• « Chaque chose contient un message. Ils sont tout autour de nous. Il suffit de regarder. »

    La Fille du Loup ; Barbara Wood

     

    Publié en 2012 aux Etats-Unis ; en 2014 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Divining

    Editions Pocket

    507 pages

    Résumé :

    54 après J-C, sous le règne de Néron. Ulrika, élevée uniquement par sa mère, apprend, au cours d'un rêve prémonitoire où lui apparaît un loup, que son père est toujours en vie. Wulf est même le chef de la rébellion germaine contre l'Empire romain. Une révolte menacée par les armées du commandant Vatinius. Avec l'aide de Sebastianus Gallus, un marchand romain, Ulrika entreprend un long voyage en terres barbares pour avertir ce parent qui ignore son existence du danger qu'il encourt...Une quête spirituelle et personnelle aux répercussions inattendues. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En avril dernier quand j'ai refermé les dernières pages de Séléné, j'ai eu très envie de lire La Fille du Loup, quand je me suis rendu compte que les deux romans étaient consécutifs. Dans Séléné, on suit la quête identitaire d'une jeune femme née à Antioche et qui sillonnera le monde antique, jusqu'à Rome. Séléné est tout simplement la mère d'Ulrika, l'héroïne de La Fille du Loup, que l'on a déjà découverte dans le premier roman...
    Ulrika est donc la fille de l'attachante Séléné et de Wulf, un guerrier germain qu'elle croyait mort depuis longtemps. Seulement, la jeune femme apprend, à dix-neuf ans, qu'il n'en est rien et que ses parents se sont quittés bien avant sa naissance, à tel point que Wulf a rejoint la Germanie sans savoir que Séléné était enceinte et ignorant tout, donc, de l'existence d'Ulrika...
    La jeune femme décide alors de partir sur les traces de son père afin de le rencontrer mais aussi d'avertir son peuple qui s'apprête à affronter les troupes romaines et, Ulrika le sait, à être vaincu. Mais son chemin risque d'être bien plus long qu'elle ne le pense et de la mener bien plus loin que prévu...
    Des denses forêts de Germanie jusqu'aux déserts de Perse et de Judée en passant par Rome, Ulrika découvre un monde qu'elle ne soupçonnait pas et, à travers ce long périple qui l'emmène à la rencontre de ses origines, elle apprend à se connaître elle-même, apprivoisant son don de divination, grandissant, tombant amoureuse... Au-delà de sa quête initiatique, Ulrika devient une femme et gagne en maturité sous nos yeux...
    J'ai été très surprise par ce roman parce que, pour avoir lu Séléné avant, j'ai trouvé que ces deux romans extrêmement semblables ! Les lieux y sont les mêmes et les quêtes respectives de la mère et de la fille présentent aussi beaucoup de points communs. Mais cela n'a pas été pour me déranger parce que j'ai bien aimé Séléné, ce roman m'a vraiment fait voyager et j'espérais que ce serait pareil avec La Fille du Loup, même si le résumé laisse plutôt croire à une intrigue centrée en Germanie, alors que ce n'est pas le cas puisqu'on voyagera même...jusqu'en Chine !
    Pour le coup, ce roman est extrêmement dépaysant, on voyage dans le temps mais aussi dans des contrées lointaines et qui n'existent plus, aux langages et aux coutumes variés. Et à une époque où les gens voyageaient peu ou du moins avec moins de facilités qu'aujourd'hui et donc, moins souvent, découvrir la Chine du Ier siècle après J-C c'est presque découvrir un monde parallèle et légèrement fantastique - cette impression de lire d'ailleurs bien plus un roman fantastique qu'un réel roman historique s'est accentuée avec le retour récurrent des visions d'Ulrika, qui s'en sert pour avancer dans sa quête et chercher des réponses.
    Comme les héros du roman, Ulrika ou Sebastianus, le jeune marchand galicien avec qui on voyagera jusqu'en Chine auprès de l'empereur Ming, on s'émerveille ou on s'effraie des découvertes que l'on fait à chaque page et on se laisse porter... Ce roman m'a rappelé La Mort du Roi Tsongor, de Laurent Gaudé, qui se passe dans une Antiquité imaginaire : j'ai retrouvé un peu le même onirisme dans les deux romans même si, clairement, le style de Gaudé est plus ciselé.
    Justement, puisqu'on parle du style, je l'ai trouvé bien meilleur dans Séléné que dans celui-ci... Je l'ai trouvé plus lourd et moins fluide, légèrement inégal, même si cela ne m'a pas gênée plus que cela pour autant.
    L'histoire d'Ulrika est finalement aussi intéressante que celle de Séléné et j'ai pris autant de plaisir à la suivre elle que sa mère dans le roman précédent. Ulrika est un personnage abouti que j'avais déjà aimé dans Séléné mais que j'ai encore plus apprécié ici ! Je trouve ça bien que Barbara Wood ait consacré un roman complet à Ulrika, qui le méritait et cela permet aussi aux lecteurs qui l'ont rencontrée dans Séléné de savoir enfin ce qu'elle devient et où elle va.
    La Fille du Loup est un roman merveilleux dans le sens où l'on voyage dans plein d'endroits extraordinaires, dépaysants et dignes des Mille et Une Nuits ! J'ai vraiment eu l'impression de lire un conte oriental et de voyager grâce à ce roman de cinq cents et quelques pages. Bien qu'un peu en dessous de Séléné, La Fille du Loup le complète assez bien et n'est pas superflu... En démarrant cette lecture, je pensais lire une suite de Séléné : au final, j'ai lu une histoire parallèle, des intrigues qui se ressemblent et fusionnent pour se mêler étroitement, au point d'être étrangement jumelles...
    Si j'ai été un peu moins séduite par le style ici je dois avouer que, encore une fois, avec ses histoires de quêtes et de voyages, Barbra Wood a su piquer ma curiosité et l'auteure signe un roman diablement efficace malgré quelques rebondissements un peu convenus et quelques clichés...
    Entre Histoire, mythes et fantastique, La Fille du Loup est une bonne lecture, pas un roman historique proprement dit, mais une véritable aventure qui a su me captiver et me faire toucher du doigt les merveilles d'un monde antique fantasmé

    En Bref :

    Les + : une quête onirique et merveilleuse qui rappelle les Mille et Une Nuits et les contes orientaux, des personnages sympathiques, un vrai voyage dans le temps et dans des mondes presque imaginaires...
    Les - : un style un peu en-dessous de ce à quoi Barbara Wood m'avait habituée, des rebondissements un peu prévisibles et clichés...

     


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  • « Ici, nous faisons notre devoir, c'est tout ; et quand le devoir est incapable de détourner la balle égarée d'un tireur isolé, on abandonne l'idée présomptueuse que l'homme peut contrôler son destin. »

     

    Publié en 2016 en Angleterre ; en 2017 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Summer Before the War

    Editions 10/18 (collection Domaine Etranger)

    664 pages

    Résumé :

    Été 1914. Beatrice Nash, jeune professeure, découvre le village de Rye et sa gentry locale. Elle a fait vœu de célibat et se rêve écrivain - des choix audacieux dans la société conservatrice de ce début de siècle, que l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne vient bouleverser. Les hommes s'engagent et Beatrice voit partir Hugh, le neveu de sa chaperonne, avec un étrange sentiment...
    Helen Simonson signe un roman pétillant et mordant, entre comédie de mœurs, tableau romantique et portrait féministe, Downton Abbey et Jane Austen. Lumineux et...so british

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En 1914, Beatrice Nash arrive à Rye, Sussex, pour devenir répétitrice de latin. C'est un bel été et, dans cette petite ville côtière, où il fait si chaud, les réceptions succèdent aux garden-parties... Pendant ce temps, Beatrice fait la connaissance de sa bienfaitrice, Agatha Kent et des neveux de celle-ci, Hugh et Daniel, si différents l'un de l'autre. Hugh, le scientifique, futur médecin, aussi calme et posé que son cousin est exubérant, n'est pas sans laisser indifférente la jeune professeur de latin et c'est d'ailleurs avec un léger pincement au cœur qu'elle le voit partir à la guerre...
    Car L’Été avant la Guerre, c'est ça : les derniers moments d'insouciance avant l'horreur, avant que tout ne bascule... Avant que l'assassinat d'un archiduc autrichien, faisant jouer les alliances, ne fasse se jeter les puissances européennes les unes contre les autres...Les dernières semaines où la vie, pour la dernière fois, se déroule à peu près normalement ou avec un semblant de normalité, avant que l'inquiétude ne prenne le dessus...
    Voilà l'idée de départ qui, en soi, est plutôt bonne. Faire découvrir la guerre autrement, le avant, quand rien encore n'est certain, quand l'espoir est encore là et le dispute à l'inquiétude... La Première guerre mondiale est un tragédie à nul autre pareil, un véritable cataclysme mais qui, malgré tout, ne fut pas réellement envisagée, avant qu'elle n'éclate comme un coup de tonnerre... C'est du moins le cas en Angleterre : j'ai été très surprise que la guerre soit totalement absente des premiers chapitres avant de comprendre que l'Angleterre, du fait de son insularité, est restée épargnée plus longtemps que le continent. La guerre est restée plus longtemps une abstraction au Royaume-Uni et la vie n'a pas été bouleversée tout de suite : voilà pourquoi les personnages n'en parlent pas ou si peu, continuent de vivre normalement, se recevant mutuellement, planifiant leur avenir, faisant des projets. Et puis, comme partout ailleurs, on va assister à des mouvements d'enthousiasme, des enrôlements spontanés, avec l'idée que le conflit ne va durer que quelques semaines ou quelques mois. Enfin, c'est l'arrivée des réfugiés belges, traumatisés, ayant tout perdu, qui jette brutalement la guerre à la figure des habitants de Rye... Et les premiers enrôlements arrivent puis les premiers morts et les soldats anglais se retrouvent, comme les autres, pris dans la tourmente et l'horreur de la guerre des tranchées.
    L’Été avant la Guerre est un roman intéressant avec une idée de départ originale. Mais qu'est-ce que c'est long ! Les trois quarts du roman m'ont fait l'effet d'une platitude sans nom. Waterloo, morne plaine, vous voyez ? C'était exactement ça ! Une histoire qui, sans être complètement dépourvue d'intérêt est ennuyeuse... Une histoire que je retrouvais à chaque reprise de lecture avec un plaisir mêlé d'ennui et de lassitude. Il a fallu que j'attende les derniers chapitres pour me sentir vraiment investie dans cette lecture mais malheureusement, cela n'a pas réussi à tempérer ce léger sentiment de déconvenue ressenti quasiment dès les premières pages.
    Surtout, je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages... Peut-être Hugh et Daniel, les deux cousins, m'ont-ils plu... J'ai aussi aimé le couple formé par Agatha et John Kent. Mais l'héroïne de ce récit, c'est Beatrice... Et je n'ai pas du tout réussi à me sentir proche de Beatrice, trop froide, trop distante et très cynique... C'est très rare qu'un personnage ne me plaise vraiment pas mais c'est arrivé ici. Sans la détester non plus, disons que je n'ai pas réussi à m'identifier à elle ce qui me paraît pourtant important dans une oeuvre de fiction. Quant au duo qui se forme progressivement entre Beatrice et Hugh, il est prévisible à vingt mètres mais au final assez cohérent car unissant deux personnages complémentaires. Ce n'est peut-être qu'à partir de ce moment que j'ai pu me sentir un peu plus proche de Beatrice...
    Ceci dit, L’Été avant la Guerre est un roman qui a aussi des qualités, bien sûr. Et des qualités certaines. J'ai aimé les descriptions pleines de nuances que fait l'auteure de la société de cette époque, moralisatrice et condamnant volontiers, une société condescendante et facilement encline au mépris et à la mesquinerie, se perdant en vaines et futiles querelles de préséance alors que, au front, de jeunes soldats se battent pour la nation. L'éclatement de la guerre de Quatorze, c'est aussi l'émancipation des femmes, qui se sentent le droit de jouer un rôle, enfin, qui osent et qui, pendant les longues années du conflit, remplaceront les hommes à l'arrière.
    Enfin, les derniers chapitres qui nous transportent justement sur le théâtre des opérations, au milieu des tranchées anglaises, dans le sang et la boue, sont criants de vérité et on entend presque le bruit sourd des canons au dessus des villages en ruine.
    Mais c'est si dommage que tout cela arrive tard...trop tard pour moi. Ces ultimes chapitres plus enlevés n'ont vraiment pas pu rattraper leurs prédécesseurs... Le roman est plutôt imposant et le dynamisme de la fin n'est pas suffisant pour palier aux longueurs du début. J'ai vraiment eu le sentiment de voir se dérouler devant moi un récit monotone où il ne se passe pas grand chose et où les repères chronologiques sont tellement absents qu'on ne sait même plus à quelle période de l'année on se trouve...
    Mention cependant aux descriptions fines et réalistes, au récit nuancé et au style d'écriture maîtrisé.
    L’Été avant la Guerre ne me laissera pas un extraordinaire souvenir. C'est loin d'être un coup de coeur mais ce n'est pas une déception non plus. Après avoir tourné la dernière page, c'est juste un léger sentiment de frustration livresque qui reste... Rien de grave en soi et une lecture qui, je n'en doute pas, saura sûrement trouver son lectorat. 

    En Bref : 

    Les + : une idée de départ intéressante, un récit nuancé et un style d'écriture précis et maîtrisé...
    Les - : ...mais beaucoup trop de longueurs pour que le roman soit réellement convaincant. Dommage, il y'avait là matière à faire un somptueux roman historique. 


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  • « Ne t'y trompe pas, Vercingétorix : pour moi, la bonté est un leurre. Lorsqu'on se met en travers de mon chemin, le naturel a tendance à revenir. Ne me contrarie pas. »

    Rome, tome 2, L'Impératrice des Sept Collines ; Kate Quinn

     

    Publié en 2012 aux Etats-Unis ; en 2014 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Empress of Rome

    Editions Pocket

    704 pages

    Deuxième tome de la saga Rome

    Résumé :

    Empire romain, IIe siècle de notre ère, sous le règne de Trajan. 
    Fougueux et obstiné, le jeune Vix, ancien gladiateur, revient à Rome en quête de gloire. Fille d'un sénateur, l'insaisissable Sabine a soif d'aventure. Tous deux se connaissent depuis l'adolescence et nourrissent une passion réciproque. Mais Sabine rêve d'un grand destin - ce que Vix ne pourra jamais lui offrir, contrairement à Hadrien, le futur empereur, auquel elle est promise. 
    Alors que Rome se prépare à de grands changements, les deux amants sont bientôt happés chacun de leur côté par le tourbillon de l'Histoire...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Bienvenue à Rome, sous le règne de Trajan. Vix, le fils de Théa, l'héroïne de La Maîtresse de Rome, quitte la Bretagne où il vivait avec sa famille, pour rentrer à Rome, ville qu'il a quittée depuis ses treize ans. Après des règnes instables voire violents, l'empire est gouverné, peut-être par l'un de ses meilleurs souverains, Trajan, bon administrateur, juste, tolérant... Après Domitien, l'empereur maniaque et violent découvert dans La Maîtresse de Rome, le contraste est net et Vix, qui ne garde pourtant pas un bon souvenir des empereurs romains, va se mettre sans conditions au service de celui-ci. Des rues de Rome jusqu'au plaines sauvages de Germaine et Dacie, jusqu'aux déserts de Judée, on suit donc notre nouveau héros dans un tourbillon d'aventures. Vix, découvert enfant et jeune adolescent dans La Maîtresse de Rome, est en train de grandir. Il est un tout jeune homme puis se métamorphose en adulte responsable, avec des rêves, des ambitions... Le roman tourne essentiellement autour de lui, avec des chapitres écrits à la première personne ce qui nous rend Vix beaucoup plus proche mais l'auteure a choisi une alternance de voix, une alternance entre personnages féminins et masculins ce qui est finalement plutôt sympathique.
    J'ai trouvé L'Impératrice des Sept Collines bien plus abouti que La Maîtresse de Rome : ce premier roman m'avait plu mais c'est comme si j'avais regardé un péplum en carton-pâte avec des effets spéciaux bidon et des invraisemblances qui se voyaient comme le nez au milieu de la figure ! C'est sympa sur le moment mais pas forcément le genre de lecture qu'on garde en tête ! D'ailleurs en lisant ce deuxième tome, je me suis rendu compte que je me souvenais très mal du premier tome et que ce dernier est clairement en dessous de son successeur, comme si la plume de l'auteure s'était affinée, perfectionnée, ce qui est peut-être le cas. Les personnages sont plus recherchés et si l'histoire, en elle-même est assez convenue dans le sens où l'auteure reprend les éléments type d'une fiction historique, je l'ai trouvée mieux ficelée et moins invraisemblable.
    D'ailleurs en parlant du style de l'auteure, certains lecteurs avaient été gênés par un style trop contemporain. J'ai eu l'occasion d'en parler avec une autre blogueuse sur Instagram qui m'en faisait la remarque. Personnellement, je n'avais pas été gênée par la modernité du style dans La Maîtresse de Rome et je ne l'ai pas été non plus dans L'Impératrice des Sept Collines. Clairement, le style de Kate Quinn est ultra moderne, on pourrait même dire anachronique mais j'imagine que toute langue, même les plus anciennes, avait son langage courant voire argotique et cela ne m'a pas dérangée de voir nos personnages jurer ou parler comme nous, dans un langage absolument pas soutenu parce que, malgré tout, on ne peut raisonnablement pas dire que Kate Quinn écrit mal : personnellement, j'ai du mal avec les dialogues trop ampoulés et quand ils sont très oraux, je trouve que cela donne un surcroît d'authenticité !
    Maintenant, j'aimerais parler un peu de l'intrigue... Menée tambour battant, elle est bien ficelée, vraiment intéressante. On est loin du règne légèrement dégénéré de Domitien. L'empereur Trajan, comme son successeur direct Hadrien, qu'on retrouve d'ailleurs au cœur du récit, sont aujourd'hui considérés comme de bons administrateurs, leur bilan est jugé positivement par les historiens... qu'en était-il vraiment ? Difficile de le savoir de façon certaine quand on travaille sur des périodes aussi anciennes.
    Du coup, que Kate Quinn se plaise à distordre légèrement la réalité, comme elle avait pu le faire dans Le Serpent et la Perle, consacré à la belle Giulia Farnese, ne m'a pas du tout fait bondir, au contraire... Elle mêle très habilement fiction et réalité, par exemple pour les filiations de ses personnages : des tantes et nièces qui deviennent des sœurs, des personnages authentiques qui se voient attribuer des parents fictifs... Pourquoi pas, dans la mesure où ça marche ? Après tout, si on veut lire quelque chose de vraiment fiable, on ne se tourne pas vers une oeuvre romancée ; ce qui est intolérable chez un historien, devient bien plus acceptable chez un romancier ! Ceci étant dit, j'ai peut-être été aussi encline à pardonner à l'auteure ses petits écarts parce qu'il s'agit d'une époque que je connais mal et qui, historiquement, ne m'intéresse pas autant que d'autres : peut-être aurait-elle écrit sur une époque qui me parle plus, aurais-je été plus réticente...De plus, n'ayant pas une connaissance approfondie de l'Empire romain et de son fonctionnement, j'ai sûrement laissé filer quelques petites erreurs sans m'en rendre compte ! ! 
    Mais Kate Quinn a, de plus, l'honnêteté de nous expliquer sa démarche en fin de volume, énumérant les libertés qu'elle a prises ici ou là, dressant une liste des personnages ayant existé ou pas.
    L'Impératrice des Sept Collines m'a semblé bien plus solide que La Maîtresse de Rome et, de fait, bien plus captivant ! J'ai été entraînée dans le sillage de Vix mais aussi de Vibia Sabina, autrement appelée Sabine, qui a existé même si l'auteure en fait un personnage très romancé. Vibia Sabina fut une impératrice de Rome, cette fameuse impératrice des sept collines, en épousant Hadrien, héritier de Trajan, avec qui d'ailleurs, elle sera malheureuse en mariage. Certains lecteurs ne se sont pas sentis proches d'elle : personnellement, je l'ai trouvée attachante et j'ai aimé son assurance, son originalité et sa liberté de ton ! Je me souviens que j'avais beaucoup aimé le personnage d'Arius dans le premier tome, Arius qui est le père de Vix : j'ai retrouvé un peu cette même attirance pour Vix, qui est un personnage assez charismatique, impulsif et parfois violent mais avec un passé pas facile et qui doute parfois. J'ai apprécié son dévouement sans bornes à l'empereur Trajan, dépeint ici comme un homme juste et simple, proche de ses soldats et du peuple qu'il ne méprise pas, conquérant certes et ne rechignant pas à mener des campagnes mais cherchant aussi toujours à améliorer la vie des citoyens, à Rome comme dans les provinces. On comprend assez facilement l'attachement de Vix pour un tel homme, surtout après avoir approché de près la folie mégalomane de Domitien ! On comprend aussi son attirance pour la jolie Sabine, qu'il ne quitte jamais vraiment : leur relation est complexe, une relation d'amour haine qui se mue progressivement en une amitié et une complicité solides. Je crois que l'effet aurait été gâché si l'histoire d'amour qui malgré tout est importante dans le récit, avait été moins bien travaillée, moins complexe... Là au contraire, je l'ai trouvée vraiment intéressante et pas du tout mièvre, cette histoire d'amour, même si on retrouve un duo vu et revu : la patricienne avec le plébéien, les différences de rang, de statut les opposant en apparence pour mieux les réunir.
    Certes. Pour autant, on ne peut pas dire que L'Impératrice des Sept Collines soit un mauvais roman. Bien écrit, avec une intrigue qui ne respecte peut-être pas la chronologie mais vraisemblable, c'est un roman qui marche. J'ai voyagé dans cette Antiquité romaine violente, corrompue... L'Empire romain revit sous nos yeux.
    Cette lecture a su me convaincre et j'ai passé un bon moment et les pages se sont tournées toutes seules. Un deuxième tome qui rattrape largement son prédécesseur, sans aucun doute

    En Bref :

    Les + : une intrigue bien menée, avec des personnages tous intéressants. Kate Quinn a réussi à donner une aura, une âme, aux personnages fictifs comme à ceux ayant réellement existé. Elle signe là une bonne fiction historique, loin du péplum un peu hasardeux qu'est La Maîtresse de Rome...
    Les - : peut-être une ou deux longueurs...


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  • « Pour moi tout est fini du côté de la France puisque rien n'y a commencé. »

    Le Rajah Bourbon ; Michel de Grèce

     

    Publié en 2007

    Editions JC Lattès

    255 pages

    Résumé :

    « Il existait en Bourbonnais une tradition au dire de laquelle le Connétable de Bourbon avait laissé un fils, qui avait été envoyé aux Indes pour le soustraire aux rancunes de François Ier... »

    Annales bourbonnaises, 1892



    Qui mieux que Michel de Grèce pouvait, avec sa connaissance intime de l'Histoire et son inimitable talent de conteur, nous faire découvrir le destin de ce héros oublié ? 
    Voici l'histoire fabuleuse et inédite de Jean de Bourbon, héritier du trône de France, devenu Rajah indien.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Voilà un roman vraiment surprenant !
    Michel de Grèce est connu pour s'intéresser à des épisodes plutôt méconnus de notre Histoire, qu'il exhume patiemment des limbes du temps. Par exemple, dans La Nuit du Sérail, c'est à Aimée Dubuc de la Riverie qu'il s'intéresse : une jeune cousine de Joséphine Tascher de la Pagerie, future impératrice des Français. Tandis que le bateau emmenant sa cousine arrive à bon port, Aimée, elle, sera enlevée par des pirates barbaresques et deviendra une sultane.
    Et, dans Le Vol du Régent, c'est aux vols méthodiques qui eurent lieu plusieurs nuits de suite au Garde-Meuble national en septembre 1792 que s'intéresse l'auteur, vols qui auraient peut-être permis d'acheter la décisive victoire de Valmy... A ce jour, Le Vol du Régent était le seul roman de Michel de Grèce que j'avais lu. Mais comme j'en garde un bon souvenir, évidemment, j'ai très vite été attirée par Le Rajah Bourbon et j'ai eu très envie de lire ce roman, qui laissait présager une histoire assez surprenante et hors du commun !
    Ainsi, au XVIème siècle, un membre de la maison de Bourbon aurait fait souche en Inde, où des descendants vivaient toujours il y'a une vingtaine d'années et vivent toujours certainement, portant toujours le nom de Bourbon et entretenant la mémoire de cet ancêtre légendaire dont le destin aujourd'hui, n'est connu qu'au travers de textes incohérents et qui se contredisent.
    Alors qui est exactement ce Jean de Bourbon qui aurait, à la Renaissance, quitté l'Europe pour ne jamais y revenir ? Est-il bien l'ancêtre des Bourbons de Bhopal que rencontra Michel de Grèce il y'a une quinzaine d'années ? Ce mystère, évidemment, avait tout pour attirer l'amoureuse de l'Histoire que je suis et, comme tout le monde, j'aime les mystères, les incertitudes propres à faire alors travailler l'imaginaire...
    Si vous lisez un jour Le Rajah Bourbon, ne perdez pas de vue que nous sommes ici dans un roman. Michel de Grèce, à partir de textes et de témoignages, s'est livré à une reconstitution historique qui, si elle est fiable et cohérente, n'est pas pour autant la vérité vraie. Comment l'atteindre de toute façon quand on ne peut s'appuyer que sur des bases historiques fuyantes et insuffisantes ?
    Le personnage que nous suivons donc dans ce roman serait un fils de Charles III de Bourbon, plus connu sous son titre de Connétable de France, charge qu'il occupa de 1515 à 1523. Aujourd'hui encore, il est plus connu pour sa trahison au profit de Charles Quint et sa mort sous la bannière des Impériaux en 1527, lors du sac de Rome, que pour le reste de son existence. Issu de la branche aînée de la famille de Bourbon, descendant donc par Robert de Clermont, de saint Louis, et époux de Suzanne de Bourbon, riche héritière et petite-fille de Louis XI, Charles III est mort sans descendance. Un premier fils, né en 1517, vécut à peine un an. L'année suivante, naquirent des jumeaux mort-nés. A l'issue d'un procès inique, l'héritage de la duchesse Suzanne revint à sa cousine Louise de Savoie, mère de François Ier. Plusieurs décennies plus tard, lorsque la branche des Valois Angoulême se fut éteinte avec la mort sans descendance d'Henri III, c'est à la branche cadette des Bourbons, représentée par le roi de Navarre, que la couronne des lys échut.
    Si le connétable de Bourbon avait eu des enfants et surtout, un fils, l'Histoire aurait pu être tout autre. Si la parenté des Bourbons d'Inde avec lui était confirmée, cela pourrait bouleverser notre manière de voir les choses et d'appréhender l'Histoire.
    On le sait, cette dernière aime les mystères et les interrogations. Les humains aussi : qui ne s'est jamais passionné un temps pour une histoire mystérieuse qui n'a pas de réponse, pour une survivance ? Et l'Histoire du monde en est émaillée : en France, nous avons cet Italien, qui, au XIVème siècle se présenta comme le fils légitime du roi Louis X. Il y'a eu le masque de fer, que l'on a longtemps cru être un frère jumeau du Roi-Soleil, escamoté et dissimulé sa vie durant. En Russie, le XXème siècle connut plusieurs revendications de survivance de la grande-duchesse Anastasia : Anna Anderson reste aujourd'hui encore la plus célèbre des « fausses Anastasia ».
    Alors pourquoi le Connétable de Bourbon n'aurait-il pas pu avoir un fils qu'on aurait cherché à soustraire à la vindicte du roi François Ier et de sa mère, Louise de Savoie ? Personnellement, même si je n'y crois pas vraiment, je dois avouer que l'idée est à prendre en considération. L'Histoire est une science, certes mais pas une science exacte et susceptible d'évoluer au gré des découvertes des chercheurs. À ce jour, il est vrai que nous ne connaissons aucune descendance avérée ou supposée au connétable et à son épouse Suzanne. Aucune descendance illégitime non plus.
    Pourtant, les Bourbons d'Inde existent et viennent bien de quelque part. La plupart des textes, bien que se contredisant, donnent un même nom et une époque : au XVIème siècle, vers 1560, un Européen répondant au nom de Jean Philippe de Bourbon se mit au service du Grand Moghol, Akbar. Militaire de génie, il devint un conseiller écouté de l'empereur et épousa une Portugaise, Julia, sœur de l’épouse chrétienne d'Akbar, Maria. Ils eurent deux enfants, dont l'aîné, Saviel, est l'ancêtre des Bourbons que Michel de Grèce rencontra à Bhopal en 2005.
    Dans son roman, exotique et dépaysant, qui pourrait presque se lire comme une enquête ou un carnet de bord, c'est l'existence d'un aventurier qui est racontée : entre Europe et Orient, l'histoire riche et pleine de rebondissements de Jean se déroule sous nos yeux. Élevé en Italie puis fait prisonnier par des marchands d'esclaves, il échoue un temps en Égypte avant de séjourner en Éthiopie, le plus vieux royaume chrétien. De là, Jean avec l'aide des Portugais combattant auprès des Éthiopiens, passe en Inde, où il découvre un pays étrange, mosaïque de peuples et de petits états à la stabilité politique vacillante. L'Inde est déjà un pays de comptoirs, où sont représentés les Européens et notamment les Portugais, dont les missionnaires jésuites répandent la bonne parole à ces peuplades musulmanes, hindouistes ou encore bouddhistes mais considérées comme païennes par les chrétiens. Jean y deviendra le conseiller très écouté du Grand Moghol, y mourra, y sera enterré. Il ne reviendra jamais en France et les actuels Bourbons d'Inde sont hindous et uniquement hindous.
    J'ai parfois eu l'impression de lire un conte des Milles et une nuits, dans un Orient grandiose, fantasmé, rêve des Européens à cette époque, qui découvrent un mode de vie radicalement éloigné du leur : pays écrasés de soleil, coutumes étranges, architectures et nourritures surprenantes, pays regorgeant de richesses - épices, tissus, pierres précieuses.
    Comme pour Le Vol du Régent, j'ai eu du mal avec le début du roman : les chapitres étaient très courts et cela donnait un rythme un peu trop rapide, un peu trop saccadé au roman. Par moments, j'aurais voulu que l'auteur s'attarde plus, qu'il nous donne plus de détails et notamment, plus de repères : l'absence de dates précises m'a manqué parfois.
    Je crois que j'ai été moins séduite par ce roman que par Le Vol du Régent, un très bon roman historique, très complet. Cependant, j'ai été éminemment intéressée par l'histoire personnelle de ce rajah aux origines françaises et royales. J'ai hésité tout au long de ma lecture, je n'ai pas réussi à me forger une véritable opinion. Pour moi, ceci dit, Jean de Bourbon, s'il a existé, n'était peut-être pas exactement celui pour qui on a voulu le faire passer. François Ier aurait-il laissé en vie un héritier d'un traître et qui plus est en possession de l'un des plus importants apanages du royaume ? Certes, on peut avancer que cet enfant aurait pu naître et présenté comme mort avant d'être discrètement emmené ailleurs. Pour autant, j'ai du mal à croire à la thèse du connétable même si au fond, elle est plausible. Ensuite, qu'un membre de la maison de Bourbon ait quitté la France, puis ait échoué en Inde après bien des épreuves... pourquoi pas, ai-je envie de dire ? Qu'est-ce qui nous permet aujourd'hui de toute façon de confirmer ou infirmer telle ou telle assertion ?
    Cette histoire est en tous cas merveilleuse, merveilleuse dans le sens où elle fait rêver et exerce notre imaginaire. Très vite, j'ai eu envie d'y croire me dire que, peut-être, Louis XIV, s'il n'a pas eu de frère jumeau, a peut-être eu dans ce pays si lointain qu'était alors l'Inde, des cousins, des cousins probablement d'ailleurs plus proche en parenté de saint Louis que lui-même. Pourquoi pas ? Peut-on tout connaître d'une famille, surtout celle des Bourbons, très vaste, aux nombreuses ramifications et, à plus forte raison, à une époque si lointaine ?
    Le Rajah Bourbon est un roman que j'ai pris grand plaisir à découvrir, même si je l'ai moins aimé que mon premier Michel de Grèce, que j'avais trouvé plus riche et complet et plus enlevé, surtout. Entre roman historique pur et enquête, Le Rajah Bourbon est un roman qu'il est difficile de situer dans une case. Pour autant, je ne doute pas qu'il saura intéresser les amateurs du genre et tout lecteur un tant soit peu curieux.
    Je recommande

    En Bref :

    Les + : une intrigue surprenante et intéressante, bien traitée par l'auteur, entre récit historique, conte oriental et enquête. 
    Les - : quelques passages qui s'essoufflent...


    4 commentaires
  • « Je ne suis pas innocent.Nous transportons tous le fardeau de notre passé,mais ce n'est pas aux autres de l'exploiter. »

    Les Larmes de la Liberté ; Kathleen Grissom

     

    Publié en 2016 aux Etats-Unis ; en 2017 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Glory over Everything: Beyond The Kitchen House

    Editions Charleston 

    464 pages

    Résumé :

    En 1810, James Pyke, 13 ans, fils d'un planteur et d'une esclave, fuit sa Virginie natale. Vingt ans plus tard, le jeune homme, qui a toujours caché le secret de ses origines, a intégré la haute société de Philadelphie et vit une passion avec une ravissante aristocrate, Caroline. Mais celle-ci tombe enceinte et, rapidement, son père menace James. 
    C'est alors que Pan, serviteur et petit protégé du jeune homme, est enlevé et vendu comme esclave en Caroline. James décide de partir à sa recherche. Pourtant, dans cette Amérique sudiste impitoyable, il sait que sa tête est toujours mise à prix. Parviendra-t-il à sauver Pan au péril de sa vie ? Retrouvera-t-il Caroline, son grand amour et la mère de son enfant ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Jusqu'à présent, je n'ai jamais été déçue par les éditions Charleston et Les Larmes de la Liberté ne dérogent pas à la règle ! Si un jour un livre Charleston me déçoit, ce ne sera sûrement pas celui-là, que j'ai trouvé aussi bon que La Colline aux Esclaves, voire encore meilleure.
    Ma rencontre avec Kathleen Grissom date de décembre 2016, quand j'ai lu La Colline aux Esclaves, livre ajouté à ma PAL quelques mois plus tôt, un peu par hasard, j'avoue, ne connaissant rien de cette auteure canadienne installée en Virginie dans une ancienne plantation, qui lui a inspiré son roman : j'avais trouvé la démarche de l'auteure, expliquée à la fin du roman, extrêmement sincère et authentique et cela m'avait encore plus donné envie, si cela est possible, de lire son autre roman. J'ai aimé cette histoire qui se passe sur la plantation de Tall Oakes, en Virginie, entre la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème. Le roman se terminait sur une ouverture, annonçant déjà Les Larmes de la Liberté et, évidemment, j'ai été ravie de constater, quelques temps après avoir terminé cette lecture, qu'elle possédait une suite, dans laquelle le personnage de Jamie serait le héros.
    Le roman s'ouvre donc en 1830, à Philadelphie : James Burton a trente-trois ans. Bel homme, il possède une belle maison mais aussi l'importante orfèvrerie Burton, dont il a hérité à la mort de son père adoptif. Mais James est aussi un artiste de talent, qui n'aime rien tant qu'immortaliser les oiseaux. Son talent lui ayant ouvert les cercles les plus étroits de la bourgeoisie de Philadelphie, James rencontre un jour la très jolie Caroline Cardon, victime d'un mariage arrangé et malheureux et qui tombe amoureuse du beau et mystérieux orfèvre. Mais cette liaison interdite menace de faire ressortir le passé de James, qu'il s'est appliqué à dissimuler, au prix de beaucoup d'efforts et de détermination. Mais le jour où un de ces serviteurs, le jeune Pan, auquel il s'est très attaché, disparaît, enlevé par des marchands d'esclaves pour être vendu, les certitudes de James vacillent et, malgré la relative sécurité dont il jouit à Philadelphie, il est prêt à se mettre en danger pour sauver le jeune garçon. James quitte alors sa vie confortable et sans histoires pour la Caroline du Nord, où l'enfant a été emmené.
    Si vous avez lu La Colline aux Esclaves, vous savez quelle est l'ascendance de Jamie, noir par sa mère et blanc par son père. Blanc de peau, James a pu se construire une existence en apparence normale mais qui pourrait voler en éclats si on apprenait que sa mère est une esclave noire, dans un pays où l'esclavage est répandu, admis et qui constitue la base de l'économie des États du Sud. Et si, à trente ans de la Guerre de Sécession, il existe déjà des opinions divergentes, il n'est pas encore question de remettre en cause le système des plantations et de l'esclavage.
    Le bon ressenti que j'avais déjà éprouvé il y'a un an et demi à la lecture de La Colline aux Esclaves s'est vérifié aussi. Encore une fois, j'ai trouvé que l'auteure abordait un sujet vraiment pas simple avec beaucoup d'adresse. On est d'accord, traiter de l'esclavage dans un roman, c'est assez casse-gueule. Voilà un épisode de l'Histoire qu'il convient de prendre avec prudence afin d'éviter l'écueil du manichéisme, de la diabolisation et de la fausse pitié et qui est particulièrement brûlant : il n'y a qu'à voir la polémique créée l'an dernier après qu'on ait évoqué le retrait de statues de Robert Lee, général sudiste de la Guerre de Sécession.
    Mais, pour en revenir aux romans, justement, j'avais trouvé que La Colline aux Esclaves était un récit tout en nuances et Les Larmes de la Liberté l'est aussi. Kathleen Grissom aurait pu céder à la facilité en nous livrant un roman avec les pauvres esclaves noirs asservis et les méchants maîtres blancs, violents, inhumains et maltraitants. Eh bien, non. Tous les Blancs n'étaient pas propriétaires d'esclaves et partisans de l'esclavagisme et beaucoup de Noirs sont entrés en résistance, malgré les risques encourus, quittant les plantations et s'installant dans une vie clandestine. Tous les propriétaires d'esclaves ne les traitaient pas mal non plus. Cela dit, l'auteure décrit assez bien le cynisme et la froideur assez effrayante d'une société considérant des hommes comme du bétail, dont on peut disposer à l'envi. Les Larmes de la Liberté reflète bien ce que devait être le Sud esclavagiste au début du XIXème siècle, une société bancale mais qui ne se remet pas pour autant en question et qui, il faut bien l'avouer, en profite : les abus des régisseurs, les sévices, la peur, ne sont certainement pas de l'invention. Mais il existait aussi des Blancs qui aidèrent les Noirs à fuir, ou à devenir libres, comme les communautés quakers, motivées par leurs convictions religieuses. J'ai vraiment aimé que l'auteure fasse preuve d'autant d'objectivité, sans passer sous silence les horreurs qui avaient lieu dans les plantations mais sans mettre aussi tout le monde dans le même panier, un peu comme l'a fait Sarah McCoy dans Un Goût de Cannelle et d'Espoir.
    Un peu déçue au départ de ne pas retrouver Lavinia, l'héroïne de La Colline aux Esclaves, arrivée toute petite à Tall Oakes en 1791 de son Irlande natale, et que l'on quitte en 1810 alors qu'un tragique événement est en train d'anéantir la plantation des Pyke, je me suis finalement vite rendu compte que Jamie était un personnage attachant. Élevé par sa grand mère dans l'hostilité envers les Noirs, écartelé entre ses deux ascendances, qu'il rejette toutes deux pour diverses raisons, Jamie est fragile mais courageux. Je l'ai tout de suite beaucoup aimé, j'ai vraiment perçu son charisme. Jamie Burton est un de ces personnages qui en impose.
    J'ai beaucoup aimé que Les Larmes de la Liberté se distingue aussi de son prédécesseur, sans s'en émanciper totalement pour autant. J'ai apprécié que les rappels à La Colline aux Esclaves soient relativement subtils, permettant ainsi de lire Les Larmes de la Liberté comme un roman indépendant. Mais l'ambiance est la même dans les deux romans, malgré le changement de lieux, d'époque, de personnages. J'ai retrouvé dans ce deuxième roman ce que j'avais aimé dans le premier.
    Les Larmes de la Liberté est une grande fresque historique, qui se déroule dans les paysages grandioses et encore en partie sauvages de la Caroline du Nord et de la Virginie. Mené tambour battant, le roman n'ennuie jamais. On est parfois ému, parfois révolté, parfois terrifié, en même temps que les personnages. J'aime ces romans où le lecteur est vraiment partie prenante de sa lecture. Il n'y a rien de plus frustrant que lorsqu'on reste détaché d'un récit. En tant que lectrice, j'aime me sentir investie et j'aime qu'un récit fasse naître quelque chose, sinon, quel intérêt ?
    Les Larmes de la Liberté fait partie de ces romans que l'on dévore, dont on a envie de savoir la fin et, en même temps, on le referme avec un pincement au cœur, une vraie nostalgie parce qu'on quitte les personnages, parce que, ça y'est, c'est terminé. Ce sont des lectures qui comptent beaucoup dans une vie de lecteur, je crois, ces romans dont on se souviendra longtemps, qu'on a eu de la peine à refermer mais qui, on le sait, resteront comme une merveilleuse expérience de lecture. Pour moi, Les Larmes de la Liberté est de ceux-là, tout comme La Colline aux Esclaves et c'est a vécu beaucoup d'intérêt que je vais suivre l'actualité de Kathleen Grissom, en espérant qu'elle ne s'arrête pas là

    En Bref : 

    Les + : l'intrigue, l'ambiance du roman qui m'a énormément rappelé La Colline aux Esclaves, le style de l'auteur. Je me suis sentie happée par cette lecture. 
    Les - : j'aurais presque aimé que le livre soit plus long ! ^^ Mais est-ce vraiment un point négatif, dans ce cas là ? Je ne crois pas ! 

     


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