• « En vérité, leurs idées sur la justice et l'équité rapprochaient beaucoup les deux avocats, mais alors que pour Portalis, le droit prônait sur la vérité, c'était l'inverse pour Pascalis. »

    Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal ; Jean d'Aillon

    Publié en 1999

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    440 pages 

    Résumé :

    En 1307, Charles le Boiteux, comte de Provence, fait arrêter le commandeur du Temple d'Aix dans l'espoir de faire main basse sur le trésor qui s'y trouverait... mais en vain ! Presque 500 ans plus tard, le Palais Comtal est démoli et le jeune Marius Granet découvre un secret redoutable dans les ruines romaines. Une série de disparitions et de meurtres terribles survient alors chez les puissants de la ville et nourrit encore le mystère autour du fameux trésor. L'avocat Pascalis, chargé de démêler toutes ces intrigues, sera assassiné à son tour alors que la tourmente révolutionnaire gronde et que la ville d'Aix est en proie à une violence sans précédent. Le jeune Marius Granet parviendra-t-il à aider dans son enquête l'avocat Portalis qui reprend les affaires de Pascalis ? Et ce trésor qui a déjà fait tant de victimes existe-t-il vraiment ?

    Jean d'Aillon nous présente un nouveau héros, Marius Granet, aussi courageux, intelligent et intrépide que son célèbre Louis Fronsac. 
    Avec Marius Granet et le trésor du Palais Comtal, l'auteur nous fait vivre des aventures palpitantes à Aix à la veille de la Révolution. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

     En 1308, sous la pression du roi de France, le comte de Provence est contraint de faire arrêter et interroger les Templiers installés sur ses terres. Prévenus, les Templiers de la commanderie d'Aix, ont le temps de mettre à l'abri, dans une vieille tour du Palais Comtal, deux coffres : l'un contient des parchemins et l'autre, un véritable trésor composé de bijoux, de mobilier liturgique et de pièces arabes remontant à la troisième croisade.
    En 1784, à quelques années de la Révolution, le même palais est en train d'être détruit, sur ordre du Parlement. Sous les dalles d'une tour éventrée, sont alors retrouvés des coffres, intouchés depuis des siècles. Le contremaître du chantier, qui vient de découvrir le trésor , prévient son employeur, le président d'Entrecasteaux, scellant alors son destin et, sans le savoir, le sien propre et bien d'autres encore. Car le trésor des Templiers, retrouvé fortuitement, fait des envieux et attise les convoitises, à l'aube de la Révolution. Et cette découverte semble bien déterminée à semer des morts dans son sillage...
    Avec Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal, Jean d'Aillon nous offre de lire un roman d'aventures dans la veine du Duc d'Otrante et les Compagnons du Soleil. L'ambiance et le lieu sont les mêmes... les personnages, eux, diffèrent... dans ce roman, nous rencontrons, enfants, ceux qui seront nos héros : Marius Granet, Auguste de Forbin et Antoine de Puylaurens. On retrouvera toutefois les deux derniers dans Le Duc d'Otrante...
    Marius, Auguste et Antoine n'ont pas le même âge et ne viennent pas du même milieu mais ils sont liés par une amitié très forte et, alors qu'ils assistaient à la destruction du vieux palais médiéval, ils ont vu aussi le Trésor templier être retrouvé.
    Puis éclate la Révolution, qui va les embarquer dans un tourbillon insoupçonné... ! Tandis que Marius, proche par des idées de la Révolution jacobine, déplore cependant les violences aveugles, Auguste de Forbin et les siens sont confrontés à l'hostilité haineuse que les nouveaux maîtres de la France entretiennent contre l'aristocratie et Antoine, lui, continue tant bien que mal ses études pour devenir médecin comme son père.
    Ce roman, comme Le Duc d'Otrante et les Compagnons du Soleil, nous permet de voir la Révolution Française autrement qu'au travers du prisme parisien, en se concentrant surtout sur la province. Car si les troubles sont effectivement partis de Paris, toute la France fut touchée à des degrés divers certes, mais il est tout de même intéressant de voir comment le peuple, partout, a réagi. Et en Provence et notamment à Aix, la Révolution fut rapidement adoptée et des exactions et massacres y furent commis comme ailleurs.
    Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal est un roman d'aventures, mâtiné d'un soupçon d'enquête policière... mené d'une main de maître, haletant, ce roman historique est efficace et correspond vraiment à tout ce que j'aime !

    Portrait de François Marius Granet par Jean Auguste Dominique Ingres (1809)


    J'ai vraiment passé un bon moment avec cette lecture et je n'aurais finalement qu'un regret : le roman était trop court ! J'aurais apprécié de lire cent ou deux cents pages de plus, franchement, même si un bon auteur doit aussi savoir s'arrêter au bon moment.
    C'est avec plaisir que j'ai retrouvé l' ambiance du Duc d'Otrante... et des personnages que j'y avais déjà croisés. J'ai aimé l'intrigue tournant autour de la découverte des documents du Temple et surtout, qu'elle se situe dans un contexte aussi riche, quoique troublé. Au final, la Révolution provinciale est aussi intéressante, historiquement parlant, que la Révolution parisienne.
    J'ai aussi aimé le flou dans lequel l'auteur nous promène tout au long de la lecture, grâce à des notes de bas de page habiles ou, parfois, des tournures presque impersonnelles, évoquant une biographie et non plus un roman. De là découle alors une question que l'on va se poser, du moins ce fut mon cas, à plusieurs reprises, au cours de la lecture du roman : les personnages sont-ils véridiques ? Les événements le sont-ils aussi ? La réponse nous est apportée dans l'épilogue : oui, les personnages le sont et, d'ailleurs, si vous tapez Marius Granet sur Internet vous trouverez des notices biographiques du personnage ainsi que ses tableaux ! Marius Granet (1775-1849), peintre néo-classique, sera d'ailleurs l'élève du fameux Jacques-Louis David. Granet, au cours de sa carrière, a représenté surtout des paysages et des monuments, comme, à la même époque, le peintre anglais Constable, par exemple, même si ce dernier appartient au courant romantique tandis que Granet, de part ses influences, est considéré comme peintre néo-classique. Ses œuvres sont aujourd'hui exposées en France, au Louvre, mais aussi à Grasse ou Aix -où un musée Granet lui rend hommage- et on retrouve certains de ses tableaux en Italie ou en Russie, au musée Pouchkine, notamment. Quant à l'avocat Portalis, on le retrouvera ensuite, âgé et presque aveugle, sous l'Empire, rédacteur du code civil pour Napoléon puis ministre des Cultes et de l'Instruction. Si, pour ce dernier, je n'avais aucun doute, j'avoue que, pour les autres, j'ai balançé tout au long de ma lecture pour, au final, après quelques recherches, être assurée que, oui, tous les héros de Jean d'Aillon dans ce roman ont bien existé. Mais l'auteur nous ayant habitué à du faux ressemblant tellement au vrai, notamment dans sa saga Louis Fronsac, que le doute était permis !
    Les événements décrits dans le roman, eux, sont imaginaires mais prennent appui sur un contexte historique riche, juste et vraiment bien restitué. Jean d'Aillon est un romancier rigoureux, comme il y'en a peu... rédiger des romans historiques doit être passionnant, sans nul doute. Mais écrire ce genre de romans implique de se documenter beaucoup et malheureusement, beaucoup de romans historiques contiennent des lacunes et des erreurs. En général ce n'est pas le cas des romans de Jean d'Aillon et c'est vraiment ce que j'apprécie chez lui : sa documentation est digne de celle d'un historien et on ne peut qu'être admiratif quand on sait que l'auteur se concentre en général non pas sur les faits principaux et bien connus mais sur des événements plus locaux ou sur des anecdotes lues ici ou là dans des textes d'époque. C'est encore le cas dans Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal.
    J'ai vraiment été enthousiasmée et vous conseille donc chaudement ce roman ! Si vous aimez les romans historiques et les aventures, vous serez conquis j'en suis sûre !

    En Bref :

    Les + : un récit d'aventures sur fond d'Histoire, une intrigue ébouriffante et bien menée...tout ce que j'aime ! 
    Les - : un seul regret...que le roman n'ait pas été un peu plus long.

     


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  • « Car mon coeur n'était plus avec moi, mais avec toi. Et si, aujourd'hui, plus que jamais, il n'est pas avec toi, il est nulle part. »

    Correspondance ; Héloïse d'Argenteuil et Pierre Abélard

    Publié en 2000

    Date de publication originale : 1875

    Editions Folio (Collection Classique)

    444 pages

    Résumé :

    Figures emblématiques de la Renaissance du XIIe siècle, Héloïse et Abélard sont bien de leur époque, marquée par une grande ferveur, un appétit nouveau de savoir et de débattre et, surtout, le goût de la liberté. Cependant leur singularité, source de tous les malheurs, en fait aussi un modèle d'époux s'aimant d'un impossible amour. De l'Histoire de mes malheurs aux règles monastiques données à l'abbesse du Paraclet, on mesure le chemin parcouru par cette extraordinaire et théâtrale histoire d'amour, élevée au rang de mythe.
    De l'amour humain le plus brûlant à l'amour pour Dieu le plus épuré, c'est l'itinéraire entier de deux amants célèbres qui, contrairement aux autres éditions où l'on se limite aux lettres d'amour, est ici publié. Car il y'a dans ces textes un double document : sur la passion et le couple, sur la vie des ordres religieux, encore à la recherche de leur règle.  

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Quand j'ai créé le challenge des douze thèmes en décembre dernier, le thème du mois de février m'est venu tout de suite : ce serait un thème ayant un rapport avec l'amour, mois de la Saint-Valentin oblige.
    De là, très vite aussi, a découlé mon choix de lecture : ce serait la Correspondance d'Héloïse et Abélard. Ce livre dort dans ma PAL depuis longtemps et surtout, quel autre couple personnifie mieux l'amour qu'eux ? Roméo et Juliette ? Tristan et Yseult ? Pyrame et Thisbé ? C'est vrai que ce sont de belles histoires... mais elles sont fictives. L'histoire d'Héloïse et Abélard, elle, est bien réelle et c'est ce qui, à mon sens, fait toute sa force. C'est pour ça aussi, je crois, qu'on parvient tant à s'identifier aux personnages et qu'aujourd'hui encore ils nous intéressent alors qu'ils ont vécu à neuf-cents ans de nous.
    Soyons clairs, malgré mon grand intérêt pour les personnages, ravivé certainement depuis ma lecture en 2014 du sublime roman d'Antoine Audouard, Adieu mon Unique -dont le titre est d'ailleurs issu d'une lettre d'Héloïse qu'elle termine avec ces mots-, javais un peur de me lancer dans cette lecture parce que je savais que, malgré la haute dimension romantique des personnages, ce n'était pas des lettres d'amour que j'allais y trouver ! Et j'ai bien retrouvé, effectivement, cette dimension très religieuse et spirituelle que je pressentais, sans qu'elle me gêne plus que ça, au final, malgré son omniprésence. Pas gênée non plus par le style, qui me faisait peur : nous sommes en présence d'une oeuvre originellement écrite en latin et traduite au XIXème siècle par Octave Gréard avant d'être revue, il y'a quelques dizaines d'années, par Edouard Bouyé -qui est archiviste paléographe de formation-, qui présente ladite correspondance. Le style est donc fluide et facile d'accès : je vous rassure, cette correspondance n'est pas écrite en vieux français un peu barbare mais en une langue tout à fait abordable pour nous, lecteurs du XXIème siècle.
    Cette correspondance démarre avec l'Histoire des Malheurs d'Abélard à un ami, sorte de petite autobiographie dans laquelle l'auteur relate brièvement son enfance puis sa vie d'enseignant à Paris et enfin les bouleversements qu'entraîneront sa rencontre et sa liaison avec la jolie Héloïse. Cette lettre tombe entre les mains de la jeune femme qui est alors à la tête de la petite communauté du Paraclet, fondée quelques années auparavant par Abélard lui-même et qu'il mit à disposition des moniales d'Argenteuil, persécutées par l'abbé Suger. De là va alors s'ouvrir une longue correspondance entre les deux anciens amants, correspond toute spirituelle mais dans laquelle, surtout chez Héloïse, transparaissent les restes de leur ancienne passion. (« Et cependant, toi perdu, que me reste-t-il ? Quelle raison aurai-je de prolonger un pèlerinage où je n'ai de remède que toi, où je n'ai d'autre bonheur que de savoir que tu vis, puisque tout autre plaisir de toi m'est interdit et qu'il ne m'ait même pas permis de jouir de ta présence, qui parfois du moins pourrait me rendre à moi-même ? » ).
    J'ai parfois eu l'impression de lire une correspondance entre un directeur de conscience et sa pénitente, comme si après s'être aimés, Héloïse et Abélard devenaient conseillée et conseilleur. L'ancienne élève se réfugie à nouveau dans la science et l'expérience de son maître plus âgé pour faire fructifier la communauté qu'on lui a confiée et dissiper ses doutes quant à sa capacité et sa légitimité.
    En ce qui concerne l'érudition, cependant, Héloïse n'a rien à envier à Abélard, considéré, plusieurs années auparavant comme l'un des écolâtres les plus réputés de Paris. On comprend, en la lisant, pourquoi les historiens la placent dans le panthéon des femmes savantes du Moyen Âge. Héloïse est une intellectuelle, une jeune femme qui a certainement toujours présenté des dispositions pour l'étude mais continue sans cesse d'apprendre et n'hésite pas à questionner, à demander des éclaircissements lorsqu'elle estime que ses connaissances ne sont pas complètes. On ne peut, nous lecteurs contemporains, rester que pantois et assez admiratifs, je dois dire, de cette femme jeune mais aussi instruite à une époque où cela n'allait pas de soi. Chose étrange que j'ai remarquée -enfin, étrange...étrange pour nous, lectrices du XXIème siècle- cependant, cette instruction ne va pas dans le sens de l'émancipation chez Héloïse, au contraire : en cela la jeune femme reste bien de son époque et gardons-nous d'ailleurs de la regarder à travers un prisme trop contemporain. Et si on peut la considérer en avance sur son temps parce qu'elle maîtrisait son corps, son plaisir, son choix de procréer ou non et parce qu'elle étudia assez précisément les textes et fut une femme de lettres, à l'intelligence assumée et stimulée, on ne peut pas dire qu'Héloïse fut une féministe avant la lettre. Si la Reine Margot, au XVIème siècle, écrivit par exemple que la perfection de la femme est supérieure à celle de l'homme, on ne trouve rien de tout cela chez Héloïse. La société du Moyen Âge était une société patriarcale, les femmes restaient sous l'influence des hommes de leur famille, père, frères, mari... Héloïse est y élevée, comme ses semblables et il n'y a chez elle aucune velléité de remettre cela en question : dans toutes ses lettres, elle se pose en servante soumise, en inférieure admirative de l'oeuvre de celui qu'elle a aimé, qu'elle aime encore et dont elle est fermement persuadée qu'elle fut l'instrument de sa ruine et de ses malheurs (« Malheureuse que je suis d'être venue au monde pour être la cause d'un si grand crime ! Les femmes seront donc toujours le fléau des grands hommes ! »).

    Illustration tirée d'une précédente édition des Lettres d'Héloïse et Abélard et réalisée par Jean François Gigoux


    Au contraire, Abélard, lui, a une vision plutôt positive de la femme et le démontre à Héloïse grâce à de nombreux exemples, puisés chez les exégètes, les apôtres, les saints mais aussi chez les philosophes de l'Antiquité ( « N'est-il pas de règle commune, en effet, et ne dis-tu pas toi-même que, lorsqu'on écrit à ses supérieurs, leurs noms doivent être placés les premiers ? Or, sache-le bien, tu as été ma supérieure du jour où tu as commencé à être ma maîtresse en devenant l'épouse de mon maître [...] » ; « C'est d'une femme que le Christ a reçu l'onction, tandis que les chrétiens la reçoivent des hommes : c'est une femme qui a oint la tête ; les hommes n'oignent que les membres ». On peut dire qu'il avait, au final, une vision relativement avantageuse de la femme et des bienfaits dont elle est capable. Et ces bienfaits, en cela, prime sur les défauts et vices féminins qu'on est enclin, à l'époque, à mettre en avant. Abélard a une vision assez mariale, finalement, pour lui, le don de Marie rachetant le péché d’Ève et on peut donc supposer qu'en cela comme en bien d'autres choses, il se posait en contradicteur des docteurs, théologiens et autres savants de l'époque.
    Franchement, cette correspondance a éclairé bien des choses chez moi, au-delà de toutes les productions contemporaines fortement mâtinées de romantisme. Et s'il y'a bien une chose qui peut me faire dire que cette lecture a servi à quelque chose et n'a pas été inutile, c'est bien ça !
    J'ai eu sous les yeux les vrais Abélard et Héloïse et même si c'est par le biais d'une traduction actuelle, c'est assez émouvant lorsqu'on prend conscience qu'on est en train de lire les mots de deux personnes qui ont vécu il y'a presque mille ans !
    Assez fortement codifiée, comme pouvaient l'être les textes de l'époque, relativement impersonnelle à l'exception de quelques élans du cœur, notamment chez Héloïse, cette correspondance nous ramène en plein cœur du Moyen Âge à la recherche du vrai visage de ces deux amants emblématiques.
    J'ai été satisfaite de cette lecture et je ne la regrette absolument pas. Ça vous est déjà arrivé de tourner la dernière page d'un livre et de vous dire que vous venez là de terminer l'une des lectures les plus marquantes et les plus intenses de toute votre vie de lecteur ? C'est ce qui vient de m'arriver avec cette correspondance.
    On arrive cependant maintenant à la question fatidique : est-ce une lecture que je vous conseille ? Disons que je ne la déconseille pas mais...de là à vous la recommander chaudement... tout dépend au final de votre degré de sensibilité aux choses religieuses. Si vous êtes épidermiquement allergique à tout ce qui touche de près ou de loin à la religion, passez votre chemin. Si, comme moi, vous ne croyez pas spécialement mais aimez suffisamment l'Histoire pour vous intéresser à son aspect religieux, pourquoi pas ?
    Enfin, si vous êtes intéressés par Héloïse et Abélard, lancez-vous parce que je crois que c'est à l'issue de la lecture de ce texte que l'on a une vision plus juste et relativement plus objective des personnages, débarrassés des analyses contemporaines plus ou moins justes.
    Cette correspondance a souvent été remise en question. Est-elle authentique ou non ? Elle en a toutes les apparences en tous cas. Le texte est cependant de qualité et c'est une bonne lecture. On oublie donc volontiers le reste pour se plonger dans les mots et dans leur saveur un peu surannée mais tellement plaisante et dépaysante pour nous, lecteurs contemporains.

    En Bref :

    Les + : une lecture ardue mais intense. Certainement l'une des plus intenses et les plus abouties de ma vie de lectrice. 
    Les - : l'omniprésence de la religion, peut-être ? Quoique ceci ne m'ait pas gênée et ne doit pas surprendre quand on s'attelle à une lecture comme celle-ci. 

     

     

     Un Amour de Soie ; Lindsay Chase

    Thème de février « Cœurs sur toi », 2/12

     


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  • « Un jour ou l'autre, chacun était mis en face de ses faiblesses et devait vivre avec ses fautes. »

    Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, tome 13, L'Inconnu du Pont Notre-Dame ; Jean-François Parot 

    Publié en 2016

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives)

    408 pages

    Treizième tome de la saga Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet 

     

    Résumé :

    Nicolas Le Floch est saisi par Le Noir, nouveau directeur de la Bibliothèque du roi, de la disparition d'un conservateur au cabinet des médailles. Quelle est l'identité du cadavre décapité découvert dans une maison démolie du pont Notre-Dame ? Q'augurent les informations transmises par Lady Charwel, alias La Satin, concernant un complot anglais visant Louis XVI ? Existe-t-il un lien entre les deux affaires ? D'autres meurtres suivront au cours d'une minutieuse enquête qui conduira le policier breton dans le Paris des receleurs et des maisons de jeu et jusqu'à la rade de Cherbourg. 

    Au milieu des intrigues de cour et des dangers de la ville, Nicolas Le Floch finira par résoudre cette sombre énigme en usant d'une découverte étonnante des Lumières. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Cette treizième enquête de Nicolas Le Floch, notre fameux commissaire en tricorne, s'ouvre au printemps 1786, alors que, depuis l'été précédent, la sordide Affaire du Collier ne cesse de créer remous et scandales. La reine est au centre de l'affaire et, bien que victime, elle est considérée par beaucoup comme une coupable, tandis que le cardinal de Rohan est plaint et l'objet de bien des sollicitudes. Les coteries s'opposent violemment dans cette affaire et se divisent, chacune soutenant une partie.
    C'est dans ce climat délétère et qui annonce déjà la Révolution, que Nicolas est choisi par le roi pour être plénipotentiaire auprès du Saint-Siège avant de retourner en France où il va devoir enquêter sur une affaire des plus emmêlées, comme c'est souvent le cas d'ailleurs. Nanti d'un nouveau chef, timoré et indécis, Nicolas se voit solliciter par Le Noir, l'ancien lieutenant de police, qui se concentre désormais sur sa tâche de bibliothécaire du roi. Or, l'un des employés de la Bibliothèque a mystérieusement disparu et des médailles qui y sont conservées sont retrouvées chez un receleur de Paris.
    Quand un corps est retrouvé dans les décombres des maisons du Pont Notre-Dame, en train d'être détruites, il n'en faut pas beaucoup à Nicolas et à son fidèle Bourdeau, pour en conclure que le cadavre est bien celui du conservateur de la Bibliothèque royale, étrangement disparu de la circulation. Mais est-ce bien lui ? Et l'affaire est-elle celle de simples vols et recels ? Et si cette petite criminalité ne se doublait pas d'un secret d'État, à quelques semaines du voyage officiel de Louis XVI à Cherbourg ?
    Entre son enquête pour meurtre et les limbes floues du Secret et de l'espionnage, Nicolas va devoir naviguer à vue dans une purée de pois de plus en plus opaque. Il va retrouver sur sa route l'intrigante Lady Charwel, qui n'est pas une inconnue, et, de façon très insistante, Sartine, son ancien chef, qui a cette fois la fâcheuse manie d'agir de son propre chef et de compliquer la tâche de la police. Quant à la sphère privée, Nicolas va devoir faire face à une importante révélation concernant son passé et sa filiation tandis que son fils, Louis, amoureux pour la première fois, songe déjà à se marier.
    Eh oui, le temps passe et elle est loin l'époque ou nous rencontrions Nicolas, jeune provincial fraîchement débarqué dans la capitale de sa Bretagne natale et embarqué, un peu par la force des choses, dans la police.
    Aujourd'hui, Nicolas n'a plus besoin de faire ses preuves et est l'un des meilleurs commissaires de police au Châtelet. Il est le père d'un jeune homme prometteur, Louis, qui fait sa fierté et s'apprête à passer du service du comte de Provence à celui de la reine. Quant à sa relation avec Aimée d'Arranet, elle continue, bon an mal an, malgré quelques houles.


    À quarante-six ans, Nicolas s'achemine doucement vers la maturité et pour nous, lecteurs, qui le connaissons depuis longtemps, c'est assez étrange de ne plus avoir sous les yeux le fringant jeune homme, fidèle de Louis XV et de madame de Pompadour. Il est vrai que l'auteur, depuis quelques tomes déjà, nous habitue à ce changement et le glissement vers l'âge se fait doucement, nous avons donc largement le temps de nous y faire, mais quand même... avec la jeunesse de Nicolas, c'est aussi toute une époque qui disparaît et qui peut nous rendre nostalgique, quelque peu.
    Ceci étant dit, concernant l'enquête, c'est toujours aussi plaisant de replonger dans l'univers très personnel de Nicolas, mais aussi de Jean-François Parot, qui nous le mitonne depuis des années avec amour.
    Ce treizième tome est encore une fois un bon cru : l'enquête est embrouillée à souhait, mêlant hommes travestis en femmes, cercles de jeu mal famés, espionnage étranger et risques pour la sûreté du roi. L'intrigue policière s'appuie sur le contexte historique de l'époque, particulièrement agité, où chaque coterie, chaque partie, essaie de se tailler la part du lion, la fin justifiant les moyens. C'est dans un contexte de décadence grandissante que prend corps l'intrigue de L'Inconnu du Pont-Notre-Dame.
    J'ai beaucoup aimé cette enquête et ce fut un réel plaisir pour moi que de retrouver les personnages, abandonnés il y'a un peu plus d'un an, à l'issue de La Pyramide de Glace. Je ne sais pas si c'est cette attente qui m'a rendu cette treizième enquête encore plus savoureuse, mais il est clair que je me suis délectée à la lire, malgré des passages qui, parfois, me laissaient un peu perdue ou avec des questionnements. La lumière s'est faite et de manière très originale, cette fois, dans les toutes dernières pages du roman et tout, enfin, s'est dénoué et est devenu clair.
    Je n'aurais qu'un petit regret, concernant le roman : c'est qu'une erreur de chronologie s'y est glissée, erreur que, d'ailleurs, je n'ai pas remarquée tout de suite, trop concentrée que j'étais sur le déroulement de l'enquête policière et inquiète de manquer quelque chose. Il y est en effet question de la cérémonie de relevailles de la reine Marie-Antoinette, à la suite de la naissance de son second fils, le petit Louis-Charles, duc de Normandie. Or l'enfant étant né en mars 1785, cette cérémonie, qui voyait la reine venir dans la capitale, notamment à Notre-Dame ou à Sainte-Geneviève, logiquement, elle n'a pu avoir lieu en mai 1786 d'autant plus que, à cette date, la reine était près d'accoucher de Sophie, son dernier enfant.
    Après avoir cherché des éclaircissements, notamment sur le site officiel de la saga, je me suis rendu compte que je n'étais pas la première à avoir remarqué cette erreur, qui a d'ailleurs été signalée à l'auteur, qui s'en est excusé. Comme on dit, faute excusée à moitié pardonnée. On ne va donc pas en tenir rigueur à Jean-François Parot, qui nous régale depuis des années et, pour conclure, nous dirons que l'erreur est humaine, voilà. Une saga ne peut être parfaite, exempte parfois de petites incohérences ou d'erreurs, qui s'expliquent d'autant mieux que le reste de l'intrigue a dû demander un travail considérable de recherches et de préparation à l'auteur. Qu'il ait donc laissé passer une petite erreur n'est pas catastrophique en soi mais il est vrai qu'elle m'a surprise sur le moment.
    Bref, pour en revenir au fond après nous être intéressés à la forme, je dirais qu'encore une fois, Nicolas Le Floch tient ses promesses. La saga s'est étoffée, depuis L'Énigme des Blancs-Manteaux, sans perdre pourtant cette touche très personnelle qui en fait une saga assez unique dans toutes les productions de policier historique. Le personnage principal est toujours aussi attachant, comme tous ceux qui gravitent autour de lui et qui sont devenus des personnages récurrents et qu'on est toujours heureux, nous lecteurs, de retrouver à chaque tome. Les personnages sont une grande force du roman et participent pour beaucoup à l'intérêt très vif que les lecteurs nouent rapidement.
    Je ressors de cette lecture encore une fois époustouflée par le talent de conteur de Parot, sa capacité à imaginer des intrigues aussi emmêlées en apparence mais au final tellement limpides. Toujours sous le charme de Nicolas, également et certainement encore plus amoureuse du XVIIIème siècle, si tant est que ce soit possible.

     

    En Bref :

    Les + : une enquête très embrouillée au premier abord mais qui s'avère tellement limpide au final ; des personnages et une atmosphère qu'on ne présente plus mais qui font tout le sel de la saga. 
    Les - : 
    une petite erreur de chronologie, pas catastrophique, certes, mais qui aurait pu être évitée. 

     

     

     


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  • In My Mail Box - Février 2017

     

    Les Chroniques d'Edward Holmes et Gower Watson, tome 1, Une Etude en Écarlate ; Jean d'Aillon

    Editions 10/18, Collection Grands Détectives

    Date de parution : 2015

    Sujet : Enquêtes, Policier, Moyen Âge, Guerre de Cent Ans, Histoire

    * * *

    Les Chroniques d'Edward Holmes et Gower Watson, tome 3, La Ville de la Peur ; Jean d'Aillon

    Editions 10/18, Collection Grands Détectives

    Date de parution : 2017

    Sujet : Enquêtes, Policier, Moyen Âge, Guerre de Cent Ans, Histoire

    * * *

    Les Enquêtes de Louis Fronsac, tome 8, Le Secret de l'Enclos du Temple ; Jean d'Aillon

    Editions J'ai Lu

    Date de parution : 2016

    Sujet : Enquête, Policier, Aventures, Grand-Siècle, XVIIème siècle, Histoire

    * * *

    L'Archiprêtre et la Cité des Tours ; Jean d'Aillon

    Editions du Masque, Collection Labyrinthes

    Date de parution : 2001

    Sujet : Moyen Âge, Aventures, Guerre de Cent Ans

    * * *

    Danish Girl ; David Ebershoff

    Editions Libretto

    Date de parution : 2016

    Sujet : Transgenre, Identité, Changement de sexe, XXème siècle

    * * *

    La Cuisinière ; Mary Beth Keane

    Editions 10/18, Collection Domaine Etranger

    Date de parution : 2016

    Sujet : Histoire, Etats-Unis, Portrait de femme, XIXème siècle

    * * *

    L’Été du Cyclone ; Beatriz Williams

    Editions Pocket

    Date de parution : 2016

    Sujet : Histoire, Romance, XXème siècle

    * * *

    La Voix Secrète ; Michaël Mention

    Editions 10/18, Collection Grands Détectives

    Date de parution : 2017

    Sujet : Enquêtes, Policier, Paris, Histoire, XIXème siècle

    * * * 

    Charlotte et Thomas Pitt, tome 2, Le Mystère de Callender Square ; Anne Perry

    Editions 10/18, Collection Grands Détectives

    Date de parution : 2012

    Sujet : Enquêtes, Policier, Epoque victorienne, XIXème siècle, Angleterre

    * * * 

    Charlotte et Thomas Pitt, tome 3, Le Crime de Paragon Walk ; Anne Perry

    Editions 10/18, Collection Grands Détectives

    Date de parution : 2012

    Sujet : Enquêtes, Policier, Epoque victorienne, XIXème siècle, Angleterre

    * * * 

    Inavouable Héritage ; Barbara Wood

    Editions Pocket

    Date de parution : 2016

    Sujet : Histoire, Contemporaine, Roman à secrets

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    La Fille du Loup ; Barbara Wood

    Editions Pocket

    Date de parution : 2014

    Sujet : Histoire, Aventures, Antiquité

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    Séléné ; Barbara Wood

    Editions Pocket

    Date de parution : 2014

    Sujet : Histoire, Aventures, Antiquité

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    Une Vie entre Deux Océans ; Margot L. Stedman

    Editions Le Livre de Poche

    Date de parution : 2016

    Sujet : Histoire, XXème siècle, Drame


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  • « Vous êtes née dans un royaume déchiré, souvenez-vous-en. Votre chemin sera teinté de sang, pavé de douleur. »

    La Reine Clandestine ; Philippa Gregory

     

    Publié en 2009 en Angleterre ; en 2014 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Cousins' War, book 1 : The White Queen

    446 pages

    Premier tome de la saga The Cousin's War

    Résumé : 

    1464. L'Angleterre se déchire. La maison d'York, avec à sa tête le roi Edouard IV, s'oppose à la maison de Lancastre, qui souhaite lui reprendre le trône. 

    Le jeune roi fait alors la connaissance d'Elisabeth Woodville, veuve et mère de deux garçons. Séduit par son extrême beauté, il l'épouse en secret. 

    Richard Neville, comte de Warwick, cousin et principal conseiller du roi, réprouve cette union qui contrecarre ses desseins politiques. Il voit de plus son influence décroître au profit des proches d'Elisabeth. Neville passe alors à l'ennemi et rejoint la maison de Lancastre. 

    Autour d'un épisode méconnu de la guerre des Deux-Roses, Philippa Gregory met en scène une héroïne inoubliable au milieu de la tourmente, prête à tout pour l'honneur des siens...

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En 1464, Elizabeth Woodville, fille de Richard Woodville, baron de Rivers, sollicite une faveur du jeune roi Édouard IV : après la mort de John Grey, son époux, à la bataille de St-Albans (1461), elle se voit spoliée des terres formant son douaire. Avec elle, ce sont aussi ses deux fils, Thomas et Richard, qui se trouvent démunis.
    La démarche, pourtant, ne va pas de soi, parce qu'Edouard et Elizabeth n'appartiennent pas au même parti : lui est un roi yorkiste, elle, la fille et l'épouse d'hommes qui ont soutenu le parti lancastrien.
    York...Lancastre... ça ne vous dit rien ? Mais si, bien sûr, la Guerre des Deux-Roses, ce fameux conflit qui enflamma et ensanglanta l'Angleterre en cette fin du XVème siècle.
    Replaçons nous dans le contexte. Alors que l'interminable Guerre de Cent Ans s'achève enfin, l'Angleterre, loin de lécher ses plaies et se remettre de sa défaite, tombe dans un conflit civil d'une rare violence, opposant deux branches de la famille royale, les Lancastre et les York, donc, dont l'emblème est deux roses, une rouge pour le parti lancastrien et blanche pour les yorkistes, d'où le nom du conflit. Les Lancastre descendent de Jean de Gand, deuxième fils du roi Édouard III et les York de son dernier fils, Edmond, duc d'York.
    Au début des années 1460, le roi légitime est un Lancastre, Henri VI, arrière-petit-fils de Jean de Gand. Par sa mère Catherine de Valois, il est le petit-fils de Charles VI et d'Isabeau de Bavière et a, malheureusement pour lui, hérité de la fragile santé psychologique de son grand-père français. Devenu inapte à régner, le pauvre roi Lancastre voit son épouse, Marguerite d'Anjou tenter comme elle peut de maintenir un semblant de royaume en rassemblant les lambeaux de l'Angleterre et ses cousins York lui disputer la couronne. En 1464, quand Elizabeth rencontre Édouard, il y'a deux rois en Angleterre et une reine en déroute, réfugiée en Écosse avec un prince héritier dont on doute de la légitimité.
    Vous pouvez voir que le tableau n'est pas reluisant et ne devrait pas l'être du tout pour la famille Woodville, de tout temps acquise à la cause lancastrienne.
    Mais c'est sans côté sur l'ingéniosité de Jacquette de Luxembourg, la mère d'Elizabeth, qui se targue d'avoir le sang de Mélusine coulant dans ses veines et étant, à ce titre, un peu magicienne. Est-ce à cause de ses pouvoirs et de quelques philtres dont elle a le secret ou bien le charme naturel de sa fille, toujours est-il que le jeune roi Édouard, âgé de vingt-deux ans, tombe follement amoureux de la belle veuve de vingt-sept ans venue humblement lui demander une faveur, au point de souhaiter en faire sa reine, en dépit des aspirations de sa mère ou de celles de son ami et mentor, le comte de Warwick, surnommé « le faiseur de rois » et qui voit d'un mauvais œil son souverain épouser une jeune femme désargentée, sans influence et surtout, issue du clan ennemi.
    Cela fait beaucoup de handicaps qu'Elizabeth, que rien ne prédestinait à un tel destin, devra surmonter pour se montrer à la hauteur de la nouvelle dignité qui lui échoie.
    Mais qui est-elle, cette Elizabeth Woodville, née en 1437 et qui, comme Anne Boleyn bien plus tard, n'aurait jamais dû ceindre la couronne anglaise ? Autant le dire tout de suite : une parvenue. Et elle se conduisit comme telle une fois sacrée. Paradoxalement, elle est pourtant issue d'une prestigieuse lignée par sa mère, Jacquette de Luxembourg, aux origines bourguignonnes et italiennes et qui épousa en premières noces le duc de Bedford, issu de la lignée Lancastre et descendant en droite ligne de Jean de Gand. Mais voilà, les enfants de Jacquette ne sont pas issus de cette première union mais de la seconde, contractée certes par amour mais qui est clairement une mesalliance, le baron de Rivers appartenant à la petite gentry campagnarde. Elizabeth et ses frères et soeurs ne sont donc ni plus ni moins considérés que comme les rejetons d'un gentilhomme campagnard.
    Et pourtant, Elizabeth a connu une ascension fulgurante et fut la mère des petits princes au destin shakespearien, Édouard et Richard, disparus probablement en 1483, à la suite de la mort de leur père et, sûrement, sur ordre de leur oncle, Richard III. Elle eut aussi des filles, dont celle qu'on retiendra le plus : la petite Bessie, surnommée ainsi parce qu'elle portait le même nom que sa mère et qui, devenue grande, épousa le représentant d'une autre lignée incontournable de l'Histoire anglaise, les Tudor, Henri VII. Ils devinrent les parents du fameux Henri VIII. Elizabeth, la petite Elizabeth aux sangs mêlés et qu'on considérait comme un peu magicienne ou sorcière est donc la grand-mère maternelle de ce fameux roi de la Renaissance

    Philippa Gregory, qui aime son pays et son Histoire, se propose de nous faire partir ici à la découverte de personnages un peu méconnus pour nous, lecteurs français. Il est vrai que ses personnages de Deux soeurs pour un roi, Anne et Mary Boleyn, nous parlent un peu plus que la pauvre Elizabeth, perdue dans les brumes du Moyen Âge finissant et ne fut finalement qu'une reine consort, comme bien d'autres avant et après elle. Oui, mais...elle eut tout de même un destin assez hors du commun, vous ne trouvez pas, elle dont l'avenir était celui d'une jeune veuve sans histoire, reléguée au fin fond du pays et administrant les biens de ses fils.
    Il est vrai qu'une telle destinée nous surprend, nous lecteurs français : aucun exemple similaire n'existe dans notre Histoire, hormis chez les premiers rois capétiens et encore... en France, un roi se mariait par intérêt et pour nouer des alliances avantageuses et se choisissait une maîtresse par amour. En Angleterre, les souverains ne s'embarrassaient pas et confondaient allègrement les deux. Elizabeth profita de cette conjoncture pour faire sa fortune et celle de sa famille.
    Pour autant, sa vie de reine aux côtés d'Edouard ne fut pas si simple. Non seulement le contexte ne s'y prêtait pas, on s'en doute et son existence n'est encore qu'un bon exemple de ce que l'on sait : l' Histoire n'a jamais été tendre avec les femmes. Certaines connurent des destins extraordinaires mais plus dure fut la chute lorsqu'elles se brûlèrent les ailes.
    D'emblée, Elizabeth dut faire face à l'hostilité de la Cour, celle de la mère d'Edouard, de lord Warwick, des familles qui avaient escompté marier l'une des leurs au roi. Elle dut aussi faire oublier aux York qu'elle était une Lancastre.

    Portrait de la reine Elizabeth Woodville 

    De Philippa Gregory, je ne connaissais que ses romans sur les Tudors, notamment le plus célèbre, Deux soeurs pour un roi, qui m'avait bien plu puis L'Héritage Boleyn, dont l' héroïne était Anne de Clèves.
    Pour cette saga, intitulée The Cousin's War en anglais et qui est en train d'être éditée et traduite en France, j'ai surtout été séduite par le contexte historique. Parce que j'aime l'Histoire, je connaissais le personnage d'Elizabeth Woodville mais je pense qu'aujourd'hui elle est oubliée et c'est dommage.
    Il est sûr que beaucoup de romanesque entre dans la composition du livre mais Philippa Gregory nous brosse ici un portrait très vraisemblable de cette reine de la fin du Moyen Âge
    L'époque n'etait franchement pas tendre pour les femmes, à plus forte raison si elles étaient reines et devaient, alors, défendre des intérêts qui les dépassaient elles-mêmes. 
    Elizabeth a aujourd'hui une légende noire qui lui colle à la peau -notamment une réputation de sorcière ou de magicienne- et l'auteure, dans son roman, minore un peu cette réputation négative sans excuser Elizabeth non plus ou en faire une sainte. Comme je le dis plus haut, il est clair qu'Elizabeth usa de sa nouvelle position à la Cour en parvenue et comprit très vite quel outil efficace était l'amour que le roi lui portait. Pas dénuée d'ambition, elle a su adroitement placer son clan autour d'Edouard IV, ses frères jouissant des meilleures places et ses sœurs appelées à épouser les meilleurs partis.
    Certes, mais elle fut aussi une épouse aimante et une mère soucieuse du bien-être et de la sécurité de ses enfants. Elle éleva elle-même les enfants royaux, sans nourrices ou une pléthore de gouvernantes et il semblerait qu'elle ait porté beaucoup d'amour tant aux petites princesses qu'à ses deux fils. 
    En somme, c'est un portrait assez objectif que Philippa Gregory nous propose de lire ici et je dois dire que j'ai pris plaisir à découvrir le destin d'Elizabeth qui m'a paru, en plus de ça, assez attachante.
    Ce qui m'a gênée, maintenant, serait plus la forme que le fond, celui-ci répondant aux normes d'un roman historique efficace. La présence récurrente du passé simple dans les dialogues m'a donné à la longue un sentiment de lourdeur et j'avais l'impression de lire des échanges trop artificiels, dénués de la spontanéité qu'on peut attendre des vraies conversations. De fait, les derniers chapitres ont été assez laborieux et j'ai un peu traîné pour les finir, n'arrivant pas à bien me concentrer. Dommage que la traduction ait fait le choix de changer de titre en français, le titre original étant bien plus cohérent et surtout, une traduction littérale était faisable, sans aucun problème. Autre problème : on retrouve souvent le terme de dauphin pour désigner l'héritier du roi, or c'est une traduction trop française, qui m'a gênée, le titre de Dauphin du Viennois étant un titre très français et le terme générique de dauphin, souvent utilisé de nos jours, trop contemporain, à mon sens, pour un roman se passant dans les dernières années du Moyen Âge, mais ce n'est là que mon avis. Les parti-pris des traducteurs sont ce qu'ils sont, il faut que nous, lecteurs, fassions avec. Il n'empêche que je n'ai pas toujours été raccord avec eux. 
    Pour ce qui est du fait, maintenant, que le roman est à la première personne ne m'a pas spécialement déplu d'autant plus que, pour décrire certains événements auxquels Elizabeth n'assista pas, l'auteur revient à un narrateur omniscient : certaines lectrices ont été gênées qu'Elizabeth soit le narrateur principal, moi pas. Je n'ai pas été gênée non plus par la succession de bataille ou d'intrigues que l'on trouve dans la seconde partie du roman. Certains lecteurs ont soulevé cela, pour ma part, je trouve assez normal que, en plein conflit civil, l'existence des héros ne se déroule pas de façon très paisible. C'est même normal et Philippa Gregory ne fait là que respecter une chronologie historique et authentique

    En revanche, j'ai moins aimé que la légende de Mélusine, autour de laquelle le récit s'articule comme autour d'une colonne vertébrale, donne parfois lieu à des passages quelque peu surnaturels... que la mère d'Elizabeth soit un peu sorcière sur les bords, prépare des philtres ou des potions étranges passe encore... mais qu'elles invoquent depuis Londres une tempête censée se déchaîner sur la Manche m'a...comment dire ? Laissée un peu (voire carrément) dubitative. Qu'Elizabeth ou sa mère aient pris pour argent comptant leur possible filiation avec la nymphe mi-femme mi-serpent des légendes anciennes ne me choque pas parce que le merveilleux était très présent dans le quotidien médiéval mais que cela donne lieu à des passages un peu équivoques dans un roman qui ne se réclame pas du fantastique m'a un peu dérangée, je dois bien l'avouer. 
    Pour le reste, j'ai trouvé cette lecture agréable et surtout, le roman a le mérite de présenter de façon très claire un contexte des plus embrouillés. On sent que Philippa Gregory a bossé son sujet.
    Alors, Elizabeth Woodville, une reine des circonstances, naviguant à vue dans le brouillard dense des dernières années de la Guerre des Deux-Roses ? Une aventurière ambitieuse n'hésitant pas à renier le parti de Lancastre pour la rose blanche yorkiste ? Peut-être, mais elle fut aussi une mère attentive doublée d'une épouse fidèle et dévouée à un homme qu'elle n'abandonna jamais. Quant aux accusations de sorcellerie, qui relèvent essentiellement de l'imaginaire médiéval, on ne peut évidemment aujourd'hui l'imputer à Elizabeth comme un gage de mauvaise réputation. 
    Moi, j'ai eu sous les yeux, tout au long de ma lecture, une reine fascinante et une battante. Belle et intelligente, Elizabeth Woodville personnifie bien à elle seule ces femmes de la fin du Moyen Âge, ces reines surtout qui furent confrontées à des conflits dans lesquels elles eurent une place pleine et entière et dont elles eurent à souffrir jusque dans leur chair, avec la perte de leurs enfants notamment -et Elizabeth ne fut pas épargnée, c'est le moins qu'on puisse dire. J'ai aimé ce roman pour ça. Après, il n'est pas parfait et présente quelques petites inégalités mais je l'ai apprécié et ai passé un bon moment : à mon sens, c'est tout ce qui compte. 

    Dans la série The White Queen, Elizabeth Woodville est interprétée par Rebecca Ferguson

     

    En Bref :

    Les + : un roman historique efficace et cohérent, comme je les aime, qui a le mérite de nous présenter une héroïne au destin fascinant, tragique mais si intéressant. Elizabeth Woodville revit sous nos yeux. 
    Les - : quelques parti-pris de traduction avec lesquels je ne suis pas d'accord, mais cela n'appartient qu'à moi ; l'omniprésence du passé simple dans les dialogues, ce qui implique des lourdeurs à la longue. 

     

     

     


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