• « Je crois que les émotions les plus fortes, les plus violentes, se transmettent de génération en génération, comme un héritage destructeur. Ma grand-mère crevait de peur pendant la guerre, et moi je crève de trouille ; ma mère aussi, à sa manière, elle qui s'est réfugiée toute sa vie dans le travail et a gardé ses distances avec ceux qu'elle aimait...Voilà ce qu'une guerre est capable de faire sur plusieurs générations : détruire l'espoir et la confiance. »

     

     

     

         Publié en 2023

      Éditions Pocket

      384 pages

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Été 1941. Les Brodsky, juifs, ont fui la zone occupée et la menace nazie pour se réfugier dans le sud de la France. Rattrapés par les nouvelles lois de Vichy, ils se retrouvent en résidence forcée au pied des Pyrénées, dans une grande demeure délabrée.
    Peu à peu, la vie s'organise. Esther, l'aînée des enfants, rencontre Clara. L'heure est à l'adolescence, aux premiers émois et aux grandes amitiés. C'est également le temps de l'engagement dans la Résistance, des luttes pour survivre, mais aussi des rafles. Dans la tourmente, Esther et Clara font tout pour rester maîtresses de leur destin. C'est compter sans la brutalité de l'Histoire...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1941, chassés par l’avancée allemande puis par les mesures discriminatoires du régime de Vichy, les Brodksy, juifs d’origine russe mais installés depuis longtemps à Paris, arrivent dans la petite ville ariégeoise de Saint-Girons, au pied des Pyrénées et à quelques encablures de l’Espagne – beaucoup traverseront d’ailleurs les montagnes pour gagner le pays frontalier et de là, l'Afrique du Nord ou bien Londres.
    Installés dans une vieille maison délabrée à la lisière du village, Leah, Mihaïl et leurs trois enfants tentent malgré la peur et l’incertitude, de recréer un semblant de vie normale. En dépit des risques, Mihaïl continue de courir les routes pour exercer son activité de pelletier, Leah grâce à son goût pour la littérature, se fait des connaissances et tisse des liens et les trois enfants sont scolarisés dans les écoles de la ville. Au collège, Esther se lie d’amitié avec la mystérieuse et révoltée Clara tandis que son frère Daniel entretient une relation plus trouble avec un garçon aux idées subversives et définitivement acquises à l’occupant.
    Mais bientôt, le contexte national se tend : l’occupation de la zone libre met en danger les familles juives qui avaient cru trouver une paix relative au sud de la Loire, on commence à entendre parler de rafles et de personnes déportées on ne sait où, les contrôles sont de plus en plus systématiques. Et dans une petite ville comme Saint-Girons où tout le monde se connaît, la judéité de certains n’est pas un secret et les collaborationnistes et antisémites sont une menace permanente
    De nos jours, Esther Brodksy est une vieille femme fragilisée, à qui la mémoire fait défaut. A Meudon, où elle vit avec sa fille Jeanne, elle retrouve sa petite-fille – la narratrice de cette partie contemporaine du roman – qui revient d’Italie. Deborah se trouve confrontée à la démence de sa grand-mère et l’entend soudainement, dans l’une de ses crises, parler de la guerre et d’une certaine Clara, dont ni elle, ni Jeanne n’ont jamais entendu parler auparavant. Pour la jeune femme, elle-même fragilisée et à la croisée des chemins, s’ouvre une quête familiale pour découvrir le passé d’Esther pendant la guerre. Une quête qui l’emmène jusqu’en Ariège, dans les pas de Brodsky et de toutes ces personnes de leur entourage, amies ou ennemies, qui ont jalonné ses cinq années de guerre et d’horreur.

    Ville de Saint-Girons (09200) - Site officiel - Récit de la libération de  la ville 20 août 1944

     

    Libération de la ville de Saint-Girons en 1944


    Roman assez classique, Guetter l’aurore a des qualités mais aussi des défauts qui m’ont empêchée d’apprécier pleinement ma lecture même si, globalement, j’ai apprécié cette lecture. Si la double-temporalité n’est pas désagréable car elle permet parfois de souffler après un chapitre assez intense, je ne pense pas qu’elle ait été essentielle au développement et à la compréhension du récit…mais le gros bémol pour moi, c’est vraiment le manque d’empathie envers les personnages : déjà, ils sont très nombreux et j’ai eu un peu de mal au départ à démêler qui était qui et enfin, malheureusement, je ne me suis pas forcément sentie proche d’eux ce qui me semble assez essentiel dans un roman tel que celui-ci, avec une charge émotionnelle forte. C’est par exemple ce que j’ai ressenti avec La carte postale, d’Anne Berest, ce qui a rendu ce roman si fort, si bouleversant pour moi. Là, même si j’ai apprécié suivre les personnages, je n’ai pas vibré pour eux et c’est dommage. Peut-être est-ce la façon dont ils sont dépeints, mais je n’ai pas ressenti vraiment de profondeur, de teneur et de relief. Enfin, l’amitié d’Esther et de Clara, qui semble pourtant vantée comme un élément clef du roman dans le résumé, ne m’a pas convaincue. Je l’ai trouvé parfois assez toxique et pour moi, c’est plus une relation dominante-dominée qu’une véritable amitié entre deux jeunes filles, qui se soutiennent sans condition dans une époque pas évidente à vivre, à plus forte raison pour des adolescentes qui découvrent aussi en même temps, les premiers émois amoureux, les premières libertés auxquelles ont aspire à ces âges-là.
    Pour autant, j’ai apprécié le fait que le roman soit nuancé : tout n’y est pas noir ni tout blanc et l’autrice évite l’écueil du manichéisme qui pourrait parfois être tentant dans une situation comme celle-ci…c’est pour cela que j’ai apprécié les personnages de Paul Landron ou encore Fernand Petit, apprécié non pas pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils représentent dans ce roman : le fait que tout n’est pas toujours simple dans la vie, qu’on ne fait pas toujours des choix arrêtés et que la vie et les circonstances peuvent parfois remettre bien des convictions en question.
    Globalement, j’ai donc passé un très bon moment avec Guetter l’aurore, même si j’ai plus apprécié la seconde partie que la première, un peu plus brouillonne et durant laquelle il m’a fallu un peu de temps pour replacer tous les personnages dans le bon ordre et bien saisir tous les liens entre eux. J’ai apprécié découvrir le quotidien en temps de guerre d’une petite ville de province, entre antisémitisme ordinaire, résistance et collaborationnisme. Il y a des fulgurances dans ce roman, de joie, d’espérance mais aussi des moments plus tendus et surtout, plus sordides à l’heure des choix.
    Un roman qui ne me marquera pas d’une pierre blanche mais dont je garderai malgré tout un assez bon souvenir.

    En Bref :

    Les + : un récit nuancé d'une époque complexe, l'autrice évite assez bien de tomber dans un manichéisme facile et caricatural. Un roman appuyé par de solides recherches historiques qui le rendent vraisemblable.
    Les - : une confusion entre les personnages (j'ai par exemple souvent confondu Esther et Leah) un peu trop nombreux et pas toujours bien distincts les uns des autres, un manque flagrant d'empathie pour eux, dommage. 


    Guetter l'aurore ; Julie Printzac

     

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  


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  • « Je n'écris pas l'histoire, je le répète. Tout au plus, puis-je me flatter, en retraçant les événements où j'ai assisté, comme acteur ou comme spectateur, de donner quelques coups de pinceau qui fassent mieux apprécier les choses et les personnes. Aussi ne parlé-je jamais de ce que je ne sais que par des on-dit ou par la voix publique. »

    Mémoires : de 1820 à 1848 (volume 2) ; Adèle d'Osmond comtesse de Boigne

     

     

      Publié en 1999

      Date de parution originale : entre 1921 et 1923 en    texte intégral

      Éditions du Mercure du France (collection Le temps    retrouvé)

      722 pages

      Deuxième tome des Mémoires de la comtesse de Boigne

     

     

     

    Résumé :

    Couvrant près de soixante-dix ans, les Mémoires de la comtesse de Boigne occupent une place à part dans la littérature de souvenirs, ne serait-ce que par la richesse de leur information et la qualité exceptionnelle de leur style. 
    Document irremplaçable sur toute la période qui va des dernières années de l'Ancien Régime à la révolution de 1848, ces Mémoires ont fait de la comtesse de Boigne, depuis leur première publication en 1907, un personnage quasi mythique. Elle passe pour le caustique avocat du diable de tous les procès en canonisation de ses contemporains, la plus célèbres de ses victimes étant Chateaubriand. Ces Mémoires sont également l’œuvre d'une extraordinaire psychologue, impitoyablement lucide, qui démonte les rouages d'une société qu'elle a si bien observée et dénonce sans relâche la bêtise de sa classe sociale. 
    Proust, qui en fut l'un des premiers lecteurs, s'enthousiasma pour les Mémoires de la comtesse de Boigne dont il salua la publication et dont il s'inspira directement pour son œuvre personnelle. 

    Ma Note : ★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Le Grand Siècle avait Saint-Simon, le règne de Louis XVI et le début du XIXème siècle ont Adèle d’Osmond, plus connue sous son nom d’épouse : la comtesse de Boigne.
    Quelques mots sur l’autrice, avant d’entrer dans le vif du sujet : Adèle Charlotte Louise Eléonore, future comtesse de Boigne, est née à Versailles en février 1781. Elle est morte à Paris presque nonagénaire en 1866, après avoir traversé une époque d’une richesse folle, du règne de Louis XVI jusqu’à la chute de la Monarchie de Juillet. Par sa proximité avec le pouvoir, la comtesse de Boigne est un témoin de premier plan, pas toujours très objectif selon les historiens, mais elle nous laisse grâce à ses Mémoires – qui, au départ, n’étaient pas destinés à être publiés et le seront entre 1921 et 1923 après une procédure en justice de plus de dix ans – une formidable source, certes à prendre avec des pincettes, mais dans laquelle on se faufile au plus près du pouvoir, dans les couloirs des Tuileries ou de Saint-Cloud.

    Compagne de jeu du petit Dauphin – le premier fils de Louis XVI et Marie-Antoinette, mort de la tuberculose en juin 1789 –, Adèle d’Osmond connaît dans l’enfance l’émigration avant de rentrer en France et de fréquenter les cercles de la Restauration bourbonnienne. Ainsi, la mémorialiste nous laisse-t-elle des portraits circonstanciés de Louis XVIII, de son frère Charles X (qui n’est encore que Charles d’Artois) ou bien encore des enfants de ce dernier, Louis-Antoine d’Angoulême et Charles de Berry, ainsi que des épouses respectives de ces derniers, à commencer par l’impulsive, fière et aventurière duchesse de Berry, Marie-Caroline.
    Ce deuxième tome s’ouvre en 1820 avec l’assassinat du duc de Berry par Louvel en février de cette année-là. Et si l’assassin du fils de Monsieur a cru ainsi porter un coup mortel à la famille de Bourbon, il se trompe car lorsque le duc de Berry expire, dans la nuit qui suit son agression, son épouse Marie-Caroline est enceinte depuis quelques semaines et donnera naissance au mois de septembre suivant, à un garçon bien portant, Henri, titré duc de Bordeaux !

    13 février 1820 : Le duc de Berry est assassiné

    L'assassinat du duc de Berry en février 1820 est le premier grand événement historique de l'époque traité par Madame de Boigne dans ce deuxième volume de ses Mémoires


    En suivant la chronologie, la comtesse de Boigne – dont les écrits initialement sont destinés à la lecture seule de son neveu – retrace ensuite les dernières années de Louis XVIII, de plus en plus impotent, la faveur de Madame du Cayla (souvent considérée d’ailleurs comme la dernière favorite royale) et celle d'Elie Decazes qui s'achève brutalement à la mort du duc de Berry, , puis l’accession au trône de Charles X et le raidissement royaliste et ultra, qui remet de plus en plus en cause la Charte octroyée par Louis XVIII – qui avait été un premier pas vers une monarchie constitutionnelle. La mémorialiste insiste aussi sur l’aveuglement des derniers Bourbons et leur « déconnexion » pour utiliser un terme moderne, usant de diverses anecdotes pour illustrer ce trait qui semble un atavisme familial : à l’image de Louis XVI parfois dépassé par les événements et ne prenant pas la mesure de leur importance et de leur dangerosité, son frère Charles X et son neveu devenu Dauphin de France (lorsque le duc d’Angoulême demande par exemple des nouvelles météorologiques à son interlocuteur en vue d’une partie de chasse alors que celui-ci lui rend compte des émeutes et des barricades parisiennes, le lecteur reste sans voix devant tant d’ingénuité ou de capacité à être dans le déni) ne se rendront pas compte de la grogne populaire qui ne cesse d’augmenter avant d’éclater en juillet 1830 : la révolution dite des « Trois-Glorieuses » portera un coup fatal à la monarchie des Bourbons, conduira la famille royale en exil et le duc d’Orléans au pouvoir. Ne dit-on pas que la couronne, qui tomba de la tête de Charles X roula jusqu’aux pieds de monsieur le duc d’Orléans qui la ramassa ? Puis l’autrice s’attarde assez longuement sur l’épopée chevaleresque de la duchesse de Berry en Vendée, souhaitant faire valoir les droits de son fils Henri en 1832. Une rébellion royale qui aurait pu entrer dans l’Histoire comme un événement marquant mais qui se termina piteusement dans les geôles de Blaye, où la duchesse accouchera d’un enfant naturel avant de partir en exil sans avoir jamais pu obtenir gain de cause ni fait croire à la paternité officielle de l’enfant née en Gironde.
    Si Adèle d’Osmond, devenue comtesse de Boigne en 1798, fréquente la cour des Bourbons par esprit de clan, c’est avec probablement plus de chaleur et d’affection et moins d'obligation qu’elle se rend à la cour plus informelle et familiale de Louis-Philippe Ier et de Marie-Amélie, qu’elle avait connue en Italie, alors qu’elle était en émigration. L’autrice nous offre un portrait circonstancié de cette monarchie arrivée au pouvoir par la volonté du peuple, une monarchie simple et presque bourgeoise mais qui ne durera pas même vingt ans et sera à son tour détrônée par une révolution, les convulsions politiques se faisant succéder à une vitesse folle les pouvoirs et les régimes tout au long du XIXème.

    Trois Glorieuses : résumé d'une révolution sur trois jours

    L'attaque des Tuileries le 29 juillet 1830 : Madame de Boigne s'attarde longuement sur la relation de cette semaine de juillet qui entraîna dans une chute vertigineuse le trône de Charles X 


    Si toutes les considérations politiques de l’autrice ne sont pas toujours faciles à suivre et rendent le livre assez dense et exigeant – il vous faudra réunir toute votre concentration si vous vous lancez dans cette lecture – il n’en reste pas moins passionnant.
    Comme je le disais plus haut, les historiens sont aujourd’hui à peu près unanimes pour affirmer que la comtesse de Boigne se laissait parfois aller à exprimer des opinions personnelles et par là même biaisées. Pour autant, s’il faut se méfier de la source et faire appel à tout son esprit critique lorsqu’on la lit ou la manipule, elle reste un document exceptionnel. C’est peut-être un peu convenu de dire ça mais on a l’impression d’y être ! Dans le sillage de la comtesse de Boigne, on vit les grands comme les plus petits événements et on découvre aussi l’anecdote qui, certes, ne fait pas l’Histoire mais la rend tellement plus savoureuse et moins déshumanisée.
    Le style est remarquable et il aurait été dommage que les Mémoires de la comtesse de Boigne, même si c’était sa volonté, soient restés privés. La comtesse avait un véritable talent d’écriture et savait manier la plume : relativement facile à lire, son style est probablement un gros point fort de ces Mémoires, à lire cependant avec concentration – mais quel classique ne se lit-il pas avec un minimum d’attention de notre part ?
    Pour conclure, j’avais déjà beaucoup aimé le premier tome mais je dois dire que cette suite ne m’a pas déçue non plus, bien au contraire. J’ai encore une fois passé un bon moment de lecture même si je dois être honnête : j’ai gardé internet pas loin de moi au cours de cette lecture, pour rechercher parfois quelques éclaircissements ou informations supplémentaires. Mais dans l’ensemble c’est lisible et compréhensible sans trop de problèmes. A l’instar des Mémoires de la baronne d’Oberkirch, des souvenirs de Madame Campan (la femme de chambre de Marie-Antoinette) ou encore, de l’immense fresque de Chateaubriand Mémoires d’outre-tombe, les Mémoires de la comtesse de Boigne ont toute leur place dans ces sources historiques françaises incontournables pour peu que l’on s’intéresse à la Restauration et à la Monarchie de Juillet mais aussi à la fin de l’Ancien Régime, à la Révolution française et au Premier Empire.

    File:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921 (page 3 crop) -  transparent.jpg - Wikimedia Commons

    Médaillon représentant la comtesse de Boigne dans sa jeunesse

     

    En Bref :

    Les + : le style de Madame de Boigne est accessible et agréable à lire. Immersifs, ses Mémoires nous font revivre l'Histoire au plus près.
    Les - : quelques considérations très politiques qui peuvent paraître un peu floues pour un lecteur du XXIème siècle.

     


    Mémoires : de 1820 à 1848 (volume 2) ; Adèle d'Osmond comtesse de Boigne  

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

    • Découvrez mon avis sur le premier tome : 

    Les Mémoires de la comtesse de Boigne, volume I : du règne de Louis XVI à 1820

     

    Envie de découvrir d'autres célèbres mémorialistes ? 

    - Découvrez mon billet sur les Mémoires de la baronne d'Oberkirch juste ici

     

    - Et mes billets sur les monumentaux Mémoires de Chateaubriand : 

     


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  • « Oh, l'ancienne magie n'avait pas disparu. Le monde en regorgeait. »

    Couverture Anne, tome 6 : Anne d'Ingleside

     

     

    Publié en 2022

     Date de parution originale : 1939

     Titre original : Anne of Ingleside

     Éditions Monsieur Toussaint Louverture

     345 pages 

     Sixième tome de la saga Anne de Green Gables

     

     

     

    Résumé :

    Laissant derrière eux leur maison de rêve, Anne et Gilbert emménagent à Ingleside, à Glen St Mary. Et ils ne sont pas seuls ; désormais mère d’une fratrie de six enfants, entourée d’amis précieux et atypiques, la petite orpheline assoiffée d’amour et de tendresse semble avoir étanché sa soif.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     

    Après Green Gables (Les Pignons verts), Avonlea, Redmond, Windy Willows puis la maison de rêve de Fourwinds, nous voici dans la maison familiale de Glen Saint Mary, nommée Ingleside. C’est là qu’Anne et Gilbert se sont installés après avoir quitté la maison de rêve devenue trop petite pour leur famille…
    Nous sommes quelques années plus tard et Anne et Gilbert Blythe sont à la tête d’une belle famille. Des garçons et filles tous plus attachants les uns que les autres et qui ont hérité de l’espièglerie et de l’imagination débordante de leur mère. Gilbert est toujours un médecin réputé et très demandé et Anne, avec l’aide de la dévouée Susan Baker prend soin non seulement de sa famille mais aussi de sa maison, devenue un foyer aussi chaleureux qu’a pu l’être la maison de Green Gables, chez Marilla et Matthew Cuthbert.
    Je ne vous ferai pas l’affront de vous résumer cette série qui, je pense, ne vous est pas inconnue même si vous ne l’avez pas encore lue. Peut-être aussi connaissez-vous Anne par le biais de la série télé Anne with an E qui en est une adaptation. Après avoir suivi une Anne enfant, jeune orpheline qui arrive par erreur chez Marilla et Matthew, puis jeune fille, étudiante, enseignante et enfin jeune mariée et jeune mère, nous la découvrons ici bien assise dans son rôle, si je puis dire, à la tête d’une belle famille. Pour son époque, Anne est le parfait exemple d’une femme accomplie, épouse et mère mais elle est cependant également instruite et dotée d’une solide culture acquise au cours de ses études universitaires (ce qui est assez rare à l'époque pour les femmes). Si elle est désormais mère au foyer, elle a également exercé un métier et été indépendante, en étant institutrice. C’est donc un parfait exemple de réussite, privée et professionnelle, ce qui contraste avec le début de sa vie plutôt complexe et chaotique. Et même si les Cuthbert sont moins présents, leur héritage se fait toujours sentir d’une façon ou d’une autre.
    Le début de cette saga a connu un immense succès à sa sortie il y a quelques années. Les éditions Monsieur Toussaint Louverture sont allées chercher cette série de classiques canadiens du début du XXème siècle, qui n’étaient plus édités en France et en ont fait des objets absolument magnifiques mais surtout, ont permis de populariser à nouveau cette œuvre un peu tombée dans l'oubli et qui a pourtant séduit des centaines de lecteurs : pour certains c'était une redécouverte, pour d'autres une complète surprise, comme pour moi qui n'avais jamais lu Lucy Maud Montgomery enfant. Nous sommes nombreux à avoir éprouvé un coup de cœur pour le premier tome, moi la première. Je ne m’y attendais pas vraiment mais j’avais dévoré Anne de Green Gables et, moi qui suis souvent déçue par les phénomènes littéraires encensés sur les réseaux sociaux, là pour le coup j’avais suivi l’engouement général.
    Si le coup de cœur ne s’est pas renouvelé avec les tomes suivants, je les ai malgré tout tous apprécié pour leurs spécificités et je n’ai pas été déçue, contrairement à certains, par le fait qu’Anne grandisse, devienne une jeune fille puis une femme…alors c’est certain qu’en grandissant et en gagnant en maturité, elle est moins impulsive, elle devient plus sage mais elle n’en est pas moins attachante et j’ai aimé la suivre dans ses nouvelles aventures, lorsqu’elle devient étudiante puis lorsqu’elle s’installe à Windy Willows et se heurte à des élèves un peu compliqués, qui n’hésitent pas à lui mener la vie dure.

     

    Dans la série Netfilix Anne with an E, la jeune actrise irlandaise Amybeth McNulty prête ses traits à Anne Shirley jeune fille


    Globalement, le quatrième tome serait celui qui m’a le moins plu, même si dans l’ensemble, je l’ai apprécié car comme je le disais, tous les tomes d’Anne sont différents mais sont chaleureux, doudou, cosy à souhait et l’héroïne toujours touchante et attachante. Sincère et authentique et ça compte beaucoup pour moi, aussi. On la retrouve toujours avec joie et avec plaisir et dans l’ensemble, elle ne m’a jamais déçue.
    Cela dit, je ne m’attendais pas à aimer autant Anne d’Ingleside, justement parce que les avis étaient plutôt nuancés. Et puis, comme n’importe quelle série, parfois ça finit par s’essouffler…bref, je ne savais pas exactement ce que j’allais trouver dans ce sixième volume et finalement, j’ai fait partie des lecteurs qui ont été encore une fois séduits parce que quelque part, dans ce sixième tome, j’ai retrouvé des accents des premiers : la chaleur du foyer d’Anne et Gilbert n’est pas sans rappeler celui de Green Gables, où les enfants ont une vraie place et toute latitude pour s’exprimer. Quant à l’éducation qu’Anne donne à chacun de ses enfants, elle m’a aussi rappelée celle qui lui avait été dispensée par Marilla. Les valeurs transmises sont les mêmes et les enfants d’Anne, comme je le disais plus haut, sont les dignes héritiers de leur mère, avec leur caractère espiègle et plein d’imagination. J’ai apprécié que Lucy Maud Montgomery leur fasse ici une vraie place, accordant du temps à chacun, à leurs aventures et même à leurs sentiments. Ce sixième tome est un peu le tome de transition, celui qui nous habitude à moins voir Anne et à laisser le devant de la scène à ses fils et à ses filles.
    J’ai encore refermé ce tome avec le sentiment qu’il m’avait fait chaud au cœurQu'importaient les congères et le vent cinglant quand l'amour faisait une belle flambée, et qu'après le printemps revenait ? Sans oublier toutes les petites douceurs de la vie qui saupoudraient leur chemin »). On ne peut pas s’empêcher de ressentir une pointe de nostalgie heureuse quand on achève cette lecture et de se dire que décidément, on aimerait bien avoir une amie comme Anne dans sa vie. Certes, celle-ci a grandi, mûri et dans ce tome, elle est déjà une femme mâture (elle a probablement une quarantaine d’années) mais elle a gardé une petite lumière de l’enfance, si importante.

     

    En Bref :

    Les + : les enfants d'Anne, dignes descendants de leur fantasque et espiègle maman, l'atmosphère toute douce et chaleureuse d'Ingleside qui rappelle celle des Pignons verts (mention spéciale aux descriptions des fêtes de Noël, dont je suis fan).
    Les - : la grande quantité de personnages, parfois justement nommés rapidement, ce qui peut entraîner un sentiment de confusion.


    Anne de Green Gables, tome 6, Anne d'Ingleside ; Lucy Maud Montgomery

     

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

    • Envie de découvrir les premières aventures d'Anne ? Découvrez ci-dessous mes avis sur les trois premiers tomes : 

     

     - Anne de Green Gables 

    Anne d'Avonlea

     - Anne de Redmond

    Anne de Windy Willows

    Anne et sa maison de rêve

     


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  • « J'existe mon bien aimé et c'est pour vous adorer. Que j'ai été inquiète de vous, et que je vous plains de tout ce que vous souffrez de n'avoir point de nos nouvelles ! »

    Couverture Le grand amour de Marie-Antoinette

     

     

     

        Publié en 2022

       Éditions Pocket

       432 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « J'existe mon bien-aimé et c'est pour vous adorer. »
    Jusqu'à ce jour, l'histoire d'amour que les historiens prêtaient à Marie-Antoinette était restée à l'état d'hypothèse. Que la reine se soit entichée du comte de Fersen, et qu'il l'aimât en retour ? Leur correspondance secrète, découverte en 1982, le laissait entendre...Aujourd'hui que les technologies de pointe ont évolué, ce sont ses passages caviardés, raturés, censurés qu'elles nous donnent à lire - révélant entre l'Autrichienne et le gentilhomme suédois, depuis les fastes de Versailles jusqu'aux soubresauts de la Terreur, l'une de ces passions totales dont on fait les grandes tragédies. 
     

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    S'il fallait résumer en peu de mots le destin de Marie-Antoinette, la description de son exécution, le 16 octobre 1793 serait probablement la phrase la plus efficace et la plus représentative : « Le 16 octobre, à midi et quart, elle gravit les marches de l'échafaud et entra dans la légende. »
    Que dire, à part que cette phrase recèle à elle seule toute l'aura de la reine, toute la légende Marie-Antoinette ? Parlerait-on encore d'elle si elle s'était tranquillement éteinte à Versailles à un âge respectable ou si elle était morte en couches ? On l'aurait probablement aujourd'hui complètement oubliée. Mais son destin tragique et tous les mécanismes spectaculaires qui semblent y conduire, comme une course à l'abîme irrémédiable ont contribué à forger une légende par le prisme de laquelle nous sommes aujourd'hui souvent tentés de regarder la reine. Et, entre ceux trop enclins à la salir et ceux qui, au contraire, l'encensent au point d'en faire une sainte, le contre-sens remplace souvent l'objectivité et la distanciation nécessaires à tout historien.
    Tout avait pourtant si bien commencé : certes, Marie-Antoinette n'est pas très bien mariée et elle n'a qu'indifférence pour un jeune mari effacé qui ne l'aide pas beaucoup et qu'on la presse pourtant d'aimer et de soutenir. Mais elle est aimée du peuple français qui l'acclame follement à chacune de ses apparitions parisiennes. Et elles sont nombreuses car Louis XV, qui s'est pris d'affection pour cette petite-fille fraîche, affectueuse et spontanée qui lui tombe du ciel, l'autorise à fréquenter la capitale...les débuts de Marie-Antoinette et de la France sont une lune de miel, qui se transformera en un calice amer que la reine devra boire jusqu'à la lie.
    Parmi tous les griefs que ses détracteurs ont pu lui reprocher, de son vivant et après, c'est sa coterie, ces mauvais génies qui ont profité d'elle, à commencer par le clan des Polignac. Parmi ces favoris, il y eut aussi des hommes et le plus important est sans nul doute le comte Axel de Fersen, que Marie-Antoinette rencontre à l'âge de dix-huit ans lors d'un bal donné à l'Opéra. Incognito, la Dauphine engage la conversation avec ce jeune homme gentilhomme suédois qui est alors en train d'accomplir son Grand Tour. Lorsqu'elle le reverra par la suite à la Cour, alors qu'elle est devenue reine de France, elle aura d'ailleurs cette phrase : « Ah, mais c'est une vieille connaissance ! », preuve qu'elle n'a pas oublié le charme du jeune homme.
    Marie-Antoinette et Fersen sont liés dans une légende commune, une légende amoureuse qui a traversé les siècles et fait couler beaucoup d'encre. Car après tout, qu'y a-t-il de plus tragique - mais aussi de plus répréhensible - qu'une reine s'éprenant d'un autre homme que son mari et qui ne s'en cache pas ?

    Des lettres de Marie-Antoinette « décaviardées » grâce à la science

     

    Les caviardages sont ces ratures sur certaines parties des lettres qui ont laissé penser qu'ils cachaient peut-être des mots tendres ou amoureux : les chercheurs se sont aussi rendu compte que des informations politiques ou diplomatiques étaient dissimulées dans la correspondance secrète 


    Que ce soit clair, malgré le décaviardage de la correspondance secrète de la reine et d'Axel de Fersen, nous ne pouvons encore aujourd'hui répondre avec certitude à la question accrochée à toutes les lèvres depuis les années 1780 : Marie-Antoinette et Fersen ont-ils été amants ? Leurs lettres, écrites qui plus est dans un contexte politique des plus complexes, ne laissent rien entendre qui puisse confirmer ou infirmer ce fait. Mais ce qui apparaît comme incontestable, c'est qu'une affection sincère unissait ces deux êtres et qu'ils se sont probablement aimés, effectivement et malgré tout.
    Si Fersen entretint d'autres relations amoureuses et ne s'en priva pas - notamment avec la fameuse Madame Sullivan -, il n'en reste pas moins fidèle à la cause de la reine et de la royauté en général et sera le soutien de Marie-Antoinette et Louis XVI dans l'échappée de Varennes. De Bruxelles, il apportera conseils et écoute à la reine isolée aux Tuileries, en proie à l'incertitude, à la terreur et à l'indécision du roi. Si on peut être tenté de voir en Fersen un mauvais conseilleur, qui poussa peut-être la reine dans la mauvaise voie, la nuance voudrait cependant qu'on loue sa constance et sa fidélité dans des circonstances que d'autres avaient utilisées pour justement prendre leurs distances avec la royauté ou poursuivre leurs propres intérêts.
    Ce livre n'a ni pour but de ternir l'image de la reine, ni de la réhabiliter en niant des faits historiques incontestables aujourd'hui - oui, Marie-Antoinette était probablement amoureuse de Fersen et il le savait. Si vous vous attendiez à des révélations fracassantes, vous risquez d'être déçu mais vous pourrez aussi découvrir la correspondance secrète et échangée par Marie-Antoinette et Fersen jusqu'au milieu de l'été 1792 et qui nous éclaire non seulement sur les agissements de la reine durant les premières années de la Révolution, mais aussi sur les liens qui les unissaient tous deux, faits de beaucoup de tendresse et de confiance mutuelle.
    Si le fond m'a passionnée, comme bien souvent les livres d'Evelyne Lever, toujours captivants, bien écrits et rigoureux, j'ai été toutefois moins convaincue cette fois par la forme : je crois que j'aurais préféré que les lettres soient présentées et éclairées à l'aune du contexte dans lequel elles ont été écrites plutôt que d'avoir d'abord, une première partie consacrée à découvrir comment Marie-Antoinette a pu rencontrer Fersen puis tisser avec lui des liens qui dépassaient la simple amitié ou la simple courtisanerie puis une seconde partie qui tient pas mal du bloc et qui nous présente les lettres les unes après les autres, avec certes des notes de bas de page très intéressantes mais j'ai eu l'impression que cela cassait mon rythme de lecture et je me suis sentie moins partie prenante. Finalement, les découvertes effectuées en 2020 concerne un infime pourcentage de cette correspondance qui avait déjà été étudiée à fond depuis sa découverte dans les années 1980. Les différents examens et notamment les scanners de pointe qui ont permis de passer outre le caviardage e t les ratures ne font que confirmer ce que les historiens présupposaient déjà : les ratures ou autres pontillés dans les lettres recopiées dissimulaient des adresses tendres et amoureuses certes mais pas inconvenantes pour autant et surtout, ils ne dissimulent pas que cela...Fersen comme la reine y avaient recours aussi pour masquer certaines informations politiques importantes et qui devaient rester secrètes et connues d'eux seuls.
    Pourtant, ce livre reste intéressant et éclairant car il prend un autre angle de vue : derrière la reine apparaît la femme, une femme qui n'a pas choisi de devenir reine ni même de tomber amoureuse d'un autre homme que le mari qu'on lui a choisi pour servir de gage à une alliance entre deux pays. Marie-Antoinette n'a probablement été ni plus pure, ni plus fautive que bien d'autres femmes de l'Histoire. Elle a pourtant cristallisé sur sa tête une haine immense qu'il est bon aujourd'hui de dissiper par tous les moyens sans pour autant dédouaner la reine des erreurs et des faux-pas qu'elle a pu commettre. Et tant que nous n'aurons aucune information concernant une possible relation charnelle entre elle et Fersen, accordons-lui le bénéfice du doute en ne lisant ses lettres que pour ce qu'elles sont : celles de deux personnes qui se sont aimées et auraient peut-être pu le faire au grand jour si elles n'avaient pas été ce qu'elles étaient...

    Marie-Antoinette et le comte de Fersen : amis ou amants ? | Point de Vue

     

    Réputé pour son charisme et son charme naturel, Axel de Fersen était connu pour avoir eu beaucoup de succès auprès des femmes

    En Bref :

    Les + : toujours aussi intéressant, comme tous les livres d'Evelyne Lever consacrés à Marie-Antoinette et à la Révolution.
    Les - :
     je suis plus perplexe concernant la forme : je crois que j'aurais préféré que les lettres soient intégrées au propos et expliquées, plutôt que présentées en annexe car cela casse un peu le rythme de lecture.


    Le grand amour de Marie-Antoinette ; Evelyne Lever  

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « Si l'on ouvre une enquête, c'est bien pour répondre au comment et au pourquoi. »

    Couverture Une enquête de Loveday and Ryder, tome 2 : Un pique-nique presque parfait

     

     

         Publié en 2018 en Angleterre

      En 2020 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Ryder and Loveday, book 2, A        Fatal Mistake

      Editions Harper Collins (collection Poche)

      280 pages 

      Deuxième tome de la saga Les enquêtes de Loveday et    Ryder

     

     

     

    Résumé :

    Eté 1960. Après la fête de fin d'année organisée par les étudiants de St Bede's College sur les berges d'une rivière, le corps d'un certain Derek Chadworth est retrouvé flottant dans les eaux de Port Meadow. Si tous les jeunes gens présents sur les lieux affirment que la mort de Derek est accidentelle, aucun d'entre eux ne peut attester avoir bel et bien aperçu ce dernier durant les festivités ! 

    Confronté à des témoignages vagues et peu crédibles, le Dr Clement Ryder décide d'ouvrir une enquête, assisté de la jeune policière Trudy Loveday. Infiltrée parmi les élèves, Trudy arrivera-t-elle à percer le mystère qui entoure la mort d'un des jeunes hommes les plus populaires de l'université ? Car une chose est sûre : Derek Chadworth n'était pas un étudiant comme les autres...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     Par une chaude journée du début de l'été 1960, une promeneuse découvre sur le bord de la rivière à Port Meadow, non loin d'Oxford, le corps sans vie d'un jeune homme. Aussitôt, une enquête est ouverte et le verdict sans appel tombe : le garçon est mort noyé. Cette mort a-t-elle un rapport avec un pique-nique qui a eu lieu non loin de là, le jour de sa mort et où de nombreux étudiants d'Oxford se sont réunis pour fêter la fin de l'année universitaire ?
    Le coroner d'Oxford, le Dr Clement Ryder, ouvre une enquête et les témoignages assez vagues et, étrangement tous concordants des étudiants entendus lui met la puce à l'oreille : et si cette noyade n'était pas simplement accidentelle, due à un peu trop d'alcool ? Et si le jeune homme, Derek Chadworth, que ses parents s'accordent à décrire comme un garçon ambitieux mais, à part ça, sans histoires, n'était pas non plus exactement celui que l'on croyait ?
    Secondé par la jeune stagiaire Trudy Loveday, qui l'avait déjà aidé dans une précédente enquête, Clement Ryder décide donc d'ouvrir une nouvelle instruction mais cette fois, pour meurtre. Car il en est sûr et son flair le trompe rarement : ce qui s'est passé à Port Meadow n'est pas simplement un accident malheureux dû aux circonstances. Et même s'il s'attaque à des étudiants influents - comme l'arrogant Jemery Littlejohn, fils d'un duc -, Ryder est bien déterminé à faire la lumière sur les circonstances du drame. Quant à Trudy, elle vit sa première enquête sous couverture, se glissant dans la peau d'une étudiante en littérature pour pouvoir approcher les élèves d'Oxford et les faire parler discrètement. Mais les deux enquêteurs sont bien loin d'imaginer ce qu'ils vont découvrir et ce que certains sont prêts à faire, par ambition ou simplement pour maintenir un train de vie illusoire et se faire passer pour ce qu'ils ne sont pas...
    Une pique-nique presque parfait fait suite à une première enquête, Le corbeau d'Oxford, où nous faisions connaissance avec notre duo d'enquêteurs : Clement Ryder, ancien chirurgien puis médecin légiste, qui enfin devient coroner, autrement dit un officier de police judiciaire et la jeune Trudy Loveday, policière stagiaire, ce qui est assez peu répandu en ce début des années 1960. La jeune fille est d'ailleurs la seule recrue féminine de son commissariat et doit faire face à la méfiance voire à l'hostilité franche de ses collègues masculins. Sous couvert d'apporter de l'aide à Ryder, le capitaine Jennings, son supérieur, décide de lui dépêcher sa stagiaire, dont il ne sait que faire, sans se douter qu'en se débarrassant ainsi de Trudy, elle apprend bien mieux les ficelles du métier, car Clement lui fait confiance et s'avère un mentor efficace.
    D'ailleurs, dans cette deuxième enquête, Trudy s'est étoffée et a pris de l'ampleur. J'ai trouvé que son personne avait beaucoup plus de teneur : désormais, c'est une vraie enquêtrice, qui parvient à s'infiltrer au milieu des étudiants d'Oxford et à leur soutirer de nombreuses informations qui font avancer l'enquête. Elle est plus déterminée et plus sûre d'elle malgré les doutes.
    Cette deuxième affaire, au cœur de l'élitiste université d'Oxford où la ségrégation sociale est alors très importante et où les étudiants issus de milieux très favorisés n'hésitent pas à écraser de leur mépris ceux qui ont moins de chance qu'eux, nous montre les travers et les effets pervers d'un système basé sur le milieu social et qui broie les plus fragiles voire pousse les plus déterminés - ou les plus désespérés - à faire des choses répréhensibles simplement pour se faire bien voir ou soutenir un train de vie qui n'est pas le leur mais qui les maintient dans une illusion. L'ambitieux Derek Chadworth, auquel on faisait bien sentir qu'il n'était que le fils d'un avocat de province, avait-il justement fini par succomber à cette ambition dévorante, franchissant la ligne rouge de la légalité pour continuer à susciter l'intérêt de ses amis plus fortunés et plus influents ?
    Comme dans Le corbeau d'Oxford, j'ai parfois trouvé que la traduction était un peu légère, avec des tournures de phrases un peu bancales et je pense que les références récurrentes au surpoids de certains personnages n'était pas indispensable - sans être grossophobes, je pense que ces adjectifs étaient superflus et qu'en 2024 on peut décrire les personnages autrement qu'en faisant référence au poids. J'ai remarqué aussi - et cela est peut-être encore une fois dû à la traduction, je ne sais pas - que beaucoup de choses dans ce roman (des humains aux ramettes de papier) mesurent 1 mètre 80 ou plus d'1 mètre 80. Alors en soi, ce n'est pas gênant mais quand ça revient trois ou quatre fois, bon...on se dit que parfois, l'utilisation de synonymes n'est lui, pour le coup, pas superflu !
    A part ces quelques petits bémols qui tiennent plus à la forme qu'au fond, j'ai apprécié le déroulé de l'enquête, que je n'ai pas trouvée forcément très complexe contrairement à d'autres, mais plaisante à lire. D'ailleurs, ça se lit très bien, en deux jours j'avais terminé ce roman et c'est aussi ce que j'aime, parfois, dans les romans policiers et surtout, les cosy murder : si je ne suis pas contre des enquêtes un peu plus complexes parfois, j'avoue que j'aime bien aussi celles qui se déroulent de façon logique, linéraire, cohérente, sans retournements de situation de fou. Cette petite saga est prometteuse et je me fais déjà un plaisir de la suivre, ne serait-ce que pour le duo d'enquêteurs qui fonctionne super bien

    En Bref :

    Les + : une enquête bien menée, qui respecte parfaitement les codes du cosy mystery. C'était très sympa à lire et les personnages, notamment Trudy, ont pris de l'ampleur.
    Les - : des parti-pris de traduction un peu étranges parfois et des réflexions sur le poids des personnages qui, sans être grossophobes, ne sont pas indispensables non plus.


    Les enquêtes de Loveday et Ryder, tome 2, Un pique-nique presque parfait ; Faith Martin

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

     

    • Découvrez ici mon avis sur la première enquête de Trudy Loveday et Clement Ryder : 

    Le corbeaux d'Oxford 

     

     

     


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