• « Le pire n'a pas toujours lieu, même s'il arrive trop souvent.»

     

    Couverture Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour : Wartburg, 1210

     

     

           Publié en 2019

       Éditions Plon

       560 pages

       Huitième tome de la saga Les Aventures de Guilhem     d'Ussel, chevalier troubadour

     

     

     

     

     

    Résumé :

    1209. L'armée des croisées vient de prendre Béziers et de massacrer tous ses habitants, hérétiques ou non. Terreur, pillage et violences déferlent désormais sur le Toulousain. La mort dans l'âme, Guilhem d'Ussel décide d'abandonner son fief de Lamaguère. Et de traverser le royaume de France afin de mettre ses gens à l'abri. 
    Un voyage périlleux à cause des brigands, des seigneurs rapaces et des bandes de soldats sanguinaires qui gagnent le Midi. 
    Un voyage de plusieurs mois qui le conduira à Rouen, à Paris et, en 1210, au château de Wartburg en Thuringe. Où traîtres, complots, tempêtes de neige, meutes de loups affamés et sorcières invoquant le diable et pratiquant la magie noire se ligueront contre lui.
    Le chevalier troubadour, l'homme d'épée et de cœur, échappera-t-il aux multiples pièges qu'on lui tend ? 

     

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Fin de l’été 1209 : encore sous le choc des événements survenus à Béziers en juillet (le sac de la ville par les croisés et le massacre de ses habitants), Guilhem d’Ussel retourne dans son fief toulousain de Lamaguère, bien décidé à y réunir ses gens et à vider les lieux, certains des habitants lui ayant prêté hommage étant cathares et, dès lors, menacés par la croisade et les exactions des seigneurs du nord.
    Commence alors un long périple vers Paris puis vers Rouen où Guilhem espère retrouver la jeune femme qu’il aime et qui l’avait patiemment soigné après une longue captivité. Mais les chemins du royaume de Philippe Auguste, en ce début de XIIIème siècle, sont peu sûrs et des embûches ne manquent pas de se dresser sur la route des fugitifs, leur faisant courir des risques à chaque pas, surtout lorsque la troupe rencontre à hauteur de Châteauroux une équipée de seigneurs allemands que Guilhem avait rencontrés quelques années plus tôt à Trifels, où le roi Richard Cœur-de-Lion était fait prisonnier par l’empereur Henri VI. Et si Ussel se souvient d’eux, il semblerait qu’eux aussi…
    Pourtant, rien ne pourrait retenir Ussel de se rendre en Germanie pour y retrouver un ancien compagnon d’armes, le chevalier et troubadour (en allemand, on dit Minnesänger) Wolfram d’Eschenbach rencontré en toulousain quelques années plus tôt. En sa compagnie, l’aventureux chevalier s’était lancé à la recherche du fameux saint Graal. Aujourd’hui, après les horreurs connues à Béziers, la prise félonne de la ville et les ruisseaux de sang, contraint d’abandonner un fief qu’il aime, Ussel n’aspire plus qu’à sillonner les chemins avec Eschenbach, chantant et racontant des chansons comme tout troubadour qui se respecte.
    Mais voilà : il semblerait que le temps de la retraite ne soit pas venu pour Ussel et c’est au contraire au-devant de nouvelles aventures que se dirige le chevalier troubadour en passant le Rhin. En Thuringe, il frôlera la mort de nombreuses fois, perdra des compagnons, mais découvre aussi un contexte politique troublé (une lutte larvée entre les descendants d’Henri VI), qui donne aux ambitions personnelles toute latitude, des sorciers, une belle-mère jalouse de la beauté de sa belle-fille, l’innocente Blancheflor, une étrange jeune fille, Gretel, qui s’avère aussi courageuse qu’un chevalier adoubé
    Si vous connaissez cette saga de Jean d’Aillon, constitué d’autant de hors-série que de volumes à part entière, vous savez qu’elle est foisonnante et je me demande encore comme l’auteur parvient à se renouveler car bien souvent, une saga très longue a tendance à s’essouffler…et pourtant, c’est tout le contraire ici : tout au long de ma lecture, je me suis dit à plusieurs reprises que ce huitième volume était de loin le meilleur que j’aie lu. J’ai beaucoup aimé les précédents mais je ne sais pas, ce Wartburg 1210 a quelque chose de particulier et un petit quelque chose de spécial. Certes, ça met du temps à démarrer, beaucoup de temps et je peux comprendre que certains lecteurs qui aiment bien que ça bouge dès les premières pages aient envie d’abandonner, surtout si on ne connaît pas la saga.
    Si je me suis demandé où Jean d’Aillon voulait en venir dans disons, les cent premières pages, je me suis finalement prise au jeu progressivement et j’ai eu du mal à lâcher ma lecture une fois celle-ci « enclenchée » si on peut dire !! Malgré deux ou trois approximations (Jean sans Terre est appelé une fois Jean sans Peur, bon petit problème de correction quelque part c’est certain mais pas catastrophique non plus) et ce début un peu poussif Wartburg 1210 est un roman d’aventures historique vraiment agréable et cohérent (et bien écrit, qui plus est : il m’est arrivé de me plaindre d’un style parfois un peu « lourd » que je n’ai pas retrouvé ici).

    En Bref :

    Les + : un roman d'aventures efficace et cohérent, bien écrit (moins lourd que certains autres romans de Jean d'Aillon, j'ai trouvé) et qui s'inspire en plus avec habileté d'un des contes d'origine germanique les plus connus.
    Les - :
     le début du roman un peu lent à démarrer sur quand même une grosse centaine de pages ce qui peut, en effet, faire peur à certains lecteurs. 


     Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour, tome 8, Wartburg 1210 ; Jean d'Aillon

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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  • « Je devais apprendre à vivre avec ça. Apprendre que ce sont nos absents qui nous constituent, qui nous font ce que nous sommes, autant que nos vivants. »

     

    Couverture Les déracinés, tome 3 : Et la vie reprit son cours

     

     

     

        Publié en 2021

       Editions Pocket

       384 pages 

       Troisième tome de la saga Les Déracinés

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Chaque jour, Ruth se félicite d'avoir écoute sa petite voix intérieure : c'est bien en République dominicaine qu'il lui fallait poser ses valises. Chez elle. Il suffit de regarder sa fille Gaya pour en être sûre. A la voir faire ses premiers pas et grandir aux côtés de ses cousines, elle se sent sereine, apaisée. En retrouvant la terre de son enfance, elle retrouve aussi Almah, sa mère. Petit à petit, la vie reprend son cours et Ruth - tout comme Arturo et Nathan - sème les graines de sa nouvelle vie, loin des bouleversements de son époque : guerre des Six-Jours, assassinat de Martin Luther King, chute de Salvador Allende...Jusqu'au jour où Lizzie, son amie d'enfance, revient à Sosùa dans des conditions douloureuse...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Chaque jour, Ruth se félicite d’avoir pris la décision de revenir chez elle, en République dominicaine. Auprès des siens, à Sosùa, elle élève sa petite fille, Gaya, au milieu d’un environnement aimant et paradisiaque, même si la République dominicaine des années 1960 est une dictature qui ne dit pas son nom. Pour les Rosenheck, qui ont dû quitter l’Autriche annexée par les nazis, pour Ruth qui est née sur l’île, ce pays fait partie d’eux et a été un havre, le seul qui s’ouvrait à eux au moment de leur fuite éperdue.
    Car Ruth est la fille d’Almah et Wil Rosenheck, juifs autrichiens qui ont dû fuir leur pays après l’Anschluss et les lois antisémites. Les « déracinés », qui ont donné leur titre à la saga, ce sont eux, les parents, qui ont fui pour sauver leur peau et en espérant donner un avenir à leur premier-né, le petit Frederick. Ironiquement, c’est l’un des pires dictateurs des Caraïbes, Trujillo qui, au moment de de la Seconde Guerre Mondiale, ouvrira son pays aux immigrés juifs fuyant l’Europe. Pas par pur altruisme, car c’est moyennant finance que Trujillo accepte d’ouvrir ses frontières aux Juifs qui fuient l’Europe à feu et à sang. Paradoxe aussi que cet homme qui n’a pas hésité, au cours de son « mandat », à faire massacrer des milliers d’immigrés haïtiens et qui est particulièrement raciste, notamment envers les populations noires.
    Et pourtant, pour Wil, Almah, d’autres immigrés et plus tard leurs enfants, la République dominicaine devient leur nouvelle demeure, leur nouvelle patrie. Et Ruth, qui a fait ses études à New York, a senti le besoin d’y revenir et d’y élever sa fille, car bien qu’autrichienne par le sang, parlant l’allemand et l’anglais, elle est aussi dominicaine par le sol et s’y sent en sécurité, à sa place.
    En cette fin des années 1960, Ruth va sur ses trente ans. Elle est une jeune mère, entretient toujours une amitié privilégiée avec Arturo Soteras qui lui, a fait le choix de rester aux États-Unis, où la vie plus libre, moins traditionnelle, lui convient mieux. Elle va aussi rencontrer, par le plus grand des hasards, le grand amour et construire une véritable vie de famille avec lui. Surtout, elle continue de grandir et de s’épanouir sur sa propre terre et s’émerveille aussi de voir sa petite Gaya appartenir un peu plus chaque jour à cette terre qu’elle aime tant, comme sa propre mère Almah qui, malgré ses origines européennes, son appartenance à la communauté juive et donc, assez instinctivement à Israël, ne quitterait Sosùa pour rien au monde.
    Retrouver Almah, Ruth, Gaya et tous les autres, c’est comme retrouver des amis perdus de vue ou sa propre famille. On se sent bien dans la petite communauté de Sosùa, au milieu de ces personnages pas forcément liés par le sang mais qui ont su, au fil des ans, tisser des liens indestructibles. Cette petite histoire se déroule avec comme toile de fond les convulsions de la grande Histoire : la guerre des Six Jours, l’opposition violente entre Israël et Palestine, l’émergence du mouvement hippie aux Etats-Unis, mais aussi la guerre du Vietnam, l’assassinat de Martin Luther King, les prémices de la démocratie en République dominicaine à la fin des années 1970
    Inutile de dire que j’ai dévoré ce roman. C’était comme un petit bonbon, un petit bijou de douceur, malgré des sujets plus graves ou plus tristes. Catherine Bardon a vraiment le don de me toucher au cœur, je ne sais pas pourquoi… Par ma propre histoire, je ne peux pas m’identifier aux personnages des Déracinés et pourtant, les questionnements, les sujets soulevés dans cette saga, au-delà des histoires personnelles et individuelles, sont relativement universaux et même si on ne les connaît pas vraiment, on peut s’identifier, on peut comprendre. Je suis toujours émue par la manière très humaine qu’a l’auteure de traiter ses personnages, d’analyser leurs sentiments les plus profonds.
    Et la vie reprit son cours est le troisième tome de cette saga qui en compte quatre. On avance de plus en plus dans le temps, vers notre époque, qui sera celle de la vieillesse pour la génération de Ruth, de la maturité pour celle de Gaya, née dans les années 1960… il y a évidemment beaucoup de nostalgie dans ce roman, le souvenir des disparus, des générations qui se bousculent. Les jeunes gens des Déracinés, qui quittent leur pays sans rien, alors qu’une guerre d’une terrible violence se profile, parfois traînant après eux des drames personnels (c’est le cas d’Almah et Wil, qui laissent derrière eux leurs parents, leurs familles), sont maintenant des gens âgés. Certains, comme Almah, ont réussi à retrouver une stabilité, malgré l’horreur du départ, malgré les coups durs et les déceptions…d’autres seront marqués à jamais. Dans la génération suivante aussi, il y a ceux, comme Ruth, comme son frère, comme la plupart de leurs amis, qui ont réussi à construire leur vie. Et puis il y a ceux comme l’amie d’enfance de Ruth, Lizzie, qui n’ont pas réussi à faire face ni à surmonter le drame fondateur de leur existence.
    Ce roman aborde beaucoup de sujets divers : l’appartenance à un pays, à une terre, à une culture mais aussi la difficulté de ces générations confrontées à l’indicible et à l’horreur, les liens familiaux, filiaux, amicaux… les personnages se succèdent ici dans une joyeuse sarabande qui se teinte parfois d’un peu de tristesse ou de mélancolie mais on vibre toujours à l’unisson avec eux, on rit ou on pleure avec eux.
    Et la vie reprit son cours était trop court, justement, c’est peut-être le seul reproche que je pourrais lui faire : les chapitres se succèdent vite, trop vite peut-être. Un peu plus de développement aurait pu être chouette à mon sens, pour autant, on ne voit pas le temps passer, on s’immerge dans cette lecture avec délectation, comme dans les eaux chaudes des lagons dominicains. J’ai voyagé avec Ruth, ces deux jours de lecture ont été une véritable parenthèse enchantée et exotique, dans cet univers que je suis déjà triste, par anticipation, de quitter.
    Ce troisième volume nous confirme le talent de l’auteure et le fait que Les Déracinés, grande saga familiale et historique, a tous les atouts pour devenir une saga culte. A lire et à relire si vous aimez les petites histoires dans la grande et les destins authentiques, décrits sans fioritures mais avec sincérité.

    En Bref :

    Les + : l'impression de retrouver de vieux amis ou des cousins perdus de vue de longue date. On se sent bien à Sosùa en compagnie des Rosenheck et de toute leur grande tribu. Je ne sais pas pourquoi mais cette saga me touche à chaque fois en plein cœur. Encore beaucoup d'émotions à la lecture de ce troisième tome... 
    Les - :
    des chapitres peut-être un peu courts, qui auraient mérité un peu de développement mais franchement, ce n'est qu'un tout petit bémol.


    Et la vie reprit son cours ; Catherine Bardon

       Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

    • Envie d'en savoir plus sur cette magnifique saga ?

    Retrouvez mon avis sur Les Déracinés juste ici.

    Et si vous voulez suivre Ruth dans ses pérégrinations new-yorkaises, découvrez mon billet sur L'Américaine juste là.


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  • #33 : Mata Hari (1877 - 1917)

     

    De la scène au peloton d'exécution...

     

    Née en 1877, la future Mata Hari, danseuse, courtisane et espionne, est la fille d'un marchand de chapeaux et de capes, Adam Zelle et de son épouse Antje van der Meulen. Elle voit le jour à Leeuwarden, en Frise (Pays-Bas). Aînée d'une fratrie de quatre ans, trois frères naîtront après elle. Très brune, le teint sombre, celle que ses parents surnomment affectueusement M'greet ou Grietje (en référence à ses deux prénoms, Margaretha Geertruida) est souvent prise pour une petite Eurasienne.
    Elle a douze ans quand l'entreprise de son père fait faillite, en 1889. L'année suivante, le couple Zelle se sépare et Antje meurt huit mois plus tard, en 1891. Déchu de son autorité parentale, Adam Zelle n'obtient pas la garde de sa fille, placée chez l'un de ses oncles, négociant à La Haye. Ce dernier l'inscrit alors au pensionnat le plus huppé de la région : c'est la jeune que la jeune Margaretha commence à s'inventer à un passé glorieux, bien différent de celui qu'elle a connu.
    Alors qu'elle étudie à Leyde, dans l'optique de devenir institutrice, la jeune fille est éclaboussée par un scandale mettant aussi en cause le directeur de l'école : ils auraient tous deux eu une liaison. Margaretha est renvoyée et le directeur perd sa place. Finalement, en 1895, alors qu'elle a dix-huit ans, elle tombe sur une annonce matrimoniale qui aboutit à un mariage : Margaretha épouse Rudolf MacLeod. Celui-ci, de dix-neuf ans son aîné, est officier dans la marine néerlandaise. Nommé dans les colonies, celui-ci part pour les Indes néerlandaises (nom donné à l'ensemble des possessions néerlandaises en Asie du Sud-Est, de 1800 à la Seconde guerre mondiale, dont fait notamment partie l'Indonésie). Le couple s'installe à Malang, dans l'est de l'île de Java. Comme le veut la coutume pour les femmes européennes à l'époque, la future Mata Hari s'habille à la javanaise, apprend la danse locale et s'initie aussi au javanais.
    Deux enfants naissent de l'union de Margaretha et Rudolf : Louise-Jeanne, qui ressemble beaucoup à sa mère, le teint sombre et le cheveu brun et Normand-John, que l'on peut voir sur une photographie en compagnie de son père. En 1899, un drame terrible vient briser définitivement le couple mal assorti de Margaretha et Rudolf...Est-ce un accident ? Un acte de vengeance ? Toujours est-il que les deux enfants sont empoisonnés, sans que l'on sache bien pourquoi. On dit que Rudolf MacLeod se serait montré violent avec un soldat indigène, amant de leur domestique ou bien qu'il aurait lui-même fait des avances à la jeune femme. Est-ce là le mobile de l'empoisonnement des deux enfants ? On ne le sait pas. Toujours est-il que le petit Normand-John ne survit pas. Seule sa soeur Louise-Jeanne s'en sort.
    De retour en Europe en 1902, Margaretha demande le divorce. Son époux est un homme violent et alcoolique dont elle cherche à se défaire. Le divorce lui est accordé, avec la garde de sa fille et elle obtient aussi le versement d'une pension alimentaire qui, cela dit, ne sera jamais honoré. A la suite de leur divorce, MacLeod enlèvera sa fille pour la soustraire à l'influence de son ex-femme qu'il considère comme indigne et dangereuse.
    La future Mata Hari a vingt-sept ans lorsqu'elle débarque, inconnue, à Paris. Nous sommes en novembre 1903. Utilisant le patronyme de son ancien époux, à consonance écossaise, elle se fait appeler Lady MacLeod et, pour survivre, devient une femme entretenue, autrement dit, une cocotte (ou une demi-mondaine), dans le Paris de la Belle Epoque. Certaines en ont fait une activité très lucrative et qui leur a permis de s'enrichir : c'est le cas de la Belle Otero (d'origine espagnole, réputée pour sa grande beauté et sa flamboyante carrière de danseuse et courtisane) ou encore Liane de Pougy. Au siècle précédent, on peut citer la Païva ou encore Cora Pearl. Elles inspirèrent à Emile Zola son personnage de Nana, qui apparaît dans le roman éponyme. Capitale réputée pour ses courtisanes, Paris attira par exemple le futur roi d'Angleterre Edouard VII, dans les années 1900 mais aussi le roi des Belges Léopold II ou encore le Kaiser Guillaume II (Emilienne d'Alençon fut aussi la maîtresse de ces trois souverains). Margaretha MacLeod embrasse donc, ni plus ni moins, une carrière de prostituée de luxe.
    En 1905, elle se fait embaucher en tant qu'écuyère au Nouveau Cirque d'Ernest Molier, qui lui propose alors d'évoluer en danseuse...très dénudée. Elle commence dès lors à composer son rôle de danseuse orientale très peu vêtue. Le 13 mars 1905, Emile Guimet, orientaliste fortuné et fondateur du musée du même nom l'invite à venir danser dans son musée où une bibliothèque a, pour l'occasion, été transformée en temple hindou. La jeune femme y apparaît dansant un numéro exotique et érotique, sous le nom de Mata Hari (littéralement « œil du jour », en malais). Grimée en princesse javanaise habillée d'un collant couleur chair et encadrée de quatre suivantes, elle rend hommage au dieu hindou Shiva et s'offre à lui lors de la troisième danse, s'effeuillant doucement. Très grande (elle mesure près d'un mètre 75), la peau mate, les cheveux très bruns, un regard noir mystérieux et une bouche sensuelle font de Mata Hari une femme très sensuelle qui séduit son public.
    Devant le succès retentissant du spectacle parisien, Gabriel Astruc, célèbre imprésario de l'époque accepte de devenir l'agent de la nouvelle égérie et fait jouer la troupe, à l'été 1905, à l'Olympia puis à travers toute l'Europe, dans une tournée formidable. Chaque soirée est rémunérée de la somme considérale de 10 000 FRF !! Couronée d'aigrettes et de plumes, Mata Hari se produit de capitale en capitale, guettée par les échotiers qui comptent ses chapeaux, ses chiens, ses amants. A Berlin, elle noue une liaison qui dure plusieurs moi avec un lieutenant allemand, Alfred Kiepert. Liaison amoureuse qui lui sera évidemment vivement reprochée lors de son procès.
    Son numéro d'effeuillage lascif sous prétexte d'une danse orientale a fait d'elle l'une des égéries de la Belle Epoque, une femme moderne et sans tabou qui assume sa nudité dans une société encore corsetée et marquée par un code moral intransigeant, hérité du XIXème siècle. Mata Hari est partie prenante de la légende que l'on tisse autour d'elle et c'est sciemment qu'elle entretient le mensonge sur son passé : ainsi, elle accepte volontiers que l'on dise d'elle qu'elle est née sur l'île de Java où les prêtres de Shiva l'ont initiée aux secrets de son culte et de ses danses. Son père était baron et non plus simple marchand de chapeaux. De son mari, elle dresse le portrait d'un officier supérieur irascible et très jaloux dont elle vit séparée : pour justifier les cupules de bronze ornées de bijoux qu'elle porte sur les seins, elle explique que, dans un accès de rage son mari lui aurait arraché les mamelons, lui laissant de très laides cicatrices (plus prosaïquement, ces cupules ouvragées servent surtout à masquer la petite taille de la poitrine de Mata Hari).
    Personnalité flamboyante et imaginative, elle n'a aucun mal à devenir le personnage qu'elle s'invente mais, néanmoins, sa carrière a du mal à redémarrer depuis sa liaison avec Kiepert en 1907. Endettée, Mata Hari est contrainte d'accepter des rôles peu reluisants, plus populaires que véritablement mondains et ira même jusqu'à se prostituer dans des maisons closes. En 1915, Mata Hari vend son luxueux hôtel de Neuilly et rentre aux Pays-Bas, où elle s'installe à La Haye. Là, elle reçoit la visite du consul d'Allemagne, Carl H. Cramer, intéressé par cette femme polyglotte et introduite auprès des milieux du pouvoir : il lui propose alors de rembourser ses dettes en échange de renseignements stratégiques pour l'Allemagne, en retournant à Paris...


    * L'espionne


    Après un séjour sur le sol belge où elle aurait reçu une formation au centre de renseignements allemands d'Anvers par Fräulein Doktor (Mademoiselle Docteur en français) Elsbeth Schragmüller, elle embarque en mai 1916 pour l'Espagne. A Madrid, elle fréquente de nombreux membres des services secrets, comme Marthe Richard (future aviatrice, elle sera à l'origine de la loi qui fera fermer, en 1946, les maisons closes en France). Toutes deux se trouvent sous le commandement du colonel Denvignes. En Espagne, l'ancienne mondaine est courtisée par de nombreux officiers alliés.
    Mata Hari revient donc en France, en pleine guerre. Vers la fin de 1916, alors qu'elle est Paris, elle s'éprend d'un jeune capitaine russe au service de la France, Vadim Maslov. Âgé de vingt-et-un ans, le jeune militaire lui évoque peut-être son fils, Normand-John, qui aurait alors le même âge. Blessé au front, soigné dans un hôpital de campagne près de Vittel, Mata Hari multiplie les démarches pour se rendre à son chevet. C'est dans ces circonstances qu'elle rencontre, au début de septembre 1916, le capitaine Georges Ladoux, chef des services de contre-espionnage français. Comme Cramer quelques mois plus tôt, ce dernier invite l'ancienne courtisane à mettre ses relations internationales et son don des langues au service de la France. Mata Hari accepte, contre rémunération (elle réclame une somme d'un million de francs à Ladoux, qui accepte ; toutefois, la somme ne sera jamais versée) d'aller espionner le Haut commandement allemand basé en Belgique. En tant que ressortissante néerlandaise, elle peut franchir librement les frontières, son pays d'origine étant resté neutre durant le conflit. Pour éviter les combats qui font rage dans le nord de la France, elle compte rejoindre la Belgique via l'Espagne. Lors d'une (involontaire) escale à Falmouth, elle est interrogée par Basil Thomson du MI-5 (les services secrets britanniques). Elle reconnaît son appartenance aux services français. A-t-elle menti à cette occasion pour tenter de se rendre plus intrigante ou bien les services secrets français se servaient-ils réellement d'elle sans le reconnaître ? Il est difficile de trancher.
    En janvier 1917, l'attaché militaire allemand à Madrid, le major Kalle, que Mata Hari avait tenté de séduire en se faisant passer pour l'espion allemand H-21, transemet à Berlin un message radio décrivant les activités d'H-21. Un message qui sera intercepté par les services français grâce aux antennes de la Tour Eiffel. H-21 est alors identifié comme étant Mata Hari. Étrangement, les Allemands chiffrent le message avec un code qu'il savent pertinemment connu des Français et avec des informations suffisamment précises pour désigner sans peine l'espionne au double-jeu (nom de sa gouvernante, son adresse par exemple). Pour les historiens, le but de ce message est de faire démasquer Mata Hari par les Français si, effectivement, elle travaille pour eux. Ainsi, elle pourrait être neutralisée par eux. En tout état de cause Mata Hari, espion amateur et exerçant un double-jeu périlleux se trouve alors en plein cœur de manœuvres de manipulation menées de part et d'autre.
    Six semaines après son retour en France, où elle rejoint son jeune amant Vadim Maslov, le contre-espionnage français opère une perquisition dans sa chambre de l'hôtel Elysée Palace, sur les Champs-Elysées. Aucune preuve incontestable n'est trouvée mais deux produits pharmaceutiques sont découverts dans son sac à main : or, l'un d'eux, qu'elle présente comme un contraceptif (dont l'usage peut apparaître comme bien légitime compte tenu de ses activités) entre aussi dans la composition de...l'encre sympathique. Des télégrammes chiffrés interceptés montrent que le consul allemand aux Pays-Bas lui aurait versé 20 000 francs. Elle le reconnaît : . « Pour prix de mes faveurs », précisera-t-elle. Pour ses juges, ce sera pour prix de renseignements, sans que leur nature ne soit précisée.
    Finalement, le 13 février 1917, Mata Hari est arrêtée par le capitaine Pierre Bouchardon. Transférée à la prison Saint-Lazare, elle y est soumise à un interrogatoire qui s'avère peu concluant. La seule qui soit assez importante concerne un autre agent double qui avait infiltré le réseau allemand pour les services secrets français. Elle avoue par exemple à Bouchardon qui mène l'instruction vouloir se « venger » des Allemands qui lors d'une perquisition au théâtre de Berlin lui avaient pris toutes ses fourrures (d'une valeur d'environ 80 000 francs).
    Une enquête plus que sommaire conclut à la culpabilité de Mata Hari. Elle est reconnue coupable d'espionnage au profit de l'Allemagne. L'ancienne courtisane qui a fasciné le public dans ses numéros d'effeuillages sexy passe de statut d'idole à celui de coupable idéale dans une France traumatisée par une guerre qui n'en finit plus et dont l'armée vient de connaître une vague d'importantes mutineries après l'échec de la bataille du Chemin des Dames. Son avocat qui, par ailleurs, est l'un de ses anciens amants, Edouard Clunet, n'a le droit d'assister qu'aux premiers et derniers interrogatoires de Mata Hari. L'instruction est menée par Bouchardon, rapporteur au troisième conseil de guerre. À ce titre d'ailleurs, il instruira toutes les grandes affaires d'espionnage de la Grande Guerre.
    Le procès de Mata Hari est expéditif et ne dure que trois jours, sans apporter d'ailleurs de nouveaux éléments. Au cours de ce procès, elle est même lâchée sans scrupules par Vadim Maslov qui la qualifie avec mépris d'aventurière. Le sort de Margaretha Zelle, surnommée Mata Hari, semble scellé d'avance.
    Elle est en effet condamnée à mort pour intelligence avec l'ennemi en temps de guerre, autrement dit, pour haute trahison. Sa grâce est rejetée par le président de la République Poincaré qui laisse simplement la justice suivre son cours. Sept mois après son arrestation, le 15 octobre 1917, Mata Hari est exécutée par fusillade à Vincennes. Peu de temps auparavant, bien que peu croyante, elle aura plusieurs entretiens avec le pasteur Jules Arboux, aumônier des prisons qui l'accompagne dans ses derniers instants. Son médecin, Léon Bizard, relate les faits dans Souvenirs d'un médecin de la préfecture de police et des prisons de Paris (1914 - 1918) : Mata Hari est coiffée d'un grand canotier et porte une robe élégante garnie de fourrures. Un manteau est jeté sur les épaules. Devant le peloton d'exécution, elle refuse d'être attachée au poteau et qu'on lui bande les yeux. Elle aurait lancé un dernier baiser aux douze zouaves qui forment son peloton d'exécution. Alors que les soldats la mettent en joue, elle se serait écriée : « Quelle étrange coutume des Français que d'exécuter les gens à l'aube ! »
    Voici ce que Léon Bizard écrit dans ses Souvenirs :
    « Tandis qu'un officier donne lecture du jugement, la danseuse, qui a refusé de se laisser bander les yeux, très crâne, se place d'elle-même contre le poteau, une corde, qui n'est même pas nouée, passée autour de la ceinture… Le peloton d'exécution, composé de douze chasseurs à pied, quatre soldats, quatre caporaux, quatre sous-officiers, est à dix mètres d'elle… Mata Hari sourit encore à sœur Léonide agenouillée et fait un geste d'adieu. L'officier commandant lève son sabre : un bruit sec, suivi du coup de grâce moins éclatant et la Danseuse rouge s'écroule tête en avant, masse inerte qui dégoutte de sang… »
    Le corps de l'ex-espionne ne sera pas réclamé par la famille et est alors confié à la faculté de médecine de Paris. Les deux médecins qui s'occupent de son autopsie concluent que la balle mortelle a traversé le cœur de part en part tandis que le coup de grâce, reçu en plein visage, l'a défigurée. Au cours de cette autopsie, plusieurs de ses organes sont volés, en guise de souvenirs ou comme des reliques !


    * Mata Hari était-elle coupable ?

     

     

    Mata Hari le jour de son arrestation


    Dès la fin de la guerre, elle est présentée par l'Allemagne comme une innocente victime, n'ayant jamais collaboré avec les services de renseignements allemands. Mais en 1931, dans un important ouvrage collectif (L'Espionnage pendant la guerre mondiale) auquel ont notamment collaboré des historiens, des officiers et des anciens agents des services secrets, le propos ne fait aucun doute : « Mata Hari a fait de grandes choses pour l'Allemagne ; elle fut le courrier pour nos informateurs installés à l'étranger ou en pays ennemis… Mata Hari était parfaitement au courant des choses militaires, puisqu'elle avait été formée dans l'une de nos meilleures écoles d'information… Elle était un agent de marque. »
    En 1937, c'est au tour de « Mademoiselle Docteur », Fräulein Schragmüller, qui dirigeait le centre d'espionnage allemand, à Anvers, de publier sa version des faits, dans ses mémoires. Elle y révèle à propos de Mata Hari : « Pas une des nouvelles qu'elle a envoyées n'était utilisable, et ses informations n'ont eu pour nous aucun intérêt politique et militaire. » Elle reconnaîtra cependant : « La condamnation était méritée et conforme à l'esprit du code militaire. »
    Quant à l'historien Alain Decaux (l'acolyte d'André Castelot dans les années 1960) il témoignera lors d'une de ses recherches sur Mata Hari avoir interrogé le procureur Mornet sur l'enjeu réel que présentait le cas de cette espionne. Celui-ci répondait « qu'on n'avait finalement pas grand-chose à lui reprocher » mais que son cas était évoqué « sous le feu de la presse dans un contexte politique tel » que la raison d'État ne pouvait que l'emporter.
    Pour d'autres, (c'est le cas du journaliste Russel Warren Howe), Mata Hari ne fut rien d'autre qu'une « cocotte » naïve et vénale manipulable à l'envi et qui le fut par les services secrets. Le chef des services du contre-espionnage français Georges Ladoux avait engagé de tels frais qu'il n'aurait jamais voulu avouer qu'il avait avancé de telles sommes pour une simple courtisane. En outre, il aurait été délicat pour les services secrets français de révéler tout de l'affaire Mata Hari car cela aurait montré qu'ils avaient percé les codes de chiffrement allemand.
    Il est donc encore difficile aujourd'hui de savoir exactement quel est le degré d'implication de Mata Hari dans l'espionnage en temps de guerre. Sa situation financière, avant d'être approchée par les services secrets allemands aux Pays-Bas puis par les Français l'a-t-elle poussée à accepter une mission bien trop lourde pour elle, mal préparée et sans réelle expérience de la diplomatie ? Fut-elle manipulée aux noms d'enjeux qui la dépassait ?
    Plus de cent ans après son exécution il est impossible de juger Mata Hari et d'affirmer qu'elle fut coupable ou non. Peut-être fait-elle partie de toutes ces victimes du premier conflit mondial, qui engloutit la Belle Epoque sous un déluge de feu et de sang...

     © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

     

    Pour en savoir plus : 

    - Mata Hari : la poudre aux yeux, Anne Bragance. Biographie. 
    - Mata Hari : les vies insolentes de l'agent H 21, Bruno Fuligni. Biographie. 
    - Mata Hari : sa véritable histoire, Philippe Collas. Biographie. 
    - Le dossier Mata Hari, Frédéric Guelton.  Revue historique des armées, n° 242, Service historique de la Défense

     

     

     


    2 commentaires
  • In My Mail Box - Avril 2022

    In My Mail Box - Avril 2022

      

    Et voilà, c'est déjà la fin du mois et qui dit fin du mois...dit In My Mail Box (ou Book Haul), autrement dit la découverte des acquisitions du mois qui vient de passer.

    Bon, on ne va pas se mentir, je n'ai pas du tout été raisonnable ce mois-ci, alors que c'est ce que j'avais prévu au départ...tant pis, ce sera pour le mois de mai.

    Ce mois-ci, j'ai abandonné un peu les IMM thématiques mis en place depuis le début de l'année afin d'essayer de vider méthodiquement ma liste d'envies qui est longue comme le bras (voire plus) pour juste...craquer, voilà. Flâner en librairie, piocher au gré des rayons, choisir un livre puis un autre, juste par plaisir, c'est bien aussi. 

    Entre fin mars et avril, j'ai aussi étoffé ma collection de Romans Éternels : j'ai l'impression que l'engouement autour de cette collection commence à se calmer un petit peu, est-ce que je la continuerai de mon côté ou non ? Je n'ai pas encore choisi...

    C'est parti donc pour la découverte de cet énorme In  My Mail Box que je me réjouis par avance de vous présenter.

     

    Couverture Le crépuscule et l'aube

     

    • Le Crépuscule et l'Aube, Ken Follett, Éditions Le Livre de Poche, 2022, 1024 pages

    Est-il encore besoin de présenter Ken Follett, auteur britannique aux millions de lecteurs partout dans le monde et rendu notamment célèbre pour sa trilogie Kingsbridge, racontant l'expansion entre le Moyen Âge et la Renaissance, d'un bourg anglais et de ses habitants ? Je ne crois pas. Le Crépuscule et l'Aube est en quelque sorte la genèse de cette formidable épopée se déroulant du XIIIème au XVIème siècle puisqu'ici, c'est à la fin  du Xème siècle que l'auteur nous amène, alors que règne le chaos en Bretagne, alors soumise aux assauts des Hommes du Nord...

    Résumé : En l’an 997, à la fin du haut Moyen Âge, les Anglais font face à des attaques de Vikings qui menacent d’envahir le pays. En l’absence d’un État de droit, c’est le règne du chaos.
    Dans cette période tumultueuse, s’entrecroisent les destins de trois personnages. Le jeune Edgar, constructeur de bateaux, voit sa vie basculer quand sa maison est détruite au cours d’un raid viking. Ragna, jeune noble normande insoumise, épouse par amour l’Anglais Wilwulf, mais les coutumes de son pays d’adoption sont scandaleusement différentes des siennes. Aldred, moine idéaliste, rêve de transformer sa modeste abbaye en un centre d’érudition de renommée mondiale. Chacun d’eux s’opposera au péril de sa vie à l’évêque Wynstan, prêt à tout pour accroître sa richesse et renforcer sa domination.

     

    Couverture Le Grand Siècle au féminin

    • Le Grand Siècle au féminin, Marie-Joëlle Guillaume, Éditions Perrin, 2022, 382 pages

    Est-ce que j'ai vraiment besoin de dire quelque chose ? Le Grand Siècle estt une époque qui me passionne...alors décliné au féminin et avec cette jolie couverture reprenant un détail d'un portrait de Madame de Maintenon...je ne pouvais que craquer et même si je ne sais rien de l'auteure, j'espère en tout cas passer un bon moment de lecture et apprendre plein de choses.

    Résumé : Les onze Muses du Grand siècle. Il existe de nombreuses biographies de femmes célèbres au XVIIe siècle, gravitant immanquablement autour de Versailles. Mais la présentation d'une galerie de onze portraits thématique, rassemblant à la fois de grandes dames de la spiritualité, de la vie culturelle et littéraire et de la politique, est une démarche originale et qui n'a pas d'équivalent. Alors que le thème de la femme est très largement abordé dans l'édition contemporaine, tous siècles confondus, sous l'angle de la condition féminine, le propos tenu par Marie-Joëlle Guillaume, spécialiste du XVIIe siècle, se décentre, voire se renverse : c'est la force de leur empreinte sur la civilisation du XVIIe siècle qui est mise en valeur. S'ajoutent aux portraits fameux des figures moins illustres mais tout aussi essentielles : Barbe Acarie, Louise de Marillac, Marie de l'Incarnation, Angélique Arnauld, Catherine de Rambouillet, Madeleine de Scudéry, Mme de Sévigné, Mme de Lafayette, duchesse de Longueville, Anne d'Autriche et Mme de Maintenon. Ils permettent une plongée concrète et très humaine dans les mentalités de l'époque, de Corneille à Port-Royal. Enfin, cet ouvrage enlevé offre une " défense et illustration " de la civilisation du Grand Siècle, dont l'appellation suggère l'excellence. Une excellence incarnée par des femmes d'élite qui en furent les actrices et les inspiratrices.

    Couverture La Traversée des Temps, tome 2 : La Porte du ciel

    • La traversée des temps, tome 2, La Porte du Ciel, Eric-Emmanuel Schmitt, Éditions Albin Michel, 2021, 581 pages

    Après avoir beaucoup aimé le premier tome lu en mars (c'est très original, comme toujours avec Schmitt, qui a un univers vraiment intéressant), j'avais envie de continuer la découverte de cette saga de l'humanité racontée par Noé. Il était donc évident que je lirai la suite. Quand, je ne sais pas mais je suis ravie que ce roman ait rejoint ma PAL et je sais d'ores et déjà que je me ferai un plaisir de le découvrir d'ici quelques mois.

    Résumé : L'éternité n'empêche pas l'impatience : Noam cherche fougueusement celle qu'il aime, enlevée dans de mystérieuses conditions. L'enquête le mène au Pays des Eaux douces la Mésopotamie où se produisent des événements inouïs, rien de moins que la domestication des fleuves, l'irrigation des terres, la création des premières villes, l'invention de l'écriture, de l'astronomie.Noam débarque à Babel où le tyran Nemrod, en recourant à l'esclavage, construit la plus haute tour jamais conçue. Tout en symbolisant la grandeur de la cité, cette Tour permettra de découvrir les astres et d'accéder aux Dieux, offrant une véritable « porte du ciel ». Grâce à sa fonction de guérisseur, Noam s'introduit dans tous les milieux, auprès des ouvriers, chez la reine Kubaba, le roi Nemrod et son architecte, son astrologue, jusqu'aux pasteurs nomades qui dénoncent et fuient ce monde en train de s'édifier.Que choisira Noam ? Son bonheur personnel ou les conquêtes de la civilisation ? Dans ce deuxième tome de la saga La Traversée des Temps, Eric-Emmanuel Schmitt met en jeu les dernières découvertes historiques sur l'Orient ancien, pour nous plonger dans une époque bouillonnante, exaltante, prodigieuse, à laquelle nous devons tant.

     

                                         Couverture La maison de Claudine

    • Claudine à Paris, Willy et Colette, Editions Le Livre de Poche, 2011, 255 pages
    • La Maison de Claudine, Colette, Editions Le Livre de Poche, 2009, 154 pages

    Si vous me suivez ici ou sur Instagram vous savez sûrement que j'aime beaucoup Colette et si j'ai lu les Claudine au lycée, je ne les possédais pas. Après avoir lu la biographie de référence de Colette par Madeleine Lazard il y a quelques semaines et découvert un peu mieux la genèse d'écriture de cette saga au début du XXème siècle, je suis ravie de les avoir trouvés en librairie, même si c'est totalement par hasard que je les ai dénichés, au détour d'un rayon.

    Résumé Claudine à Paris : Son original de père ayant brusquement décidé de s'installer à Paris, Claudine se retrouve rue Jacob dans un appartement sombre, entre deux cours. Refusant obstinément de sortir, errant d'une chambre à l'autre, la gorge rétrécie et l'appétit absent, elle finit par tomber gravement malade. Deux mois passent. Claudine, sans oublier Montigny et sa chère école, reprend petit à petit goût à la vie. Elle fait la connaissance de son ravissant neveu Marcel qui a dix-sept ans comme elle et ses confidences sont bien excitantes ! On la demande en mariage... et enfin elle découvre l'amour.

    Résumé La Maison de Claudine : Colette se propose, d'abord, au lecteur comme la souveraine d'un royaume sensible, la reine des choses prochaines, un écrivain de la nature.
    Pourtant (elle) n'est pas orientée vers la campagne à la manière des romanciers paysans. La campagne de Colette est une campagne pour citadines, une campagne dont les baumes cicatrisent les plaies du cœur. Rien ne viendra à bout d'une certitude solidement appuyée sur la terre, d'une confiance animale dans la vie qui assurera toujours en fin de compte, le ressaisissement et la reconquête de soi. Colette connaît la souffrance, et la fin inexorable de toutes choses heureuses ; elle les accepte l'une et l'autre, sûre d'une complicité secrète du monde, du chat qui dort près du feu, les pattes en manchon, de l'acidité des fruits sauvages dans les souvenirs d'enfance.

    Couverture La vagabonde

    • La Vagabonde, Colette, Éditions Le Livre de Poche, 2016, 251 pages

    On continue l'incursion  dans l'univers de Colette avec cette nouvelle, La Vagabonde, souvent citée par Madeleine Lazard dans sa biographie et comme je ne l'avais jamais lue, sa découverte fortuite sera l'occasion de la découvrir.

    Résumé : « Renée Néré, lasse des infidélités de son mari, le peintre Taillandy, vient de le quitter. La séparation la laisse meurtrie. Pour subvenir à sa vie, Renée devient mime, danseuse et actrice. Un riche héritier, Maxime, en tombe amoureux. La jeune femme est tentée par ce nouvel amour, mais les souvenirs douloureux de son premier mariage sont omniprésents. A l’issue d’une tournée théâtrale, elle prend sa décision… Le roman est riche des premières expériences matrimoniales de Colette. Il est aussi un hymne au théâtre, aux coulisses et aux gagne-petit qui le peuplent. Ces deux thèmes – le renoncement à l’amour et le music-hall – , qui seront ceux que l’écrivain développera tout au long de son œuvre, sont ici inextricablement mêlés. La Vagabonde est le roman de la désillusion, de la nostalgie, mais aussi celui du combat intérieur et de la victoire sur soi. »

     

    Couverture Loveday and Ryder, tome 1 : Le corbeau d'Oxford

    • Une enquête de Loveday et Ryder, tome 1, Le Corbeau d'Oxford, Editions Harper Collins (collection Poche), 2021, 280 pages

    Et un cosy mystery de plus, un ! J'adore ce genre qui se développe beaucoup et qui rencontre un véritable succès auprès des lecteurs. Il y a évidemment de tout, du bon comme du moins bon, mais j'avoue que les enquêtes de Loveday et Ryder, dans l'Angleterre des années 1960 me faisaient de l'oeil depuis belle lurette ! Je ne suis pas fan du tout des couvertures de cette édition Poche mais qu'importe, c'est avec joie et curiosité que je découvrirai cette première enquête ! Peut-être cet automne, parce que c'est vraiment la saison que j'associe par excellence aux cosy mysteries

    Résumé : Oxford, 1960. Lorsque Sir Marcus Deering, un riche industriel de la région, reçoit plusieurs lettres de menace anonymes, il prend le parti de ne pas s’en inquiéter.
    Mais bientôt, un meurtre est commis, et les meilleurs éléments de la police d’Oxford sont mobilisés.
    La toute jeune policière Trudy Loveday rêverait de participer à une affaire aussi importante, mais ses supérieurs coupent rapidement court à ses ambitions. Écartée de l’enquête et chargée d’assister le brillant mais peu amène Dr Clement Ryder, médecin légiste, sur une affaire classée, elle se retrouve pourtant très vite au cœur d’une énigme qui pourrait bien la mener sur la piste du mystérieux corbeau d’Oxford…

    Couverture La véritable histoire des douze Césars

    • La Véritable Histoire des douze Césars, Virginie Girod, Editions Pocket, 2019, 480 pages

    Ça faisait un petit moment que je me disais que je lirai ce livre un jour et pourtant je ne suis pas spécialement fan d'Histoire romaine à la base. Mais j'aime beaucoup le ton de Virginie Girod, jeune historienne spécialisée de l'Histoire impériale romaine (et notamment de ses pratiques sexuelles) que l'on voit beaucoup comme chroniqueuse dans les émissions historiques comme Secrets d'Histoire... La véritable histoire des douze Césars s'inspire évidemment de La Vie des Douze Césars de Suétone avec l'oeil de l'historien contemporain. Je me fais déjà une joie de découvrir cette lecture probablement riche en événements, en scandales et en bouleversements sanglants parce que l'Empire de Rome n'est quand même pas le dernier niveau chefs d'Etat un peu tarés, il faut dire ce qui est !

    Résumé : La véritable vie des douze premiers Césars au sein d’une Rome antique impitoyable.
    Sous le principat d’Hadrien (117-138), l’historiographe Suétone travaille au palais comme secrétaire et bibliothécaire. Grâce aux archives impériales qu’il consulte librement, il entreprend d’écrire les biographies des premiers Césars, de Jules César à Domitien, retraçant ainsi près de cent-cinquante ans d’histoire qui ont bouleversé l’histoire de Rome. Son œuvre, la Vie des douze Césars, riche de détails intimes sur les maîtres de Rome, est une source essentielle demeurée célèbre en dépit de ses nombreuses exagérations et inexactitudes. En replaçant les premiers empereurs dans leur contexte social, politique et surtout familial, Virginie Girod, forte de sa connaissance intime de la période, met avec talent ses pas dans ceux de Suétone et raconte leur véritable saga faite de trahisons, de manipulations et d’amours déçues.
    Comment Auguste et Vespasien ont-ils pris Rome en passant pour des modèles de vertu ? Pourquoi Tibère, Caligula et Néron ont-ils sombré dans la tyrannie ? Claude était-il un idiot ou un administrateur génial ? Les empereurs ont-ils réellement subi l’influence de leurs affranchis ? Et les femmes dans tout cela ? Peut-on seulement envisager que des impératrices telles que Livie ou Agrippine aient été plus éperdues de pouvoir que les hommes ? De chapitre en chapitre, les mythes sur les Césars volent en éclats, laissant place à leur humanité dans toute sa complexité.

    Couverture Les sept soeurs, tome 4 : La soeur à la perle

    • Les Sept Soeurs, tome 4, La soeur à la Perle, Lucinda Riley, Editions Le Livre de Poche, 2020, 755 pages

    Ces dernières années, la saga de Lucinda Riley Les Sept Soeurs est devenue culte. Après maintes hésitations, je me suis décidée sous les conseils soutenus d'une amie qui avait lu les premiers tomes et les avait beaucoup aimés. Malgré une légère déception ressentie à la lecture du tome 2, j'ai de nouveau été enthousiasmée par le tome 3 et je suis donc bien décidée à poursuivre la découverte de cette saga, un peu inégale certes mais qui a malgré tout pour elle son originalité et son suspense. J'avoue que La soeur à la perle n'est pas le tome qui me donne le plus envie mais peut-être aurais-je une bonne surprise.

    Résumé : CeCe d'Aplièse ne s'est jamais vraiment sentie à sa place. Et à la suite du décès de son père adoptif, l'excentrique milliardaire Pa Salt – surnommé ainsi par ses filles, adoptées aux quatre coins du monde – elle se retrouve complètement perdue.
    Désespérée, n'ayant que les quelques indices laissés par son père – une photographie en noir et blanc et le nom d'une pionnière ayant traversé le monde – CeCe part à la recherche de ses origines... jusque dans la chaleur et la poussière du centre rouge de l'Australie.
    Cent ans auparavant, Kitty McBride, fille de pasteur, abandonne sa vie bien rangée pour accompagner une vieille dame d'Édimbourg jusqu'à Adélaïde. Son ticket pour cette terre inconnue apportera le grain d'aventure dont elle avait toujours rêvé… ainsi qu'un amour qu'elle n'avait jamais imaginé.
    Alors que CeCe découvre des secrets enfouis depuis bien longtemps, elle commence à penser que ce vaste et sauvage continent pourrait lui offrir quelque chose qu'elle a toujours cru impossible : un sentiment d'appartenance et un foyer...

    Couverture Le chant d'Achille

    • Le chant d'Achille, Madeline Miller, Editions Pocket, 2019, 468 pages

    Avec ses réécritures contemporaines des grands mythes grecs, Madeline Miller connaît un beau succès depuis quelques années. Encore une fois, j'ai beaucoup hésité avant de me lancer : après tout, ce ne sont pas vraiment des romans historiques, mais plutôt des romans contemporains inspirés par une mythologie très ancienne et fondatrice de nos civilisations occidentales. Finalement, Circé lu en octobre dernier, m'a beaucoup plu. J'ai donc eu envie de découvrir les autres romans de Madeline Miller (je guette la traduction française de son roman sur Galatée) et notamment celui-ci qui est, paraît-il, même encore meilleur que Circé !

    Résumé : Patrocle, jeune prince maladroit, part en exil à la cour du roi Pélé. Il y rencontre Achille, son exact contraire, doué pour tout ce qu'il entreprend. Malgré leurs différences, les deux jeunes hommes deviennent inséparables. Le destin les mènent à la guerre de Troie. La violence des Dieux et des hommes fera de leur histoire un drame.

    Couverture La villa aux étoffes

    • La Villa aux Étoffes, tome 1, Anne Jacobs, Editions 10/18 (2021), 648 pages

    Une saga familiale, l'Allemagne du début du XXème siècle, un récit qui, d'après beaucoup, ressemble un peu à Downton Abbey...du coup je me pose une question : pourquoi ai-je attendu si longtemps ? La couverture des éditions 10/18 ne me plaît pas du tout, celle des éditions Charleston était bien plus jolie mais, comme pour Le Corbeau d'Oxford, je me dis que cela ne réflète absolument pas ce qui se cache dessous - et tant mieux ! Je pense le lire en mai donc je vous ferai un retour assez rapide dessus.

    Résumé : Dans l'Allemagne de 1913, dans l'apparat d'une somptueuse maison bourgeoise, maîtres et domestiques se croisent et se côtoient, partageant joies, drames, secrets et amours interdites.

    La jeune orpheline Marie occupe le poste de femme de ménage dans l'imposante résidence de la famille industrielle Melzer. Alors que Marie cherche sa place parmi les domestiques, l’agitation règne lors de la saison du bal hivernal : Katharina, la belle et plus jeune fille des Melzers, doit être introduite en société. Seul Paul, l'héritier de la famille, se tient à l'écart et préfère sa vie étudiante à Munich - jusqu'à ce qu'il rencontre Marie...

    Tandis que la guerre approche, petite et grande histoire se mêlent, palpitantes, pour nous plonger au cœur d'une saga inoubliable.

    In My Mail Box - Août, Novembre 2020

    In My Mail Box - Avril 2022

     

    13. La lettre écarlate, Nathaniel Hawthorne

    51. Le Moulin sur la Floss, George Eliot

    56. La Petite Fadette, George Sand

    68. Elle et Lui, George Sand

    70. Noël à Thompson Hall, Anthony Trollope

     

     

    Avez-vous craqué ce mois-ci ? Quels livres ont rejoint votre PAL ? Et dans cette liste, certains vous font-ils de l'oeil ? 

     


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  • « Marie-Thérèse d'Autriche est l'une des rares femmes de l'histoire qui aient gouverné et incarné leur pays durant quarante ans. Dotée d'un pouvoir absolu comme Élisabeth Ière d'Angleterre ou Catherine II de Russie, elle dut, contrairement à celles-ci, négocier durant tout son règne avec sa féminité. Alors qu'Élisabeth et Catherine ont vécu et régné comme des hommes, Marie-Thérèse d'Autriche fit une large place à l'épouse amoureuse ainsi qu'à la mère aimante et soucieuse de ses enfants. »

    Couverture Le pouvoir au féminin

     

     

     

       Publié en 2018

         Éditions Le Livre de Poche 

      400 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Les Français connaissent mal celle qui fut la mère de Marie-Antoinette. Pourtant, Marie-Thérèse d'Autriche est l'une des plus grandes figures tutélaires de son pays. Je l'ai découverte par sa correspondance privée, dans laquelle elle se révèle guerrière, politique avisée, mère tendre et sévère. C'est une femme au pouvoir absolu, hérité des Habsbourg, qui régna pendant quarante ans sur le plus grand empire d'Europe. Et, ce faisant, elle eut à gérer trois vies : épouse d'un mari adoré et volage, mère de seize enfants, souveraine d'un immense territoire. Cette gageure qu'aucun souverain masculin n'eut à connaître, j'ai voulu tenter de la comprendre. Cette femme incomparable en son temps, qui inaugure une nouvelle image de la souveraineté et de la maternité, ressemble, sous certains aspects, aux femmes du XXIe siècle.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quand on pense à Marie-Thérèse d’Autriche, c’est d’abord sa fille Marie-Antoinette, reine de France, qui nous vient à l’esprit. Ou peut-être le nom va-t-il nous évoquer une autre reine, l’épouse de Louis XIV, qui s’appelait Marie-Thérèse d’Autriche, elle aussi.
    Ici, il s’agit bien de la mère de Marie-Antoinette, la reine de Bohême et impératrice, Marie-Thérèse, qui traverse un siècle passionnant : le XVIIIème siècle. Née en 1717, héritant des possessions paternelles en 1740, elle meurt en 1780, détentrice d’un pouvoir et d’une aura inégalés. Plus encore que son mari, François-Etienne de Lorraine, elle est l’incarnation du Saint-Empire, pourtant foncièrement masculin mais qu’elle incarnera mieux que tout autre. Se passionner pour le XVIIIème siècle, c’est forcément un jour s’intéresser à cette ère des femmes, dans une époque encore profondément misogyne et patriarcale.
    Le destin de Marie-Thérèse d’Autriche est accidenté et rien moins que facile : il semble même qu’elle soit le fruit d’une sorte de malédiction des Habsbourg d’Autriche qui, en ce début du XVIIIème siècle, ne parviennent pas à avoir de fils. Sa tante comme sa mère seront affligées d’une sorte de « stérilité royale » puisqu’aucune des deux ne donneront de fils à leurs époux. Une obsession et un échec terribles pour ces femmes dont le destin était tout tracé : être mères et surtout, de garçons. On s’imagine mal aujourd’hui que l’absence d’enfants mâles pouvait aller jusqu’à menacer la vie des impératrices, la répudiation étant le moindre mal ! Marie-Thérèse aura une sœur, des cousines, mais pas de frères. D’où la décision de son père Charles VI de promulguer la Pragmatique Sanction, destinée à donner à son aînée, Marie-Thérèse, la possibilité d’hériter des possessions familiales (Hongrie, Bohême) à son décès. C’est ce qui advient au décès brutal de Charles VI en 1740. Pourtant, la succession ne se fera pas en douceur, au contraire, puisqu’elle engendrera une guerre violente, la Guerre de Succession d’Autriche, qui menacera directement les territoires des Habsbourg. Et pourtant, de ce conflit et même des suivants, Marie-Thérèse saura toujours s’en tirer grandie, plus forte. Les difficultés du début du règne affermiront à jamais l’impératrice, qui ne l’est que par mariage mais, que par association, on n’appellera jamais plus autrement même si elle ne détint jamais la réalité du pouvoir impérial, exclusivement masculin par essence.
    Elle traversa aussi des orages et la fin de sa vie fut triste, marquée par des affections physiques et une mélancolie qu’on qualifierait aujourd’hui de dépression chronique, par une opposition violente aussi avec son fils Joseph II avide de pouvoir et d’indépendance par rapport à son omnipotente mère, mais elle a cependant marqué d’un sceau indélébile l’Histoire de l’Europe : elle est celle qui tint tête malgré l’adversité à un souverain misogyne et ambitieux, Frédéric II, elle est l’artisane d’un renversement des alliances qui brisa les lignes diplomatiques en Europe depuis le début de l’époque moderne… elle est un véritable chef d’État.

    Illustration.

    L'un des portraits les plus connus de Marie-Thérèse par Martin Van Meytens en 1759, où elle est représentée avec le sceptre et la couronne de saint Etienne, symbolisant son pouvoir sur la Hongrie


    Dans ce livre, qui n’est ni tout à fait un essai, ni tout à fait une biographie mais un peu des deux à la fois, Elisabeth Badinter, essayiste féministe et connue notamment pour ses travaux sur la maternité, s’interroge sur le pouvoir au féminin et ce qu’il implique, surtout à une époque où il n’allait pas de soi – de toute façon, le pouvoir féminin va-t-il du choix aujourd’hui ? On peut en douter et le patriarcat a encore de beaux jours devant lui, malgré la lutte féministe plus mobilisée que jamais. Pour faire une comparaison un peu anachronique, Marie-Thérèse comme ses paires les impératrices de Russie ou encore Madame de Pompadour (favorite du roi Louis XV et diplomate de l’ombre), est « la femme qui travaille » et qui doit concilier une vie privée (épouse et mère la concernant) à une vie publique et professionnelle en quelque sorte. Or, ce qui est compliqué aujourd’hui, l’est encore plus à l’époque. Comment tirer son épingle du jeu sur une scène géopolitique largement dominée par les hommes ? Comment faire de ses désavantages apparents des atouts ? Marie-Thérèse se révèlera un formidable animal politique, d’autant plus admirable qu’elle ne fut pas formée à l’être, comme souvent l’étaient ses homologues masculins, préparés à leur « métier de roi ».
    Marie-Thérèse joue dans la même catégorie que le roi de Prusse, le roi de France ou encore le roi d’Angleterre… jalouse de son pouvoir, elle n’accorde à son époux, qu’elle aime pourtant tendrement et auquel elle sera fidèle jusqu’à la mort de François-Etienne en 1765 (ce qui ne sera pas son cas à lui, puisque l'empereur aimait les femmes et ne s'en cachait pas), qu’un pouvoir symbolique et dont il s’accommode, n’ayant pas la même fibre politique que son épouse. C’est elle qui tient effectivement les rênes du pouvoir et si son mari l’incarne, c’est elle qui l’exerce en sous-main, avec efficacité. Et pourtant, Marie-Thérèse est confrontée à un autre aspect de la vie d’une femme qu’un souverain masculin ne connaîtra jamais : la maternité. Mère prolifique, conjurant la malédiction qui avait touché sa tante, l’impératrice Wilhelmine de Brunswick-Lünebourg puis sa mère, Élisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbüttel, qui n’avaient pas eu de fils, elle sera surtout attentive à sa progéniture, menant dans le privé une vie presque bourgeoise auprès de son époux et de leurs enfants, personnifiée par ce fameux tableau où l’on voit la famille royale installée dans un salon, l’impératrice vêtue de bleue installée dans un fauteuil à l’image de son mari et entouré des enfants, jusqu’aux plus jeunes, encore dans les langes. Marie-Thérèse sut concilier, pas toujours de manière aisée mais certainement d’une main de maître, les deux aspects de sa vie : souveraine exerçant le pouvoir et mère d’une famille nombreuse puisqu’elle mit au monde seize enfants dont dix atteindront l’âge adulte.
    Si vous ne connaissez pas le destin de Marie-Thérèse ou dans les grandes lignes, cette biographie peut être intéressante pour démarrer. Elle n’est ni trop historique, ni bâclée pour autant et apporte l’essentiel des informations chronologiques, biographiques, diplomatiques. Elle nous permet de cerner le personnage sous toutes ses facettes et Marie-Thérèse en sort encore grandie parce que, comme toutes les femmes, elle eut toujours plus à prouver qu’un homme détenteur du même pouvoir. Mais, contrairement à d’autres femmes qui firent des choix radicaux, mettant parfois leur féminité de côté au profit d’un pouvoir « viril » et d’une incarnation plus masculine, Marie-Thérèse sut toujours jouer de sa féminité et ne délaissa pas pour autant son rôle d’épouse et de mère, qu’elle exerça avec autant de zèle que le pouvoir sur ses états et même sur l’Empire en général.
    La plume d’Élisabeth Badinter est fluide, agréable à lire et cette biographie bien documentée, appuyée notamment sur des correspondances privées. Une belle découverte, que l’amoureuse du XVIIIème siècle que je suis a pris grand plaisir à lire.

    La famille impériale par Martin Van Meytens : l'idée originale de Marie-Thérèse est d'adapter ce tableau au gré des nouvelles naissances, faisant représenter les nouveaux-nés au fur et à mesure.

    En Bref :

    Les + : une biographie bien documentée et intéressante, qui entreprend de raconter Marie-Thérèse d'Autriche par tous les aspects de son règne et son essence même, celle de femme et de mère. On retrouve là un sujet cher à Élisabeth Badinter et qui donne un autre éclairage aux règnes des femmes dans l'Histoire, souvent bien ignorées
    Les - : pas vraiment de point négatif à soulever pour moi. C'était une lecture agréable, riche et documentée.


    Le pouvoir au féminin : Marie-Thérèse d'Autriche 1717-1780 L'impératrice-reine ; Elisabeth Badinter

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     


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