• « Elle lui ressemblait tellement. C'en était à pleurer. Le souvenir d'un fantôme : une femme qu'il n'avait jamais pu oublier et qui le hantait désormais depuis quarante-quatre ans. »

     

     

     Publié en 2017 en Angleterre

     En 2019 en France (pour la présente édition)

     Titre original : Island in the East

     Éditions Milady

     450 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Sans la tempête qui s'était abattue sur l'île ce matin-là, il y aurait probablement eu plus de monde au port pour voir l'Empress of India et sa curieuse cargaison. Depuis que l'on avait appris que Harriet et Mae Grafton, des orphelines sans le sou d'une vingtaine d'années en provenance d'Inde, venaient s'installer, on en parlait dans toute la ville. »

    1897. A vingt ans, Harriet et Mae Grafton sont des jumelles nées d'une liaison scandaleuse. Rejetées par la bonne société, elles ne peuvent que compter l'une sur l'autre. Mais lorsque leur riche bienfaiteur les envoie à Singapour, elles font la connaissance du mystérieux Alex Blake, et leur relation se détériore, ce qui aura des conséquences dévastatrices...

    1941. Petite-fille de Mae, Ivy Harcourt travaille à Londres et est affectée à Singapour, alors sous la menace d'une invasion japonaise. Même si Ivy redoute de vivre sur cette île qui lui est totalement étrangère, elle n'est pas du tout préparée à ce qui l'y attend : des inconnus surgissant du passé de sa grand-mère, une histoire d'amour inattendue et un secret qui ne demande qu'à être découvert...

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En 1941, la jeune Ivy Harcourt a intégré les Wren’s (Women's Royal Naval Service) et participe à l’effort de guerre. Forte de sa bonne connaissance des langues, elle a été affectée aux renseignements et sa mission est d’écouter les échanges des pilotes qui survolent l’Angleterre. Mais après un choc, Ivy demande sa mutation : elle est exaucée au-delà de ses espérances puisque c’est vers Singapour que la jeune femme va être envoyée, pour espionner cette fois, non plus les pilotes allemands mais les Japonais, qui se font de plus en plus menaçants dans cette partie du monde.
    C’est avec appréhension que Mae, sa grand-mère avec laquelle elle vit et qui a élevé Ivy après la mort prématurée de ses parents, voit la jeune femme s’en aller. Mais ses craintes sont-elles seulement liées à la guerre et aux dangers que son unique petite-fille peut courir dans le Pacifique ? Peut-être pas.
    A Singapour en effet, Ivy va découvrir fortuitement des pans de son passé et de celui de sa grand-mère. En 1897, Mae et Harriet Grafton, des sœurs jumelles à la naissance trouble, arrivent à Singapour. Là, elles feront la connaissance de David Keeley et d’Alex Blake, pour le meilleur comme pour le pire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que plus rien par la suite ne sera jamais comme avant. L’affectation d’Ivy sur l’île où sa grand-mère a passé quelques mois de sa jeunesse va forcer Mae à sortir de son silence et à déterrer de vieux secrets qu’elle pensait ne voir jamais ressurgir.
    En parallèle, on découvre le quotidien d’Ivy à Singapour, dans les mois qui précèdent la prise de Pearl Harbor puis l’occupation de la Malaisie et les débuts de la bataille du Pacifique. Dans une atmosphère de touffeur permanente, au cœur de la jungle, les contingents anglais se préparent comme ils peuvent, avec les moyens qu’ils ont – autant dire très peu, quand les fronts d’Europe et d’Afrique les occupent presque tout entiers. Installée dans la maison d’une jeune Américaine engagée elle aussi dans les Wren’s, Ivy se fait des amies, découvre une nouvelle vie et lie connaissance avec un voisin, un certain…Alex Blake, tandis qu’un jeune soldat australien intrépide, Kit Langton, ne la laisse pas indifférente.

    En 1942, les Britanniques cèdent l'île aux Japonais : une occupation de trois années commence


    Vu le pitch, vous vous dites peut-être que Une île en Orient n’est rien de plus qu’une énième romance historique qui se passe en plus – ô surprise – en pleine Seconde guerre mondiale. En soi, vous n’avez ni tout à fait raison ni tout à fait tort : certes, vous lirez une romance historique dépaysante et légèrement prévisible. Mais il n’y a pas que cela non plus dans ce roman et c’est ce qui m’a agréablement surprise, je dois bien le dire. Si beaucoup de lecteurs ont apprécié, dans la double-temporalité, la partie la plus ancienne se passant en 1897, pour ma part – peut-être aussi parce que mon intérêt me pousse plus à m’intéresser à la période de la Seconde guerre mondiale -, c’est vraiment les chapitres consacrés à Ivy que j’ai préférés car dans son sillage, c’est tout l’avant et le pendant de la bataille du Pacifique que l’on découvre : car après avoir déferlé sur Pearl Harbor, les Japonais ne s’arrêtent pas en si bon chemin et Singapour, colonie britannique où vivent de nombreux civils, sera une cible de choix. On découvre l’impréparation des troupes britanniques, l’inquiétude latente de ceux qui sont sur place et comprennent qu’ils sont des laissés-pour-compte quand les fronts d’Afrique et d’Europe nécessitent l’envoi important de contingents…En même temps, les jeunes soldats et les unités féminines s’étourdissent dans de nombreuses fêtes, comme pour conjurer le mauvais sort, dans cette attente de plus en plus étouffante, comme le climat.
    Je n’ai pas détesté la partie consacrée aux sœurs, Mae et Harriet, mais celle-ci est moins historique, on ne découvre finalement pas grand-chose sur la Singapour de 1897 et l’autrice se contente de suivre les quelques mois – assez tragiques d’ailleurs – que les deux sœurs vont passer sur l’île. Je n’ai pas forcément réussi à m’intéresser ni à m’attacher aux personnages, Mae et Harriet m’ont laissée assez indifférente et m’ont même parfois un peu tapé sur le système, même si je ne les ai pas détestées non plus. Je regrette un peu le manque d’éclaircissements sur leur passé, leurs secrets, même si on en apprend de plus en plus à mesure que l’on avance dans sa lecture. J’aurais aimé par exemple connaître les circonstances de leur naissance, alors que là, on ne peut que les imaginer…j’ai eu l’impression que l’autrice en disait trop et pas assez à la fois et que la fin du roman n’apporte peut-être pas suffisamment de clefs comme ce peut être le cas quand on lit un roman de Kate Morton, par exemple, où le secret de départ est complètement décortiqué, jusqu’à devenir limpide pour le lecteur.
    Mais ce n’est qu’un tout petit bémol, qui ne m’a pas empêchée de passer un très bon moment avec cette lecture et de prendre un grand plaisir à suivre Ivy. J’attendais de ce roman une romance historique dépaysante et exotique et je l’ai eue, avec en plus une description du quotidien en Malaisie, notamment au moment de l’occupation japonaise et ce n’était vraiment pas mal du tout.

    Des soldats du régiment Suffolk se rendant à la 25e armée nipponne

    En Bref :

    Les + : une romance historique, certes, mais pas que ! Grâce à ce roman j'ai pu découvrir une part, certes romancée mais sûrement proche de la réalité, de la bataille du Pacifique.
    Les - : une double-temporalité un peu inégale à mon goût.


    Une île en Orient ; Jenny Ashcroft

       Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

     

     

     


    votre commentaire
  • « D'un bout à l'autre de sa course, le Grand Siècle a vibré de l'engagement des grandes âmes. Cet engagement prit des formes diverses, à la mesure des talents, des ancrages sociaux, des circonstances et des appels reçus, s'inscrivant aussi dans différents domaines de la vie, qu'il s'agisse de spiritualité et d'action chrétienne dans la cité, de littérature et de culture, de vie en société ou de politique. »

     

     

     

        Publié en 2022

      Éditions Perrin

      382 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Alors que l'histoire des femmes est aujourd'hui largement abordée et débattue sous l'angle de la condition féminine - souvent pour en dénoncer les carences -, le point de vue du présent ouvrage renverse les perspectives, en mettant en valeur la force singulière de l'empreinte féminine sur la société du Grand Siècle.
    Certes, il existe de nombreuses biographies de femmes célèbres de cette époque, mais une galerie de portraits rassemblant, dans leur thématique propre, de grandes dames de la spiritualité, de la vie culturelle et littéraire ainsi que de la vie politique relève d'une démarche originale et inattendue.
    Barbe Acarie, Louise de Marillac, Marie de l'Incarnation, Angélique Arnauld, Catherine de Rambouillet, Madeleine de Scudéry, Mme de Sévigné, Mme de La Fayette, la duchesse de Longueville, Anne d'Autriche et Mme de Maintenon : les onze portraits brossés avec autant de rigueur que de conviction par Marie-Joëlle Guillaume frappent par la puissance civilisatrice et l'intensité d'âme et d'esprit de leurs modèles, qui n'ont rien à envier aux héroïnes du théâtre classique. Ils offrent une plongée concrète et très vivante dans les mentalités du XVIIe siècle, de Corneille à Port-Royal. Ils font surtout apparaître que l'excellence de la civilisation française, de Louis XIII à Louis XIV, est directement liée aux femmes d’élite qui en furent les actrices.

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Lorsqu’on pense au XVIIème siècle, on songe facilement au règne de Louis XIV, aux Mousquetaires, à Richelieu ou à de grands militaires comme Turenne ou le Grand Condé. On convoque moins spontanément les figures féminines et pourtant, le Grand Siècle en recèle un nombre important.
    Femmes de foi, de gouvernement, de lettres, héroïnes de théâtre : les années 1600 sont remplies, pour peu qu’on veuille se donner la peine de les chercher, de figures féminines phares, indissociables d’une époque mais aussi d’une grande modernité pour certaines.
    Ce sont ces destins féminins, très connus ou plus confidentiels que l’autrice Marie-Joëlle Guillaume se propose de nous raconter ici. D’Anne d’Autriche en passant par Madame de Sévigné ou encore Madame de Maintenon, on découvre un XVIIème siècle marqué par une influence féminine forte : qu’auraient été les lettres françaises sans les femmes qu’il ne faut pas réduire simplement à de ridicules précieuses ? Quel a été leur apport à la foi catholique et à sa fortification, dans le contexte de la Contre-Réforme ? Et en ce qui concerne l’État, les femmes ne sont pas en reste, que ce soit Anne d’Autriche, régente du royaume pendant la minorité de son fils ou encore, la duchesse de Longueville, qui se soulève pendant la Fronde, bercée d’un idéal aristocratique qu’elle entend défendre coûte que coûte, même contre le pouvoir royal.
    Divisé en trois parties, le livre aborde comme dit plus haut les femmes de foi, les femmes politiques et les écrivaines, les autrices. Certains destins nous sont plus familiers que d’autres : ainsi, on redécouvre plutôt que l’on découvre l’histoire de Madame de Sévigné, la célèbre épistolière ou encore, celle d’Anne d’Autriche, la reine espagnole devenue viscéralement française dès lors qu’il s’est agi de défendre les intérêts de son fils mineur. On en apprend un peu plus sur Mademoiselle de Scudéry, la fameuse inventrice de la Carte du Tendre, à laquelle on l’a trop souvent réduite alors que son œuvre est bien plus riche et bien plus vaste, on découvre aussi avec intérêt tant la psychologie que le quotidien de Madame de La Fayette, qui nourrit son œuvre et a fait traverser le temps à ses romans, La princesse de Montpensier ou encore, le célébrissime La princesse de Clèves.

    Louise de Marillac fonde les Filles de la Charité et se met toute sa vie au service des pauvres et des nécessiteux


    En revanche, c’est avec un certain intérêt que j’ai découvert les femmes de foi, ces femmes qui s’inscrivent avec ferveur dans la mystique complexe et exaltée du XVIIème siècle : Barbe Acarie, née en pleine Contre-Réforme et soutenue par une foi indéfectible qui la conduira à une vie religieuse exemplaire après une vie dans le siècle où elle fut épouse et mère (ce fut elle qui introduisit le Carmel en France). Quant à la tourangelle Marie de l’Incarnation, c’est aussi avec souffle et avec ferveur qu’elle s’engage dans l’aventure de sa vie : s’embarquer pour la Nouvelle-France afin d’y apporter la foi catholique, dans une volonté missionnaire que l’on comprend mal aujourd’hui et qui ne se justifie plus mais qui était alors d’une importance certaine. Arrêtons-nous également un instant sur la battante Louise de Marillac, restée longuement en marge de sa famille car née bâtarde, fondatrice avec Vincent de Paul des Filles de la Charité, qui existent encore de nos jours et œuvrent partout dans le monde, notamment en Afrique auprès des plus déshérités, leur apportant un secours non seulement matériel mais aussi religieux ou encore sur Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal à 18 ans et devenue, à l’instar des membres masculins de sa famille, une figure de proue du jansénisme naissant.
    N'étant pas croyante et pas forcément très à l’aise avec les notions de doctrine, de mystique, de dogme, j’avoue que certains concepts m’ont paru un peu obscurs mais dans l’ensemble, cela ne m’a pas gênée plus que cela pour la compréhension même si, évidemment, mon rythme de lecture s’en ressenti car il m’a fallu plus de temps pour tout bien assimiler. J’ai bien évidemment préféré les chapitres consacrés aux femmes d’État, qu’elles aient tenu le pouvoir effectif entre leurs mains contre Anne d’Autriche ou qu’elles l’aient approché de près, comme Madame de Maintenon après son mariage morganatique avec Louis XIV en 1683 et ceux consacrés aux femmes de lettres. J’ai apprécié également que tous ces portraits de femmes ayant existé et compté soient étoffés d’un chapitre plus court mais tout aussi éclairant, sur les femmes du théâtre, que ce soit celles du théâtre racinien, les héroïnes de Corneille ou encore celles de Molière, car elles nous apprennent beaucoup, à leur manière, sur une époque bien plus riche et bien plus complexe que les images d’Épinal que nous convoquons spontanément ne veulent bien nous le laisser penser. Le XVIIème siècle fut peut-être un siècle misogyne et paradoxalement, une époque où les femmes ne furent jamais si fortes, ni si représentées dans toutes les strates de la société, capables de faire entendre leur voix et de s’imposer.
    Pour autant, ce livre est exigeant et dense et ne se lit pas comme un roman loin s'en faut. Il peut même être nécessaire de faire quelques pauses voire quelques recherches en cours mais ça reste une lecture passionnante pour peu qu’on soit intéressé par l’Histoire en général et par l’Histoire des femmes – les grandes oubliées, malheureusement de l’historiographie pendant des siècles – en particulier.

     

    Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, sœur du Grand Condé, est l'une des égéries de la Fronde

    En Bref :

    Les + : il ne s'agit pas ici de récrire l'Histoire mais bien de replacer les femmes dans un contexte où elles ont été partie prenante avant que l'historiographie ne les efface. Ces femmes de foi, de gouvernement, de culture, ont toute leur place dans un siècle que l'on voit volontiers comme très masculin. Une lecture dense et exigeante mais passionnante
    Les - : quelques notions, notamment religieuses, un peu complexes à comprendre pour un esprit du XXIème siècle.

     


     

    Le Grand Siècle au féminin : femmes de foi, de culture et de gouvernement ; Marie-Joëlle Guillaume

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

     


    2 commentaires
  • « Je ne sais pas ce que je vais découvrir au bout de mon enquête ni qui est l'auteur de la carte postale, je ne sais pas non plus quelles seront les conséquences de tout cela. On verra. »

     

     

     

         Publié en 2022

      Éditions Le Livre de Poche

      570 pages

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    La carte postale est arrivée dans notre boîte aux lettres au milieu des traditionnelles cartes de vœux. Elle n'était pas signée, l'auteur avait voulu rester anonyme. Il y avait l'opéra Garnier d'un côté, et de l'autre, les prénoms des grands-parents de ma mère, de sa tante et de son oncle, morts à Auschwitz en 1942. Vingt ans plus tard, j'ai décidé de savoir qui nous avait envoyé cette carte postale, en explorant toutes les hypothèses qui s'ouvraient à moi.
    J'ai retracé le destin romanesque des Rabinovitch, leur fuite de Russie, leur voyage en Lettonie puis en Palestine. Et enfin, leur arrivée à Paris, avec la guerre et son désastre.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au mois de janvier 2003, au milieu des cartes de vœux pour le Nouvel An, Lélia Berest la mère de l’autrice, trouve une mystérieuse carte postale, adressée à sa propre mère pourtant décédée quelques années auparavant. Sur cette carte, sont tracés de manière malhabile quatre noms : Ephraïm, Emma, Noémie et Jacques. Ce sont les grands-parents et la tante et l’oncle de Lélia, tous déportés à Auschwitz en 1942, dont ils ne sont jamais revenus.
    Anne Berest, née en 1979, a vingt-quatre ans à peine lorsque sa mère, un jour de repas dominical, raconte à ses filles l’incroyable découverte. Lélia est surprise mais aussi un peu effrayée : pourquoi et surtout qui lui envoie-t-on cette carte, qui plus est de façon anonyme ? Est-ce un avertissement ? Mais puisqu’il n’y a pas d’autres occurrences, l’histoire aurait pu en rester là.
    C’est près de vingt ans plus tard qu’Anne Berest, devenue depuis scénariste et autrice, devenue mère elle aussi à son tour, va ressentir le besoin pressant, presque irrépressible, de retrouver l’auteur de cette carte, mais aussi, de partir sur les traces de cette famille dont elle ne sait rien, où si peu de choses : les Rabinovitch, qui avaient quitté la Russie au début du XXème siècle en quête d’un havre de paix et qui arriveront en France un peu avant la guerre, guerre qui va les emporter, comme des millions de Juifs, dans la violence idéologique du régime nazi, avec la collaboration du régime de Vichy en France.
    Grâce aux propres recherches de sa mère, mais aussi aux siennes, Anne Berest remonte donc sur les traces de ces ancêtres : à force de questions à Lélia, de recherches dans les archives familiales et dans les livres, elle découvre ici et là des bribes d’informations qui lui permettent de reconstituer une trame. Une trame très ajourée par moments, certes, mais qui permet à des membres de sa famille de retrouver une voix, une consistance, un nom.
    De la Russie, berceau des Rabinovitch, qu’Ephraïm et Emma quittent à la fin des années 1910, alors que la jeune femme est enceinte – de Myriam, qui deviendra la grand-mère d’Anne et Claire Berest –, en passant par la Lettonie mais aussi la Palestine, où Myriam se forgera ses premiers souvenirs, dans la touffeur du Proche-Orient et les orangeraies de ses grands-parents et enfin la France, où la famille sera rattrapée par l’Histoire, les événements et son destin, l’autrice entraîne son lecteur dans une formidable quête identitaire, d’autant plus qu’elle est vraie.
    Dans Gabriële, roman à quatre mains écrit avec sa sœur cadette Claire Berest (autrice de Rien n’est noir ou de L’épaisseur d’un cheveu, paru lors de la Rentrée littéraire de 2023), les deux jeunes femmes exploraient déjà l’histoire familiale en racontant une arrière-grand-mère méconnue, fantasque voire totalement excentrique dans sa jeunesse, assurément non-conventionnelle, qui fut la muse et l’épouse de Francis Picabia, la maîtresse de Marcel Duchamp et l’amie proche de Guillaume Apollinaire.
    Ici, c’est une histoire époustouflante et en même temps tristement banale car elle pourrait concerner des centaines de familles, en France mais aussi dans tous les pays occupés par l’Allemagne nazie durant la Seconde guerre mondiale : on parle souvent de la Grande Guerre comme d’un conflit qui toucha chacune des familles françaises, car il y eut au moins un père, un fils, un proche mobilisé pendant les quatre années qu’ont duré la guerre. Chaque maison posséderait encore de nombreux souvenirs de l’époque : lettres, carnets militaires ou médailles… la Seconde guerre mondiale elle aussi a marqué durablement le pays et les familles françaises, de tragédies souvent terribles et irrémédiables car elles se sont transmises de génération en génération par le silence : un silence ravageur, un silence qui tue. Mais comment parler de l’innommable quand on a été déporté ou bien quand on a vu, comme Myriam Picabia, toute sa famille arrêtée, déportée et qu’on l’a attendue vainement pendant de longs mois voire des années ? Comment accepter, surtout, d’être considéré comme un criminel, sous prétexte que…l’on est Juif ? Une judéité que, comme beaucoup d’autres, les Rabinovitch ne montrent pas, ne revendiquent pas, prônant avant tout une assimilation exemplaire, porte d’entrée d’un avenir radieux et sûr ?
    A près de quatre-vingts ans de distance, c’est donc la nouvelle génération – une génération de quarante ans, assimilée, intégrée, française et pourtant à son tour confrontée à la montée des radicalismes et de nouveau, à une certaine forme d’antisémitisme –  qui cherche et qui interroge, pour guérir les blessures du passé. Cela ne se fait pas sans mal : c’est presque un processus psychanalytique qu’Anne Berest raconte ici, son propre cheminement. La recherche de ses ancêtres et de la vérité n’est-il pas, pour elle mais aussi pour ses deux sœurs, un moyen de se guérir, de trouver un apaisement, une forme de paix ? Comment, lorsque les souvenirs remontent des temps anciens, les laisser sur le pas de la porte ?
    Cette carte postale sera donc le point de départ d’une grande quête : comme un puzzle, l’autrice assemble divers éléments…dans ce récit se croisent les Rabinovitch, Juifs d’Europe de l’Est échoués dans l’Eure, qui fuient un danger qui fait tâche d’huile, se répandant sans plus s’arrêter sur l’Europe des années 1930 comme une épaisse nappe emportant tout sur son passage, sans qu’on trouve le moyen de lui échapper, les Picabia, déjà rencontrés dans Gabriële, si excentriques là où Ephraïm et Emma n’aspirent qu’à disparaître, se fondre dans la masse et d’autres personnages, résistants ou collabos qui, par leur engagement, leurs convictions, sauveront, dénonceront ou condamneront. Les Rabinovitch et leurs deux cadets seront broyés par le système de Vichy, à la botte de l’Allemagne nazie, ils seront victimes de ces lois d’abord intimidantes et répressives puis de plus en plus violentes, de plus en plus dangereuses : le processus se termine dans l’horrible incertitude des camps de transit puis dans le paroxysme de l’effroyable, les camps de concentration. Myriam, la fille aînée, aura plus de chance : elle s’en sortira mais à quel prix ? Par le jeu du hasard, Myriam se marie en 1941, quelques mois avant l’arrestation de son frère et de sa sœur, puis de ses parents. Elle épouse un beau jeune homme un peu mélancolique, un peu fragile, qu’elle a rencontré à Paris, alors qu’elle fait des études de philo : ce jeune homme, c’est Vicente Picabia, le fils du peintre Francis Picabia et de Gabriële Buffet, un garçon qui a été négligé par ses parents dans sa petite enfance et sa prime jeunesse et en a souffert. Comme eux, pourtant, il mène une vie non-conventionnelle et interlope, faite de drogues, d’alcool, de fumeries d’opium…mais il sera aussi Résistant et messager pour un réseau parisien, avant la fin de la guerre. Avec Myriam. Myriam qui est aussi la mère de sa fille unique, Lélia. Et comme la judéité se transmet par la mère, Myriam était juive comme Emma, Lélia sera juive comme Myriam et Anne, Claire et leur sœur, bien que portant le nom breton de leur père, le chercheur Pierre Berest, portent aussi en elles cet héritage familial transmis par les femmes depuis des générations et des générations, depuis la Russie qui a vu naître les Rabinovitch.
    Anne Berest ne s’interdit rien et ne nous épargne rien : du récit de la vie quotidienne terrible, éprouvante dans les camps de transit de Beaune-la-Rolande, Pithiviers ou Drancy, jusqu’à l’arrivée, apocalyptique, dans l’horreur des camps de concentration, où les prisonniers, éprouvés par des mois de captivité en France, puis par un voyage dans des trains à bestiaux, sont accueillis par la lumière aveuglante des projecteurs, les invectives en allemand, les aboiements des chiens, les coups, en passant par l’engagement des Résistants sur le sol français, risquant leur vie à toute heure pour faire passer un message ou exfiltrer une personne recherchée, mais aussi le quotidien difficile, fait de tickets de rationnements, de contrôles, de peur, la Seconde guerre mondiale redevient une époque vivante, terrible, bouleversante. Le lecteur suit des personnages qui auraient pu être ses propres ancêtres, peut-être il évoquera aussi d'ailleurs en pensée les siens : un grand-père ou un arrière-grand-père, Résistant ou prisonnier… une grand-mère ou une arrière-grand-mère ou une tante, qui fut messagère pour les réseaux du Maquis…mais peut-être certains évoqueront, avec plus de honte, l’ancêtre qui a été collabo, celui qui a trahi…preuve que la Seconde guerre mondiale, encore aujourd’hui, est une blessure parfois mal cicatrisée sous un pansement que l’on refait à la va-vite à chaque nouvelle génération : on pense l’oublier mais bien souvent, elle se rouvre, quand on y songe le moins.
    Ce roman est dense, terrible, bouleversant…certains lecteurs y ont vu une analyse autocentrée, un peu victimaire voire misérabiliste… je peux le comprendre, même si je ne partage pas du tout cet avis : pour moi, au contraire, Anne Berest raconte un cheminement personnel qui a toute sa place dans le récit de ses ancêtres car, après tout, lorsqu’on part en quête de l’histoire familiale, c’est souvent que quelque chose a été mal réglé, voire pas du tout et que ce passé traumatique s’est transmis et que l'on est aussi en quête de soi-même. En résolvant l’énigme des siens, non sans mal, car cela remuera des sentiments très intimes, douloureux, c’est aussi avec elle-même, ou du moins une part d’elle-même qu’Anne fait la paix : sa judéité, que soudain elle comprend mieux, qu’elle accepte mieux aussi comme faisant partie d’elle au même titre que ses gènes. En un mot, Anne Berest découvre et fait la paix avec son héritage par le biais de son roman.
    Je n’ai pas réussi à savoir – et je n’ai pas cherché non plus, je dois l’avouer – ce qui relevait de la pure imagination, de l’extrapolation de la romancière et de la vérité pure. Au final, je crois cela ne compte pas : j’ai aimé ce roman pour ce qu’il est, c’est-à-dire une histoire où tout est vrai mais où tout est faux à la fois. Ou la plume de la romancière prend le relais quand soudain l’Histoire nous fait défaut, car elle est lacunaire. Comment savoir aujourd’hui, quatre-vingt-un ans plus tard, quels ont été les sentiments de Noémie et de Jacques, à peine âgés de dix-neuf et dix-sept ans, arrêtés, séparés de leurs parents et de leur sœur aînée, envoyés dans un camp de transit où le découragement le dispute sans cesse à l’espoir ? Comment se substituer à Myriam, désormais seule au monde mais qui ne le sait pas encore, contrainte sans cesse de fuir, de se cacher, qui échoue au fin fond des maquis de Provence, où elle passera plusieurs mois de la guerre en compagnie de Vicente ? Cette Provence qu’elle aimera si fort que, lorsqu’elles étaient petites, ses petites-filles pensaient qu’elle en était originaire, sans imaginer que Myriam était née en Russie, puis avait passé sa petite enfance en Lettonie et quelques années en Palestine ?
    Finalement, je m’en suis moquée. Ce n’est pas ça, l’important. L’important, c’est le propos, la densité mémorielle de ce roman. La carte postale m’a bouleversée, vraiment : j’ai été révoltée, en colère, j’ai aussi souvent pleuré. Est-ce que je peux dire sans exagérer que ce roman est l’un des plus beaux sur la Seconde guerre mondiale que j’aie pu lire ? Oui, assurément. Les ultimes phrases du roman, extrêmement poignantes, m’ont serré le cœur, j’ai terminé ce roman en larmes, vraiment. Souvent, chez moi, les romans qui me bouleversent à ce point sont des coups de cœur : pas systématiquement, mais bien souvent. La carte postale n’aura pas dérogé à la règle : il est mon premier coup de cœur de l’année et, à ce jour, ma découverte de l’univers littéraire des sœurs Berest est un sans-faute. Je peux comprendre qu’on ne l’aime pas ou qu’on se sente mal à l’aise, car comme je le dis plus haut, l’autrice ne s’interdit rien, ne se censure pas et n’épargne donc rien au lecteur : l’intimité des couples ou l’horreur de la guerre sont décrites de manière simple, incisive et ont pu donner à certains un sentiment de voyeurisme. Je peux le comprendre mais encore une fois, ce n’est pas ainsi que j’ai vu ce roman : pour moi c’est une quête, presque un cheminement initiatique et c’est surtout une histoire familiale écrite avec beaucoup de tendresse, de beauté et de respect. Un vibrant hommage à des ancêtres morts il y a quatre-vingts ans et à qui Anne Berest rend leur dignité, leurs visages et leur humanité, sinon leurs voix.

    En Bref :

    Les + : c'est éprouvant, c'est dur parfois mais aussi très émouvant. Un beau coup de cœur pour cette histoire familiale, pleine de tristesse et de traumatismes mais aussi d'espérance.
    Les - : pour moi, aucun.


    La carte postale ; Anne Berest

        Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

     

    •  Envie d'en apprendre un peu plus sur les sœurs Berest ? Je vous propose ces chroniques :

    - Gabriële, leur roman à quatre mains : mon billet est à retrouver juste ici.

    - Rien n'est noir, la biographie romancée de Frida Kahlo par Claire Berest : l'un de mes coups de cœur de 2020 à retrouver ici.

     

    Coup de cœur

     


    votre commentaire
  • « En l'année du Seigneur 1345, vers la fin du mois de mars, Saturne, Jupiter et Mars entrèrent en conjonction entre les 15e et 17e degrés du Verseau. Il en résulta un événement astronomique qui enflamma les cœurs et les esprits des savants. S'il n'est pas facile d'établir dans quelle mesure les mouvements des corps célestes ont influé sur les actions humaines, il est avéré que les années suivantes virent l'Europe livrée à la guerre, à la famine et à la peste. L'Occident chrétien tout entier devint le théâtre d'une danse macabre qui réveilla la peur de l'Apocalypse. »

    Couverture Codex Millenarius, tome 1 : L'abbaye des cent péchés

     

     

         Publié en 2014 en Italie 

      En 2016 en France (pour la présente édition)

      Titre original : L'abbazia dei cento peccati

      Editions Michel Lafon

      429 pages 

      Premier tome de la saga Codex Millenarius

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Août 1346. Le Lapis Exilii, une précieuse relique dont le pouvoir est susceptible de faire basculer l’Europe dans un chaos plus destructeur encore que les guerres qui la consument, attire les convoitises du puissant Karel de Luxembourg et du cardinal d’Avignon, prêts à tout pour s’en emparer.
    Lorsque le valeureux chevalier Maynard de Rocheblanche reçoit la lourde tâche de le retrouver afin d’empêcher qu’il ne tombe entre de mauvaises mains, il s’élance sur les routes de France et d’Italie.
    Mais il ne saurait y avoir de quête sans danger, et celle-ci est loin de faire exception…

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1346, la guerre latente avec l'Angleterre vient de prendre un nouveau tournant et le roi Philippe VI de Valois est en déroute devant la puissance du roi d'Angleterre Edouard III. En août 1346, la cavalerie française est battue par les archers de l'armée britannique à Crécy : c'est la première défaite d'une longue série qui culmine en 1415 avec Azincourt. 
    Le chevalier Maynard de Rocheblanche se réveille sur le champ de bataille jonché de cadavres, blessé mais bien vivant. Alors qu'il tente discrètement de fuir, Rocheblanche est arrêté par un agonisant, qui s'avère être le roi Jean de Bohême : mortellement touché, le roi lui confie un mystérieux parchemin et un anneau. Maynard se retrouve alors bien malgré lui mêlé à une sombre intrigue et détenteur d'un dangereux secret...quels mystères et dangers recèlent ce parchemin sur lequel sont inscrites des phrases sibyllines et cet anneau gravé d'un blason cardinal ? Et quel est leur lien avec la précieuse relique du Lapis Exilii, mentionnée dans le parchemin ? 
    Pour Maynard commence alors une quête aventureuse et pas dénuée de nombreuses embûches sur les traces de ceux qui sont en possession de la clé de l'énigme. Mais, dès lors qu'il se trouve en possession du parchemin du roi de Bohême, le chevalier français se rend compte que des ennemis de l'ombre se sont mis sur son chemin et le premier n'est pas le moindre puisqu'il s'agit du prince Karel de Luxembourg, le propre fils du roi de Bohême. Surtout, Maynard va vite se rendre compte que ce secret dont il a été fait le dépositaire bien malgré lui est si brûlant et dangereux que même ses proches ne sont plus à l'abri et sa sœur Eudeline, abbesse d'un couvent non loin de Reims, devra elle aussi faire preuve d'esprit et de ruse pour échapper aux ennemis de son frère.  
    Les pérégrinations de Rocheblanche l'amèneront d'un mystérieux monastère du Mont-Fleuri jusqu'aux rives du Pô, à l'abbaye de Pomposa, où se cache peut-être - en partie du moins - la clé de cette énigme qui semble le dépasser et impliquer de nombreux éminents personnages, que ce soit le nouveau roi de Bohême ou bien un cardinal de l'Eglise romaine - qui, en ce milieu du XIVème siècle ne l'est plus tant que ça, romaine, puisque les papes ont déménagé à Avignon, provoquant ce que l'on appelle le Grand Schisme d'Occident, dans un contexte de conflit plus ou moins larvé entre les deux grandes puissances occidentales de l'époque, la France et l'Angleterre. 
    Un mystérieux codex, un parchemin dangereux, des reliques, des moines et des abbayes...on a déjà fait plus innovant, me direz-vous et pour ceux qui ont lu Le nom de la rose d'Umberto Eco ne pourront sans nul doute s'empêcher d'avoir une pensée pour ce roman, même si Marcello Simoni ne le mentionne pas comme possible source d'inspiration. Mais il n'en faut pas beaucoup plus pour faire le lien : l'abbaye, l'époque, même si L'abbaye des cent péchés n'est pas vraiment à proprement parler un huis-clos comme peut l'être Le nom de la rose et on peut ici plutôt parler de quête que de véritable enquête policière
    Toujours est-il que ce premier tome d'une série qui en comptera trois n'est pas mauvais du tout même si, pour être honnête, il ne s'y passe pas grand chose. Je pense que, dans L'abbaye des cent péchés, Marcello Simoni a posé les bases de son triptyque. Ainsi, nous découvrons les personnages et l'univers dans lequel ils vont évoluer mais sans apprendre tant que cela sur eux, à l'exception de Maynard et Eudeline de Rocheblanche, dont on comprend assez vite qu'ils sont liés tous deux par un passé commun assez traumatisant. Maynard a ainsi décidé de prendre au pied de la lettre les valeurs de courage, d'abnégation et d'altruisme qui sont celles de la chevalerie et Eudeline s'est retirée du monde pour en fuir les déceptions et les dangers, dirigeant d'une main de maître son couvent de Sainte-Balsamie. 
    Nous croisons les autres personnages sans trop savoir encore quels sont leurs liens et quelle sera leur importance pour la suite de l'intrigue : une mystérieuse jeune fille aux yeux pers, une famille de peintres italiens dont le fils, plus doué que le père, semble sur le point de découvrir une nouvelle technique picturale, maniant le fusain dans une sorte d’apothéose mystique, une jeune femme manipulée par un cardinal qui en a fait son jouet sexuel et son espionne mais qui s'avère bien plus complexe qu'elle n'y paraît et dont la bonté instinctive contrebalancera peut-être la noirceur induite par une vie difficile de labeur et de misère, des moines qui cachent peut-être de sombres secrets et des ambitions mal dissimulées dans les plis de leur coule...
    J'avoue être assez bon public pour ce type de romans où il est question d'une quête spirituelle voire mystique, d'un livre mystérieux et quelque peu prophétique, de mystérieuses reliques qui apporteraient pouvoir et reconnaissance à son propriétaire, à tel point que l'on pourrait tuer pour elles...et je ne dois pas être la seule parce que sinon, des romans comme Le nom de la rose, déjà cité plus haut ou encore Da Vinci Code, n'existeraient pas. 
    J'ai donc vraiment apprécié ce premier tome, même s'il m'a un peu laissée sur ma fin dans le sens où j'ai l'impression d'avoir renversé la boîte du puzzle et de me retrouver devant une multitude de pièces qui, pour le moment, n'ont pas beaucoup de liens entre elles mais ne demandent justement qu'à être rattachées les unes aux autres pour former un tout cohérent et compréhensible. J'avoue, pour le moment, je ne sais pas - ou je n'ai pas compris - où l'auteur voulait en venir ni nous emmener mais je pense que c'est normal et qu'il va ensuite distiller des clés dans les deux romans suivants que je me fais déjà une joie de découvrir. J'ai apprécié suivre le personnage de Maynard dans sa quête : ce dernier m'a parfois, par certains aspects de sa personnalité, rappelé le personnage de Matthias Tannhauser, le héros de Tim Willocks dans La Religion ou encore, celui de Guilhem d'Ussel, le chevalier troubadour de Jean d'Aillon
    Bref, ce fut une lecture très agréable et, pour moi qui adore le Moyen Âge depuis que je suis enfant, une nouvelle plongée dans une époque passionnante. Il est vrai que le Moyen Âge se prête parfaitement bien à ces intrigues mystiques. 
    Pour conclure, je dirai donc que ma curiosité est d'ores et déjà piquée et que c'est avec beaucoup d'intérêt que je découvrirais la suite des aventures du chevalier de Rocheblanche dans sa quête du Codex Millenarius et du Lapis Exilii

     En Bref :

    Les + : premier tome d'un triptyque prometteur, L'abbaye des cent péchés alterne entre mystères, aventures et autres rebondissements entre la France et l'Italie du XIVème siècle.  
    Les - :
    beaucoup de questions et peu de réponses...cela peut être frustrant même si évidemment c'est normal car ce premier tome n'est que l'amorce d'une saga bien plus vaste. 


    Codex Millenarius, tome 1, L'abbaye des cent péchés ; Marcello Simoni

         Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 


    votre commentaire
  • « La destinée des Romanov n'est pas un long fleuve tranquille. Bien avant la fin tragique de la famille impériale en 1918, parricides, assassinats, trahisons, conspirations et révolutions de palais ont scandé l'histoire de cette dynastie qui se perpétue sous le règne du sang. »

    Couverture Tsars sans empire : Les prétendants Romanov en exil (1919-1992)

     

     

     

        Publié en 2024

      Éditions Perrin 

      416 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    La dynastie des Romanov n’a pas été anéantie par le massacre du tsar et de la famille impériale en 1918. Après avoir échappé à la révolution, les membres de la famille cadette et rivale de Nicolas II ont émigré en France et ont tout fait pour revenir au pouvoir. Le chef de cette branche des Wladimirovitch, le grand-duc Cyrille, cousin du tsar et premier Romanov à faire allégeance au nouveau pouvoir en février 1917, a rallié autour de lui une partie de l’importante émigration russe et s’est autoproclamé en 1924 empereur de Russie. Après son décès, son fils le grand-duc Vladimir a appelé en juin 1941 à soutenir les Allemands qui venaient d’attaquer l’Union soviétique et leur a fait en vain des offres de service. Après la Libération, il se réfugie chez Franco et demeure interdit de territoire français jusqu’en 1956 pour « activité proallemande durant l’Occupation ». Il foule le sol russe pour la première fois en 1991, au moment où la Russie se désagrège, et meurt l’année suivante, alors que Boris Eltsine envisage de le placer sur le trône d’un pays en plein désarroi.
    Fort de témoignages d’époque et de nombreuses sources russes, l’auteur retrace avec brio l’histoire diplomatique de la Russie, du XIXe siècle à la révolution de 1917, décrit les diverses branches des Romanov, retrace leur exil, leur vie quotidienne – à Paris, en Bretagne, sur la Riviera –, les violentes rivalités au sein de l’émigration, révèle l’extraordinaire pénétration de l’émigration russe en France par les services secrets soviétiques et brosse un portrait saisissant du grand-duc Vladimir, né en exil, envisagé par les Allemands avant-guerre comme éventuel « tsar d’Ukraine » et promoteur d’une « croisade » nazie contre les bolcheviks.
    Une histoire passionnante, tragique et romanesque, brillamment racontée par Boris Prassoloff, fils de Russes blancs émigrés en 1917.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Souvent, l'histoire officielle des Romanov s'achève en juillet 1918, avec la mort de Nicolas II de sa famille à Ekaterinebourg. On aborde rapidement les membres de la famille qui ont pu fuir mais on parle peu de l'après, de ceux qui restent et qui deviennent des prétendants.
    A l'heure actuelle, comme la famille d'Orléans en France qui prétend au trône - si une monarchie devait être rétablie - une branche de la famille Romanov prétend au trône de ses ancêtres : le chef de la maison aujourd'hui, est une femme, Maria Vladimirovna Romanov, née en 1953. Elle est la fille du Grand-Duc Vladimir Kyrillovitch, né en Finlande en 1917 et qui succéda à son père le Grand-Duc Cyrille en tant que prétendant. Mais la famille Romanov est immense, ramifiée comme un vieil arbre et les actuelles querelles familiales s'expliquent et se comprennent beaucoup mieux à la lecture de ce livre.
    Le livre s'ouvre donc au début du XXème siècle, alors que Nicolas II règne encore, tout en étant de plus en plus contesté. La Russie des années 1900 ne va plus très bien et le pouvoir tsariste, corseté dans des traditions d'un autre âge, représenté par un tsar faible et mal préparé et par une tsarine dont le peuple se méfie, ne récolte pas les suffrages. Les Russes ont faim, les conditions de vie et de travail sont dures mais le peuple n'a pas l'écoute des élites et commence à gronder. Comme les empires d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie et Ottoman, la grande Russie des tsars, sur laquelle les Romanov règnent depuis 1613 est sur le point d'être emportée par la tourmente d'une guerre mondiale.
    Boris Prassoloff nous décrit surtout une lignée gangrénée de l'intérieur par des querelles de préséance, des règles strictes dont font les frais les Grands-ducs et Grandes-duchesses, princes et princesses qui s'écartent du rang. Malheur à celui ou celle qui épouse une personne qui ne convient pas au tsar - à plus forte raison si la personne en question est une roturière. A la faveur d'une réforme opérée à la fin du XIXème siècle, on découvre aussi que les tsars ont limité la famille active, privant ainsi certaines branches cadettes de la famille de leur statut : certains s'en accomoderont très bien car pourront ainsi jouir d'une certaine liberté mais cette réforme aura aussi pour travers de développer des jalousies et des rancœurs.
    Comme la France d'avant 1789, on découvre que les premières contestations ne viennent pas forcément du peuple, mais bien de l'intérieur : comme Marie-Antoinette avait pu être surnommée méchamment l'Autrichienne par ses grands-tantes, les Grands-Ducs n'ont pas de mots assez durs envers l'épouse de Nicolas II, la princesse Alix de Hesse devenue la tsarine Alexandra Feodorovna : cette dernière, timide, effacée, amère, sombre dans un mysticisme forcené après l'annonce de la maladie de son petit Alexis, le tsarévitch. Un peu avant la Révolution de 1917, elle tombe sous la coupe du célèbre Raspoutine, dont elle ne pardonnera pas la mort aux princes et Grands-ducs qui la fomenteront, en 1916. On se rend compte aussi que les oncles ou cousins du tsar sont relativement critiques envers son pouvoir, lorgnant ce dernier et n'hésitant pas, pour certains, à se positionner contre lui dès lors que la Révolution démarre. Le prince Cyrille Wladimirovitch sera de ceux-ci.

    undefined

     

    Cyrille Wladimirovitch, son épouse Victoria-Mélita de Grande-Bretagne et leurs enfants : Kira, Maria et le petit Vladimir dans les bras de son père (entre 1917 et 1918)


    C'est donc la destinée de ses descendants que nous découvrons dans ce livre : Cyrille, qui avait eu maille à partir avec son cousin le tsar parce qu'il avait épousé une femme divorcée et que le tsar n'acceptait pas - Victoria-Mélita du Royaume-Uni, soeur de la reine Marie de Roumanie et ex-épouse de Louis de Hesse -, se positionne rapidement dès lors que le pouvoir tsariste vacille. On lui en voudra, d'ailleurs, de s'être répandu dans les journaux contre son cousin Nicolas II, le Grand-Duc n'hésitant pas à enfoncer un homme déjà à terre. Prenant parti pour la Révolution que certains princes de la famille Romanov voient comme un moyen de réformer le pouvoir, la plupart seront malgré tout broyés par elle. Cyrille devra fuir avec sa famille et c'est pourquoi son fils Vladimir, qui naît après deux filles, Maria et Kira, voit le jour en 1917 en Finlande - autant dire en exil.
    Beaucoup d'émigrés russes, Romanov ou seulement issus de grandes lignées princières, s'installeront en France, où il recréeront tant bien que mal le monde de luxe un peu futile qu'ils avaient connu en Russie. Entre Paris et la Côte d'Azur, les Russes Blancs tentent de vivre comme si la Révolution n'avait pas eu lieu, menant une existence mondaine et parfois légèrement oisive. Le Grand-Duc Cyrille et sa famille s'installent notamment en Bretagne, dans le petit village de Saint-Briac, où des souvenirs de leur passage subsistent encore.
    On le sait, les Romanov n'ont jamais repris leur trône et il est fort peu probable que cela arrive un jour. Pour autant, tout le XXème siècle est jalonné par l'organisation d'une politique ordonnée et cohérente - mais toujours efficace - qui ne poursuit que ce but. Le fils de Cyrille traînera jusqu'à la fin de sa vie la tâche d'avoir eu des accointances suspectes avec les autorités nazies, durant l'Occupation - ce qui lui vaudra d'ailleurs de la part de ses parents une véritable hostilité, ceux-ci remettant en cause la légitimité de sa prétention au trône. A la fin des années 1940, le Grand-Duc Vladimir épousera en Espagne une jeune femme qui ne plaît pas à la famille, qui la considère comme une aventurière. Mais le jeune homme passe outre, accélérant encore un peu plus la fracture entre les Romanov survivants. L'affaire Anna Anderson - la fausse Anastasia - sera aussi une source de discorde et de mésentente au sein de la famille, se partageant alors entre ceux qui sont convaincus qu'Anna est bien la plus jeune fille de Nicolas II, qui aurait miraculeusement survécu au massacre des siens et ceux qui ne considèrent la jeune femme que comme un imposteur - grâce à des tests ADN effectués quelques années après sa mort, on s'apercevera en effet qu'Anna Anderson n'avait aucun lien génétique avec Nicolas II.

    Marie de Russie, l'héritière de l'Empire russe née à Madrid ...

     

    Mariage de Maria Vladimirovna en 1976 avec Franz Wilhelm de Hohenzollern : ils auront un fils unique, Georges né en 1981


    Ce qui ressort de ce livre est une famille profondément affaiblie et fracturée et cela, bien avant les débuts de la Révolution. Comme souvent, les contestations, bien que larvées, étaient les plus violentes au sein même de la cellule familiale. Le pouvoir de Nicolas II a été sans nul doute fragilisé par les ambitions et la popularité de ses parents, en plus bien sûr de son incapacité à s'adapter à une nouvelle modernité, à sortir du carcan de l'autocratie comme ses ancêtres l'avait théorisée.
    Le livre est dense et exigeant et je pense qu'en le lisant, il faut accepter parfois de se sentir largué parce que c'est difficile à suivre, et à tout bien comprendre pour des lecteurs du XXIème siècle. J'avoue que les différents courants politiques m'ont parfois un peu perdue mais avec quelques recherches, ça allait vite mieux. Oui, c'est technique, il ne faut pas le perdre de vue : ce livre est plus un essai qu'une biographie et il faut suivre. Un conseil, gardez à portée de main un arbre généalogique pour vous repérer entre les différents protagonistes cités ici. On le comprend, l'auteur ne peut pas rappeler qui est qui sans arrêt, donc il faut parfois faire une petite recherche pour se situer mais après tout, n'est-ce pas aussi le bonheur de ces lectures, certes assez complexes mais en même temps passionnantes ?
    J'ai toujours été plutôt passionnée par l'histoire des tsars et plus particulièrement des Romanov, même si depuis quelques temps, j'aimerais aussi découvrir l'histoire médiévale de la Russie. Mais je me suis aperçue que la plupart des livres s'arrêtent après 1918 et n'abordent bien souvent que la contrition publique de la Russie d'Eltsine à la fin des années 1990, au moment des commémorations pour les 80 ans de la mort de la famille impériale puis le processus de réhabilitation de cette dernière. Mais que s'est-il passé entre-temps ? Boris Prassoloff comble les lacunes avec son livre, en décrivant l'existence de ces tsars sans empire et souvent sans appui, sur près d'un siècle et quel siècle, marqué par deux guerres mondiales puis par une modernité galopante qui emporte encore un peu plus ces vieilles dynasties surannées et un peu dépassées.

    undefined

     

    Le Grand-Duc Vladimir Kyrillovitch : né en Finlande en 1917, il est le père de l'actuelle chef de la maison Romanov, Maria Vladimirovna

     

    COLLABORATION COMMERCIALE NON RÉMUNÉRÉE - LIVRE OFFERT (MERCI AUX ÉDITIONS PERRIN POUR CET ENVOI)

     

     

    En Bref :

    Les + : passionnant, dense, technique et exigeant mais d'une richesse folle ! On ressort de ce livre en ayant appris beaucoup de choses.
    Les - : quelques notions politiques purement russes un peu difficiles à comprendre même si dans l'ensemble, le livre est relativement intelligible.


    Tsars sans empire : les Romanov en exil 1919-1992 ; Boris Prassoloff 

          Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 


    votre commentaire