• « Quoi qu’il ait enduré, il demeurait un être humain et, pour la première fois depuis de longues semaines, il éprouva de la joie mêlée de tristesse. »

    Les Rohan Montauban, tome 1, L'Héritier des Pagans ; Anne-Laure Morata

    Publié en 2009

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    285 pages

    Premier tome de la saga Les Rohan Montauban

    Résumé : 

    Automne 1629 : l’orage et la tempête se déchaînent sur les côtes bretonnes du pays Léon. Un splendide trois-mâts vient s'abîmer sur les rochers, attiré par les feux des pagans, ces naufrageurs de navires tant redoutés des marins. Les pilleurs d'épaves ont tôt fait d'emporter leur butin, laissant derrière eux un unique témoin d'à peine trois ans, recueilli par la femme de l'un d'entre eux. Quelques années plus tard, élevé en petit paysan breton, Gilles Le Bars, jeune homme insouciant, retrouve à la fête du village Gaël, son ami d'enfance. Au petit matin, au bord du lavoir, Gilles se réveille couvert de sang et, à son côté, gît le corps sans vie de Gaël. Qui veut éliminer Gilles Le Bars, jeune paysan sans histoire, au point de commettre un meurtre pour l'envoyer aux galères ? L'adversaire tapi au sein de la cour du jeune Louis XIV s'annonce redoutable... 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    C'est une trilogie que Anne-Laure Morata ouvre avec L'héritier des Pagans, trois livres qui peuvent cependant se lire indépendamment les uns des autres.
    Pour ma part, j'aime faire les choses dans l'ordre et je vais donc lire la trilogie dans son ordre chronologique. Entre la Fronde et les débuts du règne personnel de Louis XIV, l'auteure nous emmène donc en plein cœur du XVIIème siècle français, pour une saga pleine de rebondissements et d'aventures, qui porte le nom de l'une des plus grandes familles de la noblesse française : les Rohan. En effet, la trilogie est sobrement intitulée Les Rohan Montauban.
    De l'aventure, du rythme, de l'Histoire, une époque qui me plaît et m'a rappelé aussi Les Enquêtes de Louis Fronsac, par Jean d'Aillon... Sur le papier, ce premier tome des Rohan Montauban avait tout pour me plaire : outre Jean d'Aillon, c'était aussi Juliette Benzoni que ce roman me rappelait. Assurément, j'allais passer un bon moment. 
    Oui mais voilà... Voilà quoi ? C'est justement ça, le problème. C'est que c'est resté sur le papier et ne s'est pas concrétisé.
    L'Héritier des Pagans est donc ma première déception de l'année 2018, d'autant plus importante que j'avais repéré cette saga depuis un moment et que j'en attendais pas mal de choses.
    Mais je n'ai pas du tout été emballée par cette histoire d'enfant escamoté lors d'un naufrage et qui réapparaît vingt ans plus tard pour se venger.
    Justement, l'histoire, qu'en est-il ? Le roman s'ouvre en 1629 alors qu'une terrible tempête fait rage au large de la Bretagne. Sur la plage, un groupe de naufrageurs a attiré un bateau pour le piller et les rares rescapés sont tués, sauf un petit garçon qu'une paysanne prend en pitié et persuade son mari d'épargner. Vingt ans plus tard, le garçon, prénommé Gilles et élevé en Bretagne près de Yann et Marie, ses parents adoptifs, est accusé du meurtre de son meilleur ami Gaël. Commence alors pour Gilles une véritable quête qui l'amènera des chemins de France vers le bagne de Marseille, en passant par Lyon puis par Paris où il n'aura de cesse de découvrir qui il est et surtout pourquoi on lui en veut.
    Bon... Vous voyez, dis comme ça, c'est plutôt sympa -même si assez lambda, comme histoire finalement- et franchement c'est vrai que le résumé est vendeur et alléchant. Seulement le reste ne suit pas et j'ai été vraiment déçue par ce que l'auteure en a fait. Des dialogues qui sonnent faux, des personnages un peu caricaturaux que se soient dans leur description ou dans leurs comportements, des anglicismes qui m'ont fait me hérisser : le terme de zombie pour qualifier les bagnards ou le leadership du prince de Condé m'ont fait bondir de ma chaise ! Sérieusement ? ! Soyons clair, je ne suis pas réac et je n'ai rien contre certains anglicismes. On en utilise tous sans nous en rendre compte mais là, leur emploi m'a vraiment gênée d'autant plus que des termes en bon français étaient à fait utilisables. Le propos est, de toute façon dans sa globalité, trop moderne à mon goût. Qu'on écrive dans une langue du XXIème siècle, d'accord. Les auteurs ne vont pas s'amuser à écrire leurs livres dans la langue de l'époque : n'est pas Françoise Chandernagor qui veut. Mais un minimum est requis quand même, à commencer par le bannissement de termes trop modernes, qui ne collent pas au propos... 
    Quand à l'intrigue mi-aventureuse mi-policière qui emmène Gilles sur les traces de sa famille et du secret de sa naissance, je l'ai trouvée intéressante même si j'ai parfois levé les yeux au ciel devant la succession très rapprochée des péripéties et mésaventures qui arrivent au héros -un vrai poissard ce Gilles, ca ne peut pas être autrement quand on se rend compte qu'il lui arrive un pépin à peu près tous les deux mois !
    Dire que l'intrigue est sans intérêt est peut-être un peu fort...et ce n'est pas forcément vrai non plus, dans la mesure où elle a quand même des points positifs, à commencer par le contexte historique, plutôt bien raconté par l'auteure. J'ai peut-être été un peu gênée par la description légèrement négative de la Cour et notamment de Mazarin et Anne d'Autriche, dans la mesure où c'est une époque qui me plaît beaucoup et que j'ai appris à nuancer à force de lectures : non, Anne d'Autriche n'était pas qu'une pauvre malheureuse écervelée séduite par son ministre tandis que celui-ci ne cherchait qu'à s'enrichir avant la majorité de son filleul, Louis XIV. Mais dans l'ensemble, Anne-Laure Morata nous raconte la Fronde de façon simple et claire et c'est ce qui faut, pour comprendre un tel contexte, très complexe, avec des multitudes d'alliances, de retournements, de personnages. 

    Mais voilà, il y'a cette intrigue romanesque qui vient s'y greffer et qui m'a tout, sauf convaincue. Je n'ai pas du tout réussi à y entrer, je suis passée à côté et, à quelques exceptions près, je ne me suis jamais sentie ni surprise, ni captivée. Parfois, l'auteure a réussi à me faire m'étonner, mais c'était malheureusement trop peu fréquent ou trop tard. Le roman fait moins de trois cents pages, un avis mitigé dès le départ est donc peu facilement rattrapable. C'est dommage. J'aurais voulu m'attacher au personnage principal Gilles -qui prend un autre nom par la suite-, j'aurais voulu me sentir concernée par son histoire, j'aurais voulu m'y sentir intégrée mais ça n'a pas été le cas. 
    Je vais maintenant essayer de conjurer le mauvais sort avec les deux prochains tomes, en espérant que ceux-ci me plaisent bien plus

    En Bref :

    Les + : le contexte historique choisi et bien raconté par l'auteure.
    Les - : une intrigue trop faible, des personnages caricaturaux auxquels on ne parvient pas à s'attacher, des termes trop modernes qui n'ont rien à faire dans une intrigue historique et lui font perdre en crédibilité. Ce premier tome est bien trop bancal, à mon goût, pour que j'aie pu me sentir captivée de bout en bout. Dommage.

     

    Brooklyn ; Colm Tóibín

    Thème de février, « Jeune premier », 2/12


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  • « On peut construire sa vie à son gré si on le veut vraiment, et si la Providence vous aide un peu. »

    Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour : L'Evasion de Richard Coeur de Lion et Autres Aventures

     

    Publié en 2016

    Editions J'ai Lu

    564 pages

    Tome hors-série de la saga Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour

    Résumé :

    Des serfs opprimés par un seigneur violent et cruel. Une troupe de chevaliers réunis pour libérer Richard Coeur de Lion, emprisonné en Allemagne. Un bien curieux chat botté. Un crime ménager. Un retour à l'abbaye de Cluny perturbé par des fresques qui saignent. Un loup démoniaque à combattre. Autant d'intrigues dans lesquelles Guilhem d'Ussel se retrouve plongé entre 1193 et 1201. Au fil de ces péripéties, on découvre que le mensonge se cache souvent derrière une apparente vérité, que l'évidence peut être un leurre, que la loyauté fait parfois défaut et que la vengeance justifie bien des crimes. Guilhem, quant à lui, aussi vif d'esprit qu'agile à l'épée, cherche sans relâche à faire justice. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Cela fait deux ans que je ne m'étais pas plongée dans une aventure de Guilhem d'Ussel, le chevalier troubadour de Jean d'Aillon. Il est vrai qu'après ma lecture de Rouen, 1203  alors le dernier tome de la saga en date, j'ai attendu la sortie en poche de Béziers, 1209, qui va me permettre de raccrocher les wagons et de reprendre le fil, après deux ans loin de cette saga.
    Pour me remettre un peu dans l'ambiance je me suis dit que la lecture de ce tome hors série, dont les nouvelles s'intercalent, de part leur chronologie, entre les romans de la saga, serait une bonne alternative. Guilhem est l'un de mes héros préférés chez Jean d'Aillon, que j'ai un peu délaissé à partir du moment où je me suis plongée dans Les Enquêtes de Louis Fronsac mais que, je le savais, je retrouverai forcément un jour. A mon sens, Guilhem d'Ussel, personnage particulier au passé lourd et pas forcément sans tâche est bien plus complexe que Louis Fronsac ou Olivier Hauteville, deux autres héros de Jean d'Aillon, très intéressants eux aussi, cela va sans dire, mais différemment, toutefois.
    Dans ce recueil d'un peu plus de cinq cents pages, l'auteur nous balade ainsi de 1193 jusqu'au début du XIIIème siècle : un peu naïvement, au départ, j'ai cru que chacune des nouvelles allait tourner autour de l'évasion de Richard Coeur de Lion qui, après son retour de croisade, se trouva otage, d'abord du duc d'Autriche puis de l'empereur Henri VI. Ca prouve que j'avais encore une fois bien lu le résumé, car si je l'avais fait, j'aurais vu que la chronologie des nouvelles s'étend sur près de dix ans.
    La plupart des nouvelles présentes dans ce recueil avaient d'abord été publiées en format numérique et j'avais été frustrée de ne pas pouvoir les lire, surtout que des notes de bas de page parfois renvoyaient vers l'intrigue de telle ou telle nouvelle et je me disais : « dommage, quand même... »

    J'ai été donc ravie de les voir rassemblées en un seul et même ouvrage. Ça m'a fait un peu bizarre de faire un bond dans le temps, de revenir dans le passé et il a parfois fallu que je fasse un effort de mémoire pour me rappeler l'intrigue de certains tomes notamment de De Taille et d'Estoc et Férir ou Périr, les deux romans hors série qui racontent la jeunesse de Guilhem. J'ai apprécié qu'une chronologie soit disponible en fin d'ouvrage pour nous permettre de savoir entre quels tomes chaque nouvelle s'intercale. A la limite, cela permet de se rafraîchir la mémoire en allant relire les résumés mais, dans l'ensemble, je n'ai jamais été perdue. Sans me souvenir de tout, je me suis rendu compte que les tomes de la saga lus il y'a pourtant un moment étaient encore assez présents à mon esprit. Il est vrai que j'ai toujours beaucoup aimé Guilhem d'Ussel, un personnage assez atypique.
    Les nouvelles démarrent en 1193, avec La Charte Maudite et L'Evasion de Richard Cœur de Lion. Viennent ensuite, en 1198, Le Noël du Chat Botté, en 1199 Les Perdrix de Lectoure, en 1200 Retour à Cluny et enfin, en 1201, Le Loup maléfique, celle que j'avais très envie de découvrir car je pressentais encore l'utilisation d'un personnage très connu de notre imaginaire -peut-être la Bête du Gévaudan ?- un peu comme pour le chat botté, qu'on ne s'attend pas forcément à retrouver au Moyen Âge mais que l'auteur utilise cependant habilement.
    Ensuite, la grande question, qui m'est revenue sans cesse au cours de ma lecture mais à laquelle je n'ai pas réellement réussi à répondre c'est : est-ce que ces nouvelles présentent un intérêt à la compréhension de la saga dans son ensemble ? Si j'étais très encline à dire oui pour De Taille et d'Estoc et Férir ou Périr, qui nous permettent de mieux comprendre Guilhem, ses réactions et qui nous éclairent sur son passé, je dirais que ce n'est pas vraiment le cas pour ces nouvelles. Elles émaillent la chronologie de la saga mais ne sont cependant pas, à mon sens, nécessaires à la compréhension globale de l'intrigue. Du moins ne l'ai-je pas ressenti comme ça à leur lecture. Je les ai appréciées -même si La Charte Maudite m'a un peu ennuyée je dois le dire- mais je ne pense pas que leur lecture soit réellement nécessaire pour appréhender la saga dans son ensemble. Parfois j'ai même eu l'impression de lire autre chose que du Guilhem d'Ussel, c'était assez perturbant parce que je n'ai finalement pas vraiment perçu la continuité avec les autres tomes, malgré les références qui y sont faites. Je crois que ce qui m'a un peu perturbée, c'est l'absence ou, du moins, la mise à l'écart de l'aspect policier de la saga, surtout dans la première nouvelle. Les enquêtes y sont moins présentes et cela m'a surprise. Mais au final, cela permet à l'auteur d'aborder d'autres domaines, de nous livrer un roman encore plus historique, si tant est que cela soit possible ! Disons que le côté historique parfois un peu inhibé par le policier et celui-ci revient un peu plus sur le devant de la scène dans les dernières nouvelles et ce, pour mon plus grand plaisir de lectrice ! 
    J'ai cependant été ravie de retrouver en fin de volume des enquêtes ressemblant bien plus à ce à quoi Jean d'Aillon nous a habitués, notamment celle prenant corps à Lamaguère, le fief de Guilhem en Toulousain et mettant en scène ce fameux loup maléfique qui n'est pas sans rappeler certaines affaires de bêtes s'attaquant aux hommes, aux XVIIème ou XVIIIème siècles.
    Chaque nouvelle est originale, à sa manière. Jean d'Aillon excelle toujours à dépeindre un Moyen Âge assez grandiose, peut-être pas complètement conforme à la réalité mais qui essaie, du moins, de s'en rapprocher au mieux. C'est le condensé d'une époque finalement : relations entre vassaux et suzerains, entre seigneurs et vilains, croyances plus ou moins superstitieuses, cultes des reliques et des miracles etc... Sa plume est toujours vive, tout à fait adaptée à un récit d'aventures. Ces nouvelles m'ont permis de raccrocher les wagons et de me replonger dans l'ambiance de la saga, dont je m'étais un peu éloignée, avant ensuite de reprendre le fil chronologique. La prochaine fois, c'est donc à Béziers, au moment du siège de la ville par les croisés du Nord, que je retrouverai Guilhem et ses compagnons et, j'avoue, j'ai hâte ! 

    En Bref : 

    Les + : la diversité des thèmes et des ambiances et les personnages, bien sûr. 
    Les - : le recueil est peut-être un peu lent à démarrer. La Charte Maudite m'a un peu ennuyée, peut-être me serais-je plus vite plongée dedans en commençant ma lecture par une autre des nouvelles...

     

     


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  • « Roger de Bussy demeura alors un long moment silencieux et immobile, troublé à l'idée qu'il allait habiter dans la maison de Jacques de Molay ! Le dernier grand maître du Temple. Son fantôme hantait-il les lieux ? »

    Les Enquêtes de Louis Fronsac, tome 8, Le Secret de l'Enclos du Temple ; Jean d'Aillon

     

    Publié en 2016

    Editions J'ai Lu 

    697 pages

    Huitième tome de la saga Les Enquêtes de Louis Fronsac 

    Résumé : 

    1647. La France souffre, les cabales se multiplient, le pouvoir se fissure. Poussé par la bourgeoisie écrasée d'impôts, le parlement de Paris tente d'imposer à Mazarin une constitution limitant le pouvoir royal. Le cardinal se cabre. Et le pays l'imite. Quand débute ce qui va dégénérer en sanglante guerre civile, le comte de Bussy fait une découverte étonnante : sa maison de l'enclos du Temple cache un message chiffré écrit par le dernier grand maître des Templiers. Réputé pour son habileté, Louis Fronsac va tenter de résoudre cette énigme. 

    Quelqu'un agit-il dans l'ombre pour multiplier les émeutes, faire régner la peur et s'approprier le trésor de l'Ordre ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Une balade entre Grand Siècle et Moyen Âge, qui plus est, racontée par Jean d'Aillon, ça ne se refuse pas !
    Ce huitième volume des Enquêtes de Louis Fronsac avait vraiment tout me plaire. On va voir maintenant en détails s'il m'a plu...ou pas !
    Déjà, quelques mots de l'intrigue : nous sommes en 1647, sous la régence d'Anne d'Autriche et de Mazarin et le peuple gronde. Nous ne sommes qu'à quelques mois de la retentissante arrestation des parlementaires, qui va mettre le feu aux poudres et déclencher cette fameuse émotion populaire, parlementaire et, plus tard, nobiliaire, qui est restée dans l'Histoire sous le nom de Fronde.
    Louis et son ami Gaston sont donc des témoins de cette grogne populaire qui enfle, des témoins dont l'inquiétude grandit en même temps que la contestation. Le premier, marquis de Vivonne et propriétaire de la seigneurie de Mercy, près de Paris, envisage avec beaucoup d'émotions l'installation de troupes étrangères non loin de chez lui, ce qui mettrait à mal le bon fonctionnement de sa seigneurie et la vie de ceux dont il est respinsable. Quant à Gaston, s'il continue de monter les échelons de l'administration royale, passant de commissaire à procureur puis à maître des requêtes, une contestation trop prononcée et un conflit ouvert avec la Cour pourrait annihiler tous ses efforts et sa volonté d'offrir une vie stable et confortable à sa toute jeune épouse, Armande.
    Au milieu de ça, voilà que débarque Roger de Rabutin, le fameux cousin de Madame de Sévigné, qui sera plus tard célèbre pour son Histoire Amoureuse des Gaules, un texte qui lui vaudra l'exil puisque ce n'est rien d'autre qu'une critique à peine déguisée de Louis XIV et de sa Cour. En cette fin d'année 1647, Roger de Rabutin s'est vu offrir par son oncle, grand prieur du Temple, une maison à l'intérieur même de l'enclos, qui appartint en son temps au célèbre Ordre du Temple. Et cette demeure n'est pas n'importe quelle demeure puisqu'elle a appartenu à Jacques de Molay, le dernier Grand Maître, arrêté en 1307 sur ordre de Philippe IV le Bel. Et bien sûr, parce que sinon ce n'est pas drôle et il n'y a pas d'intrigue, lors de travaux, le nouveau et heureux propriétaire découvre un vieux coffre en fer et un parchemin sur lequel a été inscrit un code indechiffrable. Parce qu'on a vanté ses talents au comte de Rabutin, Louis Fronsac se voit confier la mission de déchiffrer ce code qui pourrait peut-être amener...au Trésor des Templiers, rien de moins !
    Si on ajoute à ça un faux frère Hospitalier qui provoque ses victimes en duel avant de les tuer en leur demandant de renier Dieu et le Christ et une diablerie dont sont victimes de naïves Parisiennes, un meurtre dans la demeure du duc d'Orléans et un vent de fronde de plus en plus violent, on en déduit que le quotidien de nos héros ne sera pas de tout repos entre 1647 et 1649, dates auxquelles se situe cette huitième intrigue plutôt dense et dynamique !

    Le président Molé saisi par les factieux au moment des guerres de la Fronde, par François-André Vincent (1779)


    Alors, le verdict maintenant. Est-ce que j'ai aimé ? La réponse est oui, peut-être plus encore que les tomes précédents qui m'avaient plu au moment où je les ai lus mais que je trouve plus fades, en comparaison avec celui-ci. J'ai retrouvé la verve et la fougue des quatre premiers opus et le riche contexte historique, encore une fois bien relaté par Jean d'Aillon ! Encore une fois, j'ai été soufflée par la solidité des recherches et par le fait qu'il va toujours chercher des histoires totalement improbables mais bien authentiques pour illustrer son propos ! Il est vrai que la Fronde est un épisode assez passionnant de notre Histoire, un épisode peut-être pas forcément facile à saisir -il m'a fallu beaucoup de lectures, de romans ou de documents pour arriver à appréhender la Fronde dans sa globalité- mais très clair, quand il est raconté par Jean d'Aillon ! On sent encore une fois que l'auteur s'est astreint sans nul doute à des recherches très vastes pour nous livrer un propos aussi précis. J'ai cependant constaté quelques petites incohérences de dates que je mettrais volontiers sur le compte d'étourderies parce que cela arrive, même aux meilleurs -il n'y a qu'à lire Dumas, pour s'en rendre compte. Néanmoins, je trouve qu'elles se sont malheureusement un peu répétées et c'est dommage, cela donne la sensation que le roman n'a pas été bien corrigé...
    A part ces petites incohérences et des longueurs au départ, parce que l'intrigue met du temps à se mettre en place, je n'ai pas grand chose à reprocher au roman. Il est vrai que ce tome tournant autour des Templiers et de la découverte d'un mystérieux message codé dans la maison du dernier Grand Maître avait tout pour me plaire. J'aime les mystères de l'Histoire et suis assez fascinée par les Templiers et le brouillard qui entoure leur élimination par le pouvoir royal. Manifestement je ne suis pas la seule puisque le ministre de la Culture lui même, André Malraux, dans les années 60, donna son accord pour que soit fouillé le site de Gisors en Normandie, où le trésor du Temple aurait pu être caché en 1307. Et Jean d'Aillon semble lui aussi intéressé par cette histoire car ce n'est pas la première fois que l'on retrouve les Templiers dans l'un de ses romans. J'ai donc beaucoup aimé retrouver un peu de Moyen Âge au beau milieu d'une aventure de Louis Fronsac qui pourrait d'ailleurs presque être une aventure de Gaston de Tilly, parce que le personnage est très présent au centre de l'intrigue de ce huitième tome, ce qui m'a bien plu !
    Le fait que cette intrigue se situe aussi en pleine Fronde est un point fort, à mon sens, parce que c'est un contexte riche, avec beaucoup d'événements et de personnages charismatiques. Ce n'est pas forcément la période la plus évidente de notre Histoire, je crois qu'il faut beaucoup lire dessus avant de tout bien comprendre, mais sous la plume de Jean d'Aillon, c'est simple et clair, donc rien à dire.
    Finalement, les seuls éléments qui m'ont un peu gênée, ce sont ces fameuses petites incohérences, qui sont revenues souvent et c'est vraiment dommage parce que le reste du livre vaut vraiment le coup. S'il y'a bien une chose qu'on ne peut pas reprocher à Jean d'Aillon c'est de ne pas maîtriser ses intrigues parce que ce n'est pas le cas ! Donc ces petites imperfections ne sont pas graves en soi mais méritent quand même d'être relevées...
    A part ça, j'ai passé un bon moment de lecture. Ce volume est très conséquent mais relativement dynamique, une fois passées les longueurs du début. Je crois que j'ai aussi tenue en haleine tout du long parce que j'attendais vraiment le dénouement de l'intrigue autour de l'Ordre du Temple mais bien sûr, il n'y avait pas que ça non plus ! C'est un ensemble qui fait qu'on aime un livre ou pas.
    Je ressors de cette lecture contente parce que mon intérêt pour cette saga ne se dément toujours pas et je trouve qu'elle est toujours vraiment intéressante malgré quelques petits défauts. La perfection n'existe pas, de toute manière. C'est une vraie saga de cape et d'épée ! Le Secret de l'enclos du Temple est un bon huitième tome. A ce jour, je crois que la saga Louis Fronsac est la meilleure de l'auteur !

    En Bref :

    Les + : entre fiction et réalité historique, Jean d'Aillon signe là un vrai roman de cape et d'épée, moderne, mais qui n'en respecte pas moins les codes de ce genre inimitable. 
    Les - : quelques incohérences qui, malheureusement, se répètent...


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  • « Cardan était un scientifique italien qui a permis de résoudre des équations du troisième degré, les énigmes à trois inconnues. Une enquête policière ressemble un peu à cela. Il y'a plusieurs inconnues. La première, la plus importante, est de savoir qui est coupable. La deuxième est de savoir pourquoi on s'est rendu coupable d'un forfait. La deuxième inconnue livre souvent la clé de la première. »

    Le Diable sur les Epaules ; Christian Carayon

    Publié en 2013

    Editions Pocket

    544 pages*

    Résumé :

    1924, Tarn. Le diable rôde à La Vitarelle. Surgi de nulle part, il a déjà frappé deux fois. Sur la neige ensanglantée, nulle trace de pas. Quelque malédiction semble planer sur les Gresse, les plus gros fermiers du village... 
    Appelé en renfort par la nouvelle institutrice, son amie d'enfance, le criminologue Martial de la Boissière découvre une communauté saignée par la guerre, rongée par ses fantômes. Martial devra dissiper les siens, au risque de perdre ses meilleurs pions...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Après Dracula, j'avais envie de continuer avec les romans un peu noirs et angoissants et j'ai opté pour ce roman, qui est dans ma PAL depuis août et qui correspondait totalement à cette période de l'année. Une couverture qui fait froid dans le dos, un résumé qui annonce un bon thriller...
    Je me suis cependant lancée sans aucune idée de ce que j'allais trouver et surtout, sans réellement d'attentes.
    L'intrigue se déroule en 1924, dans un petit village niché entre le Tarn et l'Aveyron, sur les contreforts de la Montagne Noire, La Vitarelle-du-Théron. C'est un village fictif mais qui symbolise cette France rurale de l'après guerre de Quatorze. Regroupées autour du maire et des notables, on retrouve toutes les couches sociales de l'après - guerre, des plus aisées à celles qui le sont moins. Les villages de l'arrière ont payé le prix fort et beaucoup des leurs ont été tués au front, tandis qu'un exode inévitable et une réelle désertification s'amorcent, au profit des villes.
    Et voilà que La Vitarelle-du-Théron se trouve soudain endeuillée par des meurtres sanglants et étranges : il apparaît très vite aux enquêteurs que les morts auxquelles ils sont confrontés ne sont pas des suicides et pourtant, l'assassin n'a laissé aucune trace. Dans ces villages encore pétris de superstitions et de croyances ancestrales, il n'en faut pas beaucoup plus pour que les habitants terrifiés attribuent ces morts violentes au Diable ou à quelques fantômes.
    La jeune institutrice du village, Camille, nouvelle arrivante et déjà confrontée à l'hostilité des villageois, ne se satisfait pas des conclusions de la police, peu encline à enquêter sur une affaire qu'elle considère comme de malheureux règlements de comptes entre villageois mal dégrossis. Elle fait alors appel à son ami d'enfance, Martial de la Boissière, devenu criminologue et faisant partie du Cercle Cardan, un club d'enquêteurs triés sur le volet et qui interviennent dans toutes les affaires dites inexplicables. Martial a fait ses preuves en Serbie où il a traqué un criminel de guerre avant de revenir en France.
    Sollicité par Camille, il se rend donc à La Vitarelle-du-Théron, où il sera non seulement confronté aux peurs les plus enfouies des habitants mais aussi aux non-dits, aux secrets de famille et aux hostilités des uns et des autres. Très vite, c'est bien une histoire de fantômes qu'il va exhumer... Mais si ces fantômes étaient finalement bien vivants et déterminés à se venger ? Toujours est-il que c'est une seule et même famille, les Gresse, installés à La Vitarelle-du-Théron depuis longtemps et paysans aisés, qui semblent être la cible des violentes attaques de cet assassin insaisissable. Martial va alors s'immerger dans le passé de cette famille afin de comprendre pourquoi ses membres sont pris pour cible les uns après les autres dans des mises en scène aussi macabres que violentes. Et ce qu'il risque de découvrir, bien que bassement cartésien et loin des croyances apeurées des habitants, sera au-dela de tout ce qu'il pouvait imaginer...
    J'ai trouvé ce roman efficace et plutôt intéressant ! Un polar français et bien ancré dans un territoire donné, ce qui lui donne un petit goût de roman du terroir, m'a bien plu ! Le diable sur les épaules est un huis clos, qui se passe dans une seule et même commune, enclavée et repliée sur elle-même. J'ai aimé ce village certes fictif -et cela donne ainsi une grande liberté au lecteur qui peut l'imaginer comme il le souhaite-, mais dans lequel on retrouve beaucoup de cette France rurale, pas si lointaine que ça, finalement. On y fait la connaissance de tout un panel représentatif de la société de l'époque : le maire, les notables, les instituteurs, les commerçants, du boulanger au cafetier en passant par l'épicier, les artisans, les paysans et agriculteurs, plus ou moins aisés. Une petite communauté qui se connaît, qui vit quelque peu en autarcie de par sa position isolée entre Pyrénées et Massif Central et qui finit par se soupçonner à mesure que la psychose engendrée par les meurtres monte, au point, parfois, d'emmener les enquêteurs sur une gausse piste ! C'est sans compter l'habileté de Martial et sa clairvoyance ! Martial que j'ai beaucoup aimé, dès le départ. C'est un personnage plutôt charismatique et qui capte l'intérêt. Camille m'a plu aussi parce qu'elle est courageuse et c'est une battante à une époque où il n'était pas facile d'être une femme et où il fallait éviter de se faire remarquer quand on n'était pas un homme.
    Quant à l'intrigue, je l'ai trouvée bien ficelée, même si elle est assez lente. Je sais que des lecteurs ont reproché son manque de dynamisme...Il est vrai qu'il met du temps à se mettre en place mais cette lenteur, qui nous promène, nous permet aussi de mieux nous imprégner de l'ambiance délétère qui règne à La Vitarelle-du-Théron en cette fin d'hiver 1924. Je ne dis pas que cela m'a plu tout le temps : parfois, j'aurais aimé que le récit passe la seconde effectivement, mais dans l'ensemble, j'ai trouvé le rythme du récit justifié. La peur s'installe petit à petit et la tension du lecteur avec elle.
    Si le dénouement est assez prévisible - je crois que pour la première fois depuis que je lis des romans policiers, je trouve qui est l'assassin avant la chute-, j'ai cependant bien aimé suivre tout le cheminement qui amène Martial à la vérité et j'ai été fière de moi parce que j'ai parfois eu des réflexions qui me sont venues au cours de ma lecture et que j'ai justement retrouvées dans l'analyse de l'enquêteur alors que, en général, je suis une quiche à ce jeu là ! Souvent je lis des romans policiers où l'intrigue est tellement complexe, avec des tours et des détours que je me demande si, inconsciemment, l'auteur ne veut pas nous faire sentir imbécile ! Parfois je renonce même à comprendre et j'attends le dénouement... ici j'ai trouvé que l'enquête était claire, facile à lire. D'aucuns y verront justement une enquête un peu fade mais non, pour moi, du moins, ça n'est pas le cas. Christian Carayon analyse assez finement les relations humaines et les profondes blessures laissées par la guerre, qui peuvent conduire parfois au pire. C'est le portrait d'une population qui peine à reprendre espoir, d'un pays dévasté par un conflit pourtant lointain, au-dela de l'enquête proprement dite, j'ai beaucoup aimé l'approche de l'auteur. Le style, que je découvrais, est simple, sans fioritures mais efficace. Il sert en tous cas très bien le propos !
    Globalement, Le Diable sur les Epaules est un bon roman. Je disais en début de chronique que je n'attendais rien... Ce n'est pas tout à fait vrai. C'est vrai que je ne m'attendais à rien dans la mesure où je découvrais l'univers de l'auteur. Mais j'avais envie d'un roman plein de tension, de brouillard, de peur et de suspicion et je l'ai eu ! Alors, que demander de plus ?
    J'ai aussi aimé que l'auteur fasse parfois des flash-back, qui nous permettent ainsi de remonter aux sources, de comprendre la relation qui unit Martial à Camille. Quant à la fin, même si je me doutais du coup de qui serait le coupable, je ne m'attendais pas vraiment à ce que l'auteur l'amène de cette manière, mais ca ne m'a pas déplu, au contraire.
    Pour un premier roman, Le Diable sur les Epaules est vraiment un bon travail. C'est un bon roman, c'est une bonne surprise, un roman français original qui mérite d'être connu et d'être lu, parce qu'il le mérite. Avis aux amateurs de polars aux toiles de fond historiques. Vous serez sûrement séduits, comme moi j'ai pu l'être.  

    En Bref :

    Les + : une bonne intrigue policière, maîtrisée et bien écrite, ancrée dans un contexte intéressant et une région sublimée par l'auteur.  
    Les - :
    quelques passages peut-être un peu superflus mais il n'y a finalement pas grand-chose à reprocher à ce roman.

     


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  • « Il allait devoir s'habituer à vivre dans un monde où les demoiselles engageaient dans des tripots des héritages qu'elles n'avaient pas encore touchés, où les filles de bonne famille étudiaient les poisons, où les philosophes jouaient les enquêteurs pour le compte de la police, où les marquises aimaient mieux courir Paris sur la piste des criminels que de préparer la layette de leur bébé. »

    Voltaire Mène l'Enquête, tome 1, La Baronne Meurt à Cinq Heures ; Frédéric Lenormand

    Publié en 2012

    Editions Le Masque (collection Labyrinthes)

    315  pages 

    Premier tome de la saga Voltaire Mène l'Enquête

    Résumé : 

    Qui a osé assassiner la baronne chez qui Voltaire coulait des jours heureux ? 
    En ce froid février 1733, c'est la rue qui attend le philosophe (ou pire, la Bastille ! ). Il lui faut donc retrouver le criminel sans délai avant que celui-ci ne s'en prenne à d'autres honnêtes gens -à lui-même, par exemple. 
    Heureusement, avec l'aide providentielle d'Emilie du Châtelet, Voltaire ne manque pas de ressources. Brillante femme de sciences, enceinte jusqu'au cou, celle-ci va l'accompagner dans son enquête où les subtilités féminines triompheront bien souvent de la philosophie. Ensemble, ils devront affronter de redoutables héritières en jupons, des abbés benêts et des flûtistes sanguinaires, décrypter des codes mystérieux, et surtout échapper à un lieutenant général de police prêt à embastiller Voltaire au moindre faux pas...

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Beaucoup de gens ont connu Frédéric Lenormand grâce à cette fameuse saga où le célèbre philosophe joue les enquêteurs !
    Pour ma part, c'est en mai dernier que j'ai lu pour la première fois un roman de Lenormand et c'était Mademoiselle Chon du Barry ou les Surprises du Destin, dans lequel l'auteur narre la formidable ascension de la du Barry, au travers des yeux de sa belle-sœur et tutrice, Chon. J'ai été séduite par le style caustique et drôle, qui m'a beaucoup plu. Loin du style policé du XVIIIème siècle, mais agréable quand même. Le potentiel humoristique a su aussi me séduire totalement.
    Pour ce qui est de Voltaire Mène l'Enquête, j'avais un peu hésité. Est-ce que j'aimerais ? Est-ce que cette saga allait me correspondre ? Le fait qu'elle se passe au XVIIIème siècle ne pouvait que me séduire, certes mais le côté décalé m'inquiétait un peu. Au final, l'ayant aimé dans Mademoiselle Chon du Barry, je me suis lancée plus confiante dans La Baronne Meurt à Cinq Heures.
    Nous sommes donc au début des années 1730 et nous faisons la connaissance d'un personnage pourtant bien connu, j'ai nommé, François Marie Arouet, né en 1694, promis à la grande carrière que nous lui connaissons et qui, né sous Louis XIV, mourra sous le règne de son arrière-arrière-arrière-petit-fils, Louis XVI, à dix ans de la Révolution Française ! Plus connu sous son nom de plume, Voltaire, il est irrévérencieux, drôle, a un sens de la répartie à toutes épreuves et le voilà avec une autre casquette : celle d'enquêteur. Et, cette année - là, il va devoir enquêter sur la mort très étrange de sa logeuse, la baronne de Fontaine-Martel -qui est d'ailleurs un personnage ayant réellement existé. Que s'est-il passé ? La baronne a-t-elle rendu naturellement son âme à Dieu ou bien l'y a-t-on aidée ? Flanqué de la savante marquise du Châtelet -personnage véridique, qui sera d'ailleurs la maîtresse de Voltaire-, c'est ce que Voltaire va s'employer à découvrir en levant le voile sur une intrigue des plus embrouillées, mêlant des jansénistes rigoristes, des servantes peu scrupuleuses, des abbés idiots et des factotum prêts à tout.
    Si j'ai hésité à me plonger dans cette saga au départ eh bien je dois avouer que je ne regrette pas et j'ai passé un très bon moment ! La plume de l'auteur n'était pas une découverte et j'espérais retrouver ce style qui m'avait tant séduite dans Mademoiselle Chon du Barry ! Et effectivement, j'ai retrouvé cette verve de grande qualité et très bien maîtrisée ! Et ce, pour mon plus grand plaisir de lectrice : il est rare qu'une plume me parle autant ou me percute aussi bien, c'est donc un très bon signe et je pressentais que j'aimerais les autres romans de l'auteur.

    Portrait de Voltaire par Maurice-Quentin de La Tour (XVIIIème siècle)


    Quant à l'intrigue eh bien j'ai été très agréablement surprise et j'ai passé un bon moment : l'intrigue policière est bien ficelée, quoique assez facile à suivre dans son déroulement. Bien sûr, les rebondissements sont parfois un peu exagérés, ce qui ne doit pas surprendre plus que ça, dans la mesure où la volonté de l'auteur est de donner justement dans l'hyperbole ! A l'instar de Jane Austen qui pastiche les romans gothiques à la mode, dans Northanger Abbey, Frédéric Lenormand assaisonne son intrigue policière d'une bonne dose d'humour et de quelque peu d'ironie, avec des titres de chapitres à chaque fois drôles et percutants ! J'ai vraiment aimé sa vision du XVIIIème siècle et je me suis surprise à sourire souvent voire à rire. Voltaire est grandiloquent à souhait et les personnages qui l'entourent ont tous un petit quelque chose qui les rend intéressants ou drôles. J'ai aimé que l'auteur prenne le risque de baser une intrigue totalement fictive sur des personnages qui, eux, ont réellement existé ! Voltaire en temps qu'enquêteur, c'est surprenant, inédit mais aussi rafraîchissant ! J'aime les romans sérieux mais je me suis aperçue que ceux qui ne s'y prenaient justement pas, au sérieux, peuvent aussi totalement me séduire, quand l'intrigue est maîtrisée et assumée ! J'aime les romans policiers traditionnels, mais je me suis surprise à apprécier aussi de les voir tourner, non pas en ridicule, mais disons de manière un peu plus fraîche une intrigue policière, évidemment pas drôle au départ. Ce n'est pas pour autant que l'auteur minore la portée du crime sur lequel Voltaire enquête ou ne le condamne pas. Mais une enquête menée tambour battant comme celle-ci, avec en plus des péripéties humoristiques, eh bien, au final, ça marche et même plutôt deux fois qu'une !
    Le côté un peu décalé du roman, cette humour omniprésent qui dédramatise un peu le propos et l'allège -n'oublions pas que nous enquêtons sur des meurtres tout de même !-, n'en occulte pas pour autant le vivant portrait que fait l'auteur du XVIIIème siècle, époque d'inégalités flagrantes, entre les classes, entre les sexes, une époque où la philosophie naissante se heurte à la religion rigoureuse des jansénistes et des jésuites. Époque paradoxale mais ô combien passionnante, le XVIIIème devient presque palpable dans ce roman, on touche du doigt une époque et ses mentalités. L'auteur ne se prive pas non plus de nous éclairer sur la carrière littéraire du célèbre auteur de Zadig, alors en pleine rédaction de ses Lettres Philosophiques Anglaises : la vision que nous donne Frédéric Lenormand de Voltaire est finalement assez plausible. J'imagine bien Voltaire aussi impertinent, aussi haut-en-couleurs, ne payant pas de mine physiquement, mais brillant esprit, capable d'en imposer et dont l'esprit acéré peut autant résoudre des enquêtes que rédiger des pamphlets destinés à faire réfléchir. On se doute bien que, si Voltaire a eu souvent maille à partir avec les forces de l'ordre il n'en a jamais pour autant, afin d'éviter la prison, négocié sa liberté contre la résolution d'une enquête ! Mais au final, ce risque pris au départ devient la grande force du livre : ces personnages historiques aux destins parfois très bien connus ont été transposés dans une intrigue fine et acérée et dans des contextes certes imaginaires mais dans lesquels ils ont tout à fait leur place !
    Il est clair que je poursuivrai ma découverte de la saga ! La Baronne Meurt à Cinq Heures est un roman avec bien plus de teneur qu'on pourrait le supposer : il aborde plein de sujets et l'auteur le fait avec causticité mais sans cynisme. Une très bonne surprise et un bon moment de lecture : que demander de plus ? 

    En Bref : 

    Les + : une intrigue originale et décalée, des personnages intéressants, un style inimitable. 
    Les - : Aucun ! 


    4 commentaires


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