soulié

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

    Coup de cœur

     


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  • «  Parfois, y vous arrive des choses si terribles qu'on peut pas les dire à une autre âme. »

    Couverture Au bord de la rivière Cane

     

     

     ,   Publié en 2001 aux Etats-Unis

      En 2020 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Cane river 

      Éditions Charleston

      601 pages 

     

     

     

     

    Résumé :

    « Le matin de son neuvième anniversaire, le lendemain du jour où Madame la gifla, Suzette pissa sur les rosiers. La coche de la plantation n'avait pas encore sonné quand elle se réveilla en sursaut, tendit l'oreille pour écouter la respiration insouciante de Mam'zelle qui dormait au-dessus d'elle dans le lit à baldaquin, guetta d'éventuels mouvements ailleurs dans la maison endormie et, sans se bruit, se leva de sa paillasse posée à même le sol. »

    Un premier acte de rébellion pour cette jeune esclave qui a grandi à l'ombre de la grande maison, tiraillée entre sa famille, là-bas dans le quartier des esclaves, et son amitié avec la fille des maîtres. Pourtant, la route vers l'émancipation est encore longue...
    De mère en fille, quatre générations de femmes noires utiliseront les seules armes dont elles disposent : patience, endurance, ruse et séduction pour survivre aux heures les plus sobres de l'histoire américaine et élever leurs enfants dans la promesse et l'espoir de la liberté. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Saga familiale et féminine, avec un aspect autobiographique (la romancière Lalita Tademy s’est inspirée de documents familiaux pour remonter sa lignée et découvrir les destins des ses aïeules dans la Louisiane du XIXème siècle), Au bord de la rivière Cane avait, sur le papier, tout pour me plaire. Finalement, ce fut une autre histoire et je ressors de cette lecture un peu mitigée, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.Le roman débute dans les années 1830, dans les plantations françaises de Louisiane. Bien que partie intégrante des États-Unis depuis que la Louisiane a été cédée par Napoléon Ier, cet état du sud est encore marqué par son héritage français : on continue à y parler la langue et les liens avec l’ancienne métropole ne sont pas complètement coupés puisque beaucoup de Français continuent à y venir, pour y trouver une vie meilleure ou ponctuellement, pour commercer. C’est dans une plantation de riches français, les Derbanne, que nous découvrons Suzette, une petite esclave d’une dizaine d’années. Et si, chez ces colons, on ne violente pas les esclaves, on ne les considère pas non plus. Les familles sont séparées au gré des ventes et l’esclave est d’abord un bien meuble, dont l’importance dépend de la force de travail. Suzette, qui travaille avec sa mère Elisabeth dans la « Grande Maison », autrement dit la maison des maîtres, se retrouve dans un entre-deux pas toujours confortable, puisqu’elle est l’amie de la jeune nièce des maîtres, Oreline, avec qui elle partage une vraie complicité mais sait pourtant que son destin est tout tracé : il sera fait de travail pour autrui, sans rétribution, sans liberté et la permanence de la menace de dépendre de gens plus puissants et qui peuvent tout. Séduite par un jeune Français fraîchement arrivé de Bordeaux, enceinte, Suzette, à peine sortie de l’enfance, se promet une chose : ses enfants seront plus libres qu’elle. Mais, si la guerre de Sécession une vingtaine d’années plus tard, abolit l’esclavage dans les États du Sud, elle ne supprime pas pour autant le racisme et l’interdiction tacite de se mélanger. Gare aux Blancs qui frayent officiellement avec les Noirs et évidemment pour ceux-ci, la liberté reste bien plus un concept qu’une réalité.
    C’est grâce à des documents de famille que Lalita Tademy va lancer le projet à l’origine de ce roman : la romancière descend en effet de Suzette, Elisabeth, Philomène, Emily, toutes ces femmes qui jalonnent le roman, des années 1830 au début du XXème siècle. Mais pour certaines, les informations sont plus que lacunaires et c’est donc via un roman que l’auteure a choisi de raconter cette histoire, comblant les failles de l’Histoire avec un récit certes fictif mais cohérent. On découvre ainsi en à peu près soixante-dix ans, les destins de Suzette et de ses descendantes, toutes mères jeunes, dont la peau, à chaque génération, s’éclaircit de plus en plus. Et pourtant, l’obsession de la couleur reste prégnante à cette fin de XIXème et début du XXème… la tolérance n’est pas née de l’abolition (au contraire, elle va même engendrer une nouvelle forme de violence) et la fracture entre colons blancs et anciens esclaves ou descendants d’esclaves reste bien présente. Chacune à sa manière amènera une pierre à l’édifice et connaîtra son destin propre, pas dénué de malheurs et d’épreuves mais aussi de joies. Véritables matriarches, les descendantes de Suzette forment une lignée de femmes fortes et déterminées, de mères, d’épouses et d’amantes dont l’aura semble rayonner jusqu’à Lalita Tademy.
    Mais voilà…malgré un potentiel fou, ce roman ne m’a pas emportée autant que je le pensais. Une chronologie par moments un peu trop floue, des chapitres courts parce que pour traiter soixante-dix ans en un seul roman, forcément il faut aller vite et donc les personnages sont plus survolés que creusés… bref. Il m’a réellement manqué quelque chose pour aimer pleinement ce roman, qui n’a pas été une torture, entendons-nous bien, mais que j’ai eu l’impression de découvrir un peu « à côté ». Et pourtant, force est de constater que ce roman a un véritablement supplément d’âme, par rapport à d’autres. Lalita Tademy partage avec nous tout un pan de l’histoire louisianaise des femmes de sa famille, elle partage avec son lectorat une véritable partie d’elle-même, parce que finalement, elle est le produit de toutes ces femmes qui sont les héroïnes de ce roman, les Noires, les métisses, les Blanches… Elle est leur descendante directe et choisir de raconter leur histoire dans un roman, leur redonner une voix, est un bel hommage.
    On ne peut pas dire non plus que le roman soit mal écrit, mais voilà…je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages, je me suis parfois perdue dans les dates, la chronologie. Je suis la première déçue parce que j’aurais voulu aimer ce roman, vraiment. Cette authenticité, cette sincérité de l’auteure, qui est la base du récit, me séduisait. C’est important de connaître ses racines, autant que faire se peut et quelles que soient les difficultés traversées par nos aïeux. Donc je me suis plongée dans cette lecture pleine d’enthousiasme, pensant retrouver une intrigue à la Kathleen Grissom (La Colline aux Esclaves) et puis…non, malheureusement ça n'a pas marché avec moi. J’espère cependant que, si vous vous lancez dans ce roman, vous serez séduits. Amateurs de sagas familiales historiques, vous y trouverez forcément votre content.  

    Lieux de mémoire français en Louisiane : La Maison Chenal et Julien (...) -  Consulat Général de France à la Nouvelle-Orléans

    Les anciennes demeures des colons françaises, modestes ou plus luxueuses, jalonnent le paysage de Louisiane (ici, la maison Chenal et Julien)

    En Bref :

    Les + : le point de départ autobiographique du roman, l'écriture fluide et agréable de l'auteure, que j'ai réellement appréciée.
    Les - :
     malgré beaucoup de potentiel, une belle écriture et le sujet de ce roman, je n'ai malheureusement pas été emportée : des personnages souvent survolés, une chronologie parfois un peu confuse. 


    Au bord de la rivière Cane ; Lalita Tademy

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « Célaéno, tu as trouvé ton propre monde cette semaine, et je suis fier de toi. »

     

     

           Publié en 2017 en Irlande

       En 2020 en France (pour la présente édition)

       Titre original : The Pearl Sister

       Éditions Le Livre de Poche

       755 pages

       Quatrième tome de la saga Les Sept Sœurs

     

     

     

    Résumé :

    A la mort de leur père, énigmatique milliardaire qui les a ramenées des quatre coins du monde et adoptées lorsqu'elles étaient bébés, Célaéno d'Aplièse et ses soeurs reçoivent chacune pour héritage un indice qui leur permettra de percer le mystère de leurs origines. Le sien conduira CeCe jusque dans la chaleur et la poussière rouge de l'Australie. Elle y croisera le destin de Kitty McBride qui, cent ans plus tôt, a abandonné sa vie bien rangée à Édimbourg pour chercher en terre inconnue le grain d'aventure dont elle avait toujours rêvé... ainsi qu'un amour qu'elle n'avait jamais imaginé. Pour CeCe, ce vaste et sauvage continent pourrait lui offrir ce qu'elle croyait impossible : un sentiment d'appartenance et un foyer...
    La Soeur à la perle est le quatrième tome de la série événement Les Sept Soeurs, qui a conquis 20 millions de lecteurs dans le monde. A travers ses romans au souffle unique, peuplés de personnages inoubliables, liés par les drames et l'amour, Lucinda Riley a affirmé son immense talent, créant un genre littéraire à part entière.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Décembre 2007. Éprouvée par la mort brutale de son père adoptif, Pa Salt et par la prise de distance de sa sœur Star, partie sur les traces de ses origines dans le Kent, Célaéno d’Aplièse, dite CeCe, se cherche à son tour. Artiste peintre passionnée, elle a pourtant perdu confiance en elle après des semaines éprouvantes dans une école d’art de Londres…surtout, CeCe, très proche de sa sœur aînée Star, supporte mal la prise d’indépendance de celle-ci qui, après la mort de leur père, suivant les traces de Maia et Ally, a cherché sa famille biologique et vient de la retrouver dans un grand domaine anglais.
    Prenant d’abord quelques semaines pour se ressourcer en Thaïlande, CeCe va alors décider de partir à son tour à la recherche de sa famille et comprendre pourquoi elle a été abandonnée avant d’être adoptée par Pa Salt, énigmatique milliardaire suisse qui a recréé dans sa villa des bords du lac de Genève une petite constellation : en effet, chacune des petites filles adoptées par lui aux quatre coins du monde porte le nom d’une étoile de la constellation des Sept Sœurs (les Pléiades), que l’on retrouve dans bien des civilisations, des Grecs en passant par les peuples asiatiques et jusqu’aux Aborigènes d’Australie, qui semblent d’ailleurs vouer un culte particulier à ces divinités. Célaéno, la quatrième sœur, qui arrive après Maia, Alcyone et Astérope est, pour les Grecs anciens, celle dont le nom peut se traduire par « Obscure ». Elle est l’amante du dieu des mers Poséidon, dont elle aura un fils, Lycos.
    Et c’est vrai que, dans le roman, CeCe n’est pas forcément celle que l’on déchiffre au premier coup d’œil. On devine chez elle un fort caractère, qui étouffe celui de sa sœur Star, sur laquelle elle semble avoir pris un ascendant qui devient de plus en plus étouffant. C’est aussi une artiste, puisqu’elle a une passion pour la peinture. Pour autant, elle n’était pas celle qui m’attirait le plus : autant j’étais intéressée par Maia, par Ally aussi, même si je ne me reconnaissais pas en elle et surtout par Star, au caractère assez introverti et discret et dans laquelle je me retrouvais plus, j’avoue que CeCe me laissait de marbre. Et le fait de voyager en Australie, après le Brésil, la Norvège et l’Angleterre, ne me passionnait pas plus que ça. J’ai pourtant lu beaucoup de sagas historiques se passant sur le continent océanien ces dernières années, mais je pense que j’avais fini par me lasser et n’étais pas donc hyper emballée à l’idée de commencer ce tome quatre : mais vu que je veux aller au bout de la saga, en espérant un jour découvrir la clef du mystère entourant Pa Salt et surtout la septième sœur, Mérope, qui est absente du récit, il fallait bien que je lise le tome consacré à CeCe.
    Et finalement… comme j’ai bien fait ! Ce tome-ci m’a happée de la première à la dernière page, comme La Sœur de l’Ombre, en fait. Le voyage en Australie s’est avéré très plaisant, dans le sillage d’une CeCe qui se dévoilait de chapitre en chapitre et la sœur au caractère fort, à l’ascendant presque malsain sur sa quasi jumelle Star s’est avérée finalement bien plus fragile et douce que l’on ne pourrait le croire. Comme beaucoup d’artistes, de créateurs, CeCe vit avec un doute permanent chevillé au corps et surtout, sans sa sœur Star, on s’aperçoit qu’elle n’est peut-être pas aussi extravertie qu’elle en a l’air. J’ai aimé ses fragilités et ses failles qui la rendent plus attachante, plus humaine. Surtout, j’ai eu l’impression que c’était un personnage un peu écorché vif, à fleur de peau, qui se cherche sans cesse et qui a un besoin terrible et inconscient d’être aimé. Et j’avoue que je l’ai beaucoup aimée, cette CeCe. Toutes les trajectoires de vie des trois sœurs précédentes étaient intéressantes et le secret qui entourait leur naissance émouvant mais j’avoue que c’est vraiment celui au cœur de La Sœur à la Perle qui m’a le plus touchée. La découverte des origines de CeCe en même temps qu’elle m’a beaucoup plu, j’avais le sentiment de voir quelqu’un rentrer chez lui après une longue absence.

    L'Outback et le bush australien, entre mort et désolation – Moi Caméléon

    Le paysage désertique du bush australien, où CeCe va découvrir ses racines et ses liens avec la culture aborigène


    Ce qui me plaît aussi beaucoup dans cette saga c’est, évidemment, la double-temporalité, qui permet aussi d’expliquer les origines familiales des sœurs et comment est né le secret entourant leur naissance. En parallèle de CeCe, on suit donc les premiers pas en Australie d’une jeune Écossaise, Kitty McBride, que rien pourtant ne prédestinait à venir vivre en Australie. La jeune femme y fera sa vie auprès d’Andrew Mercer, dont l’empire familiale se fonde sur le commerce des perles et de la nacre que l’on trouve en quantité au large de la ville de Broome, dans le nord de l’Australie. Malgré ça, la jeune femme n’oublie pas celui qui a fait battre son cœur pour la première fois… pourtant, un terrible mensonge l’empêchera de mener sa vie comme elle l’entend et la poussera à renoncer à l’amour. En Australie, Kitty découvre aussi une vie bien différente de celle qu’elle avait connue jusqu’ici en Ecosse : la chaleur accablante, les maladies qui se propagent à une vitesse folle pendant les périodes humides et surtout, la ségrégation terrible dont sont victimes les Aborigènes, peuple autochtone d’Australie mais considérés comme des indigènes par les Européens venus s’installer en Australie au XIXème siècle. Et c’est pourtant avec l’une d’elles, la jeune Camira, qu’elle va se lier d’une amitié indéfectible.
    En suivant le destin de Kitty Mercer dans l’Australie de la première moitié du XXème siècle, entre joies et malheurs familiaux, CeCe va pouvoir remonter aussi à la source de sa propre histoire, qui se noue près de cinquante ans avant sa naissance. Surtout, elle découvre en Australie la culture des siens et le sang métissé qui coule dans ses veines : car si elle est à moitié aborigène, elle est aussi un peu anglaise, écossaise et même japonaise, une parfaite représentation finalement de cette nation cosmopolite qu’est l’Australie, attirant des colons du monde entier. C’est aussi dans les terres rouges et arides du bush qu’elle va comprendre que son art est profondément et viscéralement attaché à cette culture aborigène et à cette terre qu’elle portait jusqu’ici comme un héritage insoupçonné. Pour CeCe, le temps de l’apaisement semble arrivé.
    Oui, vraiment, je n’ai pas peur de le dire : c’était passionnant. J’ai dévoré ce roman, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde et c’était beaucoup moins niais et romance « cucul-la-praline » que les tomes 1 et 2 (et pourtant, j’ai beaucoup aimé le tome 1, centré sur Maia). Un peu comme dans le tome 3 consacré à Star, La Sœur de l’Ombre, j’ai trouvé une histoire cohérente, pas trop romanesque même si pas dénuée d’une certaine dose de romance assez inévitable dans cette saga de toute façon. Le voyage en Australie m’a totalement emportée, j’avais vraiment l’impression d’y être et comme, je le disais plus haut, j’ai vraiment été très émue par la découverte finale de CeCe, lui permettant enfin de retrouver les siens. J’ai été presque contente pour elle, oubliant un instant que je ne lisais pas l’histoire d’un personnage de chair et de sang mais celle d’un personnage fictif. Et je pense que c’est le signe que le roman est réussi.
    Les Sept Sœurs me réconcilient vraiment avec l’univers de Lucinda Riley, depuis que j’ai lu le premier tome au mois de juin l’année dernière. Le tome 2, consacré à Ally, a été celui que j’ai le moins aimé pour le moment (l’aspect historique ne m’avait pas convaincue) mais chaque fois, c’est un plaisir de retrouver l’une des sœurs, de la découvrir seule, sans les autres, de la suivre dans ses pérégrinations qui l’emmènent finalement à découvrir qui elle est. L’auteure analyse bien les mécanismes du lien familial, qu’il soit de sang ou non et maîtrise toujours aussi bien le suspense. J’ai évidemment hâte de lire la suite, d’autant plus que le tome 5 sera consacré à Tiggy, celle sur laquelle on sait finalement le moins de choses…

    Une famille d'exploitants perliers de Broome et son personnel, au début du XXème siècle

    En Bref :

    Les + : CeCe n'était pas la sœur qui m'attirait le plus de prime abord et pourtant, j'ai été captivée du début à la fin et j'ai beaucoup aimé ce tome. J'ai redécouvert CeCe et j'ai beaucoup aimé la suivre dans son voyage australien en quête de ses origines
    Les - : peut-être les derniers chapitres partent-ils un peu dans tous les sens, sans que cela ne soit très gênant pour autant.
     


    Les Sept Soeurs, tome 4, La Soeur à la Perle ; Lucinda Riley

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • [ZOOM SUR 1 CLASSIQUE] Jane Eyre

     

    Il est temps de se retrouver pour le rendez-vous mensuel instauré en mars : Zoom sur 1 classique. Après le mythique Orgueil et Préjugés en avril, je vous propose ce mois-ci de partir à la rencontre d'une autre monument de la littérature britannique du XIXème siècle : j'ai nommé Jane Eyre, le plus célèbre roman de Charlotte Brontë et l'une des plus belles lectures que j'ai pu faire, personnellement, dans ma vie de lectrice.

    Découvrons ce roman mythique en cinq points.

    [ZOOM SUR 1 CLASSIQUE] Jane Eyre

     

    1. Le roman est publié en 1847 sous le pseudonyme de Currer Bell, nom de plume masculin de Charlotte Brontë.

     

    2. On peut encore voir à Hulme l’ancienne auberge où Charlotte Brontë commence la rédaction de Jane Eyre, alors qu’elle accompagne son père qui doit se faire opérer de la cataracte. Aujourd’hui, il s’agit d’un pub, le Salutation.

     

    3. Jane Eyre possède sa propre symphonie, composée par Michel Bosc, compositeur classique né à Paris en 1963.

     

    4. Le nom du manoir « gothique » de Mr. Rochester, Thornfield, signifie littéralement « champ d’épines ».

     

    5. Jane Eyre est considéré comme un roman « gothique », genre littéraire en vogue en Angleterre depuis le milieu du XVIIIème siècle.

     

    • L'AUTEUR EN QUELQUES PHRASES

     

     

    Née à Thornton le 21 avril 1816, connue pour son activité de romancière, elle est la soeur d'Anne, Emily et Branwell Brontë. Leur père, pasteur, élève sa famille dans une relative modestie mais n'hésite pas à éveiller ses enfants à la culture, qu'il aime leur transmettre. Publiée dès les années 1840, d'abord sous un pseudonyme masculin, Charlotte, comme ses soeurs Emily et Anne, donne à la littérature anglaise certaines de ses plus belles pages. Elle meurt sans descendance en 1855, quelques mois seulement après s'être mariée avec Arthur Bell Nicholls. Elle avait trente-huit ans.


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