• « La vengeance reste la vengeance, quelle que soit la forme qu'elle prenne. »

    Francesca, tome 1, Empoisonneuse à la Cour des Borgia ; Sarah Poole

     

    Publié en 2011 aux Etats-Unis ; en 2014 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Poison : a Novel of the Renaissance 

    Editions Pocket

    502 pages

    Premier tome de la saga Francesca 

    Résumé : 

    Rome, fin du XVe siècle. Bien plus qu'un art, l'empoisonnement est un véritable métier à la cour des Borgia. Et c'est celui de Francesca, comme de son père avant elle, jusqu'à ce qu'il meure dans la rue, roué de coups. Déterminée à venger son assassinat, la jeune femme prend la charge d'empoisonneuse au service du cardinal Rodrigo Borgia. 
    Désormais au coeur des intrigues d'une des familles les plus puissantes de Rome, Francesca devient la confidente de Lucrèce Borgia et l'amante de César. Mais surtout, sa vendetta fait d'elle la pièce maîtresse d'une partie d'échecs immémoriale, dont l'issue pourrait replonger l'Europe dans l'obscurantisme...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Bienvenue à Rome, la ville de tous les possibles !
    Nous sommes à la fin du XVeme siècle, en 1492 précisément et, entre les murs du château Saint-Ange, pendant qu'en Espagne les Rois Catholiques reconquièrent les terres du sud sur les musulmans et que Christophe Colomb découvre un nouveau continent, le pape Innocent VIII agonise. Terrifié par la mort, le pape cherche par tous les moyens à y échapper, en usant parfois d techniques vaines mais assez horribles et, autour de lui, chacun attend son heure à commencer par le doyen de la Curie, le cardinal Rodrigo Borgia, qui a déjà de peu raté la tiare pontificale et est bien décidé à la ceindre cette fois-ci. Les cardinaux se lancent donc dans une course effrénée au pouvoir suprême, faite de petites manipulations et tractations en tout genre, dans lesquelles ils sont bien susceptibles de laisser quelques plumes. 
    Alléchant, non ? D'autres vont aussi peut-être se dire : encore les Borgia ? Mais y'en a marre ! Et pourtant, contrairement à ce que l'on pourrait penser, Francesca, empoisonneuse à la Cour des Borgia n'est pas un énième livre sur les Borgia ! Étonnant, non ?
    Attendez donc que je vous explique...le narrateur du roman n'est pas un membre de la maison Borgia, mais Francesca Giodarno, jeune femme au service du cardinal à la suite de la mort de son père, empoisonneur officiel du futur Alexandre VI.
    Au sein du palais Borgia où se trament tout un tas d'intrigues en vue du prochain et très éventuel conclave, Francesca va se trouver mêlée, de part la mort brutale de son père, au sein d'un complot plus vaste encore et pour lequel peut-être, on l'a fait taire, du moins c'est ce que la jeune femme présuppose. Ayant repris sa fonction près du cardinal, la jeune femme va enquêter, pour tenter de venger son père mais aussi pour tenter de sauver le peuple juif, alors en grand péril au début de la Renaissance.
    Je dois dire que j'ai été très étonnée par la tournure et l'étoffe qu'a pris le roman à mesure que j'ai avancé dans ma lecture. Très honnêtement, sans partir avec un a priori négatif, je ne pensais pas que cette trilogie serait de la grande littérature. Attention, soyons clairs : je n'attends pas de la grande littérature à chacune de mes lectures et il n'y a pas besoin de s'appeler Victor Hugo et d'en avoir le talent pour captiver !
    Mais je ne m'attendais pas à ce que le roman ait une telle teneur, une telle consistance et surtout, une telle cohérence ! L'auteure a vraiment bossé son sujet et s'est investie dans son bouquin, cela se sent au premier abord, tant dans l'intrigue, soignée que dans les personnages, ciselés et maîtrisés.
    J'ai trouvé très judicieux d'aborder l'histoire des Borgia au travers des yeux d'une jeune femme qui, certes fait partie de leur mesnie, mais pas de la famille. Francesca a cependant une position privilégiée puisqu'elle est celle qui peut garantir Rodrigo Borgia et les siens de la mort insidieuse provoquée par les poisons mais aussi la provoquer au besoin. Elle est une alliée précieuse et surtout, elle a accès à un cercle très privé auquel les autres serviteurs ne peuvent prétendre faisant d'elle alors un témoin privilégié.
    Un peu comme Kate Quinn dans Le Serpent et la Perle, Sara Poole nous donne aussi une vision très positive des Borgia. Elle nous montre que, certainement comme tout le monde, ils ont été humains et pas seulement dans leurs instincts les plus bas, comme la luxure et la corruption. Dans ce roman, les deux pièces maîtresses de la famille, Rodrigo et son fils César, nous apparaissent sous un jour nouveau, qu'on ne soupconnerait pas mais qui s'avère au final très crédible : ils sont des hommes comme les autres avec leurs qualités et leurs défauts, leurs forces comme leurs faiblesses. Quant à la petite Lucrèce, elle est une adolescente attachante sacrifiée, comme beaucoup de ses semblables, aux ambitions des hommes de sa famille, n'aspirant qu'à devenir une épouse -et à aimer son mari- et une mère. 
    Certainement les Borgia ne furent pas plus corrompus ni plus experts en manipulation et en poison que toutes les autres grandes familles de l'époque. Alexandre VI fut cependant l'un des premiers à assumer ce que tout le monde faisait mais taisait discrètement. J'ai aimé cette approche de l'auteure qui nuance et adoucit la légende noire du pape et de sa progéniture. Les Borgia sont vraiment des personnages importants et représentatifs d'une époque, sur lesquels on devrait peut-être se pencher plus souvent.
    Ce roman est convaincant. Distrayant et enlevé, il ne nous ennuie pas une seconde. J'ai aimé l'intrigue mais cela ne fait pas tout : la manière dont elle est racontée compte aussi beaucoup et j'ai découvert un style qui m'a plu et donné vraiment envie de continuer et de lire les deux autres tomes composant cette saga. Je me suis attachée au personnage de Francesca, je l'ai vraiment comprise, je ne sais pas pourquoi, mais elle m'a touchée et j'ai trouvé sa détermination dans sa quête effrenée pour trouver la vérité, la paix et venger son père, assez admirable. Le personnage est assez troublé et instable, mais cela ne m'a pas gênée, au final, je l'ai trouvé courageux. Certes, Francesca est un personnage de roman mais il fallut sûrement, en cette époque troublée, bien plus de courage aux femmes qu'aux hommes pour parvenir à se sortir des embûches qui ne manquaient pas de naître sur leur route. 
    Au final, ce roman dont je n'attendais rien m'a paru savoureux et il ne tombe pas dans la facilité, ce que j'ai apprécié. Bref, vous l'aurez certainement compris, sans que je m’étende plus : Francesca, empoisonneuse à la Cour des Borgia est un roman historique qui a su me séduire de bout en bout. Et bien évidemment je le recommande ! 

    En Bref : 

    Les + : une intrigue enlevée et bien maîtrisée, des personnages fictifs attachants. Quant aux protagonistes ayant réellement existé, Sara Poole sait vraiment leur redonner vie. 
    Les - : 
    quelques mots qui, parfois, me sont apparus comme un peu incongrus dans une intrigue censée se passer au XVème siècle, en un mot, un peu trop modernes.

     

     


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  • « Quel intérêt d'avoir une librairie, si on ne peut pas donner des livres aux gens qui les méritent ? »

    La Bibliothèque des Cœurs Cabossés ; Katarina Bivald

     

    Publié en 2015 en Suède ; en 2016 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Läsarna i Broken Wheel rekommenderar

    Editions J'ai Lu

    511 pages

    Résumé : 

    Tout commence par un échange de lettres sur la littérature et la vie entre deux femmes que tout oppose : Sara Lindqvist, jeune Suédoise de vingt-huit ans, petit rat de bibliothèque mal dans sa peau, et Amy Harris, vieille dame cultivée de Broken Wheel, dans l'Iowa. Lorsque Sara perd son travail de libraire, son amie l'invite à venir passer des vacances chez elle. A son arrivée, une malheureuse surprise l'attend : Amy est décédée. 
    Seule et déboussolée, Sara choisit pourtant de poursuivre son séjour à Broken Wheel et de redonner un souffle à cette communauté attachante un brin loufoque...grâce aux livres, bien sûr. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Avec ce roman, je découvre la littérature suédoise mais aussi un récit dont on a beaucoup parlé ou du moins, dont j'ai beaucoup entendu parler mais pas toujours en bien.
    J'ai eu la sensation qu'à sa sortie, le roman de Katarina Bivald était un petit phénomène. Il a été beaucoup lu et commenté. Mais, au contraire d'autres romans, il a peiné à trouver son public. Les ressentis que j'ai pu lire ici ou là ressemblaient sensiblement à cela : sympa pour l'été, une lecture légère mais qui ne casse pas trois pattes à un canard.
    Mais que suis-je alors allée faire dans cette galère, me direz-vous, d'autant plus qu'à la base, je ne suis absolument pas fan de contemporaine ?
    Eh bien ma curiosité a été piquée, voilà. Tout simplement. Le résumé m'a interpellée et je compte beaucoup sur ma première impression quand il s'agit d'un roman contemporain. Il faut que le résumé me plaise d'emblée, si ce n'est pas le cas, en général je n'y reviens pas.
    Bref, ce roman-là a su me capter et j'ai eu très vite envie de le lire. Je m'attendais à un mélange de l'univers de Gilles Legardinier -il est question de personnages loufoques dans le résumé- et du Cercle Littéraire des Amateurs d’Épluchures de Patates. En gros.
    Au final, La Bibliothèque des Cœurs Cabossés n'est pas vraiment cela, c'est un peu autre chose.
    En 2009, une jeune libraire suédoise, Sara, se met à correspondre avec Amy, une retraitée américaine installée à Broken Wheel dans l'Iowa. Assez réservée, la jeune femme trouve refuge et réconfort dans ses livres, jusqu'au jour où elle décide de bouleverser son quotidien en acceptant l'invitation d'Amy de venir passer quelques semaines aux États-Unis. Mais quand Sara arrive à Broken Wheel, Amy vient de mourir brutalement. Pourtant, il n'est pas question pour elle de repartir et, installée dans la maison d'Amy au milieu de ses affaires -et surtout de ses livres- elle va apprendre à connaître Broken Wheel et ses habitants. Jusqu'à ce qu'une idée germe dans son esprit d'amoureuse des livres surgisse dans son esprit : et si, pour combattre son désœuvrement, il fallait faire lire la population de Broken Wheel ? Elle va alors se lancer dans une grande aventure, bien loin de sa Suède natale et de son quotidien policé et, surtout, routinier. Mais son amour des livres n'en sortira que grandi et peut-être même son amour de la vie.
    La Bibliothèque des Cœurs Cabossés n'est pas un roman où il se passe fondamentalement quelque chose. D'ailleurs, je ne crois pas que ça ait été la volonté de l'auteure, du moins l'ai-je ressenti comme cela. Il n'y a pas besoin d'aventures et de rebondissements à n'en plus finir pour qu'un roman nous captive. L'argument qui revient souvent pour critiquer un livre qu'on a pas aimé : il ne s'y passe rien, me semble parfois un peu facile. On peut être déçu de voir qu'il ne se passe rien dans un roman qui le promettait. Difficile de le reprocher cependant à un roman qui ne le promet pas. Et ce livre ne le promet pas. Si vous vous attendez à une histoire très enlevée et dynamique, passez votre chemin. La Bibliothèque des Cœurs Cabossés est un roman lent, une tranche de vie et on sait bien que la vie quotidienne ne regorge pas de péripéties et autres aventures. Elle coule, tout simplement et est intéressante pour cela aussi.
    Ça ne veut pas dire que j'ai été pour autant très captivée : certains chapitres m'ont paru parfois superflus, mais j'ai réussi à passer au-dessus pour me concentrer sur le fond. L'idée de départ est bonne et cette mise en abyme livresque ne pouvait que plaire à l'amoureuse de la littérature que je suis ! Difficile aussi de ne pas se retrouver un tant soit peu en Sara, quand on est lecteur. Son comportement va forcément nous parler à un moment ou un autre ou nous faire sourire, parce que ce qu'elle fait, on l'a tous fait un jour ou l'autre ! Alors c'est vrai qu'elle est parfois un peu excessive mais moi, je n'ai pas pu m'empêcher de m'attacher à elle et j'ai presque eu parfois l'impression de la connaître.
    Alors oui, il est temps de le clamer haut et fort maintenant : J'AI AIMÉ LA BIBLIOTHÈQUE DES CŒURS CABOSSÉS ! Oui oui oui. Ça n'est pas un roman exceptionnel certes mais j'ai aimé le style de Katarina Bivald et sa manière de raconter son histoire.
    La Bibliothèque... est un roman extrêmement positif et qui fait du bien. Sara arrive pourtant en Amérique alors que la personne avec qui elle correspondait depuis plusieurs mois vient de mourir ce qui, en soi, n'est pas très joyeux mais Sara va réussir à en faire quelque chose d'incroyablement positif et optimiste ! Elle va fédérer une ville entière autour de son amour de la lecture -qu'elle partageait avec Amy- et trouver par la même occasion un sens à sa vie.
    Cette lecture légère était tout ce dont j'avais besoin en cette fin d'été. Je crois que j'aurais pu la lire à n'importe quelle période de l'année mais c'était une petite lecture comme cela qu'il me fallait maintenant. J'aime ces romans dont je ressors avec le sourire et le sentiment de ne pas avoir perdu mon temps. Alors oui, on peut dire qu'il ne s'y passe rien et, en effet, c'est vrai en partie mais La Bibliothèque... est une belle réflexion sur la vie, les autres, les livres. J'ai aimé ce roman en partie parce qu'il tourne autour de la littérature et d’œuvres que j'ai lues, aimées, qui m'ont marquée... Katarina Bivald doit être une lectrice passionnée, elle aussi, avant d'être une auteure. Elle a une solide culture littéraire et en même temps un amour des livres qui transparaît dans le personnage de Sara. Je ne serais pas étonnée d'ailleurs que l'auteure ait mis beaucoup d'elle-même dans son personnage. En parlant des protagonistes d'ailleurs, je les ai tous trouvés sympathiques, à divers degrés. Je m'attendais, au vu de résumé, à des personnages bien plus loufoques peut-être mais dans l'ensemble, je les ai appréciés et ils m'ont souvent fait sourire parce qu'il n'y en a aucun de parfait. Et c'est ça pour moi le véritable héroïsme : peu importe que le personnage soit sans faille. C'est au contraire toutes les petites aspérités, les petits défauts dans l'armure qui sont intéressants.
    Alors c'est vrai que ce roman ne paye pas de mine, mais j'ai vraiment apprécié son univers très personnel et même s'il est peut-être un peu convenu et parfois prévisible, il est, comme une comédie romantique, une valeur sûre : le genre de livres qu'on a envie de lire avec un thé ou un chocolat pas loin, quelques bonbons peut-être... c'est de la douceur à l'état pur, un vrai bon moment malgré ses défauts.
    Je comprends cependant qu'il ait pu décevoir, peut-être les lecteurs ont-ils eu, à l'origine, une trop grande attente ? Personnellement, je n'en avais aucune et je ne remercierai jamais assez les gens qui n'ont pas hésité à partager un abus mitigé voire carrément négatif ! Je n' attendais rien de ce roman et je ne m'attendais à rien... la découverte alors n'en a été que meilleure.
    Une petite lecture d'été sympathique, légère, pas forcément exceptionnelle, certes, mais qui nous fait positiver. Je ne demandais rien de plus.

    En Bref : 

    Les + : une histoire légère, originale et positive qui redonne le sourire. Que demande le peuple ? 
    Les - : 
    quelques chapitres peut-être un peu superflus, mais dans l'ensemble, je n'ai trop rien à redire. 


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  • In My Mail Box - Août 2017

     

    Une Saison à Longbourn ; Jo Baker 

    Editions Le Livre de Poche

    Date de parution : 2015

    Sujet : Romance, XIXème siècle, Angleterre, Austenerie

    * * * 

    Péril au Fournil : Une Boulangère mène le Président à la Baguette ! ; Céline Barré 

    Editions Createspace (auto-édition)

    Date de parution : 2016

    Sujet : Humour, Contemporaine

    * * *

    In My Mail Box - Août 2017

     

    Louis XIII et Richelieu : la Malentente ; Simone Bertière

    Editions du Fallois

    Date de parution : 2016

    Sujet : Histoire, XVIIème siècle, Histoire Politique, Essai

    * * * 

    Mazarin, le Maître du Jeu ; Simone Bertière

    Editions Le Livre de Poche

    Date de parution : 2009

    Sujet : Histoire, Biographie, Histoire de France, XVIIème siècle

    * * * 

    Le Diable sur les Épaules ; Christian Carayon

    Editions Pocket

    Date de parution : 2013

    Sujet : Histoire, XXème siècle, Policier, Enquêtes, Thriller, Surnaturel, Superstitions

    * * * 

    Le Gang des Rêves ; Luca Di Fulvio

    Editions Pocket

    Date de parution : 2017

    Sujet : Histoire, Fresque historique, Italie, New York, XXème siècle

    * * * 

    Belgravia ; Julian Fellowes

    Editions 10/18, Collection Domaine Etranger

    Date de parution : 2017

    Sujet : Histoire, XXème siècle, Noblesse, British way of life

    * * *

    Les Héritiers de Kervalon ; Inès de Kertanguy

    Editions Le Livre de Poche

    Date de parution : 2015

    Sujet : Saga familiale, Bretagne, Histoire, XXème siècle

    * * *

    Ce que le Jour doit à la Nuit ; Yasmina Khadra

    Editions Pocket

    Date de parution : 2009

    Sujet : Drame, Histoire, XXème siècle, Guerre d'Algérie

    * * * 

    Les Yeux Couleur de Pluie ; Sophie Tal Men

    Editions Le Livre de Poche

    Date de parution : 2017

    Sujet : Contemporaine, Romance

    * * * 

    Cavendon, tome 1, La Splendeur de Cavendon Hall ; Barbara Taylor Bradford

    Editions Le Livre de Poche

    Date de parution : 2015

    Sujet : Saga familiale, Angleterre, Histoire, XXème siècle

    * * * 

    Cavendon, tome 2, Les Femmes de Cavendon ; Barbara Taylor Bradford

    Editions Le Livre de Poche

    Date de parution : 2016

    Sujet : Saga familiale, Angleterre, Histoire, XXème siècle

     

     


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  • « La réussite est toujours une conjonction d'heureux événements et d'intelligence arrivés au bon moment. »

    Louis XIII et Richelieu ; Jean Castarède

     

    Publié en 2011

    Editions France-Empire

    346 pages 

    Résumé :

    Au XVIIe siècle, la France a proposé au monde un système de gouvernance original, fondé sur le couple "Monarque-Premier ministre". Ce duumvirat, incarné par Henri IV et Sully, puis par Louis XIII et Richelieu, Louis XIV et Colbert, et dans une certaine mesure Anne d'Autriche et Mazarin, passera à la postérité avec un contenu dirigiste et technocratique que l'on appelle le colbertisme. C'est Richelieu qui en a le mieux fixé les règles et qui a su le plus clairement en déterminer le contenu par ses nombreux écrits et messages à son souverain. Ainsi, le couple Louis XIII-Richelieu, présenté ici pour la première fois comme un cas d'école, amène à réfléchir sur la difficulté, mais aussi les chances, de gouverner à deux. Même si les transpositions sont difficiles de nos jours, y compris dans certains pays émergents, l'histoire de cette dyarchie, indépendamment des spécificités psychologiques et caractérielles des deux êtres qui l'ont incarnée, est riche d'enseignements. On découvre également dans ce livre les deux véritables personnalités du roi et de Richelieu, différentes des images déformées par certains historiens ou par la légende, et, surtout, leur attachement mutuel, ce qui les réhabilite tous les deux.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    De tous les couples politiques de l'Histoire française, qu'elle soit royale ou républicaine, le plus emblématique est certainement celui formé par Louis XIII et son puissant ministre, Richelieu.
    Amorcée par Henri IV et Maximilien de Béthune, duc de Sully, et poursuivie d'une certaine manière par le duo formé par le Roi-Soleil et Colbert, cette particularité inhérente au gouvernement de la France ne s'est jamais mieux incarnée que sous le règne de Louis XIII. Aujourd'hui encore, le roi est indissociable de son ministre qu'on a d'ailleurs souvent voulu faire passer pour bien plus capable que lui.
    Qu'en est-il réellement ? C'est ce que l'auteur, essayiste et historien, va mettre en évidence dans ce livre, qui n'est pas une biographie mais plutôt une démonstration, la description précise d'une époque et d'un mode de gouvernement.
    Qui sont exactement Richelieu et Louis XIII ? Sont-ils réellement aussi antagonistes qu'on a bien voulu le dire ? Au contraire, eurent-ils un attachement l'un pour l'autre ? Louis XIII fut-il un roi faible et, profitant de cette faiblesse, Richelieu, doté d'une grande intelligence et d'une capacité exceptionnelle à gouverner, parvint-il à asseoir son propre pouvoir au détriment de celui du souverain ?
    Et si tout était plus compliqué ? Avec les travaux des historiens du XIXeme siècle et les fameux romans feuilletons, comme Les Trois Mousquetaires, c'est une idée très connotée que l'on se fait de cette période, en se représentant souvent Richelieu comme l'âme damnée d'un souverain timoré.
    Pourtant, la réalité est toute autre et, dans un contexte particulièrement troublé, celui de la régence de Marie de Medicis qui fait suite à l'assassinat d'Henri IV, Richelieu se montrera l'un des seuls ministres capables de redresser la situation et tenir la barre.
    Jean Castarède se propose de nous raconter l'histoire de cette fabuleuse ascension, qui n'était vraiment pas gagnée au départ. Richelieu, fils du grand prévôt d'Henri III, petit gentilhomme de province, d'abord promis à la carrière des armes puis embrassant la cléricature, lorsque son frère aîné se fait moine chez les Chartreux.
    C'est le portrait d'un homme qui ne doute pas de lui ni de sa bonne fortune, d'un génie de la politique pas dénué d'ambition et de bon sens que l'auteur brosse ici.
    En parallèle, on découvre Louis XIII qui semble une parfaite antithèse de son principal ministre mais s'avère posséder de subtiles qualités, que l'auteur s'applique à lui rendre. Louis XIII ne fut pas si faible qu'on veut bien le dire, il sut souvent se montrer à la hauteur de son père. Fils d'Henri IV et Marie de Médicis, Louis XIII devient roi à neuf ans par la force des choses, après le meurtre de son père bien-aimé. Soumis à l'ambition de sa mère, médiocre régente et à son favori, Concini, marié à une infante espagnole, le jeune Louis voit le règne de son père balayé par la régente et sa clique. Jeune homme introverti et peu à l'aise en public il saura pourtant se montrer autoritaire et doté d'une vraie capacité de décision et d'action.

    Portrait du cardinal de Richelieu par Philippe de Champaigne (XVIIème siècle)


    En même temps, c'est une époque dans son ensemble, une époque charnière qui revit sous nos yeux. Le règne de Louis XIII comme celui de son père avant le sien, est une période de transition entre les XVIème et XVIIème siècles. Nous ne sommes plus vraiment sous la Renaissance mais pas encore sous le Grand Siècle. Les Guerres de Religion connaissent encore quelques résurgences malgré l'édit de Nantes tandis que la Guerre de Trente ans se profile à l'horizon. Règne durant lequel le peuple se révolta à maintes reprises, il ne fut pourtant pas aussi mauvais qu'on le croit et il est nécessaire de nuancer son bilan. Louis XIII ne fut pas un roi nul, il avait une certaine intelligence politique et un véritable pouvoir de décision. Mais il est clair que, sans l'aide de son premier ministre, peut-être le roi n'aurait-il pu régner et gouverner comme il l'a fait.
    J'aime beaucoup le XVIIème siècle, pas autant peut-être que le XVIIIème, mais quand même... C'est une période qui me passionne, sur laquelle j'ai beaucoup lu, romans, essais ou biographies. Et le fait que Jean Castarède, dans ce livre, aborde le règne de Louis XIII au travers du duo formé par le roi et son ministre m'a plu tout de suite. Très honnêtement, je ne savais pas à quoi m'attendre, je ne connaissais pas l'auteur et, avec les livres d'Histoire, parfois on a du très bon et, d'autres fois, du franchement moins bon.
    L'approche de l'auteur est intéressante. Je n'ai pas forcément été séduite par son style, si tant que l'on puisse en juger dans un livre comme celui-ci. Mais il est précis et clair et le propos est émaillé de textes d'époques - extraits de La Gazette de Theophraste Renaudot, de mémoires, du journal d'Hèroard, médecin du roi-, ce qui m'a beaucoup plu. L'auteur replace les personnages dans leur contexte tout en expliquant celui-ci et en le mettant en exergue, l'abordant aussi au travers des règnes précédent et suivant. Si Henri IV et Louis XIV furent de bons rois, des administrateurs nés, cela fut peut-être moins évident pour leur fils et père mais on ressort de cette lecture avec, assurément, une bien meilleure opinion de lui. Quant à Richelieu, si j'ai en général en tête une bonne image de lui, je ne peux pas m'empêcher, comme beaucoup d'entre nous, d'être influencée par les images plus romanesques du Cardinal : la description que Dumas fait de lui y est certainement pour beaucoup. Richelieu ne fut pas qu'une éminence rouge flanquée d'espions et de nombreux chats, œuvrant à nuire à la reine tout en faisant détruire les donjons des seigneurs provinciaux.
    Richelieu fut un grand politique qui mérite que son image soit redorée parce qu'il a beaucoup fait pour son pays en son temps et fut un homme politique comme on en fait plus.
    Et Louis XIII fut un bon roi, conscient de sa fonction et de la sauvegarde de son héritage. Quoiqu'on en dise.
    J'ai trouvé l'orientation du livre très cohérente et intéressante. J'ai aimé ce mélange d'histoire thématique et chronologique. Chronologique parce que Jean Castarède déroule son propos du début du XVIIème siècle jusqu'aux années 1640 et thématique parce que c'est à travers le duo formé par le roi et son ministre que l'auteur aborde l'époque.
    Servi par une bibliographie étoffée, qui fait la part belle aux historiens du début du XXème siècle comme à des plus récents, ce livre est intéressant et saura certainement trouver son public chez les personnes intéressées par le XVIIème siècle et l'évolution de la fonction royale, portée à son apogée par Louis XIV.

    Portrait de Louis XIII en armure, par Philippe de Champaigne (XVIIème siècle)

    En Bref :

    Les + : le mélange d'histoire chronologique et thématique, le fait d'aborder le règne de Louis XIII de manière linéaire mais au travers de celui, concomitant, de son ministre.
    Les - :
     un propos peut-être parfois un peu froid et distancié, si tant est qu'on puisse reprocher une telle chose à un tel livre, purement scientifique à la base.

     


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  • « Comment savoir quelle est la meilleure solution si nous ignorons la vérité ? Il vaut toujours mieux connaître la vérité, qu'on choisisse de l'occulter, de la cacher ou de l'oublier carrément. Si nous ne savons pas la vérité en premier lieu, nous risquons de commettre de regrettables erreurs. »

    Charlotte et Thomas Pitt, tome 2, Le Mystère de Callander Square ; Anne Perry

    Publié en 1980 en Angleterre ; en 2012 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Callander Square

    Editions 10/18 (collection Grands détectives)

    383 pages

    Deuxième tome de la série Charlotte et Thomas Pitt 

    Résumé :

    Cette enquête semblait élémentaire : quelle femme de chambre indélicate du très chic Callander Square a enterré ses nourrissons adultérins dans le parc ? Mais la vérité est loin d'être aussi simple, et le gentleman inspecteur Thomas Pitt n'est pas au bout de ses surprises, dans cette haute société victorienne où les faux-semblants sont rois. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Si vous vous souvenez, je me suis plongée dans la grande série d'Anne Perry, Charlotte et Thomas Pitt, en février dernier. Un peu après tout le monde, soit dit en passant mais... mieux vaut tard que jamais ! J'ai beaucoup aimé L’Étrangleur de Cater Street, son ambiance, la manière dont l'auteure a choisi de raconter son histoire et, par- dessus tout, les personnages de Charlotte et Thomas, que, je le savais, je retrouverai dans les autres tomes. Et me voilà donc embarquée, quelques mois plus tard, dans la lecture du Mystère de Callander Square. C'est avec plaisir et curiosité que je m'y suis plongée et le résumé en plus était prometteur, même si le sujet traité est assez sordide. En même temps -c'est malheureux mais c'est comme ça-, il est aussi un reflet de l'époque. Nous sommes dans les années 1880, Charlotte Ellison a épousé Thomas Pitt -je ne pense pas vous révéler un scoop en vous disant cela- et vivent modestement à Londres quand éclate l'affaire de Callander Square. Deux cadavres de bébés sont retrouvés dans le parc et Pitt est chargé de l'enquête. Serait - ce une des femmes de chambre des maisons entourant le square ? Une servante malencontreusement séduite qui a cherché à faire disparaître le fruit de ses égarements ? Les enfants étaient-ils morts-nés ? Ou, finalement, l'affaire est-elle bien plus compliquée qu'il n'y paraît ? Pitt va alors enquêter au sein même des demeures huppées de Callander Square et y découvrir parfois des choses effarantes et bien laides, cachées sous le vernis de la bienséance et des convenances.
    Dans cette deuxième enquête, j'ai retrouvé tout ce qui m'avait plu dans la première, L’Étrangleur de Cater Street : le charisme de l'enquêteur, Thomas Pitt, le caractère déterminé et volontaire de Charlotte, mais aussi l'époque -l'ère victorienne est définitivement passionnante- et la manière dont l'auteure aborde ses enquêtes. Anne Perry, plutôt que de se concentrer uniquement sur le point de vue de la police, privilégie d'abord ceux que le crime touche directement : ceux qui l'ont, éventuellement, découvert, les suspects, les témoins. Comme dans le premier tome, l'auteure décrit assez bien la psychose et la tension qui naissent dans un milieu, à la suite d'un découverte d'un crime, la peur instinctive de la police, la gêne que provoquent ses questions. Dans le cénacle assez fermé de Callander Square, Thomas Pitt se trouve confronté à une loi du silence presque machinale et à la condescendance des habitants, tant envers lui-même qu'envers les domestiques. La société est alors encore fortement fragmentée, les liens sociaux très codifiés et les préjugés ont la vie dure. Aidé par l'enquête subtile de Charlotte, Thomas va cependant réussir à lever le voile sur cette affaire qui semble avoir bien des ramifications et surtout, qui n'aura pas le résultat, un peu trop facile, qu'on attendait dès le départ. Et si les cadavres de ces deux bébés n'avaient pas été abandonné par une femme de chambre ou une servante séduite malgré elle ? Et si la vérité était plus complexe. Quand, à cela, s'ajoutent en plus quelques nouvelles grossesses étranges,
    des amours ancillaires et bien des secrets, difficile alors pour l'inspecteur, qu'on aide en plus de mauvaise grâce, de démêler le vrai du faux.
    Encore une fois, Anne Perry nous brosse un portrait cynique, sans concession mais qui semble étonnamment vraisemblable, de l'époque victorienne. Epoque paradoxale s'il en est, entre industrialisation bondissante et misère noire, violente à bien des égards. Désabusée, aussi : c'est bien pour cela que, malheureusement, si le crime commis sur deux nouveaux-nés est certes révoltant et choquant, il n'en surprend pas pour autant et Pitt est même le premier à reconnaître que si c'est une servante qui en est arrivée à cette extrémité, elle n'est pas la première et ne sera pas non plus la dernière. L'époque est cruelle, tant pour les plus petits que pour les femmes, réduites à la portion congrue. Les réflexions des personnages sont parfois extrêmement surprenantes voire assez révulsants pour nous, lecteurs du XXIème siècle, dont la société est moins codifiée, dans laquelle les femmes sont intégrées. Certes, notre propre époque n'est pas dénuée de ses aspects les plus sales et les plus indignes mais il est vrai que l'époque victorienne cache bien son jeu, sous un vernis de bienséance, de codes fortement respectés et de conventions derrière lesquelles on s'abrite frileusement.
    Le Mystère de Callander Square est encore une fois une bonne enquête, qui me donne envie de poursuivre ma découverte de cette série très importante, comptant à ce jour pas moins de trente-deux tomes ! J'ai retrouvé avec plaisir Charlotte et Thomas, jeunes mariés, qui m'ont rappelé les deux personnages d'Ann Granger -qu'ils ont sans aucun doute inspirés-, Lizzie et Ben Ross. Si j'ai parfois ressenti quelques longueurs, l'envie de savoir enfin le dénouement a été cependant la plus forte. Dénouement qui arrive peut-être un peu rapidement mais qui m'a surprise. Pas complètement, mais suffisamment pour que je ressorte de cette lecture satisfaite : non, je n'avais pas pensé à tout et j'aime beaucoup quand un roman policier arrive à me surprendre réellement, quand le dénouement démonte totalement mes suppositions premières ! J'ai parfois eu la sensation, pas forcément très agréable quoique pas extraordinairement dérangeante non plus, que les chapitres se ressemblaient beaucoup, que l'enquête n'était finalement rien de plus qu'une succession de chapitres sans de véritables liens entre eux : les personnages se reçoivent mutuellement, se font part de leurs doutes, de leurs soupçons à mots couverts, de leurs peurs. Peut- être certains sont-ils superflus. J'ai aussi regretté de ne pas avoir vu autant Charlotte que dans le premier tome et j'espère la retrouver un peu plus dans les tomes suivants.
    A part ça, j'ai pris un grand plaisir à lire cette enquête. Malgré les quelques petits défauts soulevés précédemment, j'ai aimé cette lecture, je m'y suis plongée avec curiosité et je ne peux vraiment pas dire que j'ai été déçue. J'aime beaucoup Anne Perry et mon intérêt pour son oeuvre se confirme avec la lecture de ce deuxième opus de son incontournable saga victorienne. A conseiller à tous les amateurs de romans policiers historiques.

    En Bref :

    Les + : incontestablement, les personnages, l'époque, l'ambiance et la manière dont l'auteure oriente ses enquêtes, en ne se focalisant pas uniquement sur le point de vue de la police. 
    Les - : 
    quelques répétitions, des chapitres qui parfois se ressemblent sensiblement dans leur forme, peut-être un petit manque de dynamisme.

     


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