• « Je compris soudain pourquoi les hommes mesurent le temps. Ils veulent l'arrêter un instant, dans l'espoir vain de le retenir. »

    Le Chardon et le Tartan, tome 5, La Croix de Feu ; Diana Gabaldon

    Publié en 2001 aux Etats-Unis ; en 2015 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Outlander, book 5, Fiery Cross

    Editions J'ai Lu

    1533 pages 

    Cinquième tome de la saga Le Chardon et le Tartan

     

    Résumé :

    1770, Caroline du Nord. Exilés dans le Nouveau Monde, les Fraser y ont trouvé leur place. Claire, devenue guérisseuse, tente d'aider les gens grâce à ses remèdes et ses connaissances. De son côté, Jamie a gagné la confiance du gouverneur. Néanmoins, la guerre d'Indépendance approche à grands pas et des émeutes éclatent de toute part. 

    Inconscients du danger qui les guette, Claire et Jamie sont rejoints par leur fille Brianna. Ensemble, parviendront-ils à réécrire l'histoire ?

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous sommes en 1770, quelque part dans les colonies anglaises d'Amérique. On ne les appelle pas encore les Etats-Unis, mais cela ne saurait tarder...pour le moment, la guerre d'Indépendance menace seulement et n'éclatera réellement que dans quatre ans. Claire et Jamie Fraser, installés dans les montagnes des Carolines, exploitent et développent leur domaine, Fraser's Ridge, avec l'aide des leurs et d'autres familles d'origine écossaise, pour la plupart ayant trouvé un refuge dans les colonies des Amériques après le Soulèvement et la sanglante défaite de Culloden, en 1746. Ils ont été rejoints par leur fille, Brianna, née au XXème siècle mais qui a fait le choix de venir retrouver ses parents au XVIIIème, mais aussi par leur gendre, Roger. Marsali et Fergus, enfants adoptifs de Jamie, déjà rencontrés dans les tomes précédents, ont eux aussi fondé leur propre famille et vivent avec leurs enfants dans le domaine de Jamie.
    Celui-ci y exerce les activités d'administrateur et de régisseur, tandis que Claire essaie comme elle peut de se mettre à la disposition des habitants de Fraser's Ridge en montant une petite infirmerie. Grâce à ses connaissances héritées du XXème siècle où elle était un chirurgien réputé et à beaucoup d'imagination, elle parvient ainsi à soigner bien des affections et blessures qui auraient pu être mortelles. A côté de cela, elle s'émerveille, ainsi que Jamie, devant le bébé de leur fille Brianna, Jemmy.
    Mais il semble que leur tranquillité sera bientôt mise à mal : Jamie est ainsi sommé par le gouverneur de former une milice pour mater les foyers séditieux qui ne manquent pas d'éclater épisodiquement un peu partout dans les colonies et mettent à mal les institutions coloniales. Claire, Brianna et Roger, venus du futur savent déjà ce qui va se passer dans les années suivantes : la tension, de plus en plus grande entre colons et administrateurs de la couronne, gouverneurs et autres magistrats, qui va s'achever dans le sang...en 1773, c'est la Boston Tea Party puis, un an plus tard, la déclaration de guerre, qui aboutira, le 4 juillet 1776, à l'émancipation pure et simple des Etats-Unis d'Amérique. Tout cela, Claire, sa fille et son genre, le savent. Ils savent que plus rien, ensuite, ne sera pareil, que cette guerre et cette indépendance aura des conséquences qu'on ne peut prévoir en 1770, tant sur les populations arrivées d'Europe que sur les populations indiennes. Au milieu de cette angoisse qui ne cesse de les étreindre, le fantôme de Stephen Bonnet continue de flotter sur la famille Fraser et Claire, par le biais de Ian, le neveu de Jamie, en apprend soudainement plus sur le processus des voyages dans le temps...

    Ce cinquième tome de Outlander est le second à se passer en Amérique. Cela fait maintenant un moment que la série s'est transportée du Vieux Continent au Nouveau Monde et a quelque peu perdu de son ambiance initiale si plaisante. Les personnages ont aussi changé et de nouvelles générations, que l'on doit apprendre à connaître, ont fait leur apparition. Quant à Jamie et Claire, dont on a fait la connaissance encore jeunes dans les premiers tomes, sont aujourd'hui bien plus âgés et à la tête d'une belle famille ! ! La vie pourrait être paisible pour eux, dans leurs montagnes, si l'ombre de plus en plus menaçante d'une guerre ne planait pas au-dessus de la quiétude apparente des colonies et, à nouveau, cet événement majeur de l'Histoire mondiale devient pour les personnages un moyen de s'interroger sur leur propre puissance et leur propre capacité à, sinon réécrire l'Histoire, du moins à essayer de sauver et de sauver les siens d'un cahos inévitable et imminent. Malgré leur prescience exceptionnelle du futur, Claire, Brianna et Roger parviendront-ils à changer le cours des choses ? C'est peu probable, mais, avant d'essayer de changer le cours du temps, Brianna et Roger ont déjà comme mission et ce n'est pas la moindre, d'essayer de détourner Claire et Jamie d'un destin funeste et qui approche lui aussi à grands pas. S'ils ne parviennent pas à sauver l'humanité, parviendront-ils au moins à sauver leurs parents ?

    The Boston Tea Party (1773) : l'un des soulèvements les plus importants dans les colonies, annonciateur de la Guerre d'Indépendance


    Tome extrêmement conséquent, La Croix de Feu contient plus de 1500 pages et il est donc difficile de ne pas trouver de longueurs dans un roman d'une telle ampleur. Ce serait mentir que de dire qu'on est captivé du début à la fin car ce n'est pas vrai...ce tome est en effet très très lent à démarrer, mais une fois que l'histoire est amorcée, on se plonge dedans avec enthousiasme et plaisir ! Le génie de Diana Gabaldon, c'est qu'elle parvient toujours à raccrocher les wagons quand ceux-ci auraient la tentation de dérailler ! C'est-à-dire que, dès que l'intrigue s'essouffle un peu, des rebondissements viennent l'étayer qui permettent ainsi de redonner un nouveau souffle à l'attention du lecteur ! Si la première partie, qui permet de poser les bases du récit, n'est pas des plus palpitantes, la seconde partie elle, se lit non pas d'une traite, mais avec une facilité déconcertante, malgré des passages parfois très violents voire assez sinistres, qui alternent sans cesse avec des passages beaucoup plus...chauds, on pourrait même dire torrides, entre Claire et Jamie ou entre Brianna et Roger, qui ne sont pas en reste ! ! Et le soupçon d'humour que l'auteure distille de façon très subtile tout au long des pages n'est pas non plus pour déplaire, bien au contraire, car ces passages bien plus légers permettent de dédramatiser et de contrebalancer les chapitres plus tristes, nostalgiques voire carrément violents.
    La Croix de Feu est, à mon sens, un tome charnière. Nous sommes au début des années 1770, à l'aube d'une ère nouvelle pour le Nouveau Monde. Les anciennes colonies, dépendantes de la métropole, sont en train de prendre leur envol, sont en train de s'émanciper. On ne le sait pas encore à l'époque mais cette désolidarisation de terres coloniales de l'Angleterre sont en train de faire basculer les choses...progressivement, le centre névralgique du monde va quitter l'Europe pour aller se fixer aux Etats-Unis -on en sait quelque chose. En cette seconde moitié du XVIIIème siècle, le monde est en train de changer et s'achemine nettement vers une modernité dont nous sommes les héritiers.
    Au-delà de ces considérations historiques, La Croix de Feu est aussi un tome charnière pour ce qui est des personnages et de l'intrigue en eux-mêmes. Après avoir été laissé un peu de côté, tout en restant latent ceci dit, dans le tome précédent, l'aspect fantastique du roman revient sur le devant de la scène dans ce cinquième tome. Après avoir appris plusieurs notions importantes quant aux voyages dans le temps, notamment de Geillis Duncan, Claire se trouve en possession de nouvelles informations pour le moins capitales...sont-elle annonciatrices d'un nouveau voyage à travers les pierres ? On le saura bientôt avec les tomes suivants qui vont sans nul doute rejoindre ma bibliothèque dès leur sortie ! ! ! ^^

    En Bref :

    Les + : une intrigue captivante, bien menée, avec une trame historique solide et intéressante ; des personnages attachants et une belle réflexion sur le temps qui passe et la capacité de l'homme à influer ou non sur lui.
    Les - :
    un début un peu lent.


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  • « Personne ne se montre plus zélé à préserver la réputation d'une maison qu'un majordome ou une gouvernante. »

    Lizzie Martin, tome 2, La Curiosité est un péché mortel ; Ann Granger

    Publié en 2008 en Angleterre ; en 2014 en France (pour la présente édition)

    Titre original : A Mortal Curiosity

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives)

    360 pages

    Deuxième tome de la saga Lizzie Martin

    Résumé :

    En 1864, Lizzie Martin se rend à New Forest pour servir de dame de compagnie à la jeune Lucy Craven, endeuillée par la mort de son nourrisson. Mais pourquoi cette dernière ne cesse-t-elle de clamer que le bébé lui a été volé ? Pour sa famille, il est clair que Lucy a perdu la raison. Des suspicions bientôt accrues lorsqu'un homme est retrouvé assassiné, la jeune femme couverte de sang à ses côtés. Afin de démêler cette affaire, Lizzie aura bien besoin de toute l'aide de son ami de Scotland Yard, le bel inspecteur Benjamin Ross...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Avec La Curiosité est un péché mortel, Ann Granger nous livre une seconde enquête victorienne d'une valeur certaine.
    Nous sommes en 1864, quelques mois après la résolution de la première enquête menée à Londres par Lizzie Martin et qui portait sur la mystérieuse disparition de l'ancienne dame de compagnie de Mrs Parry, son employeuse. Alors que Lizzie cherche à quitter la demeure de cette dame avec qui elle ne s'entend pas très bien, un poste lui est alors proposé et qu'elle accepte sans hésiter, au grand dam de son ami Benjamin Ross, de Scotland Yard, qui nourrit quelques réserves...
    C'est un nouveau poste de dame de compagnie qui est proposé à Lizzie mais cette fois, à la campagne. Elle doit se rendre dans la New Forest, à Shore House, pour tenir compagnie à la jeune Mrs Craven, qui vit entre ses vieilles tantes dans une maison ennuyeuse mais surtout, qui a connu un deuil terrible quelques mois plus tôt : elle a en effet perdu son enfant nouveau-né et, depuis, il semble que sa raison semble chanceler, la jeune femme clamant partout que son bébé n'est pas mort mais qu'on le lui a enlevé...
    Issue par son père de la famille Roche, Lucy doit se conformer à une respectabilité ancestrale qu'elle met à mal avec ses scandales, à la grande fureur de sa tante, Miss Christina. D'origine rochelaise et protestante, la famille Roche s'est installée en Angleterre après la révocation de l'Edit de Nantes et les persécutions contre les huguenots...basé sur le textile, la soie, plus précisément puis sur le commerce du thé, en pleine expansion au XIXème siècle, l'Empire Roche se fonde aussi sur une respectabilité notoire et que Miss Christina et Mr Charles Roche, oncle et tante de Lucy, ne veulent absolument pas voir entachée...Lizzie est donc engagée pour tenir compagnie à cette jeune femme fragile, rendue paranoïaque et que l'on serait tenté de taxer rapidement de folie. Mais Lizzie va se rendre rapidement compte que la paisible maison de Shore House cache bien des secrets et le paroxysme est atteint lorsque sa jeune pupille est retrouvée devant un corps, les mains et la robe ensanglantées...Commence alors pour la perspicace Lizzie une enquête des plus haletantes pour faire éclater la vérité et réhabiliter la jeune Lucy...
    Ce deuxième opus des aventures policières de Lizzie Martin et de Ben Ross est plutôt un bon cru, un roman policier de qualité, très british, mais c'est cela aussi qui fait son charme ! ! Et puis il n'y a pas à dire, l'époque victorienne se prête vraiment très très bien comme cadre à une enquête policière, tout comme la haute société anglaise, très guindée et assise sur des principes ancestraux et immuables...et les Roche, malgré leur ascendance française, ne dérogent pas à la règle ! ! L'époque victorienne, c'est aussi un cadre historique très riche, avec l'industrialisation du pays en fond, qui permet notamment une réflexion sur le travail à la chaîne, les conditions de travail dans les manufactures et les mines de charbon...et, à travers un personnage comme Charles Roche, gros industriel qui, sans être forcément mauvais, assoit son pouvoir et sa fortune sur l'avilissement de populations nécessiteuses, Ann Granger n'hésite pas d'ailleurs, à travers les yeux de Lizzie mais aussi de son compagnon Ben, ancien enfant des mines du Derbyshire, à dresser un portrait plutôt critique d'une époque faste mais cruellement inégalitaire -il n'y avait cela pas qu'en Angleterre que cela se passait ainsi, et de loin...
    Donc, pour ce qui est du contexte historique, on peut dire qu'il est franchement bien restitué et sert de base solide à l'intrigue policière. Simple et efficace, elle se déroule sous les yeux du lecteur et fait monter la tension, petit à petit, Ann Granger distillant le suspense avec beaucoup de soin ! ! De fait, il est difficile de lâcher le bouquin ! !
    Le seul bémol que je soulèverais -et que je déplore-, c'est la distance entre le personnage de Lizzie, qui est quand même l'héroïne, et les lecteurs. En effet, si Ben Ross, que l'on voit moins souvent qu'elle, est plutôt attachant, il n'en est pas de même pour Lizzie qui ne suscite pas vraiment la sympathie. Jeune femme directe, très sûre d'elle, elle l'est d'ailleurs parfois un peu trop, ce qui peut être gênant. Les personnages qui ne doutent jamais peuvent devenir lassants...on peut dire que Lizzie a les qualités de ses défauts mais, malheureusement, il est très difficile de s'attacher et de vibrer avec elle par une trop grande froideur et c'est dommage...Espérons que la suite me détrompe car c'est tout ce que je demande ! ! La saga d'Ann Granger est en effet de qualité et n'y aurait ce manque d'affection flagrant que Lizzie suscite, elle pourrait vraiment être très très bien ! !
    Bref, si j'ai vraiment apprécié ce tome pour lui-même et notamment pour tous les problèmes sociaux qu'il soulève et le sujet traité en filligrane -le trafic d'enfants, qui n'est donc pas une triste nouveauté-, il me donne aussi très envie d'être curieuse et de me plonger rapidement dans les prochains volumes de la saga ! !

    En Bref :

    Les + : l'époque victorienne bien retracée par l'auteure, le style de cette dernière également et l'enquête policière de qualité.
    Les - :
    la froideur de l'héroïne et la distance qui s'instaure de fait avec le lecteur, ce qui est dommage.


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  • #13  : Henry VIII d'Angleterre (1491-1547)

     

    Portrait d'Henry VIII par Hans Holbein le Jeune (1537)

    I. Un jeune prince qui ne devait pas devenir roi

     

    Les parents d'Henry VIII : Elizabeth d'York, dite Bessie et Henry VII Tudor

    Henry, fils d'Elizabeth d'York et Henry VII Tudor, roi d'Angleterre depuis 1485, naît le 28 juin 1491 au palais de Placentia, à Greenwich, près de Londres. Par son père, il est apparenté aux rois de France : en effet, Edmond, son grand-paternel, était le fils de Owen Tudor et de Catherine de Valois, qui était aussi la mère du roi Henry VI Plantagenêt, roi fou détrôné par la famille York durant la Guerre des Deux-Roses. Par sa mère, surnommée Bessie d'York, il descend des rois York, Edouard IV et Richard III, dont elle était la nièce. Après la mort de son père, en 1509, Henry va devenir roi, son frère aîné Arthur étant mort avant de pouvoir accéder au trône : il sera le second roi de la dynastie Tudor, qui s'achèvera en 1603 à la mort de sa fille, Elizabeth Ière, restée célibataire. 
    Dans son enfance, Henry est titré duc d'York, les titres de duc de Cornouailles et de prince de Galles ne revenant qu'à l'aîné des fils. Or, Henry a un fils aîné : il n'est donc techniquement pas amené à régner un jour sur l'Angleterre. En 1501, son père Henry VII, soucieux de renforcer les liens entre l'Angleterre et l'Espagne, décide de marier son fils aîné et héritier, Arthur, à Catherine d'Aragon, âgée de 16 ans, qui est la fille des Rois Catholiques de Castille et d'Aragon, Isabelle et Ferdinand. Le jeune couple part pour le château de Ludlow, résidence habituelle du prince de Galles. C'est là que le jeune Arthur, âgé de 15 ans, contracte une maladie qui va l'emporter. On ne sait pas s'il meurt de suette, de diabète ou de tuberculose, quoi qu'il en soit, l'héritier d'Angleterre vient de mourir. Lorsqu'on est sûr que Catherine d'Aragon, jeune veuve d'Arthur, ne porte pas d'enfant de lui, les titres de duc de Cornouailles et de prince de Galles reviennent à son jeune beau-frère, Henry, âgé de dix ans.
    La mort de son héritier met Henry VII dans une position fâcheuse. Le mariage espagnol n'a plus lieu d'être, or, le roi d'Angleterre ne se résout pas à renvoyer la veuve de son fils en Espagne, chez elle. Pour préserver l'alliance entre les deux royaumes, anglais et espagnols, on songe alors à marier le jeune Henry à sa belle-sœur Catherine. Elle sera la première de ses six femmes. Pour que le mariage soit célébré, il faut s'assurer que le précédent mariage n'a pas été consommé et peut être, par conséquent, considéré comme nul et non avenu ou bien recevoir un accord du pape équivalant à une dispense. Catherine jure solennellement que sa précédente union avec Arthur d'Angleterre n'a pas été consommé, assertion qui est confirmée par sa duègne espagnole, Doña Elvira Manuel. Néanmoins, les deux familles estiment qu'une dispense papale est nécessaire pour clarifier absolument la situation : en effet, une dispense du pape permettrait d'ôter tous les doutes possibles. Sous la pression d'Isabelle, la mère de Catherine, le pape accorde en urgence une dispense qui constate la virginité de la jeune Catherine, 14 mois après son veuvage.

    Henry VIII âgé de dix-huit ans (1509)

    II. Roi d'Angleterre

    En 1509, Henry monte sur le trône, que lui laisse son père, qui vient de décéder. Il épouse Catherine, neuf semaines après son accession au trône. Le mariage a été appuyé personnellement par Ferdinand, le père de la jeune épousée, qui désire contrôler l'Angleterre. Malgré les inquiétudes du pape Jules II et de l'archevêque de Canterbury, William Warham, le mariage est tout de même célébré, le 11 juin 1509. Henry a alors 19 ans, Catherine en a 25, mais il semble que le jeune roi soit alors très amoureux de son épouse. En 1510, la reine est enceinte pour la première fois mais la grossesse se termine par une fausse-couche. Le 1er janvier 1511, Catherine accouche d'un garçon mais qui ne vit qu'un mois et demi et meurt le 22 février.
    Henry VIII est monté sur le trône d'Angleterre le 22 avril 1509. Il prend le titre de roi d'Angleterre, d'Irlande et de France. Pourquoi de France ? Tout simplement parce que le traité de Troyes, en 1420, signé par Isabeau de Bavière et son époux, le roi Charles VI le Fol, octroyait la couronne française aux souverains anglais. Malgré la reconquête de la couronne par Charles VII, aidé en cela par Jeanne d'Arc, les rois d'Angleterre, successeurs d'Henry V, premier bénéficiaire de ce traité, se considèreront comme souverains effectifs de France. Son premier acte de roi est de faire enfermer à la Tour de Londres, sinistre prison de la capitale anglaise, Richard Empson et Edmund Dudley, les deux ministres les plus impopulaires de son père, qui avaient notamment imposé de lourdes taxes aux nobles. Il les accuse de haute trahison et les condamne à l'échafaud : il seront décapités en 1510. Henry s'entoure, pour régner, de William Warham, archevêque de Canterbury et de Richard Fox, évêque de Winchester, lord du Sceau privé, qui garderont la mainmise effectivement sur les affaires du royaume pendant deux ans.
    En 1511, un nouvel ecclésiastique fait son apparition dans l'entourage du jeune roi : il s'agit de Thomas Wolsey, qui va devenir le plus proche conseiller d'Henry VIII. Cette même année, le roi d'Angleterre rejoint la Sainte Ligue, coalition de plusieurs souverains contre le roi Louis XII de France, qui continue sa conquête de l'Italie. Cette ligue comprend donc Henry VIII mais aussi le souverain pontife Jules II, Maximilien Ier, souverain du saint-Empire et Ferdinand II, qui est le propre beau-père du roi d'Angleterre. Avec ce dernier, Henry signe également le traité de Westminster, en 1511. En 1514, Henry se retire pourtant de l'alliance, ce qui entraîne la signature de la paix avec Louis XII. Pour sceller cette nouvelle entente, Henry donne au roi de France vieillissant, qui vient de perdre son épouse Anne de Bretagne, morte de la gravelle, sa jeune et flamboyante sœur, Mary Tudor, en mariage. La brouille qui s'ensuit avec l'Espagne met à mal, par contre, le propre mariage d'Henry VIII avec Catherine. Le roi songe même à l'annuler. Mais, en 1515, après l'accession au trône, en France, de François Ier, la France et l'Angleterre redeviennent ennemies. Henry VIII et son beau-père Ferdinand II -qui règne effectivement seul sur l'Espagne depuis la mort de son épouse Isabelle-, se réconcilient. En 1516, la reine Catherine, de nouveau enceinte, accouche d'un enfant qui va survivre. Il s'agit d'une petite princesse, prénommée Mary, ce qui encourage le roi dans son espoir d'avoir un jour un héritier mâle. Jusqu'ici, tous les espoirs du roi et de la reine s'étaient soldés par des échecs : un enfant était mort-né, la première grossesse de Catherine n'avait pu être menée à terme et deux autres enfants étaient morts en bas âge. En 1516, Ferdinand II meurt et c'est son petit-fils, enfant de sa fille Jeanne de Castille et de Philippe le Beau qui lui succède : il s'agit du fameux Charles-Quint. En 1518, Wolsey conseiller du roi, fait en sorte que le traité de Londres, en fait oeuvre de la papauté, apparraisse comme un véritable triomphe diplomatique de l'Angleterre, qu'il présente comme le pays au centre de la nouvelle alliance européenne, dans le but non dissimulé de freiner l'influence grandissante de l'Espagne. En 1519, lorsque l'empereur de Saint-Empire, Maximilien, meurt, Wolsey, devenu entre-temps cardinal, propose, secrètement, Henry VIII comme candidat au trône impérial, tout en soutenant publiquement le roi de France. Mais c'est le neveu de Catherine, le jeune Charles, qui est finalement choisir par les princes-électeurs : le jeune homme va asseoir, pour près de deux siècles, l'influence de la famille Habsbourg sur l'Espagne et les terres espagnoles. Par la suite, durant l'opposition que se livrèrent Charles-Quint et le roi de France, Henry VIII joua le rôle d'arbitre et chacun des deux souverains essaya de chercher son appui. Entre le 7 et le 24 juin 1520, François Ier et Henry VIII se rencontrent lors du spectaculaire Camp du Drap d'Or, où les deux souverains étalent chacun leurs richesses pour impressionner l'autre. Une promesse d'alliance est plus ou moins mise en place entre la France et l'Angleterre, les deux rois projettant de marier la jeune Mary d'Angleterre à Henri, fils de François Ier et Claude de France. Mais, dès 1521, l'alliance anglaise, forgée en sous-main par Wolsey, commence à décliner. Henry VIII s'allie avec le neveu de son épouse, Charles-Quint, par le traité de Bruges. Peu de temps plus tard, en février 1525, François Ier est défait sous les murs de Pavie, en Italie : terrible défaite après la flamboyante victoire de Marignan en 1515. Cette défaite de la France permet à l'influence anglaise de se maintenir tant bien que mal en Europe.
    En ce qui concerne la religion, Henry VIII ne cache pas son hostilité pour la Réforme protestante, qui commence à prendre forme en ces premières décennies du XVIème siècle. Le roi n'hésite d'ailleurs pas à invectiver, dans une lettre, l'ancien moine allemand Martin Luther, qui prêche cette nouvelle doctrine. En juillet 1521, il fait même parvenir au pape son traité Assertio septem sacramentorum, rédigé avec l'aide de son secrétaire, Thomas More. Cela lui vaut, de la part du pape, le titre de Defensor Fidei, autrement dit, « Défenseur de la foi », décerné par le pape Léon X, le soutien d'Erasme et les injures de Luther. Le roi d'Angleterre prend également le titre d'illustrissimus, c'est-à-dire de « très illustre », qu'il conservera même après la rupture d'avec Rome et qui existe encore aujourd'hui.
    Mais, même si Henry VIII considère de façon négative les idées réformatrices venues d'Allemagne, il s'inquiète tout de même de l'influence de Rome et aimerait se substituer au pape, en ce qui concerne la direction des affaires de l'Eglise en Angleterre. Thomas Wolsey, bien que cardinal de l'Eglise romaine, partage les vues du roi et l'encourage à s'émanciper de la tutelle romaine. Sans problème, le peuple d'Angleterre s'habitue en douceur à la suprématie que prend le gouvernement royal sur le plan spirituel. Henry VIII et son conseiller vont tout de même rester fidèles à l'orthodoxie romaine.

    INTERMÈDE LXXV

     

    Henry VIII (Jonathan Rhys-Meyer) et Ann Boleyn (Natalie Dormer) vu par la série The Tudors


    Mais, en 1527, tout bascule. L'alliance avec Charles-Quint est compromise lorsque celui-ci choisit de ne pas épouser Mary Tudor, la fille d'Henry, après qu'elle lui ait été promise. De plus, la situation dynastique de l'Angleterre est précaire : seule Mary a survécu, aucun des autres enfants du couple n'ayant dépassé l'âge d'un an. Le roi n'a pas de fils et n'en aura sûrement pas de son épouse Catherine, dont l'âge trop avancé ne lui permet plus de tomber enceinte. C'est alors que le roi tombe amoureux d'une jeune dame d'honneur de son épouse, élevée en France. Il avait été l'amant de sa soeur, Mary Boleyn. Cette jeune dame d'honneur, il s'agit d'Anne Boleyn. Plus jeune que la reine, Henry pressent qu'elle pourra lui donner ce fils qu'il souhaite tant et décide de l'épouser. Seulement, la reine Catherine refuse de se voir évincée, elle qui a été mariée devant Dieu au roi d'Angleterre et le pape n'est pas non plus enclin à déclarer le mariage d'Henry VIII et Catherine d'Aragon nul et invalide car il souhaite ménager Charles-Quint. L'affaire va traîner pendant deux années, jusqu'à l'automne 1529. Poussé par les partisans d'Anne, Henry VIII va finalement retirer son estime à Wolsey, qu'il estime responsable de l'échec des pourparlers avec la curie romaine. Le roi fait démettre son ancien conseille de ses fonctions de Lord-Chancelier. Le schisme avec Rome va alors devenir inévitable. D'autant plus qu'Anne Boley, bien-aimée très écoutée du roi, ne cesse de lui vanter les mérites de la Réforme protestante, qu'il condamnait pourtant si ouvertement quelques années plus tôt. C'est Thomas More qui reprend le poste de Chancelier, laissé vacant par Wolsey. Partisan fervent de Rome, il ne peut empêcher l'influence grandissante de Thomas Cromwell, secrétaire du roi et de Thomas Cranmer, professeur à l'université de Cambridge, qui se prononcent en faveur de l'annulation mais aussi du schisme avec Rome, qui ne semble pas vouloir donner au roi ce qu'il souhaite. En septembre 1530, le pape Clément VII, qui avait été précepteur de Charles-Quint, oppose un refus catégorique et définitif à la demande d'annulation du mariage entre le roi et la reine d'Angleterre. La jeune princesse Marie Tudor, dont la position était menacée par l'éventuelle annulation, reste l'unique héritière du royaume. Cette décision va précipiter le schisme qui séparera l'Angleterre de l'Eglise apostolique et romaine. Le 11 février 1531, l'archevêque de Canterbury, Warham, proclame solennellement : « Nous reconnaissons que Sa Majesté est le Protecteur particulier, le seul et suprême seigneur et, autant que la loi du Christ le permet, le Chef suprême de l'Église et du clergé d'Angleterre. » Cet évènement est à l'origine de la religion anglicane, qui est encore, de nos jours, celle des souverains anglais. Au début de l'année 1533, la jeune Anne Boleyn, favorite d'Henry, annonce qu'elle est enceinte. Le roi décide que cet enfant ne sera pas un bâtard et doit naître dans la légitimité. Il épouse Anne dans l'intimité et nomme Thomas Cranmer archevêque de Canterbury. Ce dernier valide l'union le 23 mai 1533. Le 11 juillet suivant, le pape Clément VII fulmine une bulle d'excommunication contre Henry VIII, Anne Boleyn et Thomas Cranmer. La rupture est consommée.
    Au mois d'octobre 1533, Anne Boleyn donne naissance à une fille. Nouvelle déception pour Henry, qui s'attendait à un garçon. Il avait déjà eu un enfant mâle de l'une de ses maîtresses, Elizabeth Blount. Le petit avait été surnommé Henry FitzRoy, mais il ne pouvait être considéré comme un héritier légitime. L'enfant d'Anne est prénommée Elizabeth : ce sera Elizabeth Ière. Le roi commence peu à peu à se lasser d'Anne, qui ne parvient pas à lui donner d'enfant mâle. En 1534, elle fait une fausse-couche, puis une seconde en janvier 1536 : Anne perd un enfant de sexe masculin mais mal formé. Celle-ci va signer la perte de la reine. En effet, la malformation de l'enfant fait croire au roi qu'il ne peut être son géniteur et donc, qu'Anne l'a trompé. Arrêtée pour adultère, inceste et complot contre l'Etat, Anne est incarcérée à la Tour de Londres, avec son père et son frère George Boleyn, lord Rochford, avec lequel elle est suspectée d'avoir eu une liaison incestueuse. George Boleyn est décapité à la Tour de Londres, tandis que son père, Thomas, est libéré. Anne aura le privilège d'être décapitée à l'épée, comme en France, ce qui entraînait une mort plus douce -tout est relatif- qu'une exécution à la hache. Comme Mary Tudor, fille de Catherine d'Aragon, avant elle, la petite Elizabeth, un temps déclarée héritière de son père, est désormais considérée comme une bâtarde.

    INTERMÈDE LXXV

     

    Les six épouses d'Henry VIII : de gauche à droite, Catherine d'Aragon, Ann Boleyn, Jane Seymour, Anne de Clèves, Katherine Howard et Katherine Parr


    Un peu avant la mort d'Anne, Henry VIII avait rencontré une douce jeune femme qui lui avait plu : il s'agit de Jane Seymour, qu'il va épouser après la mort d'Anne, le 30 mai 1536, une quinzaine de jours après qu'Anne Boleyn soit montée à l'échafaud. Elle est déclarée reine d'Angleterre le 4 juin 1536 et tombe enceinte quelques temps plus tard. En 1537, elle donne naissance à un enfant mâle qui va survivre : il s'agit du futur Edouard VI. Mais la reine Jane succombe à la suite de ses couches, d'une fièvre puerpérale probablement due à une infection. Attristé, le roi va attendre plusieurs années avant de se remarier.
    De plus, à ce moment-là, le caractère et la santé du roi commencent à se dégrader. Henry VIII devient de plus en plus irritable et autoritaire. Suite à une blessure reçue à la jambe lors d'une joute équestre et qui ne guérit pas, se transformant en ulcère, le roi souffre continuellement et ne peut plus pratiquer d'activité physique. Souffrant d'obésité, le jeune homme athlétique laisse place à un homme de près de 136 kg, ce qui lui cause de sérieux problèmes de mobilité.
    En 1538, obsédé par l'idée que son trône est menacé, il fait assassiner Henry Pole, baron Montagu et sa mère, lady Salisbury, fille de George, duc de Clarence, frère des rois Edouard IV et Richard III. En 1539, il fait monter à l'échafaud un autre de ses cousins, Henry Courtenay, marquis d'Exeter. Ces exécutions permettent d'éliminer les derniers prétendants au trône issus de la dynastie des York. Cette même année, alors qu'il règne depuis trente ans, il ordonne la construction d'une nouvelle résidence royale, le Palais de Sans-Pareil, qui ne sera jamais achevé.
    En 1540, poussé par Thomas Cromwell qui souhaite voir l'Angleterre s'allier avec les protestants, Henry accepte le mariage avec Anne de Clèves, sœur du duc de Clèves. C'est la quatrième fois qu'il convole en justes noces. Sans explication, Henry se prend d'horreur pour cette jeune femme et ne consommera pas le mariage. Il finit par la répudier six mois plus tard pour épouser la jeune et pétillante Katherine Howard, cousine d'Anne Boleyn. Comme elle, la jeune reine monte sur l'échafaud en février 1542 pour adultère : elle a trompé le roi avec l'un des officiers de la Maison du Roi, Thomas Culpeper. L'exécution de ses deux épouses vaudra à Henry VIII le surnom de Barbe-Bleue anglais.
    En 1543, alors que sa santé décline rapidement, Henry VIII se marie pour la sixième et dernière fois, avec Catherine Parr, qui lui survivra. Elle épousera par la suite un frère de Jane Seymour et mourra en couche en 1548. En 1544, Henry VIII mène une dernière guerre contre les Français. Allié à Charles-Quint, il s'empare de Boulogne, qui sera reconquise en 1547 par les troupes d'Henri II. En 1545, en guise de représailles, les Français tente d'envahir l'Angleterre mais sans succès et, l'année suivante, les deux rois vieillissants, Henry VIII et François Ier, font finalement la paix, grâce au traité d'Ardres. Ils vont mourir tous les deux la même année, en 1547, à deux mois d'intervalle. Henry VIII meurt au palais de Whitehall, à Londres, le 28 janvier 1547. Il est probable qu'il ait succombé à un diabète de type 2.

    Une représentation d'Henry VIII en famille vers 1545 : à gauche, sa fille Lady Mary, à droite, Lady Elizabeth, au centre, le roi avec le prince Edouard et la reine Jane Seymour représentée de façon posthume

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

     

    Pour en savoir plus :

    -Les Tudors, Liliane Crété. Essai historique.
    -Les Tudors, Jane Bingham. Essai historique illustré.
    -Le Crépuscule des Rois (tomes 1 à 3), Catherine Hermary-Vieille. Romans historiques.
    -Henri VIII, Georges Minois. Biographie.
    -Henri VIII, Aimé Richardt. Biographie.
    -Deux Sœurs pour un Roi, Philippa Gregory. Roman historique.

     

     


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  • « Tous les grands noms sont sortis d'un autre, nettement plus petit. Même ceux des rois. »

    La Florentine, Intégrale, tome 1, Fiora et la Vengeance ; Juliette Benzoni

    Publié en 2012

    Editions Pocket

    885 pages

    Premier tome de l'intégrale de la saga La Florentine

    Comprend : Fiora et le Magnifique ; Fiora et le Téméraire

    Résumé :

    Bourgogne, an 1457. De passage à Dijon, Francesco Beltrami, riche marchand florentin, assiste à l'exécution de deux jeunes amants accusés d'inceste. Bouleversé, Beltrami sauve l'enfant de ces amours illégitimes : Fiora. La jeune fille, d'une inégalable beauté, connaîtra, dans la Florence de Lorenzo de Médicis, la douceur de la vie de palais, mais aussi de cruels revers de fortune lorsque le meurtre de son père adoptif la jettera sur les routes. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1457, un jeune marchand florentin de passage à Dijon assiste à l'exécution publique de deux jeunes personnes. Jean et Marie de Brévailles sont frère et sœur, mais ils ont aussi été convaincus d'inceste -et d'adultère pour la jeune dame-, et l'époux de Marie n'a eu de cesse de les faire condamner. Le jeune marchand, Francesco Beltrami, tombe en admiration devant la beauté foudroyante de la jeune condamnée et, en se renseignant sur elle, il apprend que, cinq jours seulement avant son exécution, la jeune Marie a donné naissance à une petite fille, vouée à une vie d'orpheline et d'indigente à l'hospice. A cause de cet amour irraisonné qu'il a voué tout de suite à Marie, Francesco décide qu'il ne quittera pas la capitale des Ducs de Bourgogne sans la petite fille, qu'il sauve d'une mort certaine. Cette enfant, il va la ramener dans sa ville, Florence, en faire sa fille et lui donner un prénom. La fille incestueuse de Jean et Marie de Brévailles devient Fiora Beltrami, notre future héroïne.
    Dix-sept ans plus tard, la jeune fille est devenue l'une des étoiles de Florence, ex-aequo avec la flamboyante Simonetta Vespucci, modèle de Botticcelli et belle amie de Giuliano de Médicis, frère du Magnifique. Le père de Fiora a fait fructifier son négoce et il est devenu l'un des marchands les plus prospères de la ville toscane ainsi qu'un banquier possédant des comptoirs un peu partout en Europe. Fiora, amoureuse folle de Giuliano de Médicis, profite des fêtes données par la famille pour l'apercevoir et est devenue, grâce à l'éducation de son père, une parfaite humaniste, connaissant sur le bout des doigts ses classiques latins et grecs. Tandis qu'ailleurs en Europe, les anciennes nations pansent leurs plaies, surtout la France, qui se relève doucement de la guerre qui l'a oppposée pendant cent-seize ans à l'Angleterre sa voisine, en Italie fleurit déjà ce courant érudit qui va bientôt se répandre partout en Europe et donner le jour à ce que l'on appelle la Renaissance. A Florence, en cette fin de XVème siècle, sous la férule plutôt bienveillante de la famille Médicis, l'art pictural devient art de vivre, on redécouvre celui des Étrusques et des Romains avec un plaisir non feint. C'est dans ce monde en pleine effervescence que Fiora évolue, mais plus pour longtemps, car bientôt, des malheurs sans nom vont s'abattre sur la jeune femme, dont la naissance maudite va être révelée. Alors qu'elle doit faire face à la mort de son père, Fiora, toute jeune fille encore, comprend qu'on en veut à sa vie à elle aussi -et à sa fortune-, et décide donc de quitter Florence pour la France, où elle va aller se réfugier auprès du roi Louis XI. De là, elle gagnera sa terre natale de Bourgogne où elle souhaite rencontrer le duc, Charles, dit le Téméraire, afin de se venger d'avoir laissé l'un de ses meilleurs sujets, Jean de Brévailles, monter sur l'échafaud sans même solliciter sa grâce...C'est alors le début d'une course folle et d'années d'errance pour la jeune femme qui va découvrir les cruautés d'un monde qu'elle ne soupçonnait pas.

    Panorama de Florence, avec le dôme de Santa Maria dei Fiori (le Duomo), créé par Brunelleschi


    Ce n'est pas un hasard si Juliette Benzoni situe la naissance de son héroïne en 1457. Ainsi, la jeune Fiora a dix-huit ans en 1475, une période florissante pour Florence puisque c'est celle du Magnifique -Lorenzo de Médicis-, mais aussi celle de la chevauchée fantastique du duc Charles le Téméraire à travers ses Etats, dans l'espoir de reformer l'ancien royaume de Lotharingie et de relier ainsi, par le verrou que deviendrait la Lorraine, ses terres bourguignonnes proprement dites, qui ont Dijon pour capitale et les Flandres qui s'articulent autour de grandes villes marchandes comme Gand, Bruxelles ou Bruges. Devenus de véritables souverains, les ducs de Bourgogne, que l'on surnomme à cette époque les Grands Ducs d'Occident -cela veut tout dire-, deviendraient ainsi les égaux de l'Empereur dont les terres sont voisines mais surtout, prendraient en tenaille ce royaume de France qu'ils renient (la dynastie bourguignonne est cependant issue d'un rameau capétien puisque l'apanage avait été offert par le roi Jean II le Bon lui-même, en 1356, à son fils cadet Philippe, pour sa conduite durant la bataille de Poitiers et Charles le Téméraire était un descendant direct de ce premier duc d'ascendance royale et qui possédait donc saint Louis comme ancêtre, à l'instar de son ennemi juré, Louis XI). C'est donc dans cette effervescence, artistique d'une part, puis guerrière d'autre part que Fiora Beltrami, assoiffée de vengeance, va évoluer pendant plusieurs mois, jusqu'à approcher celui dont le rêve va tragiquement prendre fin devant Nancy un matin glacial de janvier 1477...

    Charles de Bourgogne, dit Le Téméraire


    Avec cette saga, nous voyageons d'un point à un autre sans beaucoup nous arrêter, au gré des pérégrinations de Fiora. Alors que Juliette Benzoni nous avait habitué à des sagas aventureuses certes, mais plus statiques -je pense notamment à ses sagas se passant au XVIIème siècle et qui prennent corps seulement en France, entre Paris et quelques châteaux et cités de province-, là, pour le coup, nous voguons de Florence à Paris, de Paris à Dijon et de Dijon à la Suisse avant de revenir en faisant un petit crochet par ce val de Loire où la vie est si douce et que Louis XI, en précurseur des rois du XVIème siècle, affectionnait tout particulièrement. Après un début relativement calme, c'est un déluge d'aventures qui s'abat sur la tête d'une jeune femme mal préparée à une vie dangereuse, alanguie qu'elle est dans les plaisirs et la culture de Florence...mais pourtant, elle fera courageusement face et Fiora, durant cette errance à travers des pays en guerre et en contact avec ces derniers représentants d'une chevalerie qui lui est complètement étrangère, va en apprendre bien plus qu'elle ne le croyait sur les hommes et l'Histoire de son temps.
    Solidement documenté, ce premier tome de l'intégrale de La Florentine est plutôt intéressant à lire, même si l'accumulation de rebondissements finit par être un peu lassante et à rendre justement lesdits rebondissements quelque peu invraisemblables. Des dialogues un peu ampoulés alourdissent parfois un peu le récit qui mériterait des parties dialoguées plus directes et sans aucune fioritures. Cela dit, la partie plus narrative rattrape un peu ces désagréments.
    Bref, malgré ces quelques inégalités, les deux premiers tomes de la saga, Fiora et le Magnifique et Fiora et le Téméraire, réunis en un seul roman, sont plutôt intéressants à découvrir et, même si l'on ne s'attache pas de façon inconditionnelle à l'héroïne, il est tout de même plaisant de la suivre tout au long de ces années difficiles mais aussi formatrices pour elle.

    En Bref :

    Les + : une intrigue intéressante, basée sur une histoire solide et bien documentée.
    Les - : des dialogues un peu ampoulés ; des rebondissements trop nombreux et parfois invraisemblables.


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  • « Pour moi, entrer en amitié c'est comme entrer en religion. Cela crée des obligations et un lien véritable. L'amitié, vois-tu, c'est l'amour sans ailes. »

    La Florentine, Intégrale, tome 2 : Fiora et l'Amour

    Publié en 2012

    Editions Pocket 

    824 pages 

    Second tome de l'intégrale de la saga La Florentine

    Comprend Fiora et le Pape ; Fiora et le Roi de France

     

    Résumé :

    Lovée dans l'exquis manoir tourangeau dont Louis XI lui a fait don, Fiora attend la naissance de son enfant lorsqu'elle apprend une terrible nouvelle : son époux le Bourguignon rebelle a été condamné à mort pour avoir refusé de se rallier à la France.                                                                     Effondrée, Fiora devra pourtant vite se relever pour affronter ceux qui désirent sa perte. Bientôt, elle retrouvera Florence et les Médicis. Mais le destin lui réserve encore bien des surprises.  

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Après ses pérégrinations en Bourgogne, où elle a retrouvé son époux, Fiora, dans le calme d'une petite maison de Touraine, gracieusement offerte par Louis XI, attend sereinement la naissance de son premier enfant. Enfin...sereinement est beaucoup dire car, dans la mesure où l'existence de la jeune femme s'est un peu calmée depuis la mort du Téméraire et son propre retour en France, elle n'a pas de nouvelles de son époux, resté en Bourgogne et ayant dans l'idée d'aller proposer son épée et ses services à la fille du duc Charles, Marie de Bourgogne...
    Et Fiora n'aura pas beaucoup de temps pour se familiariser à sa nouvelle maternité, car les soucis ne sont pas loin...alors que son petit garçon n'a que trois mois, la voilà soudain enlevée dans son petit ermitage des bords de Loire et sur ordre de qui ? Mais du pape lui-même ! Alors qu'elle croyait avoir quitté l'Italie sans espoir de retour, voilà Fiora en route vers Rome, où elle va rencontrer Sa Sainteté, le pape Sixte IV, encouragé en cela par une ennemie mortelle de Fiora, qui ne cherche qu'à lui nuire. Dans la Ville Éternelle, où les ruines des palais antiques voisinent avec celle, bien plus exubérantes, des demeures des grandes familles -Colonna, Orsini, Censi, Riario-, qui se déchirent, enfin dans cette Rome corrompue par l'argent et le crime, Fiora va faire la connaissance d'hommes sans scrupules et prêts à tout pour leur propre gloire, à commencer par le pape et sa coterie, formée par sa grande famille. Elle va aussi susciter l'intérêt, belle comme elle est, d'un prélat pas comme les autres -quoique...- et qui accédera au pontificat quelques années plus tard, un prélat venu d'Espagne et qui répond au célèbre nom de Rodrigo Borgia. Mais Fiora va aussi faire la connaissance d'une jeune fille douce et gentille, la petite Caterina Sforza, qui n'est pas encore la maîtresse femme qui soutiendra, plusieurs années plus tard, le siège de Forli contre Cesare Borgia. Cette jeune fille, mariée de force à l'un des neveux du pape, un Riario, a cependant toute l'affection de Sa Sainteté et elle va essayer de sauver Fiora des chausse-trappes la guettent dans la ville papale. C'est elle, ainsi, qui avertit la jeune florentine des dangers qui guettent les Médicis, sagement retranchés dans leur superbe ville. Nous sommes en 1478 et un événement tragique -et avéré- ne va pas tarder à ensanglanter la ville au Lys Rouge : en effet, cet épisode, qui restera dans l'Histoire sous le nom des « Pâques Sanglantes » ou de « Conjuration des Pazzi », approche doucement...les Pazzi, famille florentine offensée par les Médicis, n'a de cesse de se venger d'eux et, avec l'appui du pape, qui arme leur main, les membres de la lignée vont essayer d'assassiner les deux frères, Lorenzo et Giuliano, lors de l'office de Pâques 1478. C'est le cadet, Giuliano, qui n'en sortira pas vivant tandis que Lorenzo fera peser une terrible justice sur les conjurés...prévenue de ce complot qui se trame contre ceux pour qui elle a toujours eu de l'estime, Fiora décide de courir, à bride abattue, vers Florence, afin de prévenir à temps les deux frères...et si elle n'y parvient pas, elle devient, quelques temps plus tard, elle que l'on avait traitée publiquement en paria, le plus beau joyau de Florence en suscitant et en répondant à l'amour du Magnifique...

    Portait de Lorenzo de Médicis (portait anonyme)


    Mais les aventures ne sont pas terminées pour Fiora, qui va repartir sur les routes pour essayer de retrouver cet époux perdu de vue depuis des mois et qu'elle croyait mort et qui va devoir encore, avant de pouvoir goûter enfin à la paix, affronter un dernier ennemi en la personne du barbier de Louis XI, le fourbe Olivier le Daim...
    Ce deuxième volume des aventures de Fiora est un peu moins foisonnant que le premier et il est plus facile de s'y plonger. On se laisse entraîner avec un peu plus de passion dans cette nouvelle intrigue qui se noue enn Italie -elle est plus intéressante que celle ayant pris part entre l'héroïne et le Téméraire-, et c'est aussi avec plaisir que l'on retrouve les splendeurs de Florence, même si la ville n'est plus la même depuis l'affreuse mort de Giuliano sur les dalles de Santa Maria dei Fiori. Certaines péripéties, tout comme dans le premier volume, sont cependant encore une fois un peu invraisemblables...enfin disons que trop d'aventures et de péripéties finissent justement par tuer les aventures et les péripéties et c'est un peu dommage car cela enlève quelque charme à une intrigue plutôt originale et bien traitée, avec des bases historiques solides. Encore une fois j'ai déploré, parfois, des dialogues un peu ampoulés qui alourdissent malheureusement la narration. Pour autant, le roman est mené tambour battant, avec moins de longueurs que dans le premier volume et malgré quelques intrigues un peu téléphonées, on se laisse volontiers emporter dans cet univers bien particulier. Fiora devient malheureusement un peu insupportable au lecteur à mesure que l'intrigue avance. Cette jeune femme a certes beaucoup de courage pour affronter tout ce qui lui tombe sur la tête brutalement mais ses réactions parfois un peu puériles finissent par agacer. Pour ce qui est de sa relation avec le roi Louis XI, parfois peu crédible, elle dessert aussi un peu le récit, ce qui est dommage. Cela dit, on est content pour elle que le dénouement de ses aventures ne se finisse pas comme elles ont commencé et le happy end, attendu mais presque nécessaire dans ce genre de récit, est le bienvenu.
    Bref, une saga en demi-teinte, ni excellente, ni médiocre pour autant. Le sujet est original, sinon innovant. Mais quelques lourdeurs de style et des invraisemblances malheureuses la desservent. Cela reste cependant une bonne lecture historique, à conseiller aux amateurs du genre mais aussi aux lecteurs qui aiment les aventures.

    Le roi de France, Louis XI (portrait anonyme du XVème siècle)

     

    En Bref :

    Les + : l'intrigue encore une fois et la façon inimitable de Juliette Benzoni de nous raconter des histoires.
    Les - : des dialogues lourds, des rebondissements un peu téléphonés et une héroïne qui devient un peu difficile à supporter par instants.

     


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