• « Quelqu'un a dit que le passé ne meurt jamais, mais à l'inverse c'est le futur qui est déjà mort, terminé. »

    Si Je Reste, tome 2, Là où J'irai ; Gayle Forman

    Publié en 2010 aux Etats-Unis ; en 2011 en France (pour la présente édition) 

    Titre original : Where She Went

    Editions Pocket 

    236 pages

    Second tome de la saga Si Je Reste 

    Résumé : 

    Il y'a trois ans, il l'a suppliée de rester. A tout prix. Et Mia est sortie du coma. Pour quitter Portland peu après, pour le quitter lui. C'était le prix à payer. Et la voilà de nouveau en chair et en os. Ce soir, le Carnegie Hall est à guichets fermés. Tout New York est venu admirer sa virtuosité au violoncelle. Et Adam s'est glissé dans la salle. Lui, la rock star à la vie dissolue, pourchassé par les paparazzi, il tremble...Souvenirs et mélodies affluent - retrouvailles en si majeur. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Si vous me suivez, vous savez que je ne lis pas beaucoup de contemporaine. Ce n'est pas mon genre de prédilection, loin s'en faut, et lorsque je choisis un livre issu de ce genre, il faut vraiment qu'il y'ait quelque chose qui m'ait interpellée et donné immédiatement envie de le lire.
    Les romans de Gayle Forman font partie de ceux-là, comme ceux de Gilles Legardinier également, par exemple. Il y'avait quelque chose dans Si Je Reste qui m'attirait, même si le sujet en lui-même me faisait un peu peu parce qu'on ne peut pas dire qu'il soit des plus gais. J'ai finalement été séduite par l'histoire, originale et porteuse d'espoir et quand j'ai vu qu'il avait une suite, j'ai trouvé tout à fait normal de lire également Là où j'irai. Pour être honnête, si on ne m'avait pas parlé de ces livres, peut-être ne les aurais-je jamais lus, mais après m'être renseignée, j'avoue qu'ils avaient fait naître en moi cette petite étincelle de curiosité qui était un très bon signe.
    Là où j'irai démarre trois ans après la fin de Si je Reste. Et si, dans le premier roman, la narratrice était Mia, ici, il s'agit d'Adam. La jeune femme est aujourd'hui une violoncelliste renommée, qui a étudié à la Juilliard School de New-York, une école de musique plus que réputée. Il y'a trois ans qu'elle a subi le plus grand drame de toute sa vie et qu'elle a quitté l'Oregon pour tenter de se reconstruire. Derrière elle, elle a laissé sa vie d'avant mais aussi Adam, son petit ami au moment de l'accident celui qui, sur son lit d'hôpital, l'a suppliée, implorée, de rester. Lui-même a aujourd'hui vingt-et-un ans, il est le guitariste d'un groupe de punk-rock au succès sans cesse croissant, Shooting Star. Un jour, par hasard, à New-York, alors qu'Adam se prépare à partir pour Londres avec son groupe et que Mia se produit au Carnegie Hall, ils se retrouvent et c'est alors pour eux le temps des explications, des excuses et des grandes interrogations. Adam se demande s'il est bien fait pour la scène et la notoriété, et, en le retrouvant, Mia fait un salutaire retour sur elle-même.
    Si le premier tome, Si je Reste, avait le mérite d'être original, dès le départ, de part le sujet qui y était traité, celle des EMI ou Expériences de Mort Imminente, qui sont aujourd'hui reconnues par le corps médical sans être pour autant complètement expliquées et comprises. Là où J'Irai est peut-être moins innovant, traitant un sujet un peu plus bateau mais pas moins intéressant pour autant, au contraire. Le roman a cette petite touche américaine qui plaît tant, ce langage châtié, qu'on retrouve dans Si je Reste, qu'on retrouve aussi dans Nos Etoiles Contraires, par exemple. Et il est porteur d'un formidable espoir également. Mia et Adam sont terriblement attachants et proches des lecteurs, surtout parce qu'ils ont sensiblement le même âge que ceux qui sont susceptibles de lire le roman mais aussi des questionnements et des réflexions qui peuvent animer chacun d'entre nous. Chacun, au moment où se déroule l'intrigue, se trouve en quelque sorte à une croisée des chemins : Mia est une musicienne virtuose mais elle n'a pas encore réussi à surmonter complètement le drame qui a bouleversé sa vie trois ans plus tôt et on comprend pourquoi. Elle affecte d'être forte et indestructible pour cacher les failles qui la déchirent encore. Adam, rock star adulé, en a assez de la célébrité et des inconvénients qui lui sont inhérents. En se retrouvant tous deux après une rupture inexpliquée, c'est à leur passé commun et à leurs souvenirs qu'ils doivent faire face et j'ai aimé la façon dont Gayle Forman traite son sujet, sans mièvrerie et, au contraire, avec beaucoup de justesse : la souffrance de la rupture, la puissance de l'amour, la frustration, le deuil sont relatés avec un style net, des phrases touchantes sans en être dégoulinantes de bons sentiments pour autant. Là où J'irai, sans me faire pleurer, m'a souvent beaucoup émue. J'ai trouvé que l'auteure mettait dans la bouche de Mia, pour expliquer sont traumatisme, des phrases très justes, très belles et émouvantes dans leur pudeur digne. Quant au personnage d'Adam, il est pour l'auteur le moyen de montrer l'humain que l'on trouve derrière les façades de la célébrité et il se révèle un personnage extrêmement touchant dans ses faiblesses mêmes. Après avoir celui qui soutenait dans Si je Reste, il se trouve à son tour confronté à des revers, difficilement comparables à ceux qui ont touché Mia mais qui restent des bouleversements majeurs pour lui et l'amènent finalement à tout remettre en question. En filigrane, le message de l'auteur c'est aussi que la notoriété, la stabilité financière, font rêver mais n'en sont pas pour autant des éléments indispensables pour être heureux, au contraire. A Adam il manque quelque chose pour être complet et ce quelque chose, c'est Mia.
    J'ai autant aimé Là où J'irai que Si je Reste, je l'ai lu en quelques heures et n'ai pas pu le lâcher une fois que j'y ai fourré le nez ! Je vous conseille cette petite saga, particulièrement intéressante et émouvante. Une lecture très agréable et porteuse d'un formidable élan d'espoir et d'optimisme. On ressort de cette lecture en se disant que tout est possible. Vraiment tout.

    En Bref :

    Les + : une histoire très touchante, des personnages très attachants. Un sujet bien traité par une auteure talentueuse.
    Les - : Aucun bien sûr ! ! 


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  • « Je n'ai jamais eu de raisons de m'endurcir suffisamment pour affronter ce qui m'attend si je dois rester. »

    Si Je Reste ; Gayle Forman

    Publié en 2009 aux Etats-Unis ; en 2014 en France (pour la présente édition) 

    Titre original : If I Stay

    Editions Pocket (collection Jeunesse) 

    185 pages

    Premier tome de la saga Si Je Reste

    Résumé : 

    Mia a 17 ans. Un petit ami, rock star en herbe. Des parents excentriques. Des copains précieux. Un petit frère craquant. Beaucoup de talent et la vie devant elle.
    Quand, un jour, tout s'arrête. Tous ses rêves, ses projets, ses amours. Là, dans un fossé, au bord de la route. Un banal accident de voiture...Comme détaché, son esprit contemple son propre corps, brisé. Mia voit tout, entend tout. Transportée à l'hôpital, elle assiste à la ronde de ses proches, aux diagnostics des médecins. Entre rires et larmes, elle revoit sa vie d'avant, imagine sa vie d'après. Sortir du coma, d'accord, mais à quoi bon ? Partir, revenir ? Si je reste...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Mia a dix-sept ans et la vie devant elle. Violoncelliste de talent, elle attend les résultats de son audition à une prestigieuse école musicale de New-York. Et puis un jour de février, tout s'arrête pour elle : un malheureux accident de voiture, sur une route de l'Oregon rendue dangereuse par des chutes de neige. Une voiture qui glisse, un choc frontal et puis plus rien...une famille décimée en quelques minutes et une jeune fille qui se retrouve branchée de partout, à lutter sur un lit d'hôpital pour vivre encore un peu...mais si le corps de Mia est plongé dans l'inconscience, l'insensibilité, son esprit, lui, reste extrêmement bien éveillé et lucide. Comme détachée de son propre corps, la jeune fille se voit, allongée aux soins intensifs au milieu de machines qui la maintiennent en vie, sur la table d'opération, au milieu de chirurgiens qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour la sauver, ses proches, qui se relaient auprès d'elle pour lui apporter leur réconfort...et Mia, à mesure que les heures avance et qu'elle comprend tout ce que cet accident a entraîné de drames et de tragédies pour elle, que jamais plus sa vie ne sera comme avant, oscille alors entre vie et mort, attendant le signe déterminant, celui qui la confortera dans l'idée de pencher ou pour l'une ou pour l'autre...

    Chloë Grace Moretz (Mia) dans l'adaptation du roman 


    Si Je Reste est un roman assez atypique et originalement tourné. Bien que son sujet reste tristement banal, Gayle Forman a choisi un parti-pris plutôt intéressant : plutôt que de confier la relation de son intrigue à un narrateur omniscient, ce qui aurait pu être froid et sans âme, elle donne la parole à son héroïne, Mia, mais une Mia qui est pourtant sensée être plongée dans le coma, ce qui lui donne la possibilité d'exploiter alors un sujet original : pour ma part, c'est en effet la première fois que je lis un roman tournant autour des EMI, expériences de mort imminentes. De plus en plus reconnues scientifiquement depuis quelques temps, ces expériences qui jusqu'ici suscitaient beaucoup de questionnements voire n'étaient pas prises au sérieux, ont fini, grâce au nombreux témoignages et à l'ouverture d'esprit de scientifiques qui se sont penchés sur elles pour les étudier, elles sont prises désormais au sérieux et on sait en effet, de façon certaine, sans pour autant pouvoir l'expliquer, que des personnes plongées dans le coma, à la suite d'accidents ou autres, se retrouvent parfois dédoublés, comme si le corps et l'esprit devenaient deux entités bien distinctes et qui ne se commandent plus l'un l'autre. C'est d'ailleurs ce qui arrive à Mia, totalement dématérialisée, incapable de bouger, d'être vue, mais qui suit, minute par minute, tout ce qui lui arrive, depuis l'accident jusqu'au lendemain matin...et ce qu'elle voit lui donne de quoi réfléchir car si son corps est brisé et souffrant, son esprit, lui, reste intact et capable d'analyser, malgré toute l'horreur qu'elle comporte, la situation actuelle, d'où le grand questionnement qui s'impose rapidement à la jeune fille : partir ou rester ? Doit-elle rester pour elle ou pour les autres ? Et si elle choisit de vivre, le pourra-t-elle, sachant qu'elle a laissé derrière elle une vie qu'elle ne retrouvera plus jamais et que rien, jamais, ne sera comme avant ? Doit-elle partir ? Et si oui, alors, qu'est-ce que la mort et y retrouvera-t-elle ceux qu'elle a perdus ? Elle se rend compte également qu'elle a une opportunité, aussi difficile soit-elle, qui n'est pas si souvent octroyée : on lui donne le choix de vivre ou de mourir...le choix est entre ses mains et c'est elle qui doit peser le pour et le contre, la faire pencher du bon côté. Et pour autant que cette opportunité soit terrifiante, Mia prend conscience qu'elle est importante et qu'elle doit choisir au mieux, en prenant bien des choses en compte, mais qu'elle a le choix et que cela est sans prix. Alors, elle se repasse tout le film de sa jeune vie, se souvenant des bons comme des mauvais moments...ainsi, le roman alterne entre le récit de la Mia dématérialisée, qui erre près de son corps dans les couloirs de l'hôpital et les souvenirs de la même jeune fille, qui remonte loin pour se rappeler de ses premiers émois pour la musique, la naissance de son petit frère, sa rencontre avec son petit ami, Adam et avec Kim, sa meilleure amie...comme si se rappeler ainsi pouvait en quelque sorte lui permettre de choisir et surtout, de choisir la bonne option. Car il s'agit là d'une question plus qu'importante : est-on en effet compétent pour décider de la vie et de la mort ?


    J'ai trouvé ce roman intéressant, bien écrit, fluide, malgré les nombreux flash-backs. Il est en effet important de découvrir ainsi Mia pour pouvoir s'attacher avec elle, créer une réelle empathie avec cette jeune fille. Bien sûr, le début est suffisamment violent, l'accident suffisamment tragique pour nous donner envie de devenir un soutien de Mia, proche d'elle en quelque sorte. Mais on s'attache d'autant plus à elle qu'elle nous dévoile bien des aspects de sa vie et nous incite finalement à en faire partie...l'idée de départ était aussi très originale, comme je l'ai déjà dit, et surtout, bien exploitée par l'auteure. Peut-être aurait-elle pu exploiter d'autres pistes mais la façon pudique dont elle raconte son histoire, tout en y insufflant émotions et sentiments, reste juste et convaincante. Roman jeunesse cependant très mâture, il peut s'adresser à un public bien plus large, un peu comme Nos Etoiles Contraires, car leurs sujets restent relativement universels. D'ailleurs, les deux duos qui animent les deux intrigues, Mia / Adam et Hazel Grace / Gus se ressemblent énormément par bien des aspects : ce sont des jeunes gens qui croquent la vie et se retrouvent soudain confrontés à quelque chose -l'accident ou la maladie- qui remet tout cela en question de façon irrémédiable. La seule différence est que les deux héros de Nos Etoiles Contraires n'ont pas le choix alors que Mia l'a, malgré tout ce que cela peut avoir d'angoissant et qui lui est encore laissé la possibilité d'influencer son existence.
    J'ai été très surprise par la teneur de ce roman, bien qu'il soit court et par toute la réflexion qui en découle. C'est un roman juste et fort, qui implique instantanément car on ne peut que se sentir concerné malgré tout. Ce qui arrive dans ce roman arrive malheureusement bien trop souvent dans la vie et partout dans le monde...bref, ma surprise a été très agréable ! J'ai été très vite captée par le roman et je dois dire que j'en sors avec un avis très positif. Et je pense maintenant que je lirai la suite sans hésitation.

     

    En Bref :

    Les + : un parti-pris de départ original, un style clair et fluide qui le sert bien, des personnages attachants.
    Les - : Aucun. 

     




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  • « La première fois que vous vous apercevez à travers les yeux d’une personne comme celle-là, c’est un instant terrifiant. C’est comme vous entrevoir dans un miroir devant lequel vous passez chaque jour de votre vie, et soudain il vous renvoie autre chose, une image troublante et étrange. »

    Auprès de moi toujours ; Kazuo Ishiguro

    Publié en 2005 en Angleterre ; en 2011 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Never Let Me Go

    Editions Folio

    441 pages

     

    Résumé :

    Kath, Ruth et Tommy ont été élèves à Hailsham dans les années quatre-vingt-dix ; une école idyllique, nichée dans la campagne anglaise, où les enfants étaient protégés du monde extérieur et élevés dans l’idée qu’ils étaient des êtres à part, que leur bien-être personnel était essentiel, non seulement pour eux-mêmes, mais pour la société dans laquelle ils entreraient un jour. Mais pour quelles raisons les avait-on réunis là ? Bien des années plus tard, Kath s’autorise enfin à céder aux appels de la mémoire et tente de trouver un sens à leur passé commun. Avec Ruth et Tommy, elle prend peu à peu conscience que leur enfance apparemment heureuse n’a cessé de les hanter, au point de frelater leurs vies d’adultes.

    Kazuo Ishiguro traite de sujets qui nous touchent de près : la perte de l'innocence, l'importance de la mémoire, la valeur que chacun accorde à autrui. Ce chef-d'oeuvre d'anticipation raconte une histoire d'humanité et d'amour dans l'Angleterre contemporaine. Il est appelé à devenir le classique de nos vies fragiles. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Ce livre m'a été prêté par une amie qui me l'a présenté un peu de cette façon : « Je n'avais pas aimé le film, mais j'ai été emballée par le livre. Tu verras, c'est assez particulier...en fait, c'est l'histoire de jeunes pensionnaires, en Angleterre, ils vivent dans des conditions idylliques dans un bel endroit et puis...on finit par apprendre qu'ils ne sont peut-être pas là par hasard...enfin bref, je peux pas trop en dire, sinon je vais te dévoiler quelque chose que je ne devrais pas ! ! »
    Et je trouve, maintenant que je l'ai lu, qu'elle a très bien résumé Auprès de moi toujours. En effet, ce genre de livre, comme Le Confident, chroniqué sur ce même blog il y'a quelques jours, est un véritable casse-tête ! Comment écrire une chronique sans rien dévoiler qui puisse empêcher un lecteur de découvrir cette lecture ? Comment faire pour cependant le présenter au mieux et livrer tout de même mon avis profond sur ce roman.
    La première chose que je dirais, c'est que ce roman a été une grosse claque. Percutant, choc, dérangeant, Auprès de moi toujours m'a tourné dans la tête tout le temps de ma lecture. Et même ensuite, je dois dire que ce n'est pas le genre de lecture dont on se débarrasse comme ça. Vite lu, vite oublié n'est sûrement pas un dicton littéraire à appliquer à ce roman car ce n'est absolument pas le cas. Et je pense que cela arrive que l'on ait aimé le bouquin ou non. On ne peut pas en ressortir avec indifférence, quoi qu'on ait pensé ensuite du livre en lui-même.
    Nous sommes donc à la fin des années quatre-vingt-dix, quelque part en Angleterre -nous ne savons pas exactement où. Le pensionnat d'Hailsham, beau bâtiment de briques rouges est perdu dans un cocon de verdure, de prairies et de bois et offre ainsi aux élèves qui le peuplent un cadre de vie idéal. Les enfants qui y sont pensionnaires y font leur apprentissage de leur plus tendre enfance jusqu'à l'adolescence, où ils vont, après une période de deux années passée à se familiariser avec leur future existence, découvrir le vaste monde, ce qui ne se fera pas sans mal car ils ont été plus que protégés depuis leur enfance par les personnes en charge de leur éducation et qu'ils appelaient gardiens. Car on se rend vite compte, à la lecture de ce livre, que ces élèves ne sont pas comme tous les autres et qu'ils portent en eux une vérité extrêmement dérangeante et à laquelle, d'ailleurs, l'auteur nous prépare doucement. C'est à travers les yeux de Kathy H., trente-et-un ans, ancienne pensionnaire d'Hailsham que l'on comprend petit à petit ce que sont réellement les enfants d'Hailsham et quelle est aussi leur place réelle dans le monde. Un monde qui a besoin d'eux mais qui s'arrange aussi pour faire comme s'ils n'existaient pas.
    Auprès de moi toujours est un roman dérangeant. Très dérangeant, même et qui procure une drôle de sensation au lecture car il est finalement très plausible. Toute l'histoire, basée sur une description de l'Angleterre contemporaine, entre la fin des années quatre-vingt-dix et nos jours, serait somme toute assez banale sans cette particularité des enfants d'Hailsham qui constitue aussi toute la trame du roman. Ces enfants apprennent, jouent au foot, s'aiment et se détestent, se disputent et nouent des amitiés. Ils connaissent des hauts et des bas, des joies et des peines...comme tout le monde en fait.

    Ruth (Keira Knightley) , Kathy (Carrey Mulligan) et Tommy (Andrew Garfield) dans le film tiré du livre (2010)


    Et plus il est plausible, ce roman, plus il est dérangeant et ainsi de suite...c'est un engrenage vicieux qui s’amorce dès que l'on a compris de quoi il en retourne. Et on comprend aussi pourquoi ce roman d'Ishiguro est classé dans la catégorie Littérature de l'imaginaire ou est considéré comme un roman d'anticipation, au même titre que Le Meilleur des Mondes, d'Aldous Huxley ou encore 1984, de George Orwell, ce que le résumé, en lui-même, ne laisse pas transparaître, et pour cause. Ce roman nous questionne intimement sur notre condition d'être humain, sur l'éthique, la morale et donc, sur le malaise que cette conscience aiguë de notre humanité peut faire naître quand nous sommes soudain confrontés à des manipulations qui dépassent notre entendement.
    Pour ce qui est ensuite du roman dans son ensemble, je dois dire que j'ai été très agréablement surprise, tant par les personnages que par le style. Certains lecteurs n'ont pas aimé les personnages qui étaient trop creux à leur goût ou pas assez travaillés mais moi j'ai trouvé au contraire qu'ils étaient tous très aboutis, avec des caractères et des psychologies personnels et bien traités ; Ishiguro s'interroge avec beaucoup de justesse et de pudeur sur le sentiment amoureux, l'amitié, l'importance des autres dans notre vie, sur la solitude, notamment au travers de trois personnages qui se démarquent des autres : Kathy H, donc, la narratrice et ses deux amis d'enfance, Tommy et Ruth.
    Enfin, pour ce qui est du style, je dois dire que j'ai vraiment savouré les mots, et même si j'ai préféré la première partie, consacrée essentiellement aux souvenirs de Hailsham, j'ai été très vite séduite par le style de l'auteur, que je ne connaissais pas du tout. Alternant entre des passages plus oraux et d'autres écrits de façon un peu plus littéraire, le livre s'articule bien et se lit facilement, malgré les nombreux retours en arrière, les souvenirs qui, soudain, viennent émailler le récit de Kathy.
    Je dois dire que j'ai vraiment apprécié ce roman, même si j'ai été très effrayée quand j'ai compris de quoi il en retournait réellement. Mais je suis allée jusqu'au bout et je ne regrette pas car ce roman fait partie de ceux qui nous font aussi nous sentir incroyablement vivant et heureux aussi de notre condition, quand on y réfléchit. Car ce que nous raconte Ishiguro est plausible et si vraisemblable que l'on peut aisément imaginer que Auprès de moi toujours, bien qu'écrit dans le passé -un passé proche ceci dit-, pourrait être l'un des aspects de l'avenir du monde. Profitons alors de ce que l'on a. Une belle lecture qui choque, mais qui fait réfléchir et que je conseille.

    En Bref :

    Les + : une histoire à la teneur certaine malgré son côté choquant, des personnages bien traités, un style agréable à lire et à découvrir.
    Les - : Aucun !
     

     

     


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  • « Les confidences sont une marque d'amour ou d'amitié à manier avec dextérité. »

    Le Confident ; Hélène Grémillon

    Publié en 2012

    Editions Folio

    311 pages

    Résumé :

    Camille vient de perdre sa mère. Parmi les lettres de condoléances, elle découvre un étrange courrier, non signé. Elle croit d'abord à une erreur mais les lettres continuent d'arriver, tissant le roman de deux amours impossibles, de quatre destins brisés. Peu à peu, Camille comprend qu'elle n'est pas étrangère au terrible secret que cette correspondance renferme. 

    Dans ce premier roman sur fond de Seconde Guerre Mondiale, Hélène Grémillon mêle de main de maître récit historique et suspense psychologique. 

    Le Confident a obtenu cinq prix littéraires et été traduit en vingt-sept langues. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1975, Camille, jeune éditrice parisienne de trente-cinq ans, perd sa mère. Cette perte-là, extrêmement douloureuse en elle-même, on s'en doute, s'accompagne pour la jeune femme d'une certaine remise en question, d'une certaine introspection, d'autant plus que son existence est en train de subir de grands bouleversements. Et voilà que, dans le flot de courriers de condoléances qu'elle reçoit après ce drame, une lettre, pas signée, qui ne lui est pas vraiment adressée mais qu'elle pressent pourtant lui être destinée, lui parvient. Une lettre, puis deux, puis trois...D'abord, Camille croit à une idée audacieuse d'un auteur, qui n'aurait trouvé que ce moyen pour être lu. Mais petit à petit, elle se rend compte que cette histoire, sombre et poisseuse, que le narrateur inconnu lui conte, lettre après lettre, n'est pas un roman mais bien une histoire vraie, qui eut lieu un peu plus de trente ans auparavant, pendant la guerre.
    Et cette histoire, Camille s'en rend compte rapidement, pourrait bien avoir un rapport avec elle et ses origines...
    Ce premier roman d'Hélène Grémillon est magistral. Quelle fougue ! Quelle histoire ! Quelle claque ! Je pense qu'on ne ressort pas indemne d'une telle lecture, qui ne peut en aucun cas nous laisser indifférent. Très vite, on est happé par cette histoire, on la découvre en même temps que Camille et, avec elle, on assiste à la lente destruction de son existence jusqu'ici sans histoires. Camille avait jusque là, comme tout le monde, des parents, un frère, pas de petit ami mais un homme partageant sa vie en dilettante. Aimant son métier, elle s'y était jetée à corps perdu. Jusque là, que du très banal...elle va se rendre compte pourtant, grâce à cette personne qui lui écrit, qu'elle ne connaît pas mais qui, elle, semble la connaître -et connaître des personnes de son passé-, que tout n'est pas si facile. Tout n'est jamais tout blanc ni tout noir et même les meilleures familles peuvent aussi couver en leur sein le poison mortel du secret.
    Le Confident est ce genre de roman qu'on adore, ou pas, mais duquel on ressort complètement bouleversé et chamboulé, avec une drôle de sensation et un grand besoin de légèreté pour se sortir cette histoire lourde et sordide de la tête...et en même temps, il est extrêmement difficile d'en parler parce qu'on risque à tout moment d'éventer l'intrigue -et peut-être la résolution de l'énigme-, ce qui serait dommage pour les lecteurs qui voudraient se lancer dans ce roman. Tout ce que je peux dire, c'est que ce roman a été un coup de cœur comme je n'en ai pas eu depuis longtemps. Et pourtant, comme je me suis sentie mal à l'aise en le lisant, presque aussi chamboulée que les différents personnages car le roman va à l'encontre de notre morale la plus instinctive. La maternité, un autre sujet intrinsèquement lié à l'être humain, est aussi au centre du récit ; la maternité et surtout la douleur et la folie que peut engendrer, chez une femme en mal d'enfant et ne pouvant tomber enceinte, cette stérilité qui est vue comme une tare, une chose dont on est pas responsable en soi mais dont on le devient sous les yeux des gens qui jugent et qui font alors naître une honte douloureuse et insupportable. On se rend compte, dans Le Confident, de la lente destruction que peut entraîner dans une existence l'absence d'un enfant fermement désiré. Une existence ou des existences, car, comme pour une personne qui est accro à l'alcool ou aux drogues et qui impose cette addiction et sa souffrance à ses proches, le désir d'enfant, quand il n'est pas assouvi et se trouve donc frustré, devient une épée de Damoclès, une ombre planante et menaçante sur le couple, qui vacille, chacun se recroquevillant sur sa douleur, ses doutes et sa culpabilité. Et on se rend compte ce qu'un tel désir, inné chez certains, peut faire de mal quand la raison n'est pas suffisamment forte pour le surmonter. On peut alors basculer dans une folie grégaire dans laquelle les lois et les valeurs n'ont plus lieu d'être. On devient alors une personne qui n'est plus doué d'un esprit raisonné et raisonnable mais un être dont l'animalité prime et qui ne réfléchit plus avec sa tête mais avec ses pulsions, quitte à entraîner alors dans une spirale infernale tous ceux qui se trouvent à proximité. Et la tension monte crescendo et devient de plus en plus insoutenable à mesure qu'approche le dénouement...
    Au-delà de cet aspect psychologique du roman, j'ai beaucoup aimé les solides bases historiques sur lequel il s'appuie. Une bibliographie est même proposée à la fin du roman, qui permet de nous rendre compte que l'auteure s'est renseignée autant sur les institutions, que sur la chronologie ou la vie quotidienne à l'époque. Et je ne sais pas si c'est la tension que l'on ressent tout au long du roman, mais on ressent avec bien plus d'acuité, dans Le Confident, que dans tout autre roman, la violence et l'horreur de la débâcle de 1940 et de l'exode. Pourtant, il y'en a des romans, qui traitent du même sujet. Tout un tas. Mais jamais on ne frémit avec autant de dégoût à la description des horreurs qui accompagnèrent l'attaque allemande sur la France le 10 mai 1940 puis la fuite des populations du nord vers le sud.  
    Le Confident c'est aussi un roman aux qualités littéraires indéniables, un de ces romans au style si plaisant, que l'on s'en délecte, littéralement. Les mots coulent d'une façon si fluide de la plume d'Hélène Grémillon...et elle passe d'un style à un autre, jonglant avec les tournures de phrases et les langages. Ainsi, on passe d'un langage brut et oral -Camille, par exemple-, à des phrases plus littéraires, écrites, bien tournées, comme celles des différents autres narrateurs. Et le mieux, c'est qu'il n'y a aucune fausse note ! Le livre s'articule parfaitement autour de cette alternance de styles, passant d'un verbe haut et presque gouailleur à une écriture plus posée et linéaire, comme une voix-off de cinéma

    On ressort donc de cette lecture époustouflé à bien des égards mais aussi admirateur du talent certain d'une auteure prometteuse.

    En Bref :

    Les + : une histoire sordide et poisseuse mais menée avec brio.
    Les - : une chronologie parfois un peu confuse. 

     

    Adieu, mon Unique ; Antoine Audouard

    Coup de cœur 


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  • « Les histoires sont le meilleur moyen d'élever la vie au-dessus de la médiocrité du quotidien. »

    Complètement Cramé ! ; Gilles Legardinier

     

    Publié en 2014

    Editions Pocket

    425 pages

    Résumé :

    Lassé de tout, Andrew Blake quitte l'Angleterre et se fait embaucher comme majordome en France, au domaine de Beauvillier. Confronté à de surprenantes personnalités -sa patronne, Odile la cuisinière, Manon, ou encore Philippe le régisseur-, lui qui croyait en avoir fini avec l'existence va être obligé de tout recommencer. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    A soixante-six ans, Andrew Blake, industriel anglais, a l'impression d'avoir fait le tour de sa vie et que son existence se trouve derrière lui. Il n'a plus d'avenir ou du moins, c'est ce qu'il pense. Prenant de l'âge, il se rend compte de la fragilité et de la fugacité de la vie mais ne l'en aime pas plus. Sa fille, adulte, est mariée et vit de l'autre côté de l'Atlantique et il est veuf depuis des années. Autant dire qu'à part ses amis, peu de choses remplissent sa vie. Même l'usine de son père, dont il a ensuite repris les rênes, ne parvient plus à le détourner de ses idées noires.
    Andrew décide alors de faire quelque chose de radical, d'insensé, mais qui pourrait aussi le sauver...il décide de changer complètement de vie et, grâce à la complicité de l'un de ses plus vieux amis, il trouve une place de majordome dans un digne et respectueux manoir français. Perdu quelque part dans la campagne française -on ne sait pas où-, la vieille maison abrite une veuve, Madame Beauvillier, qui tente comme elle peut de sauver le domaine de son mari malgré sa situation financière un peu précaire. A côté d'elle vivent les membres de son personnel, qui vont donc devenir les collègues d'Andrew : Odile, la cuisinière, pas beaucoup plus jeune que lui et à qui la vie n'a pas non plus fait de cadeaux, Philippe, le régisseur, qui cache sous des dehors bourrus et un peu brutaux une tendresse et un cœur gros comme ça et Manon, la petite femme de chambre, amoureuse et qui aspire à devenir institutrice...C'est au milieu d'eux, en apprenant à aimer leurs qualités comme leurs défauts, leurs travers et leurs failles, qu'Andrew reprend goût à une vie qu'il ne croyait plus mériter.
    Dans la veine de Demain, j'arrête ! ou encore, Ca peut pas rater !, Complètement Cramé ! est un roman très drôle -on rit beaucoup au cours de la lecture et surtout, on rit franchement-, mais aussi touchant à bien des égards...Si le personnage d'Andrew Blake est un peu plus compliqué à aborder au premier abord que des personnages comme Julie Tournelle ou encore Marie Lavigne, les héroïnes de Demain, j'arrête ! et Ca peut pas rater !, on se rend compte rapidement de l'étonnante qualité d'un personnage comme celui-ci. Si on se retrouve, nous lectrices, dans les personnages féminins extrêmement ciselés de Legardinier, on trouve aussi dans un Andrew Blake, qui sort un peu de la norme, du moins pour ce qui est des romans de l'auteur, une figure tutélaire qui peut nous faire réfléchir sur notre propre existence, de part celle qu'il a menée, d'une part mais aussi grâce aux conseils qu'il dispense, tout au long du roman, à la jeune Manon, jeune femme pétrie de doutes et de rêves. Comédie extrêmement bien réussie, Complètement Cramé ! alterne entre des moments très touchants, émouvants, du moins qui peuvent faire réfléchir chacun d'entre nous et des passages complètement loufoques mais tellement drôles.
    Certains ne sont pas complètement vraisemblables mais c'est justement ce qui fait la force comique de ce roman. Son autre force, c'est la subtilité de l'auteur, son humour tout en finesse, qui apporte beaucoup au roman, sans l'alourdir. Il y'a de l'humour qui n'est pas drôle ou qui finit par être barbant à force d'en faire des caisses. Ce n'est pas le cas dans les romans de Legardinier, qui sont toujours drôles sans en faire trop non plus. En même temps qu'Andrew, on apprend à connaître et à apprécier son nouvel environnement et même si, au manoir, de madame Beauvillier à son personnel, tout le monde est un peu scotché, ils ont aussi tous un petit quelque chose qui fait qu'on ne peut pas ne pas s'attacher à eux et on finit par être autant ami avec eux qu'Andrew, qui découvre que la vie est encore capable de mettre sur sa route des personnes dignes de son intérêt et de son amitié.
    Roman frais et pas prise de tête, je vous conseille Complètement Cramé ! si vous cherchez, dans un même ouvrage, de l'humour mais aussi un soupçon de gravité et de réflexion.

    En Bref :

    Les + : un roman drôle, dynamique et touchant ; un style inimitable et des personnages complètement perchés qui font tout le charme du récit !
    Les - :
    mais aucun bien sûr ! !
     

     


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