• « Il y'a plus d'apparence d'action dans l'immobilité que de vérité dans la précipitation. »

    Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, tome 11, L'Année du Volcan ; Jean-François Parot

     

    Publié en 2014

    Editions 10/18 (collection Grands détectives)

    451 pages

    Onzième tome de la saga Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet

    Résumé :

    1783. L'éruption gigantesque d'un volcan en Islande provoque d'importants changements climatiques. La France commence à vaciller, les caisses se vident. Nicolas est chargé par la reine d'enquêter sur la mort violente d'un de ses proches : le vicomte de Trabard. L'homme est mystérieux, il fréquente le monde de la finance. Ne cherche-t-il pas à camoufler une affaire de fausse monnaie ? Tous les moyens sont-ils bons pour combler l'immense déficit du Trésor royal ? Les investigations de Nicolas vont le conduire en Angleterre et le mener à deux personnages, le comte de Cagliostro et la comtesse de la Motte, chacun au cœur d'affaires où, là aussi, l'argent est en jeu. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous retrouvons, pour cette onzième aventure, notre commissaire aux Affaires extraordinaires, au mieux de sa forme !
    Nous sommes en 1783. Louis XVI et Marie-Antoinette sont montés sur le trône depuis neuf ans seulement et ils sont encore de jeunes souverains : vingt-huit ans pour elle, vingt-neuf pour lui. Ils ont, quelques années plus tôt, comblé les souhaits du peuple, en donnant naissance à une petite princesse puis à un dauphin. Et pourtant, la popularité du roi et de la reine ne cesse de se dégrader et Marie- Antoinette est sans cesse éclaboussée par d’infamants libelles qui inondent la Cour et la Ville. Enfin, pour en finir, cette même année, l'éruption d'un volcan en Islande répand sur l'Europe des vapeurs mortifères qui ne cessent d'inquiéter le peuple, qui grogne et se retourne de plus en plus contre son jeune roi et sa jeune reine qu'il a pourtant encensé à leur accession au pouvoir en 1774. Louis XVI et son gouvernement connaissent de graves difficultés, car les caisses se vident et de mauvaises récoltes attisent de plus en plus la grogne populaire. C'est dans cette ambiance plus que tendue qu'un proche de Marie-Antoinette, le vicomte de Trabard, qui fait partie du cercle de Trianon et de celui des Polignac est retrouvé mort dans son hôtel parisien, piétiné sous les sabots d'un étalon furieux. Ce qui devait passer pour un regrettable accident s'avère finalement bien plus complexe et le caractère homicide de la mort du vicomte n'échappe pas aux yeux avertis de Nicolas et de son fidèle inspecteur Bourdeau, qui vont devoir démêler une affaire bien entortillée et se heurter, qui plus est, aux sautes d'humeur d'une reine capricieuse qui n'a pas l'habitude ni de patienter ni qu'on la contredise.
    Jean-François Parot nous livre encore une fois un très bon cru. Il y'a du bon et du moins bon dans Nicolas Le Floch, comme dans n'importe quelle saga un peu imposante, mais en général, même les livres un peu en-deçà des autres se maintiennent à un niveau tout à fait acceptable. Il faut dire que, le style et l'univers uniques de Parot y sont pour beaucoup, ainsi que les bases historiques solides sur lesquelles sont assis les récits. Mais pour un historien spécialiste du XVIIIème siècle, on n'en attendait pas moins. En tous cas, grâce à cette véracité, cette rigueur scientifique mise au service des romans, on a vraiment l'impression de voyager au cœur de ce XVIIIème siècle français qui est, à bien des égards et peut-être autant que le Grand Siècle de Louis XIV, riche en personnages et en événements. Le XVIIIème siècle est un siècle charnière de notre Histoire, entre époque moderne et contemporaine, le siècle de tous les possibles, ce que Jean-François Parot parvient à restituer parfaitement. Si, dans les premiers tomes, nous fréquentons, en même temps que Nicolas, les fastes de la cour de Louis XV, roi jouisseur, qui aimait les plaisirs et les femmes, petit à petit, la saga prend en gravité de part, déjà, l'avancée en âge du héros, qui, de jeune homme fougueux et parfois un peu trop impulsif devient un homme d'âge mûr, à l'expérience certaine et au calme olympien, mais aussi, d'autre part, la situation de plus en plus critique du royaume qui s'enlise doucement, mais sûrement.

    Marie-Antoinette et son cercle d'amis proches par Jean-Baptiste Gautier Dagoty (1774)


    Quant à ses petits intermèdes culinaires et gourmands, dont il a le secret et que ses lecteurs assidus finissent par connaître et par attendre avec impatience, ils sont toujours bien au rendez-vous et nous mettent l'eau à la bouche, bien sûr ! Autre point important de la saga, je dirais que ce sont les personnages. Cela fait maintenant la onzième fois que nous retrouvons maintenant Nicolas, mais aussi Bourdeau, l'inspecteur aux idées inspirées des Lumières -qui préfigure en cela la Révolution qui couve et s'approche dangereusement- et bien sûr, l’inénarrable Sartine, ancien lieutenant général de police, devenu ministre de la Marine au début du règne de Louis XVI, qui a perdu son portefeuille ministériel entre-temps mais n'en garde pas moins un œil aiguisé sur tout. Le personnage de Marie-Antoinette prend aussi un peu plus d'importance, puisque nous la retrouvons maintenant assez régulièrement, de tome en tome. Tantôt alliée, tantôt antagoniste de notre héros, selon ses propres intérêts, la fille de Marie-Thérèse apparaît très réaliste sous la plume de Parot, qui parvient, avec beaucoup de science historique, à ne prendre aucun parti et à rester le plus neutre possible dans sa description d'une femme qui déchaîne encore autant les passions -il faut dire que Marie-Antoinette qui, de son vivant, était un personnage passionné, suscite des réactions qui ne peuvent pas l'être moins.
    Quant au personnage de Nicolas, on est bien sûr ravi de le retrouver et de le suivre à nouveau dans la résolution de l'une de ces enquêtes dont il a le secret ! Bref, vous l'aurez compris, L'Année du Volcan est un très bon tome, que j'ai littéralement dévoré car, au-delà de l'enquête policière, qui fait l'atout de cette saga, c'est aussi une véritable chronique courtisane que nous livre ici Parot en même temps qu'un beau portrait de cette France qui, au final, ne nous est pas si lointaine -à peine deux-cent-cinquante ans- et est sur le point de basculer à jamais dans un système nouveau.

    Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, tome 11, L'Année du Volcan ; Jean-François Parot

     

    En Bref :

    Les + : une intrigue toujours d'aussi bonne qualité et des personnages qu'on retrouve toujours avec plaisir.
    Les - :
    mais aucun bien sûr et comme souvent ! !

     


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  • « Les noms des personnes et ceux des navires ont une physionomie par eux-mêmes, presque un sens. »

    Pêcheur d'Islande ; Pierre Loti

    Publié en 2009

    Date de parution originale : 1886

    Editions Le Livre de Poche (collection Les Classiques de Poche)

    219 pages

     

    Résumé :

    C'est l'histoire d'un amour longtemps jugé impossible que nous conte ce roman, publié en 1886, et depuis lors admiré par plusieurs générations. Mais c'est surtout un grand drame de la mer, et l'une des expressions les plus abouties de ce thème éternel. Marin lui-même, Pierre Loti y déploie une poésie puissante, saisissante de vérité, pour dépeindre la rude vie des pêcheurs, l'âpre solitude des landes bretonnes, le départ des barques, la présence fascinante et menaçante de l'Océan. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Pêcheur d'Islande est un livre particulier, un classique d'une qualité indéniable, certes, mais il y'a autre chose. On n'en sort pas indemne, il ne fait assurément pas partie de ces livres vite lus puis vite oubliés. Vite lu passerait encore parce qu'il est court, mais d'une teneur incroyable et d'une magnifique beauté triste , qui sert le coeur. C'est un hommage vibrant à la mer, au littoral mais aussi aux populations qui en vivent et notamment ces pêcheurs paimpolais qui, chaque printemps et chaque été, montaient vers les mers froides du nord pour aller y pêcher la morue, revendue ensuite dans les ports français.

    Pêcheur d'Islande ; Pierre Loti

     

    Les pêcheurs dans la cabine de leur navire (illustration d'Edmond Rudaux)


    Yann Gaos, jeune pêcheur d'une vingtaine d'années, en fait partie. Il fait partie de ceux que l'on appelle les Islandais, ceux qui partent, acceptant de laisser leur famille pendant de longs mois pour aller gagner leur vie très loin de leur foyer mais aussi, parfois, la perdre. Gaud -de son vrai prénom Marguerite-, est une jeune Bretonne de vingt-trois ans, qui a vécu à Paris et fait figure de demoiselle depuis qu'elle est revenue à Paimpol. Mais Gaud, qui est riche, va tomber amoureuse de Yann, qui, sans être pauvre, vit modestement avec ses parents et leur grande famille. Elle va combattre les idées reçues de son temps mais aussi le trop grand amour de celui qu'elle aime pour la mer. Entre Gaud et l'océan, c'est une lutte sans merci qui s'ouvre, combat de deux femmes jalouses, l'une voulant ravir à l'autre une même prise. Et, au milieu de tout cela, le monde continue de tourner, immuable, avec ses joies -les mariages et les naissances- mais aussi ses peines et ses deuils éternels -les disparus en mer, les déceptions, les cruautés d'une vie qui n'épargne personne, Gaud en fera l'amère expérience, car elle ne sera pas la dernière à connaître des épreuves.
    Pêcheur d'Islande est un beau roman, servi par un style conventionnel -conventionnel dans le sens où Loti ne se démarque pas vraiment, par sa plume, de ses contemporains, mais cela ne signifie pas pour autant que son style est plat et inintéressant, bien au contraire-, percutant mais aussi très poétique. Le roman est comme une sorte de long poème en prose, un hommage à la Bretagne, terre d'élection de Loti, à ces hommes et à ces femmes qui en vivent et qui, parfois, en meurent. La Bretagne du XIXème siècle était encore un pays sauvage, ancré dans ses légendes et son identité bien marquée et c'est un très beau portrait de cette mer coléreuse et de ces landes de bruyère que nous livre ici l'auteur, homme de la mer par excellence. Né sur ses bords, il choisira ensuite toujours des régions littorales pour élire domicile. Marin lui-même, c'est aussi avec beaucoup de tendresse que Loti décrit l'existence, certes pleine de liberté mais aussi pleine de périls, de ces hommes courageux qui choisissaient de tout quitter quelques mois par an pour aller pêcher bien loin, dans les mers inhospitalières du nord, au large de l'Islande.
    Empreint de tristesse et de nostalgie, Pêcheur d'Islande recèle aussi sa part d'optimisme, notamment de part l'immuabilité de l'existence de ces gens de la mer qui, malgré les morts, les disparitions et les plaques mortuaires dans les petites chapelles érigées le long de la côte, continuent de vivre obstinément, par et pour la mer, parce qu'ils sont encore capables d'aimer et d'être heureux malgré tout. Un très beau roman, un classique qui émeut et remue.

     

    Pêcheur d'Islande ; Pierre Loti

    Yann faisant sa cour à Gaud



    En Bref :

    Les + : roman paradoxal, plein de nostalgie mais aussi d'espoir, un style intéressant.
    Les - : Aucun.

     


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  • In My Mail Box - Juillet 2015

     

    Les Semailles et les Moissons, Intégrale ; Henri Troyat

    Editions Omnibus

    Date de parution : 2010

    Sujet : Histoire, XXème siècle, Première et Seconde Guerres Mondiales, Destins de femmes

    * * *

    In My Mail Box - Juillet 2015

     

    Férir ou Périr, la jeunesse de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour ; Jean d'Aillon

    Editions J'ai Lu

    Date de parution : 2015

    Sujet : Histoire, Moyen Âge, Aventures, Policier

    * * * 

    Ce que vivent les hommes, tome 1, Les Noëls Blancs ; Christian Signol

    Editions Le Livre de Poche 

    Date de parution : 2002

    Sujet : Histoire, Terroir

    * * * 

    In My Mail Box - Juillet 2015

     

    Les Aventures d'Olivier Hauteville : La Bête des Saints-Innocents ; Jean d'Aillon

    Editions J'ai Lu

    Date de parution : 2015

    Sujet : Histoire, XVIème siècle, Guerres de Religion, Policier


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  • « Mais la guerre est trop belle et le diable se délecte trop à l'attiser ! »

    De Taille et d'Estoc, la jeunesse de Guilhem d'Ussel ; Jean d'Aillon

    Publié en 2013

    Editions J'ai Lu

    512 pages

    Premier tome d'une saga « hors-série » racontant la jeunesse de Guilhem d'Ussel

    Résumé :

    Marseille, 1187. Antoine, orphelin de treize ans recherché pour meurtre, se retrouve seul sur les routes infestées de bandits, de mercenaires mais aussi de quelques belles âmes. L'adolescent, qui dorénavant se fait appeler Guilhem, va, au hasard d'étonnantes rencontres, être initiéà l'art des troubadours tout comme à celui de la coutellerie, du lancer de couteau et du duel.
    Son chemin croise, un jour, celui de Joceran d'Oc et de Jeanne de Chandieu qui, pour vivre leur passion, ont quitté l'habit et les ordres religieux. Ils n'en sont pas moins accusés d'avoir dérobé la Sainte Lance, inestimable relique rapportée de Terre sainte par les croisés.

    Amour et honneur, quête de la vérité et vengeance : la grande saga du chevalier troubadour Guilhem d'Ussel peut commencer.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1187, à Marseille, un jeune garçon de treize ans, convers de l'abbaye de Saint-Victor vient de perdre le dernier membre de sa famille : sa mère, épuisée par une vie de misères et d'épreuves. Son frère, sa sœur et son père étaient déjà morts depuis de nombreuses années. Le futur Guilhem d'Ussel, qui porte encore son nom de baptême, Antoine, sait que désormais sa vie ne sera jamais plus la même, d'autant plus qu'après s'être rendu coupable d'un meurtre à la tannerie qui employait ses parents de leur vivant, il ne peut plus rester à Marseille. Le voilà donc parti sur les routes et, c'est au cours de ses pérégrinations un peu désespérées que le jeune garçon va comprendre qu'il n'était effectivement pas fait pour la vie religieuse qu'il avait embrassée à contrecœur mais pour celle des armes, dans laquelle il s'avère particulièrement doué. C'est finalement comme cela que, de fil en aiguille, il va rencontrer Mercadier, le fameux routier de Richard Cœur-de-Lion et de sa mère, Aliénor d'Aquitaine, qui épouvante leurs vassaux et sème la terreur en Poitou et en Aquitaine. Antoine, devenu Guilhem d'Ussel, que le début bien malheureux de son existence n'a pas immunisé contre la violence, bien au contraire -
    même si le jeune homme se refuse rapidement à la torture gratuite à laquelle se livraient avec plaisirs routiers, brabançons et cottereaux-, s'avère une aide précieuse pour le chef des routiers de Richard qui l'accepte dans son armée. La période est en effet alors très troublée, puisque les Plantagenêts se déchirent, les frères contre le père et même les frères entre eux et cela, depuis de nombreuses années. A cela, il faut ajouter les vassaux d'Aquitaine et du Poitou qui se révoltent sans cesse, comme le vicomte de Limoges, par exemple et la volonté de plus en plus concrète de la couronne capétienne, ceinte alors par le fameux Philippe Auguste, de repousser les frontières du domaine royale et de soumettre des seigneurs autant si ce n'est plus puissants que le souverain lui-même. C'est donc dans ce contexte relativement troublé et violent que commence la vie d'homme d'armes d'un personnage que l'on retrouvera onze ans plus tard, de nouveau à Marseille, pour enquêter sur la mort du vicomte de la ville et de sa maîtresse (voir Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour, Marseille, 1198).

    Représentation médiévale de deux troubadours jouant du luth


    Ce livre forme, avec sa suite, Férir ou Périr, la genèse d'une saga maintenant culte de Jean d'Aillon : Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour. Bien que l'auteur ait déjà distillé, de façon relativement subtile, quelques réponses aux questions qu'on pouvait se poser concernant le passé de Guilhem, le personnage n'en restait pas moins mystérieux, bien qu'intéressant et captivant car, justement, on percevait pas mal d'ombres et d'épreuves vécues dans ses premières années. Dès le début de la saga, on sait par exemple que Guilhem a été adoubé chevalier par Mercadier lui-même mais sans apprendre pour autant par quels tours et détours il en était arrivé, lui, ancien tanneur marseillais, au service du routier le plus célèbre de la couronne anglaise. On apprend aussi l'origine de son talent pour la musique et la poésie et la raison pour laquelle Guilhem, tout chevalier et guerrier qu'il soit, tient particulièrement à sa vielle à roue, qui lui rappelle sans doute des souvenirs aussi doux que douloureux.
    Et, au milieu de tout cela, la première enquête que notre fameux chevalier troubadour sera amené à résoudre, pointe le bout de son nez. Par hasard, Guilhem est en effet amené à rencontrer un chevalier enquêtant pour la puissante abbaye de Cluny, sur le vol d'une relique inestimable pour la Chrétienté, la Sainte-Lance -la lance du légionnaire Longinus, qui aurait percé le flanc de Christ sur la Croix-, et sur la disparition du moine infirmier  avec la prieure de l'abbaye de Marcigny, abbaye fille de Cluny, a, bien sûr, provoqué un scandale sans précédent. 
    Je dois dire que ce livre m'a particulièrement plu et je n'ai finalement pas été si gênée que cela par le fait d'avoir déjà bien découvert la saga en elle-même. Finalement, je pense que cette genèse peut se lire avant comme après sa découverte de la saga sans que cela pose un véritable problème. Pour ceux connaissant déjà les personnages, c'est finalement un moyen de répondre à certaines questions que l'on pouvait se poser concernant le passé du héros ou bien de comprendre tel ou tel trait de son caractère. Et pour ceux qui n'auraient pas encore lu Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour, De Taille et d'Estoc et Férir ou Périr seront donc une bonne introduction et un moyen de poser des bases à cette saga dynamique et foisonnante. J'ai été très agréablement surprise et je me suis rapidement plongée dans l'intrigue, bien menée et qui restitue à merveille ce Moyen Âge haut en couleurs de la fin du XIIème siècle, où la guerre et la violence côtoyaient étroitement les cours d'amours et les chants des troubadours.
    Je n'ai plus q'une hâte, maintenant : découvrir Férir ou Périr, le second tome de ce hors-série ! !

    En Bref :

    Les + : un livre bien tourné et captivant, avec un contexte historique bien restitué et des personnages bien traités.
    Les - :
    mais...aucun ! ! 

     


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  • « Voilà une jeune dame qui prend la peine de parler poliment à un cocher. Cela révèle un très bon fond, à mon avis, même si vous témoignez un curieux intérêt aux défunts. »

    Lizzie Martin, tome 1, Un Intérêt particulier pour les Morts ; Ann Granger

     

    Publié en 2006 en Angleterre ; en 2013 en France (pour la présente édition)

    Titre original : A Rare Interest in Corpses

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives)

    379 pages

    Premier tome de la saga Lizzie Martin

     

    Résumé :

    Londres, 1864. Lizzie Martin accepte un emploi auprès d'une riche veuve dont la précédente dame de compagnie s'est enfuie avec un inconnu. Mais quand le corps de la jeune fille est retrouvé dans le chantier de la gare St Pancras, Lizzie décide de mener sa propre enquête. Elle pourra compter sur l'aide d'un ami d'enfance devenu inspecteur, Benjamin Ross, pour découvrir la vérité sur la mort de cette femme...dont le sort semble étroitement lié au sien. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1864, Elizabeth Martin, dite Lizzie, âgée de vingt-neuf ans, arrive à Londres pour la première fois. Native du Derbyshire, elle vient de perdre son père et, se trouvant dans la nécessité, elle a été en quelque sorte recueillie par Mrs Parry, la femme de son parrain, une respectable vieille dame dont elle va devenir la dame de compagnie. Bien vite, Lizzie apprend la raison du départ de celle qui l'a précédée dans cette fonction : la jeune Madeleine Hexham, jeune provinciale comme elle et la tête farcie par ses lectures sentimentales, a fui la maison avec un homme. Chose tout à fait impensable à cette époque et dans ce milieu ce qui, bien évidemment, n'a pas manqué de susciter le scandale. Mais, très vite, Lizzie apprend que cette jeune femme a été retrouvée dans de vieux taudis du quartier d'Agar Town, à l'emplacement de la future gare de St Pancras. Morte. Alors que Mrs Parry et ses connaissances souhaitent à tout prix éviter le scandale et seraient même prêtes à étouffer l'affaire pour continuer à vivre tranquilles, Lizzie, elle, se révolte contre cette politique du silence et va chercher à tout prix, au mépris de sa propre sécurité, à comprendre ce qui a pu arriver à cette jeune femme, dont elle se sent proche, notamment de par leurs origines provinciales. Si les griffes de la grande ville se sont cruellement refermées sur la jeune Madeleine, fragile et un peu sotte, il pourrait en être de même pour Lizzie, un peu plus avisée mais pas vraiment avisée des comportements et des moeurs londoniens. Epaulée par l'inspecteur Ben Ross, jeune homme venu lui aussi du Derbyshire et qu'elle a connu dans son enfance, Lizzie va donc essayer de démêler ce mystère qui entoure la mort de l'ancienne dame de compagnie de Mrs Parry qui s'avère avoir peut-être des intérêts qui la pousseraient à faire obstruction à l'enquête de la police.

    La Gouvernante, tableau de Rebecca Solomon (1854) qui illustre à merveille l'époque victorienne


    Un Intérêt particulier pour les Morts est donc le premier tome de la saga victorienne d'Ann Granger, Lizzie Martin, que l'on pourrait peut-être rapprocher, de part son intrigue historique et policière, de la grande saga des Charlotte et Thomas Pitt, d'Anne Perry. Je dois dire que c'est le titre qui m'a attirée et m'a poussée à m'intéresser à ce livre et à sa suite, ainsi que les couvertures des éditions 10/18, qui sont vraiment très jolies, très soignées. Un peu sombres, certes, mais qui transcrivent immédiatement, à mon sens, cette atmosphère victorienne si particulière. A part ça, ce qui fait la force de ce roman, c'est le style, très anglais, que la traductrice a d'ailleurs su restituer à merveille en français, ce qui n'est pas toujours facile, il faut bien en convenir. Là, on a vraiment l'impression d'être immergée dans le Londres victorien, dans cette bonne sociétée de la capitale, guindée et conventionnelle jusqu'à outrance. Certains lecteurs ont reproché à ce livre la platitude du style, pour ma part, il me semble que c'est une appréciation tout à fait personnelle car je ne l'ai absolument pas ressenti : certes, nous ne sommes pas dans un style extrêmement travaillé, avec beaucoup de fioritures et de phrases complexes mais cela ne nuit en rien à l'intrigue. Quant à cette dernière, qui tourne bien sûr, essentiellement autour de l'enquête policière de Ben Ross -et de Lizzie-, même si elle est assez traditionnelle dans son déroulement et son développement, elle n'en reste pas moins intéressante et permet aussi de voir combien la société victorienne était cloisonnée et, parfois, cruelle, les personnes de la bonne société tolérant par exemple que l'enquête soit bâclée sous le simple prétexte que Madeleine Hexham a jeté l'opprobre sur une maison respectable et a choisi le péché plutôt que la respectabilité. La victime devient en quelque sorte le coupable, la personne à juger ce que Lizzie ne peut tolérer, de part son éducation et sa façon de penser. Lizzie se retrouve elle-même confrontée à ces préjugés de la société dite « respectable » -ou plutôt qui se dit et se croit respectable-, pour ceux qui auraient le malheur de s'écarter un peu du chemin de la décence : la spontanéité et la franchise de la jeune femme sont en effet vus comme des défauts et son célibat à un âge relativement avancé pour l'époque, où les jeunes femmes se mariaient plutôt autour de vingt ans que de trente et bien sûr, elle se heurte aussi aux idées préconçues qui faisaient encore à l'époque des femmes, des épouses et des mères soumises sans autre rôle à remplir dans la société que de se marier et de donner des enfants. Quant aux industriels, représentés dans le livre par les entreprises chargées de la construction de la future St Pancras, ils sont d'un pragmatisme froid et calculateur, que Lizzie et Ben, originaires d'une région minière, ne peuvent s'empêcher justement de rapprocher de ces exploitants miniers pour qui la vie humaine n'est qu'une portion congrue et qui, somme toute, ne compte pas plus que le reste. Critique que l'on peut en cela rapprocher de romans industriels du XIXème, comme ceux de Zola ou encore d'Elizabeth Gaskell, où les conditions de vie quotidienne des ouvriers et des mineurs sont décrites de façon particulièrement incisive et percutante mais très réaliste. On retrouve chez Ann Granger cette volonté de dépeindre la société victorienne dans son ensemble, sans en oublier ses aspects les moins beaux.
    Si le personnage de Lizzie ne m'a pas plu tout de suite, j'ai aimé sa spontanéité et sa façon de réfléchir. J'ai par contre apprécié le personnage de Ben Ross. Quant aux longueurs au début du récit, bien qu'un peu ennuyeuses, elles sont cependant nécessaires pour poser les bases de l'intrigue et de la suite de cette saga victorienne qui promet d'être haute en couleurs. Une bonne découverte.                                                                                                                                      

       

    En Bref :                                               

    Les + : une intrigue bien menée et intéressante ; une bonne restitution du contexte historique, on s'y croirait.
    Les - : quelques longueurs au début.

                                                


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