• « Il n'y a pas de beauté dans le mensonge. »

    Pressentiments ; Katherine Webb

    Publié en 2011 en Angleterre ; en 2014 en France (pour la présente édition) 

    Titre original : The Unseen 

    Editions Pocket

    500 pages


    Résumé :

    En 2011, en Belgique, le cadavre parfaitement conservé d'un soldat de la Grande Guerre est découvert, avec, dans ses poches, deux lettres signées H. Canning. Chargée de l'identifier, Leah, journaliste, va remonter le fil d'une histoire initiée un siècle plus tôt, dans une bourgade tranquille du Berkshire, lors d'un été caniculaire. L'été où le révérend Canning et sa naïve épouse Hester voient leur vie bouleversée par l'arrivée de la nouvelle bonne, Cat, ainsi que d'un troublant jeune homme versé dans les sciences occultes. L'été où s'est noué un drame si terrible que, cent ans plus tard, les conséquences s'en font encore sentir...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 2011, Leah, jeune journaliste free-lance, originaire de Londres, est appelée en Belgique pour travailler sur un cas des plus particuliers. Contactée par Ryan, un homme avec lequel les relations sont complexes, qui travaille pour la CSM -la Comission des Sépultures Militaires-, elle doit enquêter sur l'identité d'un homme qui vient d'être exhumé : celui-ci est en fait un ancien soldat britannique de la Grande Guerre, dont le cadavre a été retrouvé parfaitement conservé et portant deux lettres dans sa vareuse. Celle-ci sont signées et donc écrites par la même personne, vraisemblablement une femme, dont le prénom commence par un H et dont le nom de famille est Canning. A partir de ces lettres et des informations qu'elles contiennent, Leah va essayer, en Angleterre et plus particulièrement dans le Berkshire, de reconstituer le fil des événements qui ont conduit, un jour de l'été 1911, ce fameux soldat inconnu à rencontrer Mrs. Canning et elle espère ainsi, par la même occasion, en plus de trouver l'identité du cadavre anonyme, découvrir ce qui s'est passé cet été-là, où bien des vies semblent avoir été bouleversées et quels sont ces événements tragiques dont H. Canning fait mention dans les deux lettres retrouvées sur le soldat.
    En parallèle se dévoile alors l'histoire, qui cent ans plus tôt, intéresse notre journaliste : l'été 1911 est un été caniculaire sur le Berkshire et voit débarquer, dans la tranquille bourgade de Cold Ash Holt, deux personnages inattendus. La première, Cat Morley, est une jeune servante arrivée de Londres, au passé trouble et qui vient travailler au service d'Albert Canning, pasteur de son état et de sa jeune épouse, Hester. Il s'avère qu'au même moment, le pasteur se prend de passion pour une science étrange, nommée théosophie et qui va bouleverser sa vie mais aussi, par ricochets, celle de ses proches.
    Mais laissez-moi vous présenter, en quelques mots, ce qu'est la théosophie, car je ne le savais pas moi-même avant d'ouvrir ce livre ce qu'était ce courant de pensées. Aujourd'hui assimilée à une mouvance sectaire, la théosophie connut pourtant un grand succès en Angleterre entre la fin du XIXème siècle -la Société Théosophique a été créée en 1875- et le début du XXème siècle, mais remonte vraisemblablement à l'Antiquité, le terme faisant son apparition dès le IIIème siècle de notre ère. Formé de deux racines grecques (theos, divin et sophia, sagesse) c'est un système philosophique ésotérique par lequel l'être humain tente de connaître le Divin et d'être initié aux mystères de la Vérité.
    Albert, de plus en plus passionné par cette discipline, fait alors venir à Cold Ash Holt un personnage charismatique et qui se veut un maître théosophe, Robin Durrant, qui va bouleverser la vie tranquille au presbytère, accélérer la désunion du couple Canning, créer des tensions dans la maisonnée.
    Manipulateur, comme tout sectateur, il s'arrange pour éloigner et isoler de plus en plus chaque membre de la famille, qu'il peut ensuite modeler à sa guise. Mais bientôt, le pire se produit, un événement effroyable et qui va marquer à jamais des générations de Canning, au point que cette chose si grave qui survient à l'été 1911 devient pour eux un secret douloureux, connu mais tu comme un tabou. Et c'est celui-ci que Leah, aidée par le descendant d'Hester et d'Albert, Mark Canning, va essayer d'élucider pour comprendre enfin le lien entre Hester Canning et le mystérieux soldat mort en Belgique et essayer enfin, grâce à diverses hypothèses et conjectures, pouvoir retracer sa courte existence et essayer de lui donner un nom. Ce qu'elle va découvrir ne va pas manquer d'être surprenant, bien sûr.
    Avec Pressentiments, nous faisons vite connaissance de personnages ciselés et intéressants, que ce soient les contemporains ou ceux de 1911. De nos jours, c'est Leah, la jeune Londonienne attachante qui mène la danse : jeune femme d'aujourd'hui, journaliste free-lance qui en veut, c'est sa vie sentimentale qui lui pose problème, depuis une histoire mouvementée et une rupture récente qui l'a fragilisée ; elle se lance donc dans cette aventure comme dans une grande quête afin d'oublier ses démons. Ryan est lui aussi un jeune homme très actuel, un peu bobo, très cool mais avec des parents pleins aux as, ce qui ne fait pas de lui pour autant quelqu'un de bien sans être non plus un sale type. L'histoire tourne surtout autour du duo formé par Leah et son acolyte de choc, Mark Canning, franchement désagréable au début de l'histoire mais dont les failles se révèlent peu à peu et permettent alors au personnage de devenir plus humain et compréhensible aux yeux du lecteur.
    En 1911, un peu plus de personnages se croisent et s'entrecroisent au presbytère de Cold Ash Holt en cet été particulièrement torride : les maîtres des lieux sont Albert et Hester. Lui est pasteur, elle, amoureuse de son mari à plein temps mais, après un an de mariage et une absence d'enfants qui devient de plus en plus cruelle, la naïve et conventionnelle Hester se rend compte que quelque chose cloche chez son terne mari. L'arrivée de Robin Durrant, le théosophe, va bouleverser leur existence à tous deux, irrémédiablement, dans la mesure où ce personnage va exercer une véritable attirance, une véritable fascination sur les deux autres, bien que ce soient pour des motifs différents et que l'ascendant qu'il va prendre sur chacun deux passera par des chemins différents. Robin Durrant est un personnage vraiment complexe, que j'ai aimé découvrir en temps que lectrice parce qu'il a beaucoup de relief et que je l'ai trouvé vraiment abouti mais dans l'intrigue, il est absolument détestable ! Quoique...les moments où le manipulateur froid et calculateur ressort nous le font en effet totalement détester...mais il a aussi des moments plus humains qui nous font sans cesse balancer entre une certaine compréhension et une vraie aversion. Il est clair que ce personnage est absolument fascinant et on ressent donc, même à travers les pages, l'influence insidieuse et ondoyante qu'il a pu avoir sur des personnes fragiles et en détresse morale, comme Hester Canning.
    Enfin il y'a Cat, de son vrai nom Catherine Morley, l'autre personnage principal du moment. Ancienne servante londonienne au passé trouble, elle arrive à Cold Ash Holt, dans une maison respectable afin de se refaire une virginité en quelque sorte. Agée de vingt-deux ans, elle paraît pourtant plus vieille, écorchée par la vie. Cat fait partie de ces classes défavorisées et laborieuses que la fulgurante industrialisation de l'Angleterre a vu naître dans le sillage des grands progrès du XIXème siècle. Orpheline très jeune, sans trop de perspectives d'avenir hormis celle de domestique, voire pire, Cat, idéaliste, a épousé les causes de son temps, peut-être un peu trop, d'ailleurs...elle cache au fond d'elle beaucoup de failles et de fragilités qui nous la font vite aimer, bien qu'elle soit difficile à apprivoiser, tout comme Sophie Bell, d'ailleurs, autre servante du presbytère et qui devient soudainement plus humaine quand le secret qu'elle porte depuis longtemps nous est enfin dévoilé.
    Pressentiments est un bon roman à secrets, dans la veine de ceux de Kate Morton -maîtresse du genre- et de L'Héritage, le premier roman de Katherine Webb, que j'ai lu l'an dernier et qui m'avait fait forte impression. Je crois d'ailleurs que j'ai préféré celui-ci à Pressentiments, même si ce dernier m'a plu, n'exagérons rien ! Je l'ai seulement trouvé un peu plus longuet que L'Héritage, j'ai eu le sentiment que certains chapitres traînaient un peu en longueur et m'empêchaient ainsi de savoir où l'auteur voulait en venir, mais son style clair et fluide, facile à aborder, compense facilement cette petite lacune. Au contraire de L'Héritage, cependant, Pressentiments est moins prévisible ou alors, je me suis malgré tout plus laissée porter par l'histoire sans forcément essayer de résoudre l'énigme...pourtant, j'en ai échafaudé, des conjectures et des hypothèses. L'une s'est avérée juste, pas l'autre...j'ai d'ailleurs été extrêmement surprise par la fin car je ne m'attendais absolument pas à ça !
    Bien mené et porté par des personnages dignes d'intérêt et solides, le roman est efficace, malgré quelques longueurs. Je me suis d'ailleurs parfois demandé où l'auteure voulait en venir car j'avais l'impression que l'intrigue stagnait un peu...peut-être aurait-elle eu parfois plus de dynamisme si les chapitres alternent entre 2011 et 1911 s'étaient intercalés plus régulièrement...mais dans l'ensemble, j'ai été très satisfaite de cette lecture, j'ai trouvé l'intrigue vraiment aboutie : le secret y est pour beaucoup, il faut bien le dire, mais il faut que celui-ci soit suffisamment bien traité, avec de petites doses savamment distillées pour garder l'intérêt du lecteur intact. Katherine Webb y arrive plutôt pas mal, en fait ! ! Peut-être pas aussi bien que Kate Morton mais ses romans valent la peine, franchement ! !
    L'intrigue gagne également en teneur de part le sujet qui la supporte tout au long du roman, en forme de fil conducteur : la théosophie, science occulte que l'on pourrait rapprocher finalement d'une mouvance sectaire et qui effectivement en est une, dans la manière dont l'auteure la traite au travers de la figure de Robin Durrant, manipulateur hors pair et inquiétant.
    Pressentiments est une bonne lecture, un roman qui vaut le coup. Mon attention avait d'abord été attirée par la couverture, très jolie et je ne regrette pas d'avoir jeté un œil à ce qu'elle cachait ! Je vous le conseille.

    En Bref :

    Les + : un secret intéressant et une intrigue sympa servie par un style sans fausse note.
    Les - : quelques longueurs. 

     

     

     

     


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  • « Avoir quelque chose et le perdre vous fait languir de ce qui vous manque. »

    Mes Soeurs et Moi ; Judith Lennox

    Publié en 2013 en Angleterre ; en 2014 en France (pour la présente édition) 

    Titre original : All My Sisters

    Editions Archipoche (collection Romans Etrangers) 

    624 pages

    Résumé :

    A la veille de la Première Guerre Mondiale, à Sheffield, les quatre sœurs Maclise songent à leur avenir. 

    La belle et orgueilleuse Iris attend une demande en mariage qui tarde à venir ; la passionnée et timide Marianne s'éprend d'un homme d'affaires ; la vive Eva souhaite partir à Londres pour devenir artiste, tandis que Clémence, la benjamine, doit rester à la maison pour prendre soin de leur mère. 

    La guerre et ses tragédies vont séparer les quatre sœurs. Confrontées à des choix difficiles, elles doivent faire face à des responsabilités inattendues, mais découvrent une indépendance dont elles n'imaginaient pas la saveur. 

    Bientôt, le silence de Marianne, qui a suivi son époux en Inde, devient inquiétant. Jusqu'à ce qu'une lettre parvienne, qui contient une pierre précieuse pour chacune de ses sœurs...Seront-elles un jour à nouveau rassemblées ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au début des années 1910, les sœurs Maclise, de Sheffield, entrent doucement dans l'âge adulte. L'aînée, Iris, séductrice -et séduisante-, papillonne et fait tourner la tête des garçons de la ville, sans tomber amoureuse pour autant. Une rencontre fortuite, consécutive à une chute de vélo, bouleversera sa vie et la changera. La cadette, Marianne, sera celle qui adoptera le chemin le plus conventionnel pour l'époque : un mariage satisfaisant mais qui finira mal. Elle connaîtra ensuite sa dose de tragédie. Eva, la troisième, est artiste dans l'âme, aspire à une vie de bohème et à être admise aux Beaux-Arts de Londres.
    Mais la guerre fera d'elle une femme de responsabilités, bien loin de la vie d'artiste qu'elle avait espérée plus jeune. Enfin, la dernière de la famille, Clémence, qui n'est pas la plus jolie se voit imposer d'office un destin qu'elle n'a pas choisi : celui de garde-malade pour sa mère et sa grand-tante. Mais les bouleversements de ce début de siècle vont entraîner dans leur sillage les sœurs Maclise, les éloigner considérablement les unes des autres et leur faire connaître drames, aventures et péripéties qu'elles n'auraient jamais envisagé.
    L'orgueilleuse Iris, confrontée par un homme qui ne la laisse pas indifférente, se remettra complètement en question ; Marianne se laisse entraîner dans une histoire sordide par un manipulateur ; Eva se rend compte que sa vocation d'artiste ne lui convient peut-être pas autant qu'elle l'avait pensé et s'accomplira finalement dans un univers bien différent ; Clémence, enfin, qui grandit, s'ouvre elle aussi à l'amour sans pouvoir malheureusement se dépêtrer du fil à la patte que lui a passé la maladie de sa mère, la famille s'attendant, tacitement, à ce que la benjamine prenne en charge l'organisation de la maison et leur mère malade. L'accession à l'âge adulte des sœurs Maclise ne se fera pas sans douleur ni sans larmes ; elles connaîtront bien des désillusions mais l'adversité leur permettra aussi, dans une certaine mesure, de grandir et de mûrir. La Première Guerre qui éclate et fait imploser la fratrie sera aussi pour elles une période cruelle mais pendant laquelle elles comprendront aussi bien des choses, sur elles, sur les leurs, sur ceux dont elles sont amoureuses...
    L'histoire est bien située dans son contexte : l'auteure a manifestement fait beaucoup de recherches sur la guerre, les privations en Angleterre, entraînées par le blocus maritime mais aussi sur la montée des contestations féminines, les militantes connues sous le nom de suffragettes réclamant avec de plus en plus de véhémence voire de violence, le droit de vote et l'égalité des sexes. Mais l'intrigue est surtout centrée sur l'humain, les interactions entre les différents protagonistes, membres de la famille Maclise ou non, sur les joies et les déceptions qu'elles peuvent entraîner, sur l'impact général qu'elles auront sur chacune des sœurs. Aucune, en effet, ne réagit de la même manière devant les événements qui leur arrivent et parfois, elles s'avèrent en effet surprenantes. Finalement, les quatre sœurs sont très changeantes et leur caractère initial s'avère très rapidement être voué à des changements notoires et irrévocables : Iris, qui peut paraître superficielle, est en fait une jeune femme sensible et qui recherche dans le regard des hommes une reconnaissance pour sa personne qu'elle n'a peut-être pas elle-même ; Eva, un peu perchée au début du roman et menant une vie de bohème dans le Londres de l'avant-guerre se révèle quand l'administration de l'usine familiale lui échoit, la douce Marianne, très conventionnelle au début du roman, celle qui se rapprochait le plus, comme je le disais plus haut, du cliché de la femme du début du XXème siècle, surprend finalement par la force inébranlable de son caractère, qui lui permettra d'ailleurs de mettre fin à un mariage toxique et sordide et la benjamine, volontiers considérée par les autres comme le bébé de la famille, rencontre finalement l'amour en une personne bien surprenante.
    Le premier quart du roman m'a fait très peur car il ne s'y passait pas grand-chose : nous assistons surtout à un récit détaillé du passage de l'adolescence à l'âge adulte des sœurs Maclise. Chacune grandit, commence à songer à ce qui serait bon pour elle, tâtonne, fait parfois de mauvais choix...sans dire que ce début d'intrigue était sans intérêt, car ce n'est pas le cas, j'avoue n'avoir pas été transcendée, comme si je naviguais au-dessus de l'histoire sans forcément me sentir concernée. Oui, les sœurs sont sympas, l'histoire pas mal parce que j'aime bien l'ambiance cosy de la bonne société anglaise du début du XXème siècle, qui me rappelle un peu Downton Abbey, mais ça s'arrête là. Le début m'a un peu déroutée également, car je pensais que le roman serait en forme de flash-backs alors qu'il ne l'est finalement pas : mais l'introduction nous donne pourtant ce sentiment et j'ai cru un moment que l'une des sœurs, devenue âgée, se rappelle justement de ses jeunes années, de ses sœurs, de leur séparation etc... alors que ce n'est finalement pas le cas. Il a fallu que j'attende que l'histoire prenne un tournant, avec notamment le départ de Marianne pour l'Inde et toute l'horreur de son mariage qui se révèle peu à peu et les désillusions en série d'Iris, soumise à une adversité bien cruelle et qui semble lui faire payer ses œillades de jeunesse et les déceptions qu'elle a occasionnées à bien des garçons, pour commencer à ressentir un vrai intérêt pour ces jeunes femmes qui s'ouvrent alors, comme si la lumière était faite soudain sur elles et nous incite à nous intéresser plus sérieusement, plus profondément à elles. Chacune dévoile un peu de son intimité, de ses failles et c'est cela qui intéressant, finalement : les héros qui portent des armures, qui vont bien tout le temps et se sortent de toutes les situations sans déranger leur brushing, ça marche peut-être, mais ça n'a aucune authenticité. Et même si on lit pour s'évader, cela ne signifie pas pour autant qu'il faut écarter toute vraisemblance des récits, bien au contraire : la vie quotidienne peut s'avérer triviale, c'est vrai, mais un roman suffisamment abouti peut justement nous amener à nous interroger ou nous livrer une analyse simple de l'humain, de ses bons et mauvais côtés et c'est ça aussi, la littérature. Et comme des nouvelles têtes que l'on apprend à connaître puis à apprécier jusqu'à s'en faire des amies, les sœurs Maclise deviennent rapidement des figures habituelles que l'on retrouve avec plaisir dès que l'on rouvre le roman. On sent en fait l'amour que l'auteure porte à ses personnages qui sont comme ses enfants qu'elle fait grandir au fil des pages, avec beaucoup de tendresse et en les entourant de beaucoup de soins... Pour ma part, j'ai beaucoup aimé Iris après l'avoir trouvée un peu trop superficielle et agaçante au début du roman alors qu'elle est en fait très touchante et Marianne, trop lisse et qui se cisèle, se patine subtilement au fil des pages jusqu'à susciter chez le lecteur une réelle admiration pour tout le pouvoir insoupçonné qu'elle a en elle. Marianne fait partie de ces êtres effacés et qui ont pourtant une force intérieure immense qui leur permet de se dépasser et de passer au travers des obstacles comme au travers des murs au besoin. La jeune Clémence, aide-soignante sans grand éclat d'une mère tyrannique est celle qui, certainement, avec Eva, épouse avec le plus de ferveur les bouleversements qui favorisent les femmes et bouleversent leur façon de voir les choses en ce début de XXème siècle.
    Le style m'a convaincue ; pas spectaculaire, mais juste et fluide, il est agréable à lire. Je déplorerai seulement des coquilles, c'est un peu dommage car malheureusement, il y'en a pas mal. Dommage aussi que la fin soit si abrupte et que l'auteure n'ait pas plus développé les histoires de Clémence et d'Eva, qui s'étoffent en fin d'ouvrage et semblent devenir des personnes surprenantes. Heureusement que l'intrigue est suffisamment à la hauteur pour compenser ces petits bémols. Mes Sœurs et Moi est un roman historique et une chronique de mœurs efficaces que je conseille à tous les amateurs de romans historiques et à ceux qui aiment l'ambiance bien particulière des romans anglais, classiques ou plus contemporains.

    En Bref :

    Les + : un contexte historique passionnant, des histoires humaines riches et intéressantes ; un style fluide.
    Les - : des coquilles, un début un peu longuet et une fin abrupte qui appellerait une suite ou au moins une explication. 


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  • « Nous suivons tous les voies du Seigneur, et ce ne sont pas toujours des sentiers battus qu’Il nous indique. »

    Gwyneira McKenzie, tome 1, Le Pays du Nuage Blanc ; Sarah Lark

    Publié en 2013 en Allemagne ; en 2014 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Im Land der Weissen Wolke

    Editions Archipoche

    755 pages

    Premier tome de la saga Gwyneira McKenzie

     

    Résumé : 

    «Église anglicane de Christchurch (Nouvelle-Zélande) recherche jeunes femmes honorables pour contracter mariage avec messieurs de notre paroisse bénéficiant tous d'une réputation irréprochable.»

    Londres, 1852. Hélène, préceptrice, décide de répondre à cette annonce et de tenter l'aventure. Sur le bateau qui la mène au Pays du nuage blanc, elle fait la connaissance de Gwyneira, une aristocrate désargentée promise à l'héritier d'un magnat de la laine. Ni l'une ni l'autre ne connaissent leur futur époux.

    Une nouvelle vie - pleine d'imprévus - commence pour les deux jeunes femmes, qu'une amitié indéfectible lie désormais...

    Cette saga portée par un puissant souffle romanesque révèle le talent d'un nouvel auteur, dans la grande tradition de Colleen McCullough et de Tamara McKinley. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Le premier tome de la saga Gwyneira McKenzie raconte les destins croisés de deux jeunes femmes qui n'étaient absolument pas promises à se rencontrer mais qui vont finalement, dans l'adversité de leur nouvelle vie, nouer une amitié indefectible. Hélène Davenport, gouvernante londonienne de vingt-sept ans, sait qu'elle a désormais, au vu de son âge, pas canonique mais déjà plus si jeune, peu de chances de trouver un mari en Angleterre. C'est alors qu'elle remarque dans un journal une annonce matrimoniale recherchant des jeunes femmes prêtes à tout quitter pour aller se marier en Nouvelle-Zélande et débuter ainsi le peuplement d'une colonie à peine née.
    Gwyneira Silkham, elle, est la fille cadette d'un gentleman farmer du Pays de Galles. Bien que possesseur d'un titre, lord Silkham a peu de chances de marier sa seconde fille car Gwyneira ne peut prétendre à une dot. Quand Gerald Warden, baron des moutons néo-zélandais vient acheter quelques têtes de bétail dans le cheptel des Silkham, une proposition de mariage est lancée et la jeune fille de dix-sept ans, fougueuse et déterminée, nourrie aux romans d'aventures dans lesquels évoluent des cow-boys intrépides, accepte d'aller s'unir au fils de Warden, sur un autre continent, à des milliers de kilomètres des siens.
    Sur le bateau qui emmène vers l'Océanie de nombreux colons, Gwyneira et Hélène font la connaissance l'une de l'autre. La jeune galloise est en compagnie de son futur beau-père et de sa chienne adorée, Hélène d'un troupeau apeuré de petites orphelines envoyées en Nouvelle-Zélande pour y devenir domestiques dans les maisons convenables de l'île. Elles vont se lier d'amitié, une amitié qui ne faiblira plus, d'autant plus qu'il semblerait qu'elles ne vont trouver, ni l'une ni l'autre, ce qu'elles attendaient de leur nouveau départ. Le jeune époux de Gwyneira sembla cacher un étrange secret tandis que celui d'Hélène, si romantique dans les lettres envoyées en Angleterre et destinées aux candidates à l'émigration, s'avère être éloigné à des années lumière du gentleman farmer que la jeune gouvernante appelait de ses vœux. C'est une à vie difficile, une vie d'adaptation, à un nouveau pays, à de nouvelles familles, de nouvelles coutumes, que les deux jeunes Britanniques vont devoir s'acclimater sous les cieux tantôt accueillants et tantôt menaçants de la Nouvelle-Zélande, le Pays du Nuage Blanc, pour les Maoris (la légende veut que les premiers colons maoris, arrivés de Polynésie sur des barques, n'aient vu d'abord de leur nouvelle patrie qu'un immense nuage blanc qui embrumait les terres : ils ont alors donné au pays le nom de Aotearoa -le pays du nuage blanc).

    La Nouvelle-Zélande dans les années 1880 


    Ce premier tome pose les bases de l'intrigue et nous présente les personnages. Tous, dans leur genre, présentent un intérêt certain, même ceux qui sont le moins sympathiques, comme le beau-père de Gwyneira ou le mari d'Hélène. Quant à nos héroïnes, j'avoue avoir préféré Gwyneira, moins timorée qu'Hélène et peut-être plus déterminée qu'elle à s'en sortir par tous les moyens. Dans Gwyneira, il y'a des velléités très modernes, des désirs peut-être confus mais bien présents, d'émancipation, qui préfigurent en cela le féminisme, pas encore existant en temps qu'entité bien réelle mais latent, tandis qu'Hélène, fille de pasteur reste malgré tout pétrie de principes rigoristes. Pour autant, elles sont toutes les deux intéressantes à leur manière, Gwyneira dans sa lutte incessante pour devenir quelqu'un indépendamment des hommes et prouver à ces derniers qu'elle est tout aussi -voire plus- capable qu'eux, Hélène dans son combat pour les enfants, que ce soient les petites orphelines convoyées par elle jusqu'en Nouvelle-Zélande ou ensuite pour les enfants des tribus maories, qu'elle instruit avec zèle. Et si la vie est dure sur l'île, si les déceptions et les désillusions sont nombreuses, elle n'est pas non plus exempte de certains bonheurs. On rencontre Gwyneira et Hélène alors qu'elles sont encore jeunes, que l'avenir s'ouvre à elles, et on les quitte grand-mères, à la fin du roman, alors que la vie tend, après bien des épreuves, à se calmer un peu.
    Ce roman m'a beaucoup plu...Sarah Lark, bien que n'étant pas anglaise, parvient à bien saisir l'ambiance victorienne qui a fait le charme des romans de Dickens, des sœurs Brontë ou d'Elizabeth Gaskell...c'est une Angleterre flamboyante, nourrie par son industrialisation galopante qu'elle nous décrit, mais où l'opulence le dispute aussi à la misère la plus noire -c'est justement l'époque des romans de Dickens, des romans industriels qui décrivent les conditions de vie des plus défavorisés : les classes ouvrières sont défavorisées, parquées dans des immeubles miteux ou bien enfermées dans les sinistres workhouses, les enfants deviennent délinquants, livrés à eux-mêmes dans les rues, les filles deviennent rapidement des prostituées...en Nouvelle-Zélande, l'émulation des débuts est là, l'excitation est toute neuve et portée à son comble et, pour ceux qui n'entrevoient aucun avenir en métropole, l'émigration peut être une solution, avec tous les risques que cela comporte néanmoins. On peut regretter parfois que la vie des colons ne soient pas plus explicitée, que l'auteure passe rapidement sur ses descriptions de la Nouvelle-Zélande...pour autant, l'ambiance est là. On navigue, avec Gwyneira et Hélène, dans un Nouveau Monde, on découvre en même temps qu'elles et avec des yeux émerveillés, un pays bien différent des nôtres. La Nouvelle-Zélande de l'époque, encore très sauvage, dont beaucoup de terres étaient encore aux mains des tribus maories, a quelque chose de très attirant, comme les Amériques au moment où les Européens y posèrent le pied, avec le sentiment d'avoir trouvé une terre où tout était promis, possible, à faire...

    Lac Ohau Lodge


    Mais Sarah Lark s'est, à mon sens, plus centrée sur les interactions entre les différents protagonistes de son roman. Le pays n'est finalement que l'endroit, grandiose, où des histoires humaines, violentes, parfois tragiques, mais belles aussi, vont prendre racine. On assiste ainsi au lent délitement de la famille Warden, minée par le secret de plus en plus présent quoique tu de Lucas, le fils unique de Gerald et époux de Gwyneira ; on assiste à la naissance des premiers émois amoureux de la jeune femme, fougueuse dans ce domaine comme dans les autres. L'existence d'Hélène ne sera pas plus reluisante, aux côtés d'un mari qui ne la comprend pas et qu'elle-même n'estime pas : mais elle trouvera un réel réconfort auprès de son fils, Ruben et des enfants maoris qu'elle instruit avec plaisir et sans arrière-pensées, contrairement à bien d'autres colons, vite enclins à se sentir plus importants et supérieurs que les indigènes, avec les tensions et les conflits que cela implique bien sûr...
    Le style aussi m'a plu...ni lourd ni trop léger, il est juste, percutant quand il le faut, incisif parfois, très dynamique. Il fluctue avec les situations, rend le roman trépidant. Peut-être y'a-t-il quelques longueurs mais rien de grave. Dans l'ensemble, j'ai été séduite et je ne regrette absolument pas cette lecture, au contraire. J'ai vibré et frémi avec Hélène et Gwyneira et j'ai hâte, dans les tomes suivants, de les retrouver ainsi que leurs descendants, enfants et petit-enfants. J'ai passé un bon moment, j'ai été émue, révoltée parfois, admirative souvent, agacée aussi...ce roman a sollicité mes sentiments instinctifs et c'est ce que je lui demandais. Je continuerai donc la saga avec plaisir.

    En Bref :

    Les + : une intrigue émouvante, centrée sur l'humain et les sentiments, un style dynamique, des personnages ciselés et attachants.
    Les - : des longueurs et des coquilles.


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  • « La mémoire est une cruelle maîtresse avec qui il nous faut tous apprendre à valser. »

    Le Jardin des Secrets ; Kate Morton

     

    Publié en 2008 en Australie ; en 2014 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Forgotten Garden

    704 pages

    Résumé : 

    1913. Sur un bateau en partance pour l'Australie se trouve une petite fille de quatre ans, seule et terrorisée. Le navire lève l'ancre et se retrouve à Brisbane. Si le secret de son débarquement est religieusement gardé par ses parents adoptifs, ceux-ci décident, le jour de ses 21 ans, de révéler à Nell les circonstances étranges de son arrivée dans la famille. Les questions se bousculent alors. Bouleversée, elle va devoir entreprendre un long voyage vers ses origines. Une quête difficile pour lever le voile sur près d'un siècle d'histoire familiale. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1913, en Angleterre, une petite fille disparaît. Ce n'est pas la première, ce n'est malheureusement pas la dernière, mais ce sont les conditions de sa disparition qui sont étranges...il est rare, même à la veille d'une guerre mondiale qui voit la population d'Europe émigrer vers des continents moins agités, comme l'Océanie, de voir embarquer toute seule une toute petite fille de quatre ans. Le bateau lève l'ancre et l'enfant se retrouve à Brisbane en Australie, où elle sera finalement recueillie par une famille compatissante. Devenue Nell Andrews car ne se souvenant pas de son nom, elle vivra dans une famille aimante et unie jusqu'à ses vingt-et-un ans, quand son père adoptif décide de lui révéler la vérité. L'existence jusqu'ici réglée et stable de Nell va voler en éclats car, avec cette révélation, celle qu'elle était jusque-là disparaît à jamais et le vide béant de ses origines devient obsédant pour elle. Elle finit par se lancer, sur le tard, dans une longue quête qui la mènera jusqu'en Angleterre, jusqu'au château de Blackhurst, en Cornouailles, où tout semble s'être joué des décennies avant.
    Puis, à la mort de Nell, c'est sa petite-fille Cassandra, une autre cabossée de la vie, qui a eu son lot de peines et de déceptions, qui reprend les recherches de sa grand-mère et qui se rend finalement compte que cette dernière n'avait pas quitté l'Angleterre avec toutes les clés en main. Et c'est finalement près de cent ans après la disparition de Nell sur ce paquebot que la vérité sur sa petite enfance va se faire jour. Cassandra, qui part en Angleterre sur les traces de cette grand-mère qui s'est révélée à elle, qu'elle a beaucoup aimée et à qui, elle le sent, elle doit quelque chose, même si c'est de façon posthume, va s'y trouver des amis, une maison, peut-être même une bonne raison de rester. Elle va surtout réussir à faire tomber complètement le voile qui opacifiait encore le passé de Nell et par là même, le sien, et comprendre petit à petit ce qui a pu emmener, avant elle sa grand-mère puis elle-même, à tel ou tel choix...Profondément bouleversée, c'est dans cette quête de ses origines et dans sa propre réflexion que Cassandra se propose de nous emmener, tout au long du Jardin des Secrets.
    Ce roman à secrets est encore un très bon cru ! J'avais beaucoup aimé Les Brumes de Riverton et Les Heures Lointaines et je dois dire que j'ai aussi été très très agréablement surprise par Le Jardin des Secrets. Construit sur la même base que les autres, à savoir un secret de famille qui sera élucidé des années plus tard, en général par une héroïne féminine un peu paumée dans sa vie et qui se raccroche justement à cette quête pour donner un sens à son existence, ce roman se déroule de façon si linéaire, si fluide, qu'on se voit à peine tourner les pages. Bien ficelé, malgré les nombreux flash-backs et les juxtapositions d'époques, de pays et de personnages, assis sur de bonnes connaissances et notamment sur un portrait au vitriol mais réaliste de cette société victorienne du début du XXème siècle, qui commence à sentir la décadence, Le Jardin des Secrets, malgré quelques longueurs, emporte le lecteur dans son histoire intéressante, même si on peut regretter, peut-être, que le personnage de Cassandra ne soit pas plus exploité. Au fil des pages, on apprend que la jeune femme -dont on ne sait pas vraiment l'âge- a vécu un drame et que, depuis, elle n'a plus jamais été la même...mais pour se concentrer sur son intrigue autour du secret de famille de Nell, l'auteure est passée de façon un peu plus superficielle sur les personnages qui ne sont pas vraiment attachants même si on compatit pour eux et qu'on comprend rapidement que leurs épreuves leur ont aussi créé des carapaces qui les protègent et les rendent parfois hermétiques et froids, même au lecteur. Quant aux membres de la famille Mountrachet, qui se trouve au centre du récit plus historique, propriétaire de Blackhurst au début du XXème siècle, il est facile de savoir que Kate Morton a concentré en eux toute la flétrissure d'un monde condamné et dans lequel, parfois, comme dans souvent dans les hautes sphères, il se passe les choses les plus laides et les plus sales. Et elle nous montre aussi comment un tel secret, jalousement gardé pendant des années, peut finir par exploser à la figure de ceux qui l'ont autant couvé et à ceux qui finissent par être brutalement mis en présence de la vérité. Ce secret, il va briser le père adoptif de Nell, qui sait que, en lui révélant une telle chose, il risque de la perdre pour toujours...et il va briser Nell qui se trouve soudain, d'une vie bien remplie et enracinée dans une histoire, à une vie sans plus aucun repère et surtout, l'horrible impression qu'elle a été suffisamment négligeable pour qu'on puisse l'abandonner de cette manière sans aucun regret...cependant, l'histoire s'avère bien plus complexe que cela et c'est finalement grâce à Cassandra que l'on connaîtra la fin mot de l'histoire et la jeune femme, tout en reconstruisant le passé de sa grand-mère et par là même le sien, va aussi se reconstruire doucement et panser ses blessures secrètes sur les terres de ses ancêtres...
    Ce roman est captivant, bien écrit, intéressant des premières pages aux dernières. Dès le début, on est accroché car la disparition de cette petite fille est si invraisemblable, si romanesque aussi, que l'on veut savoir pour quelle raison elle se trouve sur un paquebot, à quatre ans, en partance pour une destination aussi lointaine que l'Australie...et puis, au fil des pages, comme Cassandra, comme Nell avant elle, on se prend de passion pour ce secret qui a empoisonné une famille pendant des années, jusqu'au point de non-retour. On se rend compte combien ces secrets de famille peuvent bouleverser des existences, en changer certaines à jamais, en bien comme en mal, même si la seconde est malheureusement la plus courante...on se rend compte aussi qu'ils peuvent en briser certains sans espoir de retrouver un jour une vie normale. Car c'est bien cela qui se passe avec Nell et qui conditionnera ensuite toute son existence. Le Jardin des Secrets est une belle réflexion, sans concession pour autant, sur l'humanité, la force et la puissance destructrice du secret et un portrait amer mais juste d'un monde corrompu et sur le déclin.
    Une très bonne lecture que je conseille à tous les amateurs de romans à clés et à ceux qui aiment Kate Morton !

    En Bref :

    Les + : une intrigue embrouillée, mais bien maîtrisée, un suspense savamment distillé et un secret de famille sordide mais tellement intéressant à découvrir !
    Les - : des longueurs. 


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  • « Je compris soudain pourquoi les hommes mesurent le temps. Ils veulent l'arrêter un instant, dans l'espoir vain de le retenir. »

    Le Chardon et le Tartan, tome 5, La Croix de Feu ; Diana Gabaldon

    Publié en 2001 aux Etats-Unis ; en 2015 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Outlander, book 5, Fiery Cross

    Editions J'ai Lu

    1533 pages 

    Cinquième tome de la saga Le Chardon et le Tartan

     

    Résumé :

    1770, Caroline du Nord. Exilés dans le Nouveau Monde, les Fraser y ont trouvé leur place. Claire, devenue guérisseuse, tente d'aider les gens grâce à ses remèdes et ses connaissances. De son côté, Jamie a gagné la confiance du gouverneur. Néanmoins, la guerre d'Indépendance approche à grands pas et des émeutes éclatent de toute part. 

    Inconscients du danger qui les guette, Claire et Jamie sont rejoints par leur fille Brianna. Ensemble, parviendront-ils à réécrire l'histoire ?

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous sommes en 1770, quelque part dans les colonies anglaises d'Amérique. On ne les appelle pas encore les Etats-Unis, mais cela ne saurait tarder...pour le moment, la guerre d'Indépendance menace seulement et n'éclatera réellement que dans quatre ans. Claire et Jamie Fraser, installés dans les montagnes des Carolines, exploitent et développent leur domaine, Fraser's Ridge, avec l'aide des leurs et d'autres familles d'origine écossaise, pour la plupart ayant trouvé un refuge dans les colonies des Amériques après le Soulèvement et la sanglante défaite de Culloden, en 1746. Ils ont été rejoints par leur fille, Brianna, née au XXème siècle mais qui a fait le choix de venir retrouver ses parents au XVIIIème, mais aussi par leur gendre, Roger. Marsali et Fergus, enfants adoptifs de Jamie, déjà rencontrés dans les tomes précédents, ont eux aussi fondé leur propre famille et vivent avec leurs enfants dans le domaine de Jamie.
    Celui-ci y exerce les activités d'administrateur et de régisseur, tandis que Claire essaie comme elle peut de se mettre à la disposition des habitants de Fraser's Ridge en montant une petite infirmerie. Grâce à ses connaissances héritées du XXème siècle où elle était un chirurgien réputé et à beaucoup d'imagination, elle parvient ainsi à soigner bien des affections et blessures qui auraient pu être mortelles. A côté de cela, elle s'émerveille, ainsi que Jamie, devant le bébé de leur fille Brianna, Jemmy.
    Mais il semble que leur tranquillité sera bientôt mise à mal : Jamie est ainsi sommé par le gouverneur de former une milice pour mater les foyers séditieux qui ne manquent pas d'éclater épisodiquement un peu partout dans les colonies et mettent à mal les institutions coloniales. Claire, Brianna et Roger, venus du futur savent déjà ce qui va se passer dans les années suivantes : la tension, de plus en plus grande entre colons et administrateurs de la couronne, gouverneurs et autres magistrats, qui va s'achever dans le sang...en 1773, c'est la Boston Tea Party puis, un an plus tard, la déclaration de guerre, qui aboutira, le 4 juillet 1776, à l'émancipation pure et simple des Etats-Unis d'Amérique. Tout cela, Claire, sa fille et son genre, le savent. Ils savent que plus rien, ensuite, ne sera pareil, que cette guerre et cette indépendance aura des conséquences qu'on ne peut prévoir en 1770, tant sur les populations arrivées d'Europe que sur les populations indiennes. Au milieu de cette angoisse qui ne cesse de les étreindre, le fantôme de Stephen Bonnet continue de flotter sur la famille Fraser et Claire, par le biais de Ian, le neveu de Jamie, en apprend soudainement plus sur le processus des voyages dans le temps...

    Ce cinquième tome de Outlander est le second à se passer en Amérique. Cela fait maintenant un moment que la série s'est transportée du Vieux Continent au Nouveau Monde et a quelque peu perdu de son ambiance initiale si plaisante. Les personnages ont aussi changé et de nouvelles générations, que l'on doit apprendre à connaître, ont fait leur apparition. Quant à Jamie et Claire, dont on a fait la connaissance encore jeunes dans les premiers tomes, sont aujourd'hui bien plus âgés et à la tête d'une belle famille ! ! La vie pourrait être paisible pour eux, dans leurs montagnes, si l'ombre de plus en plus menaçante d'une guerre ne planait pas au-dessus de la quiétude apparente des colonies et, à nouveau, cet événement majeur de l'Histoire mondiale devient pour les personnages un moyen de s'interroger sur leur propre puissance et leur propre capacité à, sinon réécrire l'Histoire, du moins à essayer de sauver et de sauver les siens d'un cahos inévitable et imminent. Malgré leur prescience exceptionnelle du futur, Claire, Brianna et Roger parviendront-ils à changer le cours des choses ? C'est peu probable, mais, avant d'essayer de changer le cours du temps, Brianna et Roger ont déjà comme mission et ce n'est pas la moindre, d'essayer de détourner Claire et Jamie d'un destin funeste et qui approche lui aussi à grands pas. S'ils ne parviennent pas à sauver l'humanité, parviendront-ils au moins à sauver leurs parents ?

    The Boston Tea Party (1773) : l'un des soulèvements les plus importants dans les colonies, annonciateur de la Guerre d'Indépendance


    Tome extrêmement conséquent, La Croix de Feu contient plus de 1500 pages et il est donc difficile de ne pas trouver de longueurs dans un roman d'une telle ampleur. Ce serait mentir que de dire qu'on est captivé du début à la fin car ce n'est pas vrai...ce tome est en effet très très lent à démarrer, mais une fois que l'histoire est amorcée, on se plonge dedans avec enthousiasme et plaisir ! Le génie de Diana Gabaldon, c'est qu'elle parvient toujours à raccrocher les wagons quand ceux-ci auraient la tentation de dérailler ! C'est-à-dire que, dès que l'intrigue s'essouffle un peu, des rebondissements viennent l'étayer qui permettent ainsi de redonner un nouveau souffle à l'attention du lecteur ! Si la première partie, qui permet de poser les bases du récit, n'est pas des plus palpitantes, la seconde partie elle, se lit non pas d'une traite, mais avec une facilité déconcertante, malgré des passages parfois très violents voire assez sinistres, qui alternent sans cesse avec des passages beaucoup plus...chauds, on pourrait même dire torrides, entre Claire et Jamie ou entre Brianna et Roger, qui ne sont pas en reste ! ! Et le soupçon d'humour que l'auteure distille de façon très subtile tout au long des pages n'est pas non plus pour déplaire, bien au contraire, car ces passages bien plus légers permettent de dédramatiser et de contrebalancer les chapitres plus tristes, nostalgiques voire carrément violents.
    La Croix de Feu est, à mon sens, un tome charnière. Nous sommes au début des années 1770, à l'aube d'une ère nouvelle pour le Nouveau Monde. Les anciennes colonies, dépendantes de la métropole, sont en train de prendre leur envol, sont en train de s'émanciper. On ne le sait pas encore à l'époque mais cette désolidarisation de terres coloniales de l'Angleterre sont en train de faire basculer les choses...progressivement, le centre névralgique du monde va quitter l'Europe pour aller se fixer aux Etats-Unis -on en sait quelque chose. En cette seconde moitié du XVIIIème siècle, le monde est en train de changer et s'achemine nettement vers une modernité dont nous sommes les héritiers.
    Au-delà de ces considérations historiques, La Croix de Feu est aussi un tome charnière pour ce qui est des personnages et de l'intrigue en eux-mêmes. Après avoir été laissé un peu de côté, tout en restant latent ceci dit, dans le tome précédent, l'aspect fantastique du roman revient sur le devant de la scène dans ce cinquième tome. Après avoir appris plusieurs notions importantes quant aux voyages dans le temps, notamment de Geillis Duncan, Claire se trouve en possession de nouvelles informations pour le moins capitales...sont-elle annonciatrices d'un nouveau voyage à travers les pierres ? On le saura bientôt avec les tomes suivants qui vont sans nul doute rejoindre ma bibliothèque dès leur sortie ! ! ! ^^

    En Bref :

    Les + : une intrigue captivante, bien menée, avec une trame historique solide et intéressante ; des personnages attachants et une belle réflexion sur le temps qui passe et la capacité de l'homme à influer ou non sur lui.
    Les - :
    un début un peu lent.


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